Projet de loi organique relatif aux juges de proximité
N° 376
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 juillet 2002
PROJET DE LOI ORGANIQUE
relatif aux
juges
de proximité
,
PRÉSENTÉ
au nom de M. JEAN-PIERRE RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. DOMINIQUE PERBEN,
Garde des Sceaux, ministre de la justice.
( Renvoyé à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Justice. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'instauration d'une juridiction de proximité a pour objectif d'apporter
aux petits litiges de la vie quotidienne, ainsi qu'aux petites infractions aux
règles de conduite élémentaire de la vie en
société, pour lesquels il n'existe pas actuellement de solution
adaptée, une réponse judiciaire simple, rapide et efficace.
Cette juridiction, dont le siège et le ressort seront fixés par
décret en Conseil d'Etat, sera composée d'un ou de plusieurs
juges de proximité, localisés en fonction des besoins.
Les juges de proximité ne seront pas des magistrats de carrière,
mais des juges recrutés à titre temporaire qui assureront un
certain nombre de vacations, le cas échéant concomitamment
à leur activité professionnelle.
Leur qualité de magistrat nécessite qu'ils soient soumis aux
dispositions du statut de la magistrature (
article 41-19
), sous
réserve des règles dérogatoires qu'impose le
caractère temporaire et intermittent de leurs fonctions.
Le présent projet de loi organique a pour objet de déterminer les
règles statutaires applicables aux juges de proximité en
matière de recrutement, de nomination, de formation,
d'incompatibilité et de discipline.
L'article unique de ce projet insère dans l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative
au statut de la magistrature un chapitre V
quinquies
intitulé
«
Des juges de proximité
» et composé
des articles 41-17 à 41-23 nouveaux.
L'
article
41-17
fixe les conditions de nomination aux fonctions
de juge de proximité, lesquelles ne pourront constituer qu'une part
limitée des fonctions exercées par les magistrats des
juridictions de première instance.
Les juges de proximité doivent présenter des compétences
qui les rendent aptes à l'exercice de fonctions juridictionnelles. Cette
nécessité se traduit par la double exigence :
- d'une formation juridique supérieure d'une durée de quatre ans
au moins ou d'un doctorat en droit ou d'un diplôme équivalent ou
de la qualité d'auxiliaire de justice exerçant une profession
réglementée ;
- d'une expérience professionnelle à caractère juridique
d'une durée de quatre ans au moins.
Cette exigence permet une justice fondée à la fois sur une
appréciation concrète des faits, essentielle à la notion
même de proximité, mais aussi garantie par une qualification
juridique adaptée.
Les anciens magistrats des ordres judiciaire et administratif peuvent
être nommés juges de proximité.
S'agissant enfin de l'âge requis, ce recrutement s'adressera à un
large public puisqu'il est ouvert aux personnes âgées de trente
ans à la date de leur nomination.
L'
article
41-18
prévoit, afin d'assurer
l'indépendance des juges de proximité, que leur nomination qui
intervient pour sept ans, n'est pas renouvelable.
Cette durée d'activité prend en compte la nécessité
d'assurer une certaine permanence dans des fonctions qui sont par nature
intermittentes. En toute hypothèse, cependant, ces magistrats ne
pourront exercer leurs fonctions au-delà de soixante-quinze ans.
Leur indépendance est également assurée par leur mode de
nomination dans les formes des magistrats du siège : ils sont
nommés dans une juridiction déterminée, par un
décret du Président de la République pris sur l'avis
conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature
compétente à l'égard des magistrats du siège.
S'agissant de juges non professionnels, le mécanisme dit de
« transparence » des projets de nomination de
l'article 27-1 de l'ordonnance statutaire, ne leur est pas applicable.
Ils prêtent le même serment que les magistrats professionnels.
Enfin, afin de promouvoir une justice de qualité, les juges de
proximité doivent suivre préalablement à leur prise de
fonctions, une formation théorique et pratique assurée par
l'Ecole nationale de la magistrature dans des conditions
précisées par un décret en Conseil d'Etat.
L'
article
41-19
dispose que les juges de proximité ne
peuvent être membres du Conseil supérieur de la magistrature, ni
de la commission d'avancement et qu'ils ne peuvent pas participer à la
désignation des membres de ces instances.
Par ailleurs, ils ne sont pas astreints à résider au siège
de la juridiction à laquelle ils appartiennent ou sont rattachés.
L'
article
41-20
précise que les juges de proximité
exercent leur fonction à temps partiel et perçoivent une
indemnité de vacation.
L'
article
41-21
prévoit que les juges de proximité
peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à
leurs fonctions judiciaires sous certaines conditions.
Il exclut le cumul d'exercice de ces fonctions avec celles d'agent public,
à l'exception des fonctions de professeur ou de maître de
conférences des universités.
Il prévoit également, l'obligation d'informer le président
du tribunal de grande instance en cas de changement d'activité
professionnelle, ce dernier appréciant la compatibilité de cette
nouvelle activité avec les fonctions de juge de proximité.
Il précise, enfin, que le juge de proximité ne peut
connaître d'un litige en cas de conflit d'intérêt. Dans une
telle hypothèse, le président du tribunal de grande instance,
à la demande du juge ou d'une des parties, décide de soumettre
l'affaire à un autre juge de la même juridiction de
proximité. Cette décision de renvoi n'est pas susceptible de
recours.
L'
article
41-22
qui est relatif au régime disciplinaire
des juges de proximité renvoie au chapitre VII du statut.
Enfin, l'
article
41-23
prévoit les conditions dans
lesquelles il peut être mis fin aux fonctions des juges de
proximité.
PROJET DE LOI ORGANIQUE
Le
Premier ministre,
Sur le rapport du garde des Sceaux, ministre de la justice,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi relatif aux juges de proximité,
délibéré en Conseil des ministres après avis du
Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le garde
des Sceaux, ministre de la justice, qui sera chargé d'en exposer les
motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Après le chapitre V quater de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un chapitre V quinquies ainsi rédigé :
« CHAPITRE V quinquies
« Des juges de proximité
«
Art. 41-17.
- Peuvent être
nommés
juges de proximité, pour exercer une part limitée des fonctions
des magistrats des juridictions judiciaires de première instance, s'ils
remplissent les conditions prévues aux 2° à 5° de
l'article 16 :
« 1° Les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre
administratif ;
« 2° Les personnes, âgées de trente ans au
moins, que leur compétence et leur expérience qualifient
particulièrement pour exercer ces fonctions. Ces personnes doivent soit
être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation juridique
d'une durée au moins égale à quatre années
d'études supérieures après le baccalauréat ou d'un
doctorat en droit ou d'un diplôme équivalent dont la liste est
fixée par décret, soit être membres ou ancien membres des
professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un
statut ou dont le titre est protégé par la loi. Elles doivent, en
outre, justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans
le domaine juridique.
«
Art. 41-18
. - Les juges de proximité sont
nommés pour une durée de sept ans non renouvelable, dans les
formes prévues pour les magistrats du siège. Ils ne peuvent
demeurer en fonction au delà de l'âge de soixante-quinze ans.
« L'article 27-1 ne leur est pas applicable.
« Les juges de proximité suivent une période de
formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et
comportant un stage en juridiction selon les modalités prévues
à l'article 19.
« Préalablement à cette formation, les juges de
proximité prêtent serment dans les conditions prévues
à l'article 6.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions
de dépôt et d'instruction des dossiers de candidature, les
modalités d'organisation et la durée de la formation, ainsi que
les conditions dans lesquelles est assurée l'indemnisation des
stagiaires mentionnés au présent article.
«
Art. 41-19
. - Les juges de proximité sont soumis au
présent statut.
« Toutefois, ils ne peuvent être membres ni du Conseil
supérieur de la magistrature, ni de la commission d'avancement, ni
participer à la désignation des membres de ces instances.
« Ils ne peuvent pas recevoir d'avancement. Ils ne peuvent pas
être mutés sans leur consentement.
« Les articles 13 et 76 ne leur sont pas applicables.
«
Art. 41-20
. - Les juges de proximité exercent leurs
fonctions à temps partiel. Ils perçoivent une indemnité de
vacation dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
«
Art. 41-21
. - Par dérogation au premier alinéa
de l'article 8, les juges de proximité peuvent exercer une
activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions
judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de
nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et
à son indépendance. Les membres des professions libérales
juridiques et judiciaires soumis à un statut ou dont le titre est
protégé par la loi ne peuvent exercer des fonctions de juges de
proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où ils
ont leur domicile professionnel.
« Sans préjudice de l'application des dispositions du
deuxième alinéa de l'article 8, les juges de proximité ne
peuvent exercer concomitamment l'activité d'agent public, à
l'exception de celle de professeur et de maître de conférences des
universités.
« En cas de changement d'activité professionnelle, les juges
de proximité en informent le président du tribunal de grande
instance dans le ressort duquel ils sont affectés, qui leur fait
connaître, le cas échéant, que leur nouvelle
activité n'est pas compatible avec l'exercice de leurs fonctions
judiciaires.
« Les juges de proximité ne peuvent connaître de litiges
présentant un lien avec leur activité professionnelle ou
lorsqu'ils entretiennent ou ont entretenu des relations professionnelles avec
l'une des parties. Dans ces cas, le président du tribunal de grande
instance dans le ressort duquel ils sont affectés décide,
à leur demande ou à celle de l'une des parties, que l'affaire
sera soumise à un autre juge de proximité du même ressort.
Cette décision de renvoi est insusceptible de recours.
«
Art. 41-22
. - Le pouvoir d'avertissement et le pouvoir
disciplinaire à l'égard des juges de proximité sont
exercés dans les conditions définies au chapitre VII.
Indépendamment de l'avertissement prévu à l'article 44 et
de la sanction de la réprimande avec inscription au dossier
mentionnée au 1° de l'article 45, peut seule être
prononcée, à titre de sanction disciplinaire, la fin des
fonctions.
«
Art. 41-23
. - Sous réserve des dispositions du
premier alinéa de l'article 41-18, il ne peut être mis fin aux
fonctions des juges de proximité qu'à leur demande ou au cas
où aurait été prononcée à leur encontre la
sanction de la fin des fonctions prévue à l'article 41-22.
« Durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions
judiciaires, les juges de proximité sont tenus de s'abstenir de toute
prise de position publique en relation avec ces fonctions. »
Fait à Paris, le 24 juillet 2002
Signé : JEAN-PIERRE RAFFARIN
Par le Premier ministre :
Le garde des Sceaux, ministre de la justice,
Signé : DOMINIQUE PERBEN