EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une étude de la Commission européenne réalisée en 2022 a souligné le rôle essentiel des entreprises de taille intermédiaire pour l'économie européenne et des États européens. Les entreprises de taille intermédiaire pèsent ensemble plus de 13 % de l'emploi global dans le secteur non financier européen. Elles sont particulièrement représentées dans les écosystèmes industriels, essentiels à la compétitivité et à la souveraineté technologique de l'Union européenne : électronique, aérospatial et défense, énergies, industries à forte intensité énergétique et santé.

Dans le droit national, la catégorie d'entreprise de taille intermédiaire (ETI) désigne les entreprises qui emploient entre 250 et 4 999 salariés et génèrent soit un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 1,5 milliard d'euros, soit un total de bilan n'excédant pas 2 milliards d'euros.

Les ETI jouent un rôle crucial dans l'économie française, notamment en termes d'emplois, d'exportations et de développement des territoires. Elles se positionnent comme un maillon essentiel entre les petites et moyennes entreprises (PME) et les grandes entreprises.

En 2024, la France comptait 6 600 ETI dans les secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers. Ces entreprises :

- Emploient 3,5 millions de salariés en équivalent temps plein (ETP) ; soit 25 % des salariés français : en moyenne, une ETI emploie 556 salariés ;

- Réalisent 30 % du chiffre d'affaires total des entreprises françaises ;

- Génèrent 26 % de la valeur ajoutée de l'ensemble des entreprises ;

- Représentent 24 % des investissements totaux ;

- Exportent 28,5 % de leur chiffre d'affaires et représentent 34 % des exportations françaises ;

- Sont implantées, pour 75 % de leurs sites de production, dans les villes moyennes ou en zone rurale.

La création de cette catégorie statistique a permis à la France de conduire des politiques publiques dédiées spécifiquement à cette catégorie d'entreprises, comme la stratégie « Nation ETI », lancée en 2020 par le Président de la République pour renforcer l'accompagnement des ETI par les pouvoirs publics, ou avec le programme « ETIncelles » en 2023 pour soutenir les PME les plus dynamiques dans leur passage au statut d'ETI. L'évaluation de ces politiques publiques reste toutefois à réaliser.

Les ETI jouent également un rôle majeur dans l'économie européenne.

Le rapport « Champions cachés, occasions manquées : le rôle crucial des entreprises de taille intermédiaire dans la transition économique de l'Europe », publié le 10 janvier 2024 par la Banque européenne d'investissement (BEI) et le European Policy Centre, souligne le rôle majeur des entreprises de taille intermédiaire en tant que moteurs de la transition économique de l'Europe.

Selon ce rapport, les ETI - désignées ici comme des entreprises qui emploient entre 250 et 3 000 personnes - contribuent fortement à l'emploi et à la création de valeur dans l'économie européenne. Elles représentent plus de 17 % de l'emploi total et 21 % du chiffre d'affaires des entreprises des 27 pays de l'Union européenne. En outre, elles jouent un rôle essentiel dans les principaux écosystèmes industriels qui soutiennent la compétitivité de l'Europe. Les ETI investissent plus que la moyenne : 87 % d'entre elles ont investi dans la formation et les compétences entre 2018 et 2023 et 65 % d'entre elles sont susceptibles d'investir dans le futur.

Les entreprises identifiées comme de taille intermédiaire affichent des performances stables en matière d'investissement et d'indicateurs de résultats, et jouent un rôle clé pour relever les défis auxquels l'Union européenne est confrontée en matière de transitions écologique et numérique, de compétitivité et de productivité. Elles sont déterminées à investir dans l'avenir et à dépasser les petites et les grandes entreprises en matière de productivité et de croissance de l'emploi.

Malgré un tel constat, le rapport précité dénonce l'absence de définition cohérente et de précision des données statistiques concernant les ETI qui entrave les analyses fines en la matière et la formulation de politiques ciblées. Il appelle à une définition normalisée et à une meilleure compréhension des besoins spécifiques des ETI afin de libérer tout leur potentiel de croissance, considéré comme largement inexploité.

Gelsomina Vigliotti, vice-présidente de la Banque européenne d'investissement, estime nécessaire d'accorder « la priorité à un soutien ciblé ». Selon Debora Revoltella, économiste en chef de la BEI : « les entreprises de taille intermédiaire sont confrontées à des défis importants, tels que l'accès limité aux marchés des capitaux et l'absence d'approches cohérentes en matière de soutien public. Pour exploiter pleinement le potentiel des ETI, nous devons faciliter leur processus d'expansion, leur fournir des financements ciblés et créer un cadre réglementaire favorable ».

Toutefois, la catégorie des ETI n'est pas pleinement reconnue au niveau européen.

Sa reconnaissance est partielle lorsque les lignes directrices relatives aux aides d'État visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques contiennent une définition des petites entreprises de taille intermédiaire et autorisent, sous certaines conditions, un soutien à ces entreprises. La Commission permet également aux États membres de soutenir les entreprises de taille intermédiaire au titre de l'encadrement temporaire de crise et de transition, et du règlement général révisé d'exemptions par catégorie.

La Commission reconnaît elle-même, dans sa communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité Économique et Social Européen et au Comité des Régions COM (2023) 535 final du 12 septembre 2023 sur le « Train de mesures de soutien aux PME », que les petites entreprises de taille intermédiaire « restent confrontées à certains défis, tels que le manque de main d'oeuvre qualifiée ou la charge administrative ». Elle ajoute que « les données statistiques sur les petites entreprises de taille intermédiaire sont limitées et il manque une approche cohérente pour soutenir leur croissance ».

Sa mesure nº 18 l'engage à « être attentive aux besoins des entreprises qui dépassent les seuils de la définition des PME, ainsi qu'à l'éventail plus large de petites entreprises de taille intermédiaire ». Cela pourrait conduire à « relever, lorsque cela se justifie, les seuils financiers prévus par la définition actuelle des PME », à « élaborer une définition harmonisée des petites entreprises de taille intermédiaire » et à « prendre par la suite les mesures nécessaires pour tenir compte d'une définition révisée des PME dans les actes législatifs concernés », « y compris l'éventuelle application, sous forme adaptée, de certaines mesures en faveur des PME ».

Toutefois, cette reconnaissance reste incomplète.

Le défaut de proportionnalité des normes adoptées au niveau européen pénalise les ETI, lesquelles ne disposent ni des exemptions des PME, ni des moyens humains et financiers des grands groupes.

Le rapport d'information de la délégation aux entreprises du Sénat du 7 février 2024 relatif à la mise en oeuvre de la directive CSRD dans les entreprises, présenté par Mmes Anne-Sophie Romagny et Marion Canalès, a ainsi évalué que la charge bureaucratique résultant de la directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD, pourrait représenter jusqu'à 400 000 € par ETI concernée. Ce nouveau choc normatif pour les entreprises de cette taille résulte de l'absence de catégorie statistique dédiée. Elle conduit à l'application de la même règle aux entreprises comptant 300 salariés qu'à celles en employant 30 000.

Un communiqué commun de l'Allemagne et de la France du 29 mai 2024 appelle ainsi à la création d'une nouvelle catégorie d'entreprises comprise entre 250 et 500 salariés.

Un courrier du 2 janvier 2025 du Chancelier allemand à la Présidente de la Commission européenne souligne ainsi que « dans sa forme actuelle, la valeur ajoutée de la directive est disproportionnée par rapport à l'ampleur de la tâche bureaucratique pour les entreprises. Un report des exigences prévues par la directive CSRD de deux ans et le relèvement des seuils de chiffre d'affaires et de nombre d'employés me semblent urgents afin de ne pas surcharger les entreprises ».

Le 10 avril 2024, des représentants des organisations patronales allemandes, espagnoles, italiennes, portugaises et françaises ont appelé de leurs voeux la reconnaissance formelle de la catégorie des ETI. Réunis au Sénat à l'initiative de M. Olivier Rietmann, président de la délégation aux Entreprises et de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, ils ont rappelé que le développement des PME puis des ETI constitue un enjeu crucial dans la perspective d'une « guerre économique » avec la Chine et les États-Unis.

L'annonce de la nouvelle Commission européenne de réduire les obligations de reporting d'au moins 25 % pour toutes les entreprises - et d'au moins 35 % pour les petites et moyennes entreprises - constitue un premier pas important en faveur de la simplification, dont les ETI doivent également profiter, et prioritairement les plus petites d'entre elles.

La présente résolution invite dans un premier temps à reconnaître le principe d'une nouvelle catégorie d'entreprises, les entreprises de taille intermédiaire.

Eurostat, en lien avec les instituts statistiques des États membres, pourrait analyser la structuration des tissus économiques nationaux sur la base d'un recensement des entreprises comptant entre 250 et 4 999 salariés.

À partir de ces éléments objectifs et documentés, les bornes, inférieure et supérieure, de cette catégorie seraient précisées.

L'Union européenne pourrait alors concevoir, à titre permanent ou à titre temporaire, en réponse à une situation d'urgence, des normes adaptées et proportionnées à la taille de ces entreprises et à leurs spécificités.

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