Disponible au format Acrobat (108 Koctets)
N° 326 rectifié
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 février 2007 Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juin 2007 |
PROJET DE LOI
portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. FRANÇOIS FILLON,
Premier ministre,
par M. ROGER KAROUTCHI,
secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
( Renvoyé à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Parlement. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les services de renseignement de l'État contribuent à assurer la sécurité de nos concitoyens dans un contexte caractérisé par l'existence de nouvelles menaces.
Les domaines particulièrement sensibles dans lesquels ils interviennent, qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, le suivi des capacités militaires d'États étrangers ou l'anticipation des crises internationales, justifient pleinement le caractère secret de leur activité qui doit être préservé et protégé.
Cet impératif de discrétion doit cependant se concilier avec l'exigence d'une information du Parlement sur l'activité générale et les moyens des services spécialisés à laquelle doit répondre tout État démocratique.
Le présent projet de loi y pourvoit en créant au sein du Parlement une délégation pour le renseignement.
* *
*
Le projet de loi, qui comporte un seul article, insère dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article 6 nonies composé de huit paragraphes.
Le premier paragraphe (I) de ce nouvel article institue une délégation parlementaire pour le renseignement, qui sera commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. Composée de trois députés et trois sénateurs, son effectif réduit est propre à faciliter la préservation du secret qui devra présider à ses travaux.
Le deuxième paragraphe (II) en précise la composition. En seront membres les présidents des commissions permanentes compétentes en matière de défense et des lois de chaque assemblée, qui connaissent déjà, au travers des textes législatifs les concernant, des services spécialisés de renseignement. S'y adjoindront un député et un sénateur, désignés pour la durée de la législature ou après chaque renouvellement partiel, par le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, de manière à assurer une répartition pluraliste associant l'opposition à cette fonction démocratique essentielle.
S'inspirant de dispositions existantes pour d'autres délégations, le projet prévoit que la présidence de la délégation sera assurée successivement par les membres de droit, chacun pour une durée d'un an.
La délégation sera informée par le Gouvernement sur l'activité générale et sur les moyens des services spécialisés placés sous l'autorité des ministres de la défense et de l'intérieur (IV). Il s'agit de la direction générale de la sécurité extérieure, de la direction du renseignement militaire, de la direction de la protection et de la sécurité de la défense, de la direction de la surveillance du territoire et de la direction centrale des renseignements généraux.
A cet effet, les ministres de la défense et de l'intérieur adresseront à la délégation des informations et des éléments d'appréciation concernant le budget, l'activité générale et l'organisation des services placés sous leur autorité. Afin de préserver la sécurité des personnes et la conduite des opérations, sont toutefois exclues les informations touchant aux activités opérationnelles en cours ou passées, y compris celles de police judiciaire, aux instructions données par les autorités à cet égard et au financement de ces activités. Seront également exclues les informations relatives aux relations avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
Afin de compléter son information, la délégation pourra entendre les seuls ministres et directeurs des services de renseignement ainsi que le secrétaire général de la défense nationale, qui sont les mieux à même d'apporter une vision globale des activités des services.
Pour les besoins de leur office, les membres de la délégation seront habilités ès-qualité à connaître des informations et éléments d'appréciation entrant dans le champ de compétence de celle-ci. Les données dont la communication pourrait mettre en danger des personnes ou compromettre des modes opératoires propres à l'acquisition du renseignement ne leur seront toutefois pas accessibles (V). Les agents des assemblées parlementaires qui pourront les assister, dont le nombre devrait être restreint, auront accès aux mêmes informations et éléments sous réserve d'avoir préalablement été habilités au secret de la défense nationale.
Le paragraphe VI prévoit que les travaux de la délégation parlementaire pour le renseignement sont couverts par le secret de la défense nationale tel que protégé par les articles 413-9 et suivants du code pénal.
La délégation aura un rapporteur (III). Un rapport annuel sera remis par son président au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée (VII). Enfin la délégation établira un règlement intérieur qui sera soumis à l'approbation du bureau de chaque assemblée (VIII).
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Il est inséré dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article 6 nonies ainsi rédigé :
« Art. 6 nonies. - I. - Il est constitué une délégation parlementaire pour le renseignement, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elle est composée de trois députés et de trois sénateurs.
« II. - Les présidents des commissions permanentes compétentes en matière de défense et des lois de chaque assemblée sont membres de droit de la délégation parlementaire pour le renseignement. Ils président successivement la délégation pour une durée d'un an.
« Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une répartition pluraliste. Le député qui n'est pas membre de droit est désigné au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci et le sénateur, après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. - La délégation parlementaire désigne en son sein un rapporteur.
« IV. - La délégation parlementaire pour le renseignement est informée sur l'activité générale et sur les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l'autorité des ministres de la défense et de l'intérieur.
« Ces ministres adressent à la délégation des informations et des éléments d'appréciation relatifs au budget, à l'activité générale et à l'organisation des services placés sous leur autorité. Ces informations et ces éléments d'appréciation ne peuvent porter sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités. Ils ne peuvent non plus porter sur les relations de ces services avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« Seuls les ministres et les directeurs des services mentionnés au premier alinéa du présent paragraphe ainsi que le secrétaire général de la défense nationale peuvent être entendus par la délégation parlementaire pour le renseignement.
« V. - Les membres de la délégation sont autorisés ès-qualités à connaître des informations ou des éléments d'appréciation définis au IV et protégés au titre de l'article 413-9 du code pénal, à l'exclusion des données dont la communication pourrait mettre en péril l'anonymat, la sécurité ou la vie d'une personne relevant ou non des services intéressés, ainsi que les modes opératoires propres à l'acquisition du renseignement.
« Les agents des assemblées parlementaires, désignés par le président de la délégation pour assister les membres de celle-ci, doivent être autorisés, dans les conditions définies pour l'application de l'article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d'appréciation.
« VI. - Les travaux de la délégation parlementaire pour le renseignement sont couverts par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au V sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.
« VII. - Un rapport annuel est remis par le président de la délégation au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée.
« VIII. - La délégation parlementaire pour le renseignement établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l'approbation du bureau de chaque assemblée. »
Fait à Paris, le 5 juin 2007
Signé : FRANÇOIS FILLON
Par le Premier ministre :
Le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement,
Signé : ROGER KAROUTCHI