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N° 319
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 février 2007 Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2007 |
PROJET DE LOI
autorisant l' adhésion de la France à la convention sur le consentement au mariage , l' âge minimum du mariage et l' enregistrement des mariages ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. FRANÇOIS FILLON,
Premier ministre,
par M. BERNARD KOUCHNER,
ministre des affaires étrangères et européennes.
( Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Traités et conventions. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans le cadre de l'Organisation des Nations unies, une convention relative au consentement au mariage, à l'âge minimum du mariage et à l'enregistrement des mariages a été adoptée à New York le 7 novembre 1962, conformément à la résolution 1763, et signée par le représentant permanent de la France le 10 décembre 1962.
Elle est entrée en vigueur à l'égard des États l'ayant ratifiée (Nouvelle-Zélande, Suède, Yougoslavie, Finlande, Mali, Samoa et Norvège) le 9 décembre 1964, après le dépôt du huitième instrument de ratification. Depuis, de nombreux pays les ont rejoints : Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Afrique du Sud, ainsi que certains pays de l'Est et pays en développement.
En France, après des tentatives infructueuses de ratification, la procédure a été suspendue, pour causes de réserves concernant notamment le statut local de Mayotte.
Aux termes de cette convention, les États signataires s'engagent à spécifier un âge minimum avant lequel les personnes ne peuvent, sauf dispense, légalement contracter mariage. L'autorité compétente pour célébrer le mariage devra s'assurer du libre consentement des parties, exprimé personnellement, en présence de témoins et après une publicité suffisante. En cas d'absence d'une des parties, elle devra s'assurer qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles et que le consentement a bien été reçu dans les formes légales par une autorité habilitée. La tenue d'un registre officiel est également prévue.
La convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages représente au regard du droit de certains États un progrès considérable. Elle a en effet pour but, conformément à la Charte des Nations unies, d'assurer sans discrimination la liberté du consentement au mariage, en recommandant d'une part un certain formalisme dans l'expression de celui-ci (à la fois aux fins de validité et moyen de preuves) et, d'autre part, un âge légal de nubilité.
Dans son ensemble, cette convention, qui n'énonce que des principes, reflète les règles du droit positif français énoncées par le code civil.
Toutefois, le Gouvernement pourrait être amené à faire une déclaration interprétative concernant le paragraphe 2 de l'article 1 er de la convention aux termes duquel :
« Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 ci-dessus, la présence de l'une des parties ne sera pas exigée si l'autorité compétente a la preuve que les circonstances sont exceptionnelles et que cette partie a exprimé son consentement, devant une autorité compétente et dans les formes que peut prescrire la loi, et ne l'a pas retiré. »
Cet article prévoit donc des dérogations à la présence des futurs époux plus larges que celles existant en droit interne. Le code civil ne contient que deux dispositions dérogatoires au principe d'ordre public de la présence des futurs époux à leur mariage (article 146-1 du code civil), même lorsque ce mariage est célébré à l'étranger :
• le mariage posthume : l'article 171 du code civil prévoit la possibilité pour le Président de la République d'autoriser la célébration de mariages posthumes dans des conditions strictement définies ;
• le mariage par procuration des militaires : l'article 96-1 du code civil modifié par l'ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 admet le mariage par procuration des militaires en temps de guerre ou en cas d'opérations militaires en dehors du territoire national sur autorisation du ministre de la justice et du ministre de la défense.
Ainsi, afin que le principe de la comparution personnelle soit pleinement respecté, cette déclaration interprétative pourrait être formulée dans les termes suivants :
« En ratifiant la convention, la France déclare qu'elle appliquera le paragraphe 2 de l'article 1 er de la convention conformément aux dispositions de sa législation interne en réservant les célébrations de mariage hors la présence de l'un ou l'autre des futurs époux aux seules dérogations énoncées par sa législation qui le prévoit expressément.... »
Cette déclaration interprétative reste conforme à l'esprit de la convention, qui limite les dérogations au principe de comparution personnelle. De nombreux États européens ont fait usage d'une déclaration similaire (Danemark, Finlande, Grèce, Hongrie, Islande, Norvège, Royaume-Uni, Suède).
La disposition de l'article 169 du code civil concernant la dispense de bans prononcée pour des causes graves par le procureur de la République suppose également que le Gouvernement assortisse le dépôt de l'instrument d'adhésion français à la convention d'une déclaration interprétative au regard de la condition de «publicité suffisante, conformément aux dispositions de la loi » mentionnée au paragraphe 1 de l'article 1 er de la convention, déclaration qui pourrait être formulées dans les termes suivants :
« En adhérant à la convention, la France déclare qu'elle appliquera le paragraphe 1 de l'article 1 er de la convention conformément aux dispositions de sa législation interne relatives aux conditions de dispense de la formalité de publication ».
Enfin, on peut relever que les récentes évolutions législatives (ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l'état civil de Mayotte, ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002 portant extension et adaptation des dispositions de droit civil à Mayotte et modifiant son organisation judiciaire, et la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer) ont contribué à renforcer la compatibilité des aspects spécifiques du droit français relatifs à l'existence d'un statut de droit local à Mayotte avec les stipulations de la convention.
À l'heure actuelle, la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages a déjà été ratifiée par une trentaine d'États.
Elle pourrait, dès lors, entrer en vigueur pour la France dès le quatre-vingt-dixième jour qui suivra la date du dépôt de son instrument d'adhésion.
Telles sont les principales observations qu'appelle la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et européennes,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l'adhésion de la France à la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l'adhésion à la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages, signée à New York le 10 décembre 1962 et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 30 mai 2007
Signé : FRANÇOIS FILLON
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères et européennes,
Signé : BERNARD KOUCHNER
C O N V E N T I O N
sur
le consentement au mariage,
l'âge minimum du mariage
et
l'enregistrement des mariages,
signée à New York, le
10 décembre 1962
CONVENTION
sur le consentement au mariage,
l'âge
minimum du mariage et l'enregistrement des mariages
PRÉAMBULE
Les Etats
contractants,
Désirant, conformément
à la Charte des Nations unies, favoriser le respect universel et
effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous,
sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion ;
Rappelant que l'article 16 de
la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule
que :
« 1
o
A
partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction
quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de
se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard
du mariage, durant le mariage et lors de sa
dissolution ;
« 2
o
Le
mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des
futurs époux ».
Rappelant en outre
que, dans sa résolution 843 (IX) du 17 décembre 1954,
l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies a
déclaré que certaines coutumes, anciennes lois et pratiques
intéressant le mariage et la famille étaient incompatibles avec
les principes énoncés dans la Charte des Nations unies et la
Déclaration universelle des droits de
l'homme ;
Réaffirmant que tous les
Etats, y compris ceux qui ont ou assument la responsabilité de
l'administration de territoires non autonomes ou de territoires sous tutelle
jusqu'à leur accession à l'indépendance, doivent prendre
toutes les mesures utiles en vue d'abolir ces coutumes, anciennes lois et
pratiques, en assurant, notamment, une entière liberté dans le
choix du conjoint, en abolissant totalement le mariage des enfants et la
pratique des fiançailles des jeunes filles avant l'âge nubile, en
instituant, le cas échéant, les sanctions voulues et en
créant un service de l'état civil ou un autre service qui
enregistre tous les mariages,
sont convenus des dispositions
suivantes :
Article 1 er
1. Aucun mariage ne pourra
être contracté légalement sans le libre et plein
consentement des deux parties, ce consentement devant être exprimé
par elles en personne, en présence de l'autorité
compétente pour célébrer le mariage et de témoins,
après une publicité suffisante, conformément aux
dispositions de la loi.
2. Nonobstant les
dispositions du paragraphe 1 ci-dessus, la présence de l'une des
parties ne sera pas exigée si l'autorité compétente a la
preuve que les circonstances sont exceptionnelles et que cette partie a
exprimé son consentement, devant une autorité compétente
et dans les formes que peut prescrire la loi, et ne l'a pas retiré.
Article 2
Les Etats Parties à la présente Convention prendront les mesures législatives nécessaires pour spécifier un âge minimum pour le mariage. Ne pourront contracter légalement mariage les personnes qui n'auront pas atteint cet âge, à moins d'une dispense d'âge accordée par l'autorité compétente pour des motifs graves et dans l'intérêt des futurs époux.
Article 3
Tous les mariages devront être inscrits par l'autorité compétente sur un registre officiel.
Article 4
1. La présente
Convention sera ouverte, jusqu'au 31 décembre 1963, à la
signature de tous les Etats membres de l'Organisation des Nations unies ou
membres de l'une quelconque des institutions spécialisées et de
tous autres Etats que l'Assemblée générale de
l'Organisation des Nations unies aura invités à devenir Parties
à la Convention.
2. La
présente Convention est sujette à ratification et les instruments
de ratification seront déposés auprès du Secrétaire
général de l'Organisation des Nations unies.
Article 5
1. Tous les Etats visés
au paragraphe 1 de l'article 4 pourront adhérer à la
présente
Convention.
2. L'adhésion se fera
par le dépôt d'un instrument d'adhésion auprès du
Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies.
Article 6
1. La présente
Convention entrera en vigueur le quatre-vingt-dixième jour qui suivra la
date du dépôt du huitième instrument de ratification ou
d'adhésion.
2. Pour chacun des
Etats qui ratifieront la Convention ou y adhéreront après le
dépôt du huitième instrument de ratification ou
d'adhésion, la Convention entrera en vigueur le
quatre-vingt-dixième jour qui suivra la date du dépôt par
cet Etat de son instrument de ratification ou d'adhésion.
Article 7
1. Tout Etat contractant peut
dénoncer la présente Convention par notification écrite au
Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies. La
dénonciation prend effet un an après la date à laquelle le
Secrétaire général en a reçu
notification.
2. La présente
Convention cessera d'être en vigueur à compter de la date
où prendra effet la dénonciation qui ramènera le nombre
des parties à moins de huit.
Article 8
Tout différend entre deux ou plusieurs Etats contractants relatif à l'interprétation ou à l'application de la présente Convention, qui n'aura pas été réglé par voie de négociations, sera soumis pour décision à la Cour internationale de justice à la demande de toutes les parties au différend, sauf si lesdites parties sont convenues d'un autre mode de règlement.
Article 9
Seront notifiés par le
Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies
à tous les Etats membres de l'Organisation et aux Etats non membres
visés au paragraphe 1 de l'article 4 de la présente
Convention :
a)
Les
signatures apposées et les instruments de ratification reçus
conformément à
l'article 4 ;
b)
Les
instruments d'adhésion reçus conformément à
l'article 5 ;
c)
La
date à laquelle la Convention entrera en vigueur conformément
à
l'article 6 ;
d)
Les
notifications de dénonciation reçues conformément aux
dispositions du paragraphe 1 de
l'article 7 ;
e)
L'extinction
résultant de l'application du paragraphe 2 de l'article 7.
Article 10
1. La présente
Convention, dont les textes anglais, chinois, espagnol, français et
russe font également foi, sera déposée dans les archives
de l'Organisation des Nations
unies.
2. Le Secrétaire
général de l'Organisation des Nations unies communiquera une
copie certifiée conforme de la Convention à tous les Etats
membres de l'Organisation et aux Etats non membres visés au
paragraphe 1 de l'article 4.
En foi de
quoi, les soussignés, dûment autorisés, ont signé au
nom de leurs gouvernements respectifs la présente Convention, qui a
été ouverte à la signature au siège des Nations
unies, à New York, le 10 décembre
1962.
TCA 98-56. - Imprimerie des Journaux officiels, Paris
500980560 - 000498
(cf. note 1)
NOTE (S) :
(1) TCA . - Imprimerie des Journaux officiels, Paris