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N° 493

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 avril 2012

PROJET DE LOI

autorisant l'approbation de la convention d' extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie ,

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre

Par M. Alain JUPPÉ,

ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes

(Envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 20 juillet 2011, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et son homologue jordanien ont signé, à Paris, une convention d'extradition à l'effet de concrétiser la volonté commune des deux pays, exprimée dès 2007, de se doter d'instruments modernes de coopération dans la lutte contre les phénomènes de criminalité transnationale.

En matière judiciaire, dans le domaine pénal, la France et la Jordanie sont d'ores et déjà toutes deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations unies, en l'occurrence la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes adoptée à Vienne le 19 décembre 1988 et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003.

En marge de ces instruments particuliers, la France et la Jordanie ne sont liées par aucun dispositif conventionnel bilatéral ou multilatéral de coopération judiciaire en matière pénale. Celle-ci s'effectue donc au titre de la réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale.

Désireux d'établir une coopération plus efficace dans le domaine de l'extradition, la France et la Jordanie ont souhaité mettre en place un cadre conventionnel spécifique et pérenne en ce domaine.

À cette fin, l'article 1 er pose l'engagement de principe des parties de se livrer réciproquement toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'une des parties, est poursuivie pour une infraction pénale ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre partie comme conséquence d'une infraction pénale.

L'article 2 porte désignation des autorités centrales appelées à communiquer entre elles par la voie diplomatique, en l'occurrence les ministères de la justice respectifs des deux pays.

L'article 3 détermine les faits donnant lieu à extradition, à savoir ceux punis, selon les lois des deux parties, d'une peine privative de liberté d'au moins un an ou d'une peine plus sévère. En outre, si l'extradition est demandée aux fins d'exécution d'une peine, la durée de la sentence restant à exécuter doit être d'au moins six mois. Dans un souci de bonne administration de la justice, la partie saisie d'une demande d'extradition visant plusieurs faits distincts punis chacun par la législation des deux parties et dont l'un au moins remplit la ou les conditions relatives à la durée minimale de la peine, peut également accorder, à titre accessoire, l'extradition pour les autres faits, fussent-ils punis d'une peine inférieure.

L'article 4 énonce les motifs obligatoires de refus d'extradition. Classiquement, celle-ci n'est pas accordée pour les infractions considérées par la partie requise comme des infractions exclusivement militaires, comme des infractions politiques ou comme des faits connexes à telles infractions. Aux termes du paragraphe 2, n'est cependant pas considérée comme politique, toute atteinte ou tentative d'atteinte à la vie du Président de la République française, de sa Majesté le Roi ou du Prince héritier du Royaume hachémite de Jordanie, ou d'un membre de leur famille. Se trouve également réservé le cas des infractions pour lesquelles les deux parties ont l'obligation, en vertu d'un accord multilatéral, d'extrader la personne réclamée ou de soumettre le cas aux autorités compétentes pour décider des poursuites. Le paragraphe 3 offre également la possibilité à la partie requise de ne pas considérer comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction, tout acte grave de violence dirigé contre la vie, l'intégrité physique ou la liberté des personnes ou tout acte grave contre des biens lorsqu'il a créé un danger collectif pour des personnes. Dans l'appréciation du caractère de l'infraction, la partie requise doit prendre en considération la particulière gravité de celle-ci et, notamment, qu'elle a créé un danger collectif pour la vie, l'intégrité physique ou la liberté des personnes, qu'elle a atteint des personnes étrangères aux mobiles qui l'ont inspirée ou que des moyens cruels ou perfides ont été utilisés pour sa commission.

En son paragraphe 1, l'article prévoit par ailleurs que la remise doit également être refusée lorsque la partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risquerait d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons. L'extradition n'est pas davantage accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans la partie requérante par un tribunal d'exception ou lorsque la remise est sollicitée pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal. La remise doit également être refusée lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans la partie requise, d'un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d'acquittement, d'une amnistie ou d'une mesure de grâce pour l'infraction ou les infractions à raison desquelles l'extradition est demandée. L'extradition est également rejetée lorsque l'action publique ou la peine se trouve prescrite conformément à la législation de la partie requise, les actes effectués dans la partie requérante qui ont pour effet d'interrompre ou de suspendre la prescription étant pris en compte par la partie requise, dans la mesure où sa législation le permet.

L'article 5 traite de la question de l'extradition des nationaux. Classiquement, la remise n'est pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de la partie requise. En cas de refus de remise fondé uniquement sur la nationalité, laquelle s'apprécie à la date de commission de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée, la partie requérante peut demander que l'affaire soit soumise aux autorités de la partie requise afin que des poursuites puissent être éventuellement exercées, la partie requise informant la partie requérante de la suite réservée à sa demande.

L'article 6 liste les motifs facultatifs de refus d'extradition. La remise peut être refusée lorsque la personne se trouve recherchée à raison d'une infraction qui, selon la législation de la partie requise, a été commise en tout ou partie sur son territoire ou en un lieu assimilé ou lorsque les autorités judiciaires de celle-ci ont compétence pour connaître de cette infraction. De même, l'extradition peut être refusée lorsque l'infraction qui fonde la demande a été commise hors du territoire de la partie requérante et que la législation de la partie requise n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire. Elle peut encore être rejetée si la personne réclamée fait l'objet, de la part de la partie requise, de poursuites pour la ou les infractions à raison desquelles la remise est demandée, ou si les autorités judiciaires de celle-ci ont décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu'elles ont exercé pour la ou les mêmes infractions. L'extradition peut par ailleurs être refusée si la personne réclamée a fait l'objet, dans un État tiers, pour l'infraction ou les infractions fondant la demande de remise, d'un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d'acquittement. À titre humanitaire, elle peut également ne pas être accordée si la partie requise estime que la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour cette dernière des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

L'article 7 régit la question de la peine capitale. Si le fait à raison duquel l'extradition est demandée est puni de la peine de mort par la législation de la partie requérante, l'extradition peut n'être accordée qu'à la condition que la partie requérante donne des garanties, jugées suffisantes par la partie requise, que la peine capitale ne sera pas prononcée ou, si elle est prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée.

Les articles 8 et 9 règlent les questions de procédure et de contenu des demandes. Sauf disposition contraire de la présente convention, c'est la législation de la partie requise qui est seule applicable aux procédures d'arrestation provisoire, d'extradition et de transit. Formulée par écrit, la demande d'extradition doit systématiquement être accompagnée d'un exposé circonstancié des faits qui fondent la demande, reprendre l'ensemble des dispositions légales nécessaires à l'examen du bien fondé de la demande et tous les renseignements susceptibles de permettre l'identification formelle et la localisation de la personne réclamée. Selon les cas, la demande doit également comporter l'original ou l'expédition authentique du mandat d'arrêt ou du titre équivalent, ou l'original ou l'expédition authentique du jugement de condamnation exécutoire, outre une déclaration officielle faisant état du quantum de la peine prononcée et du reliquat restant à purger.

L'article 10 prévoit qu'en présence d'informations insuffisantes ou irrégulières, la partie requise sollicite le complément nécessaire ou porte à la connaissance de la partie requérante les omissions ou irrégularités à réparer. La partie requise peut fixer un délai pour l'obtention de ces éléments.

L'article 11 pose le principe selon lequel les demandes d'extradition et les pièces à produire sont rédigées dans la langue officielle de la partie requérante et accompagnées d'une traduction dans la langue officielle de la partie requise. Le texte prévoit également qu'elles doivent être revêtues de la signature et du sceau de l'autorité requérante, leur transmission par la voie diplomatique les dispensant en revanche de toute formalité de légalisation.

Les articles 12 et 13 énoncent la règle traditionnelle de la spécialité et encadrent les réextraditions éventuelles. La partie requérante ne peut en effet tirer profit de la présence de la personne extradée sur son territoire pour la poursuivre, la juger ou la détenir pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l'extradition ou la réextrader vers un État tiers, sauf consentement expresse de la partie requise ou lorsque la personne concernée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante, ne l'a pas fait dans les soixante jours suivant sa libération définitive ou si elle y est retournée de son plein gré après l'avoir quitté. La partie requérante est néanmoins autorisée à prendre les mesures nécessaires en vue de l'éloignement de son territoire ou d'une interruption de la prescription conformément à sa législation, y compris le recours à une procédure par défaut. En cas de modification de la qualification légale de l'infraction pour laquelle une personne a été extradée, cette dernière ne peut être poursuivie ou jugée que si l'infraction nouvellement qualifiée peut donner lieu à extradition conformément à la présente convention, vise les mêmes faits que ceux ayant conduit à la remise et se trouve punie d'une peine d'un maximum identique ou inférieur à celui prévu pour l'infraction fondant la demande d'extradition.

L'article 14 régit la procédure d'arrestation provisoire applicable en cas d'urgence. Transmise par la voie diplomatique, par le canal d'Interpol ou par tout autre moyen laissant une trace écrite, la demande d'arrestation provisoire doit être formulée par écrit, indiquer l'existence d'une des pièces prévus à l'article 9 de la présente convention, mentionner l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée, la date, le lieu et les circonstances de sa commission, ainsi que tous les renseignements disponibles permettant d'établir, la nationalité et la localisation de la personne réclamée et faire part de l'intention d'envoyer par la suite une demande formelle d'extradition.

Les paragraphes 3 à 5 stipulent que les autorités compétentes de la partie donnent aussitôt suite à la demande d'arrestation provisoire, conformément à leur législation, et informent la partie requérante de la suite donnée à la demande. Dans tous les cas, l'arrestation provisoire prend fin si la demande d'extradition ne parvient pas à la partie requise dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l'arrestation de la personne, sans préjudice de la possibilité d'une nouvelle arrestation provisoire et remise de la personne réclamée en cas de réception ultérieure d'une demande d'extradition en bonne et due forme.

L'article 15 règle les hypothèses de concours de demandes, la partie requise devant tenir compte, dans sa décision, de toutes circonstances et notamment de la gravité relative et du lieu de commission des infractions, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d'une extradition ultérieure vers un autre État.

L'article 16 fait obligation à la partie requise d'informer rapidement la partie requérante des suites qu'elle entend réserver à la demande d'extradition, étant précisé que tout refus, total ou partiel, doit être motivé. En cas d'acceptation, les parties conviennent de la date et du lieu de la remise, la partie requise communiquant à la partie requérante la durée de la détention subie sous écrou extraditionnel. Si la personne réclamée n'est pas reçue dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date convenue, elle doit en principe, sauf cas de force majeure, être remise en liberté et la partie requise peut, par la suite, refuser son extradition pour les mêmes faits.

L'article 17 prévoit la possibilité d'ajourner la remise lorsqu'il existe des procédures en cours à l'encontre de la personne réclamée sur le territoire de la partie requise ou lorsqu'elle y purge une peine pour une infraction autre. La remise peut également avoir lieu à titre temporaire lorsque des circonstances particulières l'exigent ou être différée lorsque, en raison de l'état de santé de la personne réclamée, le transfert est susceptible de mettre sa vie en danger ou d'aggraver son état.

L'article 18 fait obligation à la partie requérante, dès lors qu'elle est saisie d'une demande en ce sens de la partie requise, de l'informer des résultats des poursuites pénales engagées contre la personne extradée et de lui adresser une copie de la décision définitive.

L'article 19 traite de la saisie et de la remise de biens. Sur demande de la partie requérante, la partie requise saisit et remet, dans la mesure permise par sa législation, les objets, valeurs ou documents qui peuvent servir de pièces à conviction ou qui, provenant de l'infraction, ont été trouvés au moment de l'arrestation en la possession de la personne réclamée ou qui seraient découverts ultérieurement. Sont par ailleurs prévues l'hypothèse du décès ou de la fuite de la personne réclamée qui ne fait pas obstacle à la remise de tels biens, la possibilité d'une remise temporaire ou conditionnelle des biens et la nécessaire préservation des droits de la partie requise ou des tiers sur lesdits biens.

L'article 20 fixe les règles applicables au transit, par le territoire de l'une des parties, d'une personne qui n'est pas ressortissante de cette partie, remise à l'autre partie, par un État tiers. Ce transit est accordé sur présentation, par la voie diplomatique, de l'un quelconque des documents visés à l'article 9 de la présente convention, à condition que des raisons d'ordre public ne s'y opposent pas ou qu'il ne s'agisse pas d'infractions pour lesquelles l'extradition ne doit pas ou peut ne pas être accordée en application du présent texte. L'article précise également les règles spécifiques applicables au transit aérien.

L'article 21 règle la question de la prise en charge et de la répartition des frais occasionnés par les opérations d'extradition ou de transit.

L'article 22 énonce que le principe selon lequel la présente convention ne porte pas atteinte aux droits et engagements des parties résultant des accords multilatéraux auxquels l'une ou l'autre ou les deux parties sont parties.

Les articles 23 à 25 fixent les modalités de règlement des différends, d'application dans le temps, d'entrée en vigueur et de dénonciation de la présente convention.

Telles sont les principales observations qu'appelle la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie signée à Paris le 20 juillet 2011 qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

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Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie, signée à Paris, le 20 juillet 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi .

Fait à Paris, le 3 avril 2012

Signé : FRANÇOIS FILLON

Par le Premier ministre :

Le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes,

Signé : ALAIN JUPPÉ

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