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N° 516
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 mai 2011 |
PROJET DE LOI
autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d' Anguilla relatif à l' échange de renseignements en matière fiscale ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. François FILLON,
Premier ministre
Par M. Alain JUPPÉ,
ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes
(Envoyé à la commission des finances, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plusieurs années, l'OCDE a fait de la lutte contre la concurrence fiscale dommageable une de ses priorités politiques. Ses travaux visent notamment à promouvoir une transparence accrue des paradis fiscaux. Sous une pression internationale grandissante, certains d'entre eux ont indiqué vouloir coopérer avec les pays membres de l'organisation dans ce domaine.
La France, particulièrement active au sein de l'OCDE sur ce sujet - elle préside le Forum sur les pratiques fiscales dommageables et le groupe chargé de la revue par les pairs au sein du Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations - a engagé des négociations avec plusieurs de ces territoires afin de conclure des accords d'échange de renseignements fiscaux.
Les conclusions de ces accords se sont accélérées au rythme des réunions du G20, les juridictions de la liste grise souhaitant montrer leur bonne volonté à la communauté internationale. Les juridictions se sont également rapprochées de la France à l'annonce par celle-ci d'un projet de mesures internes visant à sanctionner les États non coopératifs.
Le nouvel environnement fiscal international a donc permis à la France de signer un accord d'échange de renseignements avec Anguilla. Un tel contexte a permis de n'accorder aucune contrepartie à cette juridiction.
L'accord a été négocié sur la base du modèle défini par l'OCDE pour ce type d'accords et est donc pleinement conforme aux standards internationaux reconnus en matière de transparence et d'échange d'informations. Il comporte cependant des améliorations par rapport au modèle OCDE, en particulier s'agissant des impôts couverts par les accords, de l'obligation pour les parties de prendre les mesures de nature à garantir la disponibilité des informations et leur propre capacité à y accéder, ou encore des coûts très limités pouvant être mis à la charge de la partie requérante.
Le préambule énonce l'objectif général de l'accord, qui est de faciliter l'échange de renseignements entre les parties.
L' article 1 er définit le champ d'application de l'accord, à savoir l'assistance en matière fiscale par l'échange de renseignements, de manière à aider les parties contractantes à appliquer leur législation en ce qui concerne les impôts visés par l'accord. Un équilibre est établi entre les droits accordés aux personnes par l'État requis et la nécessité d'un échange effectif.
L' article 2 délimite le champ de compétence de l'accord ; il précise en particulier le fait qu'une partie requise n'est pas tenue de fournir des renseignements qui ne sont ni détenus par ses autorités, ni en la possession ou le contrôle - ces deux termes devant être entendus largement 1 ( * ) - de personnes relevant de sa compétence territoriale.
L' article 3 précise que les impôts couverts par l'accord sont l'ensemble des impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des parties ainsi que tout impôt analogue créé après la signature de l'accord. Les impôts visés peuvent également être élargis à tous les autres impôts, d'un commun accord par échange de lettres entre les parties.
L' article 4 énonce, selon l'usage, les définitions nécessaires à l'interprétation des termes utilisés dans l'accord. Il précise, en outre, que tout terme utilisé dans l'accord sans y être défini a, sauf si le contexte exige une interprétation différente, le sens que lui attribue le droit fiscal de la partie contractante appliquant l'accord.
L' article 5 organise les modalités de mise en oeuvre de l'échange de renseignements sur demande. Il énonce la règle générale selon laquelle l'autorité compétente de la partie requise est tenue de fournir des renseignements sur demande aux fins visées à l'article 1 er . Ce renvoi confirme que les renseignements doivent être échangés aussi bien en matière fiscale non pénale qu'en matière fiscale pénale.
Le paragraphe 2 précise qu'une partie contractante devra agir pour obtenir les renseignements demandés et ne pourra pas uniquement s'en remettre aux renseignements en la possession de son autorité compétente. Il dispose en outre que les renseignements doivent être échangés indépendamment du fait que la partie requise ait ou non besoin des renseignements à ses propres fins fiscales.
Le paragraphe 3 prévoit que les renseignements fournis par la partie requise doivent prendre la forme de dépositions de témoins et de copies certifiées conformes aux documents originaux si la partie requérante en fait spécifiquement la demande.
Le paragraphe 4 vise certaines catégories de personnes pour lesquelles les parties contractantes doivent pouvoir obtenir et fournir des renseignements (banques, institutions financières, fiducies, fondations, propriétaires juridiques et bénéficiaires effectifs des sociétés, fonds de placement collectif, etc.). Ce paragraphe ne limite en rien l'obligation générale faite au paragraphe 1 du même article et, même s'il vise des personnes pouvant bénéficier de certains privilèges en droit interne, l'accord indique clairement que ces privilèges ne peuvent pas justifier le rejet d'une demande dans des conditions autres que celles prévues par l'article relatif à la possibilité de rejeter une demande (article 7).
Le paragraphe 5 énumère les informations que la partie requérante doit fournir à la partie requise pour démontrer la pertinence vraisemblable des renseignements demandés.
Le paragraphe 6 prévoit pour la partie requise des délais pour accuser réception de la demande et informer la partie requérante des éventuelles difficultés empêchant l'échange d'informations.
L' article 6 évoque la possibilité pour les parties d'autoriser des représentants de la partie requérante à entrer sur le territoire de la partie requise pour interroger des personnes et pour examiner des documents, avec le consentement préalable et écrit des personnes concernées. Dans cette hypothèse, l'autorité compétente de la partie requise peut assister ou se faire représenter à ces interventions.
L' article 7 précise dans quelles situations une partie requise peut refuser de fournir des renseignements en réponse à une demande.
L' article 8 est relatif à la protection des renseignements reçus d'une autre partie contractante, indispensable à tout dispositif d'échange de renseignements en matière fiscale. Les renseignements doivent être utilisés conformément à l'objet de l'accord, prévu à l'article 1 er . L'accord écrit de la partie requise est indispensable pour toute utilisation autre. Ces renseignements ne peuvent être divulgués qu'aux personnes ou autorités concernées par la détermination, l'établissement, le contrôle et la perception des impôts visés dans l'accord, ainsi que le recouvrement et l'exécution des créances fiscales ou par les poursuites ou les décisions se rapportant à ces impôts. Enfin, ils ne peuvent être communiqués à un autre territoire.
L' article 9 fixe les règles applicables aux frais résultant de l'assistance administrative : les frais ordinaires sont à la charge de la partie requise, et le remboursement des frais extraordinaires par la partie requérante ne constitue qu'une faculté. Ce point est une amélioration par rapport au modèle OCDE.
L' article 10 prévoit que les parties doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l'échange d'informations prévu dans l'accord, c'est-à-dire en rendant l'information accessible, disponible et en mettant en place des mécanismes d'échange d'informations. Le point est également une amélioration par rapport au modèle OCDE.
L' article 11 instaure une procédure amiable destinée à résoudre les éventuelles difficultés issues de l'application ou de l'interprétation de l'accord. Les parties contractantes peuvent également convenir d'autres formes de règlement des différends.
L' article 12 détermine les conditions de l'entrée en vigueur de l'accord, différentes selon que la demande de renseignements porte sur le domaine fiscal pénal ou sur d'autres matières.
L' article 13 prévoit les modalités de dénonciation de l'accord. En cas de dénonciation, les parties restent toutefois liées par les règles de confidentialité prévues à l'article 8 pour les informations obtenues sous couvert de l'accord.
Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d'Anguilla, relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d'Anguilla relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d'Anguilla relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe) signées à Paris le 27 décembre 2010 et à La Vallée le 30 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi .
Fait à Paris, le 11 mai 2011
Signé : FRANÇOIS FILLON
Par le Premier ministre :
Le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes,
Signé : ALAIN JUPPÉ
* 1 Notamment ne pas se limiter aux notions de résidence ou de nationalité de la personne visée.