N°
380
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 juin 2001
PROJET DE LOI
autorisant la ratification de l' accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres , d'une part, et la Confédération suisse , d'autre part, sur la libre circulation des personnes ,
PRÉSENTÉ
au nom de M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,
par M. HUBERT VÉDRINE,
Ministre des affaires étrangères,
( Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Traités et conventions. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
1° Le présent projet de loi vise à autoriser la ratification
de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres,
d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la
libre circulation des personnes. Cet accord a été signé
à Luxembourg, le 21 juin 1999.
Après le rejet suisse, par référendum en décembre
1992, de la ratification du traité de Porto instituant l'Espace
économique européen (EEE), des négociations avaient
été engagées, entre l'Union européenne et la Suisse
en décembre 1994, à la demande des autorités de la
Confédération. Ces négociations ont porté sur un
nombre limité de domaines ; elles ont abouti à la signature, en
marge du Conseil affaires générales de Luxembourg du 21 juin
1999, d'une série de sept accords couvrant les domaines de la libre
circulation des personnes, des transports terrestres et aériens, de la
recherche et du développement technologique, des marchés publics,
de l'agriculture et de la reconnaissance mutuelle en matière de
conformité (obstacles techniques au commerce et certifications).
Seul l'accord relatif à la libre circulation des personnes doit faire
l'objet d'une procédure de ratification nationale. En effet, cet accord
est, sur le plan juridique, de nature « mixte » dans la
mesure où il porte sur un domaine relevant à la fois de la
compétence de la Communauté et de celle des Etats membres. Les
six autres accords relèvent de la seule compétence communautaire.
Cet accord permettra d'assurer la libre circulation des personnes entre la
France et la Suisse conformément aux règles de l'acquis
communautaire et sur la base de la réciprocité.
2° L'objectif de l'accord est d'accorder les mêmes conditions de
vie, d'emploi, de séjour et de travail aux ressortissants de la
Communauté et à ceux de la Suisse sur le territoire de chacune
des parties que celles accordées aux ressortissants nationaux
(
article 1
er
).
Des droits fondamentaux, notamment ceux d'entrer (
article 3
), de
résider (
articles 4 et 6
), de travailler (
article 4
), de
s'établir comme indépendant (
article 4 et articles 12
et suivants de
l'annexe I
), d'étudier (
article 6
de l'accord
et
article 24
de l'annexe
I
) ainsi que
le droit à un régime de sécurité sociale
(
article 8
) sont couverts par l'accord. Ces droits sont
eux-mêmes fondés sur les principes d'égalité de
traitement et de non-discrimination en fonction de la nationalité
(
article 2
).
L'accord prévoit également le droit d'acquérir une
propriété immobilière (
f de
l'article 7
), ainsi que la reconnaissance mutuelle des
diplômes, certificats et autres titres afin de faciliter l'accès
aux activités salariées ou indépendantes (
article
9
).
La liberté de circulation des personnes s'opérera de
manière progressive pendant une période de douze ans (
article
10
).
Les travailleurs et leur famille, les indépendants et les personnes
inactives jouiront ainsi en Suisse des mêmes droits que ceux dont ils
disposent dans l'espace communautaire.
Afin d'organiser de manière effective la libre circulation des
personnes, l'accord précise dans son annexe I les modalités
d'exercice des droits précédemment mentionnés permettant
la libre circulation des personnes. Les travailleurs, salariés ou non,
auront notamment le droit à la mobilité professionnelle,
c'est-à-dire au changement d'employeur, d'emploi ou de profession, et
géographique, en bénéficiant de la faculté de
changer de lieu de travail et de séjour (
articles 8 et 14 de
l'annexe I
). Les travailleurs salariés, notamment les
travailleurs frontaliers, qui sont engagés pour une période d'une
durée inférieure à trois mois, n'auront plus besoin d'un
titre de séjour (
article 6 de l'annexe I
).
L'accord prévoit, en outre, dans son annexe II, l'extension au
territoire suisse de l'application du règlement (CEE)
n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application
des régimes de sécurité sociale aux travailleurs
salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur
famille qui se déplacent à l'intérieur de la
Communauté. Il pose, en particulier, le principe, conforme à
l'acquis communautaire, d'une affiliation au régime
fédéral de couverture maladie pour l'ensemble des travailleurs
exerçant en Suisse, y compris les travailleurs frontaliers. Cependant,
l'accord a prévu la possibilité de dérogations afin de
tenir compte des spécificités nationales.
L'annexe III précise les actes communautaires pertinents que les parties
contractantes s'engagent à appliquer dans le domaine de la
reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles.
3° Au titre des dispositions transitoires, l'article 10 prévoit que
l'Union européenne et la Suisse pourront, pendant une période de
deux ans, « maintenir les contrôles de la priorité du
travailleur intégré dans le marché régulier du
travail », ce qui permettra à la France de pouvoir
vérifier la situation de l'emploi avant d'accorder une autorisation de
travail à un ressortissant suisse.
En outre, la Suisse pourra maintenir, pendant les cinq années suivant
l'entrée en vigueur du texte, des limitations quantitatives concernant
l'accès à une activité économique. Toutefois, le
nombre de titres de séjour délivrés ne pourra se situer
à un niveau inférieur aux statistiques actuelles de
présence de travailleurs communautaires sur le territoire de la
Confédération (15 000 pour les séjours d'une durée
égale ou supérieure à un an, 115 500 pour les
séjours d'une durée supérieure à quatre mois et
inférieure à une année).
Cette disposition est complétée par la possibilité ouverte
aux autorités suisses, après cinq ans et jusqu'à douze
années après l'entrée en vigueur de l'accord, de limiter
l'accroissement éventuel du nombre de nouveaux titres de séjour
délivrés permettant l'accès à une activité
économique.
Ces dispositions transitoires ne s'appliquent pas aux travailleurs
salariés et indépendants qui, au moment de l'entrée en
vigueur du texte, sont déjà autorisés à exercer une
activité économique sur le territoire des parties contractantes.
Ainsi aucune limitation quantitative ne sera opposable aux travailleurs
frontaliers français actuels qui jouiront à terme de l'ensemble
des droits liés à la libre circulation des personnes.
4° L'accord relatif à la libre circulation des personnes est conclu
pour une période initiale de sept années et sera reconduit pour
une période indéterminée, sauf avis contraire des Parties
(
article 25
). Un dispositif est prévu permettant de lier
l'entrée en vigueur et la durée des sept accords. Dans
l'hypothèse où la Suisse serait dans l'incapacité
d'appliquer un ou plusieurs d'entre eux, l'ensemble des sept accords cesserait
d'être en vigueur dans les six mois suivant la notification de
non-reconduction ou de dénonciation.
Compte tenu des délais nécessaires aux procédures de
ratification nationale, les sept accords pourraient entrer en vigueur durant
l'année 2001.
Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord entre la
Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la
Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des
personnes, fait à Luxembourg, le 21 juin 1999 et qui, comportant des
dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de
l'article 53 de la Constitution.