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N° 69
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 29 octobre 2008 |
PROJET DE LOI
autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire , du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. François FILLON,
Premier ministre
Par M. Bernard KOUCHNER,
ministre des affaires étrangères et européennes
(Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France et la Tunisie ont signé le 28 avril 2008 à Tunis un ensemble comprenant un accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire et deux protocoles d'application, l'un relatif à la gestion concertée des migrations et l'autre en matière de développement solidaire. Ces trois textes forment un tout indissociable.
Cet accord-cadre et ses protocoles s'inscrivent pleinement dans le cadre de « l'approche globale sur les migrations » approuvée par le Conseil européen de décembre 2005 et réaffirmée par celui de décembre 2006, et dans le prolongement de la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement (Rabat, 10 et 11 juillet 2006), de la conférence Union européenne-Afrique sur la migration et le développement (Tripoli, 22 et 23 novembre 2006) et de la conférence euro-méditerranéenne sur les migrations et le développement (Algarve, 18 et 19 novembre 2007), qui ont réaffirmé la volonté de mettre en place un partenariat global entre les pays d'origine, de transit et de destination.
L'ensemble de ces textes conclus entre la France et la Tunisie vise à mettre en oeuvre une vision globale et cohérente des migrations intégrant des préoccupations relatives à l'organisation de la migration légale fondée sur la mobilité et sur l'incitation à un retour des compétences dans le pays d'origine, la lutte contre l'immigration irrégulière et l'établissement d'une coopération visant à favoriser la mise en place d'un modèle de développement au bénéfice du pays d'origine à travers des actions de développement solidaire financées par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
I. - L'accord-cadre rappelle les objectifs et les principes généraux de ce type d'accord. Il énonce l'engagement des deux Parties en faveur d'une gestion concertée de la migration visant à favoriser la circulation des personnes, l'admission au séjour et la réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière et renvoie au premier protocole les modalités de mise en oeuvre de cet engagement ( article 1 er ). Il indique que les deux Parties sont convenues d'asseoir un partenariat privilégié en matière de développement solidaire à travers une coopération multiforme dont les termes et les mesures d'accompagnement sont précisées dans le second protocole ( article 2 ).
L' article 3 prévoit la mise en place d'un comité de pilotage chargé du suivi de l'accord-cadre et de ses protocoles d'application.
Les articles 4 et 5 énoncent les modalités d'entrée en vigueur, de modification, de dénonciation et d'exécution de l'accord-cadre.
II. - Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations s'articule autour de quatre thèmes qui font chacun l'objet d'un article :
L' article 1 er est relatif à la circulation des personnes. Il prévoit que la France s'engage à faciliter la délivrance de visas de circulation notamment aux ressortissants tunisiens qui participent activement aux relations entre la France et la Tunisie et aux personnes qui ont noué des liens professionnels ou familiaux en France et à celles qui sont appelées à y recevoir des soins réguliers.
La France s'engage également à faciliter la délivrance d'un visa de court séjour aux ressortissants tunisiens appelés à effectuer des démarches et des visites à caractère personnel ou juridique en France ou à s'y rendre dans le cadre de la coopération décentralisée et d'activités destinées aux Tunisiens établis en France.
Les demandes de visa présentant un aspect humanitaire feront par ailleurs l'objet d'un traitement bienveillant et diligent.
L' article 2 est consacré à l'admission au séjour. S'agissant de la migration à titre privé et familial, il aligne sur le droit commun le régime de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié par avenants des 19 décembre 1991 et 8 septembre 2000, sur deux points : l'obligation de souscrire un contrat d'accueil et d'intégration prévu par la loi du 24 juillet 2006 et la suppression de la régularisation automatique après dix ans de séjour.
S'agissant des étudiants résidant en France, l'article 2 leur donne accès à l'ensemble des offres d'emploi et de stage disponibles en France. Il accorde à ceux qui ont achevé, dans un établissement français ou dans un établissement tunisien lié à un établissement français par une convention de délivrance d'un diplôme en partenariat international, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle une période de six mois renouvelable une fois pour rechercher un emploi ouvrant droit à une rémunération au moins égale à une fois et demi le SMIC.
À l'issue de cette période, éventuellement prolongée d'une ultime période complémentaire de six mois, les ressortissants tunisiens titulaires d'un emploi ou justifiant d'une promesse d'embauche, peuvent exercer leur activité professionnelle sans que la situation de l'emploi leur soit opposable.
S'agissant de la migration pour motifs professionnels, aux termes de l'article 2, afin de favoriser la mobilité des jeunes, les deux Parties sont convenues d'organiser des opérations de communication pour mieux faire connaître l'accord du 4 décembre 2003 relatif aux échanges de jeunes professionnels. Le nombre de bénéficiaires français ou tunisiens est porté à 1 500 par an et, si la candidature est assortie d'un projet professionnel de retour, la durée d'emploi de dix-huit à vingt-quatre mois.
Les volontaires internationaux en entreprises français bénéficient d'une autorisation de travail et d'un titre de séjour sur production de l'attestation de l'organisme français compétent qui les détache dans une entreprise en Tunisie. Dans la limite de cent, leur nombre est pris en compte dans le cadre de l'accord relatif aux jeunes professionnels et ne s'impute donc pas sur le contingent de quatre cadres expatriés autorisé aux entreprises offshore.
Les deux Parties s'engagent à conjuguer leurs efforts afin de faciliter la délivrance chaque année :
- de la carte de séjour « compétences et talents » valable trois ans et renouvelable une fois, à 1 500 ressortissants tunisiens résidant en Tunisie ;
- du titre de séjour « salarié » prévu par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, à 3 500 ressortissants tunisiens en vue d'exercer sur l'ensemble du territoire l'un des soixante-dix-sept métiers énumérés à l'annexe I sans que soit prise en compte la situation de l'emploi ;
- d'un titre de séjour « travailleur saisonnier » d'une durée de trois ans renouvelable, permettant de travailler jusqu'à six mois en France, à 2 500 ressortissants tunisiens titulaires d'un contrat de travail saisonnier d'une durée minimale de trois mois et qui s'engagent à maintenir leur résidence hors de France.
L' article 3 du protocole traite de la réadmission de personnes en situation irrégulière en précisant notamment que les deux Parties veilleront à ne pas recourir aux rapatriements collectifs et à éviter toute forme d'exploitation médiatique. Les modalités d'identification des nationaux et de délivrance des laissez-passer consulaires sont précisées à l'annexe II du protocole. Les ressortissants d'États tiers ne sont pas visés par ces dispositions.
Le dispositif d'aide au retour volontaire sera proposé aux ressortissants tunisiens qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, étant précisé que la réadmission ne sera pas considérée comme un motif de refus ultérieur d'un visa.
Aux termes de l' article 4 consacré à la coopération opérationnelle technique et financière en matière de lutte contre la migration clandestine, la France s'engage à renforcer les capacités des services tunisiens concernés notamment par un appui en matériels et en équipements de surveillance et de contrôle des frontières et par des actions de formation, les mesures destinées à soutenir les efforts déployés par les autorités tunisiennes devant faire l'objet d'un échange de lettres.
L' article 5 précise que le protocole, conclu en application de l'accord-cadre, entre en vigueur conformément aux procédures prévues par cet accord et en même temps que celui-ci.
III. - Le protocole en matière de développement solidaire régit, comme le précise son article 1 er , les modalités d'exécution des dispositions de l'accord-cadre sur le développement solidaire.
Le titre I est consacré au développement solidaire et à l'aide au développement. Les deux Parties s'engagent ( article 2 ) à favoriser la mise en place d'un modèle de développement solidaire au moyen d'une série d'actions ciblées notamment dans les domaines de l'emploi, de la formation et des investissements dans les régions défavorisées potentiellement source d'émigration.
Aux termes de l' article 3 , la France s'engage à apporter son soutien aux centres créés dans le cadre du programme tunisien de défense et d'intégration sociale en direction des jeunes et des catégories vulnérables, dans des conditions qui seront précisées par échange de lettres.
L' article 4 met l'accent sur la formation et la création d'activités productives en Tunisie, notamment dans les régions défavorisées, afin de répondre à la demande d'emplois qualifiés et de favoriser les migrations circulaires.
L' article 5 prévoit le renforcement de la coopération existante en matière d'emploi et de formation professionnelle et universitaire.
L' article 6 marque l'engagement de la France à apporter son appui au renforcement des capacités institutionnelles de la Tunisie afin de lui permettre d'organiser la mobilité internationale de ses ressortissants et de préparer les conditions de leur retour et de leur réinsertion dans leur pays.
L' article 7 répond à la volonté des Parties de mobiliser les ressources des migrants tunisiens établis en France vers des projets productifs en Tunisie, à l'aide de mécanismes bancaires et d'instruments financiers novateurs (dispositifs d'accompagnement aux porteurs de projets d'entreprises très petites, petites ou moyennes ; compte épargne codéveloppement et livret d'épargne pour le codéveloppement).
L' article 8 constate l'engagement à favoriser les projets de coopération décentralisée comportant un volet de développement solidaire dans les secteurs comme l'éducation, la recherche scientifique, la santé, la culture, l'environnement, le développement rural, l'agriculture et le tourisme, liste susceptible d'être étendue par échange de lettres.
La France s'engage à appuyer des projets de coopération décentralisée dans le cadre de programmes européens existants. Des actions mobilisant les compétences humaines tunisiennes et pouvant être mises en place dans des pays tiers pourront être menées conjointement par les deux pays.
Le titre II (articles 9 et 10) est consacré à la réinsertion sociale et économique. Il précise que les ressortissants tunisiens qui souhaitent, après un séjour en France régulier ou irrégulier, rentrer en Tunisie pour y créer une entreprise, bénéficient du dispositif français d'aide à la réinsertion, incluant des formations professionnelles et des aides matérielles et financières.
Les ressortissants tunisiens titulaires d'une carte de séjour « compétences et talents » ou d'une carte de résident désireux de retourner dans leur pays bénéficient d'un dispositif spécifique d'aide à la création d'entreprise si leur projet prévoit l'emploi d'au moins cinq salariés.
Le dispositif d'aide au retour volontaire sera proposé aux ressortissants tunisiens qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
La France s'engage enfin à consacrer des moyens conséquents pour la mise en oeuvre de ces différentes actions de réinsertion.
Le titre III ( article 11 ) est consacré à la formation professionnelle. Afin de répondre aux besoins du marché du travail tunisien, les deux Parties conviennent d'oeuvrer à la mise en place ou à la mise à niveau de centres de formation professionnelle et de programmes de formation professionnelle spécialisés et sectoriels. Les caractéristiques et la liste des projets figurent à l'annexe I.
La France consacrera à ces projets sur les crédits du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire une première enveloppe de 30 millions d'euros sur la période 2008-2011.
Le titre IV , ( article 12 ) prévoit le financement sur les crédits du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire d'autres projets, dont la liste est donnée à l'annexe II, participant à la prévention de l'émigration illégale (appui au programme de défense et d'intégration sociale, pêche côtière artisanale, développement économique, scientifique et technologique, garantie bancaire accompagnant le projet des jeunes entrepreneurs, développement de la région de Médenine, pour un total estimé à près de 10 millions d'euros).
Le titre V , « Mécanismes d'appui », prévoit la mise en place d'un programme pluriannuel pour le financement des projets de développement solidaire ( article 13 ), précise le rôle du comité de pilotage dans la mise en oeuvre du protocole en matière de développement solidaire ( article 14 ) et fait mention de l'intention de la France d'oeuvrer à la mise en place ou au renforcement d'un dispositif de garantie des projets des jeunes entrepreneurs ( article 15 ).
Les dispositions finales du protocole figurant au titre VI précisent à l'a rticle 16 que la commission mixte franco-tunisienne sera tenue informée des projets financés par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire au titre de ce protocole et qu'elle se prononcera sur les autres projets susceptibles d'être mis en oeuvre au titre des objectifs de l'accord-cadre. Une liste indicative des projets prioritaires figure en annexe III (micro-crédit et appui institutionnel ; école nationale de santé publique).
L'article 17 précise que ce protocole, conclu en application de l'accord-cadre, entre en vigueur conformément aux procédures prévues par cet accord et en même temps que celui-ci.
Telles sont les principales observations qu'appellent l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire et ses deux protocoles d'application qui, comportant des dispositions de nature législative, sont soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et européennes,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations (ensemble deux annexes) et du protocole en matière de développement solidaire (ensemble trois annexes) , signés à Tunis le 28 avril 2008, et dont les textes sont annexés à la présente loi.
Fait à Paris, le 29 octobre 2008
Signé : FRANÇOIS FILLON
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères et européennes,
Signé : BERNARD KOUCHNER