EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 16 octobre 2023, la Commission européenne a publié une proposition de règlement relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques afin de réduire la pollution par les microplastiques. Cette initiative s'inscrit dans le cadre de la stratégie de l'Union européenne sur les matières plastiques, du plan d'action pour une économie circulaire et du plan d'action « zéro pollution », en cohérence avec les objectifs du Pacte vert pour l'Europe. L'enjeu de prévention des pertes de granulés plastiques figurait également dans le projet de compromis, soumis aux négociateurs lors de la dernière session du Comité intergouvernemental de négociations sur un traité mondial pour lutter contre la pollution par les plastiques, qui s'est tenue à Busan, en Corée du Sud, à la fin du mois de novembre 2024 et n'a pas été conclusive.

Le texte proposé par la Commission européenne doit permettre de lutter contre l'une des principales sources de pollution par des microplastiques rejetés non intentionnellement dans l'environnement en Europe, que sont les granulés plastiques industriels (GPI). Ces microplastiques ont, en effet, des impacts significatifs, durables et persistants sur la biodiversité et les écosystèmes ainsi que potentiellement sur la santé humaine.

Les littoraux français et espagnols ont ainsi été touchés, au cours des derniers mois, par des déversements accidentels de granulés plastiques, échappés de conteneurs en mer, qui se sont échoués sur les plages de Galice, du Finistère, de Vendée, de Loire-Atlantique ou de Gironde. Ces « marées blanches » de microbilles de plastique, qui résultent principalement de pertes accidentelles de granulés lors du transport maritime, mais aussi de mauvaises pratiques de manipulation tout au long de la chaîne logistique, sont difficiles à traiter et à éliminer une fois présentes dans l'environnement. Or ce type de pollution peut être largement évitable par la mise en place de mesures de prévention à toutes les étapes du cycle de production et de transport.

L'Union européenne s'est engagée à réduire significativement la pollution par les microplastiques. Ainsi le plan d'action « zéro pollution » vise une diminution de 30 % des rejets de microplastiques dans l'environnement d'ici à 2030. Les mesures prévues par la proposition de règlement permettraient de contribuer à environ un quart de l'effort nécessaire pour atteindre cet objectif.

Dans le cadre de sa lutte contre la pollution par les microplastiques, l'Union européenne a donc initié trois actions principales :

- la prévention du risque de fuite de granulés de plastique dans l'environnement ;

- la diminution des rejets non intentionnels de microplastiques ;

- l'interdiction progressive de l'ajout intentionnel de microplastiques dans les produits de consommation.

La proposition législative européenne qu'examine le Sénat s'inspire, par ailleurs, de la recommandation non contraignante de la Convention pour la protection de l'environnement maritime de l'Atlantique du Nord-Est (OSPAR)1(*) sur les granulés de plastique industriels, adoptée en juin 2021, qui tend à promouvoir la mise en oeuvre de normes de prévention et de systèmes de certification pour l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement des plastiques.

Le texte renvoie également aux dispositions adoptées par la France, dans le cadre de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui visent à prévenir la dispersion de granulés plastiques dans le milieu naturel. À ce titre, les autorités françaises ont salué l'initiative de la Commission européenne. La France est, en effet, le premier pays au monde à disposer d'une règlementation sur les pertes et fuites de granulés de plastique industriels.

La Présidence hongroise a présenté aux États membres, au début du mois de novembre 2024, un texte de compromis afin de parvenir à une orientation générale lors du Conseil environnement du 17 décembre 2024. Le Parlement européen a adopté sa position le 23 avril 2024. Les trilogues devraient donc débuter en 2025.

1. Les microplastiques : une source insidieuse de pollution des milieux naturels

Le plastique est devenu omniprésent dans notre vie quotidienne en raison de ses nombreux avantages (souplesse, solidité, résistance, durabilité, coût bas...) et multiples usages. Il a bien souvent remplacé des matériaux traditionnels dans de nombreux secteurs et est aujourd'hui le troisième matériau le plus fabriqué au monde.

Au niveau mondial, sa production a connu une croissance exponentielle depuis le début des années 1950. Elle est ainsi passée de 1,5 million de tonnes en 1950 à presque 414 millions de tonnes en 20232(*), son augmentation étant plus rapide que celle de la population. Il est, d'ailleurs, prévu un doublement de la production d'ici 2050. Selon l'OCDE, si aucune mesure n'est prise, l'utilisation des plastiques au niveau mondial pourrait presque tripler d'ici 2060, atteignant 1,2 milliard de tonnes. Il convient toutefois de noter que la production de matières plastiques en Europe a eu tendance à baisser au cours des dernières années.

Cette croissance rapide a des effets particulièrement négatifs sur les milieux naturels et la biodiversité ainsi que sur la santé humaine et le climat. Les résidus de plastique, de toutes tailles, se déposent et s'accumulent partout dans la nature, dans les sols, sur les rivages, à la surface des océans et des mers... Ils peuvent se disperser à travers des continents entiers et se retrouvent dans les régions les plus reculées, autrefois vierges, comme l'Antarctique et le mont Everest, ou dans des écosystèmes vulnérables comme les récifs coralliens et les profondeurs marines. Selon plusieurs estimations, entre 6 et 10 % de la production mondiale de plastique finissent dans les océans sous forme de déchets marins.

Les résidus de plastique dans l'environnement peuvent être classifiés en trois catégories : les macroplastiques (taille supérieure à 5 millimètres), les microplastiques et les nanoplastiques.

a. Les sources de pollution par les microplastiques

Selon l'Agence européenne des produits plastiques (ECHA), les microplastiques sont des particules solides de matière plastique, composées de mélanges de polymères et d'additifs fonctionnels dont la taille est comprise entre 5 millimètres et quelques centaines de nanomètres. Ils peuvent prendre différentes formes telles que fibres, granulés, microbilles, sphérules ou poudres... Tandis que leur taille maximale fait l'objet d'un consensus scientifique, leur taille minimale varie selon les définitions et les domaines d'étude, allant de quelques centaines de nanomètres à environ 333 ìm.

Les microplastiques peuvent être catégorisés selon deux origines distinctes. Les microplastiques primaires sont rejetés sous la forme de petites particules directement dans l'environnement. Ils peuvent être produits par l'usure de morceaux de matières plastiques plus importants lors de leur fabrication, de leur utilisation ou de leur entretien (poussière de pneus, fibres issues du lavage des textiles synthétiques...), ou être produits volontairement et alors ajoutés à des produits dans un but spécifique (agents de lavage dans des détergents, microbilles exfoliantes dans des cosmétiques...). Les microplastiques secondaires proviennent de la fragmentation de macrodéchets plastiques sous l'effet de différents facteurs environnementaux.

Les sept principales sources de microplastiques primaires identifiées sont les suivantes : les pneus, les textiles synthétiques, les peintures marines, les marquages routiers, les articles cosmétiques et de nettoyage, les granulés de plastique et les poussières urbaines.

Dans les pays disposant de systèmes de traitement des déchets perfectionnés, les rejets de microplastiques primaires excèdent ceux de microplastiques secondaires. Selon un rapport, sur les microplastiques primaires dans les océans publié par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2020, près de 48 % des pertes de microplastiques primaires se retrouvent dans les océans, le reste étant piégé dans le sol ou les boues d'épuration.

Selon des travaux menés par le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), pour le compte du ministère de la transition écologique, sur la période 2020-2022, les trois types de microplastiques les plus retrouvés sur les littoraux français sont les granulés plastiques industriels - GPI - (61 %), les fragments en plastique dur (33 %) et les fragments de polystyrène expansé (5 %). L'étude relève ainsi que « ce premier état des lieux met en évidence une forte abondance de microplastiques échoués sur les sites échantillonnés avec une présence marquée de GPI » 3(*).

b. Les risques liés à la pollution par les microplastiques

La pollution par les microplastiques a des conséquences néfastes sur l'environnement et la santé humaine, mais aussi sur le climat.

En se dispersant dans l'environnement, les particules de plastiques sont ingérées par de nombreux organismes vivants et animaux, causant ainsi des atteintes durables à la biodiversité et aux écosystèmes. Elles peuvent provoquer divers dommages sur le plan physique, notamment des lésions internes qui entraînent des difficultés respiratoires, des troubles de la déglutition ou des perturbations du processus digestif. Les microplastiques soulèvent des inquiétudes supplémentaires au-delà de leurs effets physiques directs. Ils peuvent aussi agir comme vecteurs de micro-organismes pathogènes, y compris des espèces de bactéries, entraînant une augmentation de la présence d'espèces non indigènes.

Le récent rapport de l'OPECST sur les impacts des plastiques sur la santé humaine4(*) souligne, par ailleurs, que « les signaux d'alarme concernant les risques que font peser les plastiques particulaires sur la santé humaine se multiplient ».

Des effets potentiels des microplastiques sur le climat ont également été identifiés par certaines études5(*), comme le rapporte l'étude d'impact sur la proposition de règlement, réalisée par la Commission européenne. Les microplastiques représentent une pression négative sur l'absorption de dioxyde de carbone par la nature. Les processus de cycle du carbone et des nutriments dans le sol peuvent, en effet, être fortement affectés par la présence de microplastiques et leur décomposition ultérieure, ce qui peut entraîner une diminution de la capacité d'absorption des gaz à effet de serre. En outre, les plastiques et les microplastiques sont une source d'émissions de gaz à effet de serre, exerçant une pression supplémentaire sur le climat. Les émissions de gaz à effet de serre se produisent, en effet, à chaque étape du cycle de vie des plastiques, les processus liés à l'extraction, au raffinage, à la fabrication et à la gestion en fin de vie étant consommateurs de carbone.

c. Les granulés de plastique, une importante source de pollution par les microplastiques en Europe

Les granulés de plastiques industriels6(*) (GPI), aussi connus sous le nom de billes, paillettes ou larmes de sirène, sont utilisés par les plasturgistes et les transformateurs en tant que matière première lors de la fabrication d'objets en plastique. Ils se présentent sous différentes dimensions, couleurs et formes, telles que des granulés, des flocons, des poudres ou des liquides. Cependant, ils sont le plus souvent produits sous forme de granulés d'une taille de 2 à 5 millimètres. La France a introduit, dans le code de l'environnement, une définition des GPI plus englobante, qui les caractérise par des dimensions externes supérieures à 0,01 mm et inférieures à 1 cm7(*).

La production des granulés de plastique s'effectue dans des sites industriels spéciaux où ils sont d'abord stockés dans de grands silos. Ils sont ensuite transportés, après avoir été emballés, vers des installations de fabrication par transport routier, ferroviaire, aérien ou maritime. Ces granulés sont alors transformés selon différents procédés afin d'obtenir des produits plastiques finaux.

Les pertes de granulés se produisent, en plus ou moins grande quantité, tout au long de la chaîne d'approvisionnement, à différentes étapes du cycle de vie du plastique et des objets produits, à savoir la production, le transport et le recyclage des plastiques. Les déversements systématiques ou accidentels résultent généralement de mauvaises pratiques de manipulation des granulés et d'un manque de sensibilisation à cette question, ce qui explique qu'ils se retrouvent dans l'environnement.

Ainsi plusieurs étapes de la chaîne d'approvisionnement8(*) présentent un risque élevé de pertes de granulés plastiques dans l'environnement :

- au cours des opérations de manipulation générale (emballages défectueux, remplissage...) ;

- lors du transport de granulés (nettoyage, chargement et fermeture des véhicules, stockage et déchargement des conteneurs en vrac, accidents...) ;

- lors du transport maritime (conteneurs d'expédition endommagés ou perdus, sacs endommagés...) ;

- lors de l'élimination des déchets.

La production mondiale annuelle de granulés plastiques industriels est estimée entre 300 et 400 millions de tonnes. 70 millions de tonnes de GPI sont traitées dans l'UE par an ; les prévisions pour 2028/2030 sont de l'ordre de 80 millions de tonnes. Les pertes représentent environ 0,6 % du flux total.

Selon la Commission européenne, les granulés plastiques constituent la troisième plus grande source de microplastiques non intentionnels libérés dans l'environnement en Europe, après les peintures et les pneumatiques. Selon une estimation établie par la Commission dans le cadre d'une méthodologie élaborée avec des ONG qui repose sur des chiffres de 2019, l'équivalent de 2 100 à 7 300 chargements de camions de granulés, soit de l'ordre de 52 000 à 184 000 tonnes, sont perdus chaque année dans l'Union européenne. Aucune évaluation des pertes n'a été établie au plan national. Lors de son audition, la représentante de l'ONG Surfrider Foundation Europe a estimé que le chiffre fourni par la Commission européenne était largement sous-évalué en l'absence d'obligation pour les industriels et les transporteurs de communiquer les données relatives en cas de pertes ou de pollution.

Comme l'a indiqué l'Association nationale des élus des littoraux (ANEL) aux rapporteurs9(*), ce sont principalement des particuliers, des collectivités territoriales ou des associations environnementales qui signalent les échouements de granulés plastiques. Or les moyens dont disposent les collectivités territoriales pour faire face à ces déversements accidentels, plus ou moins importants, en particulier en mer, sont relativement limités et bien souvent, aucune intervention n'est réalisée, en raison de ressources insuffisantes. Le suivi de la pollution par les GPI repose essentiellement sur des initiatives locales.

En tout état de cause, ces granulés, qui sont extrêmement mobiles, sont difficiles à capturer. Du fait de leur flottabilité, ils sont, en effet, facilement transportés par l'air et par les eaux de surface et marines, et se retrouvent ainsi dans les sols, les eaux pluviales, les lacs, les rivières, les estuaires, les plages, les lagunes, les mers et les océans. Les impacts environnementaux suspectés, selon le document établi par le Cedre10(*), concernent les impacts physiques sur les habitats ; les impacts écotoxicologiques pour les écosystèmes ; et le risque de colonisation et transport d'espèces mais aussi de polluants.

2. Une proposition de règlement qui s'inscrit dans le cadre des actions déjà conduites en faveur de la réduction de la pollution par les microplastiques

La proposition de règlement qu'examine le Sénat s'inscrit dans le cadre des différentes initiatives élaborées au niveau européen pour lutter contre la pollution par les plastiques et les microplastiques. Elle est en phase aussi avec les négociations, qui doivent reprendre au printemps 2025, pour un traité mondial sur les matières plastiques ainsi qu'avec les travaux conduits dans le cadre de l'Organisation maritime internationale (OMI). Par ailleurs, elle renvoie aux dispositions adoptées, par la France, dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, relatives à la prévention des pertes de granulés de plastiques industriels dans l'environnement.

a. L'Union européenne est déjà fortement engagée dans la lutte contre la pollution des microplastiques

La Commission européenne a adopté plusieurs initiatives visant à réduire la pollution par les microplastiques, qu'ils soient d'origine primaire ou secondaire.

Elle s'est ainsi engagée à lutter contre ce type de pollution dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe11(*), du plan d'action pour une économie circulaire pour une Europe plus propre et plus compétitive12(*), de la stratégie pour la protection des sols à l'horizon 203013(*), ainsi que du plan d'action de l'UE intitulé « Vers une pollution zéro dans l'air, l'eau et les sols »14(*), publié en 2021. Ce plan fixe d'ailleurs un objectif de réduction de 30 % des microplastiques libérés dans l'environnement, quelle qu'en soit l'origine, d'ici à 2030.

Plus concrètement, le règlement (UE) 2023/205515(*), adopté le 25 septembre 2023, a introduit, dans le cadre du règlement REACH, une restriction importante sur les microplastiques ajoutés intentionnellement dans les produits, en interdisant leur commercialisation, seuls ou mélangés dans des produits de consommation courante, en cas de concentration supérieure ou égale à 0,01 % en poids.

D'autres mesures ont également été prises au niveau européen concernant d'autres sources non intentionnelles de pollution par les microplastiques. C'est notamment le cas du règlement dit Euro 716(*) qui introduit des limites relatives aux émissions de particules dues au freinage et à l'abrasion des pneumatiques, lesquels constituent la deuxième source de rejets de microplastiques primaires en Europe. En outre, le règlement sur l'écoconception des produits17(*) doit permettre de fournir un cadre en termes de durabilité pour des produits tels que les textiles ou les peintures, qui sont aussi une source de rejets de microplastiques dans l'environnement.

Enfin, la proposition examinée par le Sénat tend aussi à compléter d'autres mesures réglementaires déjà prises par l'UE pour lutter contre la pollution plastique. La directive sur les plastiques à usage unique18(*) a constitué une étape importante pour réduire l'impact des déchets plastiques dans l'environnement, en particulier dans les océans. Le nouveau règlement relatif aux emballages et déchets d'emballages19(*), qui a fait l'objet d'un accord en trilogue, le 4 mars 2024, vise à réduire sensiblement la production de déchets d'emballages et par conséquent, leur fuite dans la nature, en fixant des objectifs contraignants de réemploi et de recyclabilité des emballages ainsi qu'en matière de teneur en plastique recyclé, en limitant certains types d'emballages à usage unique et en exigeant des opérateurs économiques une réduction drastique des emballages utilisés.

b. La participation de l'Union européenne aux négociations internationales visant à lutter contre la pollution plastique

À l'échelle internationale, l'UE défend une position ambitieuse, en particulier dans le cadre des négociations, engagées en 2022, à l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement visant un accord mondial juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique, ainsi que dans le cadre des travaux de l'Organisation maritime internationale (IMO) et de la Convention pour la protection de l'environnement maritime de l'Atlantique du Nord-Est (OSPAR).

Lors de la dernière session de négociation pour parvenir à un accord sur un traité mondial sur les matières plastiques qui s'est tenue à Busan, en Corée du Sud, à la fin novembre 2024, et s'est soldée par un échec, deux approches distinctes se sont opposées : une approche globale qui visait à couvrir l'intégralité du cycle de vie des plastiques afin de réduire significativement la production mondiale de plastique, notamment défendue par l'Union européenne, et une approche plus limitée concentrée essentiellement sur la gestion des déchets plastiques, soutenue par les pays producteurs de pétrole et transformateurs de plastique. Ces approches reflètent les niveaux d'engagement et d'ambition différents des parties prenantes dans la lutte contre la pollution plastique. Force est de noter que les granulés de plastique ont été bien identifiés et pris en compte dans le texte de compromis, présenté par le président du Comité intergouvernemental de négociation. Son article 7 stipulait que chaque partie prenante était tenue de prendre des mesures pour prévenir, réduire et, dans la mesure du possible, éliminer les fuites et rejets de granulés de plastique dans l'environnement.

Par ailleurs, l'Union européenne a participé en tant qu'observateur aux discussions de l'Organisation maritime internationale (OMI), qui ont permis l'adoption, en mars 2024, de recommandations non contraignantes sur le transport maritime des granulés de plastique, qui visent à en réduire les risques environnementaux. Les principales recommandations concernent le conditionnement des pellets de plastique dans des emballages de haute qualité, l'identification et l'arrimage des conteneurs les transportant. Elles s'inscrivent dans le cadre des efforts de l'OMI pour garantir la sécurité du transport des granulés plastiques à bord des navires et prévenir les dommages au milieu marin en cas de déversement accidentel. Un groupe de travail sur la lutte contre la pollution par les GPI a ainsi été créé, en 2023, sous le pilotage du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), afin d'élaborer des directives sur les meilleures pratiques de nettoyage en cas de déversement de granulés de plastique par les navires. L'UE tend aussi à construire des alliances pour l'adoption de mesures contraignantes au niveau de l'OMI.

Enfin, la recommandation de la Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est OSPAR 2021/06 sur la réduction des pertes de granulés plastiques dans le milieu marin, adoptée en 2021, est une initiative importante qui tend à réduire le déversement de granulés dans l'environnement marin, et sur laquelle s'appuie la proposition de règlement. Elle vise à promouvoir l'élaboration et la mise en oeuvre de normes de prévention des pertes de granulés et de systèmes de certification efficaces pour l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement des matières plastiques. Le programme de surveillance OSPAR fournit aussi une méthode standardisée pour réaliser des enquêtes sur les déchets marins sur les plages.

c. Une initiative en phase avec les efforts déjà entrepris par le secteur de l'industrie du plastique

Cette proposition de règlement, comme le souligne la Commission européenne dans son exposé des motifs, s'appuie aussi sur le programme « Operation Clean Sweep » (OCS). Ce programme a été développé par l'industrie américaine des plastiques, en 1990, pour aider les entreprises à lutter contre les fuites de granulés en fournissant une série de recommandations sous la forme d'un manuel basé sur l'apprentissage collectif. Il a été lancé en Europe en 2014 et n'est devenu véritablement opérationnel qu'à partir de 2018 avec l'engagement volontaire de Plastics Europe, association qui réunit les producteurs européens de matières plastiques, « en faveur d'une meilleure circularité et d'une utilisation plus efficace des ressources ». Lors de leur audition par les rapporteurs, les représentants de Plastics Europe ont indiqué que 3 400 sociétés (tous les membres de Plastics Europe, transporteurs terrestres, transformateurs, compoundeurs, logisticiens, ports...) étaient, à ce jour, signataires du programme.

Ce programme repose sur quatre axes : la mise en place d'un audit sur chaque site afin d'analyser les points de transfert des granulés ; l'analyse des zones de fuite ; la mise en place de mesures correctives ; l'établissement d'un bilan. Depuis juin 2023, un processus de certification a été mis en place qui définit un référentiel des meilleures pratiques pour prévenir les pertes de granulés de plastique et tendre vers un niveau zéro de pertes. Les clauses du référentiel de certification comprennent des exigences de base et des exigences spécifiques. 80 sites, dont des fabricants de résines polymères ou des transformateurs, ont été certifiés, et leur nombre devrait croître à l'avenir.

d. La France fait figure de pionnière en matière de législation sur les pertes de granulés plastiques

La France est le seul pays au monde à disposer d'une règlementation encadrant de façon contraignante les pertes et les fuites de granulés plastiques industriels. L'article L. 541-15-11 du code de l'environnement, introduit par l'article 83 de la loi AGEC20(*), impose ainsi, depuis le 1er janvier 2023, de nouvelles obligations aux sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels.

La loi française prévoit ainsi que les sites de production, de manipulation et de transport de GPI doivent être dotés d'équipements spécifiques, avoir installé des dispositifs de confinement et récupération dans les zones à risque et avoir mis en place des procédures contribuant à prévenir les pertes et les fuites de granulés dans l'environnement. Ces sites doivent aussi faire l'objet d'inspections régulières par des organismes certifiés indépendants, « afin de s'assurer de la mise en oeuvre des obligations (...) et de la bonne gestion des granulés sur l'ensemble de la chaîne de valeur, notamment s'agissant de la production, du transport et de l'approvisionnement »21(*).

Un décret22(*) précise les modalités de mise en oeuvre de ces mesures. En particulier, il prévoit qu'elles s'appliqueront aux exploitants de sites de production, de manipulation et de transport de GPI manipulant plus de 5 tonnes par an. Il établit un certain nombre de procédures visant à identifier les zones à risque de déversement, à vérifier régulièrement la conception et la manipulation des emballages utilisés pour le stockage et le transport, à confiner et ramasser quotidiennement tout granulé répandu accidentellement dans l'enceinte du site, à nettoyer régulièrement les bassins de rétention et les abords du site, à inventorier et vérifier le bon fonctionnement des équipement de prévention, à former et sensibiliser le personnel et les tiers intervenant sur le site et, enfin, à réaliser des contrôles internes tous les six mois de ces procédures.

Ces procédures doivent être auditées tous les trois ans par un organisme certificateur accrédité. Les conclusions de ces auditions sont ensuite rendues publiques sur le site internet de l'exploitant du site.

Selon les informations communiquées aux rapporteurs, l'inspection des installations classées a réalisé en 2024, dans le cadre d'une opération « coup de poing », 147 inspections dans neuf régions. Ces inspections ont permis de constater la relative bonne mise en oeuvre de ces dispositions réglementaires ; seuls deux procès-verbaux ont été dressés pour des sites en situation de non-conformité prolongée. Des arrêtés préfectoraux de mise en demeure ont été pris et ont concerné vingt-neuf sites ; les points identifiés feront prochainement l'objet de vérification dans le cadre de nouvelles inspections.

3. Des règles communes pour prévenir et réduire les pertes de granulés de plastique dans l'environnement

La Commission européenne a présenté un ensemble de mesures visant à lutter contre la pollution plastique à la source dans l'objectif de réduire les pertes de granulés de plastiques industriels (GPI) entre 54 et 74 % par rapport à celles estimées en 2019, soit une réduction de 6 % de la quantité totale de rejets involontaires de microplastiques. Il s'agit, en particulier, de créer un cadre législatif harmonisé au niveau européen qui s'inscrit en cohérence avec les différentes initiatives et recommandations pour mettre en place des dispositifs de bonnes pratiques limitant les fuites de GPI dans l'environnement, qu'ont élaborés des instances internationales ou le secteur de la plasturgie, et qui reposent, à l'heure actuelle, sur la base du volontariat. Une harmonisation avec les politiques nationales et les initiatives locales doit aussi assurer une gestion plus cohérente et efficace de cette problématique.

La proposition de règlement qu'examine le Sénat se concentre sur les rejets non intentionnels de granulés de plastiques industriels, qui servent de matériau de base à la fabrication de la quasi-totalité des objets en plastique, et qui ne sont pas encore couverts par une règlementation européenne.

La proposition de règlement s'articule autour de quatre axes :

- une approche tout au long de la chaîne d'approvisionnement ;

- une obligation générale d'éviter les pertes ;

- un système de certification obligatoire par un tiers pour les grands opérateurs et d'auto-déclaration de conformité pour les plus petites entreprises ;

- une méthodologie harmonisée d'estimation des pertes élaborée par des organismes de normalisation.

a. Couvrir l'ensemble de la chaîne de valeur

La proposition de règlement établit une obligation générale de prévention des pertes, pour les opérateurs économiques, les transporteurs de l'UE et les transporteurs de pays tiers, à tous les stades d'approvisionnement, dès son entrée en vigueur.

Seraient ainsi assujettis à l'obligation de gestion des granulés tous les opérateurs et installations économiques manipulant des granulés de plastiques industriels au-delà de 5 tonnes par an, indifféremment de la taille de l'opérateur économique.

Cette obligation s'appliquerait à toutes les opérations liées aux granulés plastiques, à savoir la production, le broyage et le compostage, la conversion, la gestion des déchets, y compris le recyclage, la distribution, le reconditionnement, le transport, le stockage et le nettoyage, se déroulant dans l'UE.

La commission des affaires européennes relève que le seuil d'assujettissement aux exigences du règlement aux entreprises manipulant plus de 5 tonnes de granulés plastiques par an est identique à celui fixé par la législation française. Elle considère qu'il apparaît pertinent pour assurer la prévention des pertes de GPI dans l'environnement en ciblant non seulement les sites industriels les plus importants mais aussi ceux de plus petite taille, qui peuvent parfois rencontrer davantage de difficulté dans la mise en oeuvre des meilleures pratiques de manipulation des granulés. C'est pourquoi elle se félicite que la proposition de règlement prévoie des initiatives pour aider les petites et moyennes entreprises à mettre en oeuvre le règlement.

L'ensemble des transporteurs UE et hors UE circulant dans l'UE par route, rail, et voie fluviale seraient aussi visés, cette fois sans limite de seuil, par cette réglementation, à l'exception de ceux par voie maritime, en raison de leur caractère international. Toutefois, la Commission s'est déclarée ouverte à des propositions sur ce sujet en fonction de l'évolution des discussions en cours au sein de l'OMI.

La commission des affaires européennes se félicite de l'approche retenue par la Commission européenne qui intègre dans le champ d'application du texte non seulement l'ensemble des opérateurs économiques mais aussi les transporteurs UE et de pays tiers, ce qui n'est pas le cas dans le dispositif français.

b. Fixer une obligation de résultat aux opérateurs économiques et aux transporteurs en matière de manipulation de granulés plastiques

La proposition de règlement prévoit que les entreprises devront déclarer, auprès des autorités nationales compétentes, leurs activités relatives à la manipulation de granulés plastiques, pour permettre à ces autorités d'effectuer les contrôles nécessaires en matière de respect des exigences, mais aussi les informer en cas d'accidents.

Le texte fixe des exigences communes en matière de manipulation des granulés plastiques, à toutes les étapes de la chaîne logistique, au sein de l'UE. Ces exigences devront être mises en oeuvre par l'ensemble des opérateurs économiques et des transporteurs acheminant des granulés plastiques dans l'UE, selon l'ordre de priorité suivant :

- la prévention, pour éviter tout déversement de granulés ;

- le confinement des granulés déversés, pour éviter leur dispersion dans l'environnement ;

- le nettoyage, en dernier recours, après un déversement ou une perte.

Ces pratiques, déjà largement adoptées par un certain nombre d'entreprises de la plasturgie, comme l'ont confirmé les représentants du secteur auditionnés par les rapporteurs de la commission des affaires européennes, comprennent la mise en place d'équipements et de procédures pour capturer et nettoyer les granulés autour des zones à haut risque de déversement. La commission des affaires européennes fait remarquer que les exigences posées par le texte européen sont en cohérence avec la législation déjà appliquée en France et à ce titre, elle s'en félicite.

Dans ce cadre, les opérateurs économiques exploitant des installations dans lesquelles sont manipulés des GPI devront réaliser et tenir à jour un plan d'évaluation des risques par installation, en fonction de la nature et de la taille de l'installation et de l'ampleur des opérations. Ce plan prévoit une cartographie et une minimisation des risques. Celui-ci ainsi qu'une auto-déclaration de respect des exigences seront communiqués à l'autorité compétente de l'État membre. Les installations et les transporteurs de l'UE devront aussi tenir un registre des mesures mises en oeuvre et des quantités de pertes estimées. Par ailleurs, des exigences sont posées en matière de formation des personnels.

L'annexe 1 de la proposition de règlement précise les pratiques que les opérateurs économiques devront intégrer dans leur plan de gestion des risques, et l'annexe 3 celles à suivre par les transporteurs, qu'ils soient basés dans l'UE ou ailleurs, dès lors qu'ils opèrent à l'intérieur de l'Union.

Ces exigences posées par le règlement entraîneront des coûts de mise en conformité pour le secteur. Globalement, le coût de mise en oeuvre pour les opérateurs économiques est estimé entre 315 et 430 millions d'euros par an pour l'ensemble de l'UE (dont 19,4 millions d'euros de coûts administratifs pour les entreprises).

Cependant, selon la Commission européenne, l'augmentation des coûts devrait être limitée en raison du faible coût de mise en oeuvre des meilleures pratiques de gestion par rapport au chiffre d'affaires du secteur (0,13 %), et de la réduction significative des pertes de granulés qui devrait en découler. Cette réduction est estimée entre 25 142 et 140 621 tonnes par an. Pour les entreprises manipulant les granulés, les avantages incluent donc un gain économique estimé entre 23 et 127 millions d'euros du fait de la quantité de granulés non perdus dans l'environnement.

Comme l'ont souligné les représentants des industriels de la plasturgie lors de leur audition, la mise en oeuvre de ces mesures de prévention présente de fait, pour les entreprises, un avantage économique en réduisant le gaspillage de la matière première, et contribue aussi à améliorer leur image de marque en matière environnementale auprès d'un public de plus en plus sensible à ces questions.

c. Instaurer une obligation de certification pour les installations les plus importantes

Afin de permettre aux autorités nationales compétentes de s'assurer de leur conformité, les moyennes et grandes entreprises exploitant des installations traitant plus de 1 000 tonnes de granulés par an devront obtenir, respectivement tous les quatre ou trois ans, une certification de conformité aux exigences fixées à l'annexe I du règlement auprès de certificateurs accrédités par les États membres et leur notifier les documents d'évaluation des risques.

Les certificateurs devront procéder à des contrôles ponctuels pour s'assurer de la mise en oeuvre des mesures prévues par les plans d'évaluation des risques. Ces entreprises devront aussi réaliser, tous les ans, une évaluation interne de toutes leurs installations concernant le respect de ces mêmes mesures.

d. Prévoir des exigences allégées selon la taille et le volume d'activité de l'entreprise

La Commission européenne propose, contrairement à la règlementation française, une approche différenciée en fonction de la taille et du volume d'activité de l'entreprise. Les petites et microentreprises ainsi que les moyennes et grandes entreprises exploitant des installations manipulant moins de 1 000 tonnes de granulés par an pourraient ainsi être soumises à des formalités de contrôle moins strictes.

Elles ne seraient pas soumises à l'obligation de certification par un tiers et devraient seulement fournir une auto-déclaration de respect des exigences tous les cinq ans. Ces entreprises seraient aussi exemptées des obligations de procéder à des évaluations internes et d'établir un programme de sensibilisation et de formation pour leurs personnels.

e. Harmoniser la méthodologie au service d'une meilleure connaissance statistique des pertes de granulés plastiques

Par ailleurs, l'Union européenne devra élaborer une méthode normalisée afin de mieux estimer les pertes de granulés plastiques dans l'environnement dans le cadre de la réglementation REACH. Cette méthodologie sera élaborée par un organisme européen de normalisation avec l'objectif d'aider les opérateurs à quantifier leurs pertes, à démontrer leur conformité aux autorités compétentes et à disposer de davantage de données.

Il est également prévu que les États membres prévoient des sanctions en cas de non-respect des dispositions du règlement.

4. Une initiative de la Commission européenne unanimement saluée mais dont l'ambition doit être renforcée

Tout en saluant et en soutenant l'initiative de la Commission européenne qui vise à compléter un vide juridique au niveau européen afin de prévenir les rejets non intentionnels de granulés de plastique tout au long de la chaîne de valeur, les rapporteurs de la commission des affaires européennes considèrent que l'ambition du texte pourrait être relevée, notamment pour se rapprocher du dispositif adopté en France, et que certains points méritent d'être consolidés.

À ce titre, force est de souligner que les autorités françaises défendent la possibilité de maintenir le cadre juridique national existant, qui s'avère plus ambitieux en matière d'exigences imposées aux opérateurs économiques, de sorte que la mise en oeuvre du règlement n'oblige pas la France à des adaptations législatives particulières. Selon les informations communiquées aux rapporteurs de la commission des affaires européennes, la France aurait obtenu des assurances sur l'introduction d'une disposition permettant aux États membres de conserver leurs dispositions déjà en vigueur qui seraient plus strictes.

Sur le plan juridique, sur le fondement de l'article 192 du traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui constitue la base juridique de la proposition de règlement, l'article 193 du TFUE prévoit en effet que « les mesures de protection arrêtées en vertu de l'article 192 ne font pas obstacle au maintien et à l'établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées. Ces mesures doivent être compatibles avec les traités. Elles sont notifiées à la Commission ». En conséquence, des mesures nationales plus strictes pourraient être conservées dès lors qu'elles n'entrent pas en conflit avec d'autres règles ou principes de l'UE, tels que la libre circulation des marchandises ou des services et respectent le principe de proportionnalité. Cette question juridique devra être réévaluée sur la base de l'accord politique qui sera conclu à l'issue des trilogues.

a. Un objectif environnemental partagé de prévention des pertes de granulés plastiques dans l'environnement

Au cours des différentes auditions qu'ils ont réalisées, les rapporteurs de la commission des affaires européennes ont pu noter que l'ensemble des parties prenantes, États membres, industriels de la plasturgie et ONG, ont salué et approuvent l'initiative de la Commission européenne de réglementer les pertes et fuites de granulés de plastique afin de lutter contre la pollution des microplastiques dans l'environnement.

Les représentants des industriels - Plastics Europe et Plastalliance - ont ainsi indiqué que les exigences posées par le texte de la Commission européenne étaient « raisonnables et bien réfléchies », qu'elle avait « réalisé au global un très bon travail qu'il faut saluer ». Ils ont aussi souligné le risque réputationnel que représentent les accidents liés au déversement de granulés plastiques dans la nature pour les entreprises du secteur, de tels événements étant souvent très médiatisés et relayés sur les réseaux sociaux.

Pour sa part, l'ONG Surfrider Foundation Europe a salué l'approche adoptée par la Commission européenne, estimant que « face au vide juridique actuel à l'échelle européenne et aux nombreux cas de pollution signalés, il était impératif de combler cette lacune ».

Les rapporteurs de la commission des affaires européennes partagent l'objectif de la proposition de règlement visant à prévenir une pollution des milieux naturels largement évitable par la mise en place de bonnes pratiques de gestion de l'utilisation et du transport des granulés de plastique. Ce texte doit, en particulier, permettre, au niveau européen, de renforcer les efforts réalisés en ce sens par les acteurs de l'industrie plastique et de créer des conditions de concurrence équitable entre les opérateurs économiques au sein du marché intérieur européen.

La réduction des pertes de granulés devrait aussi avoir des impacts économiques positifs sur certains secteurs tels que la pêche commerciale, l'agriculture, le tourisme et les loisirs dans les zones géographiques régulièrement touchées par les rejets, en particulier les littoraux. En effet, la présence récurrente de granulés plastiques sur les plages affecte directement l'attractivité des sites touristiques et les activités économiques côtières. Elle occasionne aussi des coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales, qui, faute de pouvoir en établir les responsabilités, sont contraintes de mobiliser des ressources financières pour assurer les opérations de nettoyage. La commission des affaires européennes partage cette inquiétude des collectivités territoriales qui doivent faire face fréquemment à des épisodes de pollution de ce type et considère que la dimension de réparation des dommages à l'environnement, malgré l'existence de cadres juridiques au niveau européen23(*) et national24(*), n'est pas suffisamment prise en compte.

Le texte de la Commission européenne prévoit que les exploitants responsables des déversements de granulés plastiques, à condition de pouvoir les identifier, devront couvrir les coûts de nettoyage des granulés. Ainsi les entreprises à l'origine de la pollution seraient tenues de financer les opérations de nettoyage sur les plages et dans d'autres zones affectées, plutôt que de laisser cette charge aux autorités locales. Les rapporteurs de la commission européenne soulignent que cette approche s'inscrit donc dans le principe du pollueur-payeur visant à responsabiliser les entreprises pour la prévention et le nettoyage des dommages environnementaux causés par leurs activités.

b. L'intégration nécessaire du transport maritime dans le champ d'application du règlement

L'intégration du transport maritime dans le champ du règlement constitue un point de divergence entre États membres, encore en discussion. Certains pays - la Grèce, Chypre, Malte, l'Allemagne, la Lettonie, la Croatie, la Bulgarie et la Slovaquie - y sont opposés au motif qu'il serait préférable de conduire une action au niveau international avant de fixer de trop strictes exigences au niveau européen, et que cela risquerait de nuire à la compétitivité du transport maritime européen. D'autres y sont plutôt favorables comme la France, la Tchéquie, la Lituanie, l'Irlande, l'Espagne, les Pays-Bas, le Danemark, l'Italie, la Suède, la Finlande. Un consensus semble néanmoins se dégager pour introduire des dispositions contraignantes en ce sens dans le règlement, calquées sur les recommandations25(*) de l'Organisation maritime mondiale (OMI). La Présidence hongroise a ainsi présenté une proposition d'ajustement qui prévoit d'intégrer le transport maritime. Les rapporteurs de la commission des affaires européennes approuvent cette avancée qu'ils considèrent comme essentielle compte tenu de la croissance du transport de granulés plastiques par voie maritime et des risques majeurs d'accidents en mer.

Force est de constater que les pertes de granulés de plastique en mer, même si elles sont occasionnelles, sont souvent conséquentes et provoquent des dommages significatifs aux écosystèmes marins et aux secteurs économiques côtiers.

Les accidents les plus marquants qui se sont produits récemment dans l'Union européenne ont notamment touché, à plusieurs reprises, les côtes atlantiques françaises : la plage de Plomeur en décembre 2022, le littoral des Landes en novembre 2023, la plage de la Govelle en Loire-Atlantique le 20 novembre 2023...

Source : Vigipol

Différentes plaintes ont été déposées par des municipalités et l'État français. Ainsi, le 5 avril 2024, l'Association Nationale des Élus du Littoral (ANEL) et d'autres acteurs ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Brest pour pollution des eaux et des milieux naturels. Pour l'instant, l'enquête est toujours en cours pour tenter de déterminer les responsabilités.

La commission des affaires européennes estime qu'un meilleur encadrement du transport maritime pour prévenir les fuites de granulés plastiques en mer est donc nécessaire. Ainsi l'inclusion de ce mode de transport dans le champ du règlement permettrait de rendre obligatoires dans l'Union européenne des recommandations déjà élaborées dans le cadre de l'OMI. Ces recommandations portent notamment sur les emballages, qui doivent être suffisamment robustes pour résister aux chocs et contraintes du transport maritime, des protocoles d'étiquetage afin de mieux identifier les GPI et des lignes directrices en matière d'arrimage pour assurer un placement sécurisé des conteneurs de GPI.

L'UE disposerait ainsi d'une réglementation plus contraignante que les initiatives prises au plan international. Pour que l'ensemble des transporteurs se trouve effectivement intégré dans le champ d'application du règlement, la France demande que soit bien précisé dans le texte qui sera adopté que tous les navires à destination ou au départ d'un port européen, indépendamment de leur pavillon, respectent les exigences posées par la règlementation européenne. Les navires circulant dans les zones économiques exclusives des États membres, et notamment autour des régions ultrapériphériques (RUP), sur lesquelles pèsent aussi des menaces de fuites de GPI, seraient alors concernés par les dispositions prévues par la proposition de règlement.

c. Des exigences qui doivent être fixées en fonction du seul volume de granulés plastiques manipulés

Tout en saluant le principe d'une certification indépendante pour les moyennes et grandes entreprises manipulant plus de 1 000 tonnes par an de granulés, les rapporteurs de la commission des affaires européennes estiment que l'auto-déclaration à laquelle seraient soumises les micros et petites entreprises ainsi que celles manipulant un volume inférieur de GPI, en raison d'une mesure d'exemption, ne permet pas de garantir suffisamment le respect des exigences fixées par la proposition de règlement en matière de prévention des pertes de granulés plastiques et de lutter efficacement contre ce type de pollution dans l'environnement.

Ils notent que sur ce point, le texte présenté par la Commission européenne s'écarte du dispositif français, qui prévoit une obligation de certification pour tous les opérateurs économiques manipulant plus de 5 tonnes de granulés par an. À ce titre, ils s'interrogent sur le seuil d'exemption envisagé au regard des considérations environnementales. Ils estiment, en effet, qu'un contrôle rigoureux est nécessaire ainsi qu'un accompagnement technique pour la mise en place de bonnes pratiques.

Afin de conserver l'approche retenue par la législation française, la commission des affaires européennes fait valoir que le seuil d'assujettissement à l'obligation de certification de 1 000 tonnes de granulés manipulés par an est très élevé, en particulier si on prend en compte la structure des entreprises françaises de la plasturgie. 80 % des entreprises françaises manipulant des granulés de plastique sont des PME et 50 % d'entre elles emploient moins de dix salariés. En conséquence, seul un petit nombre d'entre elles seraient effectivement couvertes par les dispositions du règlement, contrairement aux règles actuelles prévues par le code de l'environnement.

Ainsi les rapporteurs s'interrogent sur l'efficacité d'un contrôle qui reposerait uniquement sur un système d'auto-déclaration pour les entreprises manipulant un volume important de granulés de plastique, et considèrent que les mêmes règles, incluant l'obligation de certification, doivent s'appliquer à tous les opérateurs économiques, quelle que soit leur taille.

En conséquence, la commission des affaires européennes propose que le seuil de 1 000 tonnes soit abaissé à un niveau plus proche de celui retenu dans le dispositif français, qui est plus ambitieux en termes de contrôle, et qu'il soit fixé uniquement en fonction du volume de granulés plastiques manipulés, indépendamment de la taille de l'entreprise. Dans cette optique, elle demande que les petites entreprises manipulant plus de 1 000 tonnes par an de granulés soient également soumises à l'obligation de certification indépendante par un tiers, et non à l'auto-déclaration.

Par ailleurs, la direction générale de la prévention du ministère de la transition écologique a indiqué qu'un seuil trop élevé « pourrait engendrer une charge plus importante pour l'inspection des installations classées afin de contrôler plus régulièrement les opérateurs économiques non soumis à certification ».

Les rapporteurs de la commission des affaires européennes considèrent, en outre, que les exigences en matière d'auto-évaluation doivent être renforcées par un accompagnement spécifique et des inspections régulières et proposent la réalisation d'un audit dont le champ d'application et la fréquence pourraient toutefois être assouplis par rapport à la législation française, afin de s'assurer de l'application des mesures préventives.

Enfin, ils considèrent que l'exemption prévue par la Commission européenne pour les petits opérateurs (en taille ou volume) ne peut concerner l'obligation d'établir un programme de sensibilisation et de formation. En effet, les inspections réalisées par les services de l'État montrent que la formation des personnels est un facteur essentiel pour la mise en oeuvre de la réglementation, à un coût faible. La commission des affaires européennes estime donc que des exigences doivent être définies en termes de formation des personnels pour l'ensemble des entreprises manipulant et transportant des granulés de plastique, quel que soit le volume de granulés manipulés et la taille de l'entreprise, afin de les sensibiliser aux risques associés à ces granulés et aux méthodes de prévention.

d. Une nécessaire clarification de la définition des granulés de plastique

La Commission européenne a proposé une définition des granulés de plastique qui repose sur la matière première utilisée, sans égard à leurs usages. Or cette définition n'inclut pas, dans le texte de la proposition, les formes les plus petites telles que les poudres de plastique, les paillettes et les poussières.

Les autorités françaises estiment nécessaire de préciser la définition des GPI afin d'y inclure plus largement tous les types de granulés, quel que soit leur forme ou leur taille, y compris les poudres, paillettes ou flocons.

Les rapporteurs de la commission des affaires européennes partagent cette position et considèrent, au regard de leurs impacts environnementaux et des opérations de prévention à mettre en oeuvre, que la définition doit couvrir toutes les formes et tailles des granulés de plastique, y compris les formes les plus petites comme les poussières de plastique.

e. Un renforcement nécessaire des exigences en matière d'emballages

Les annexes 1 et 3 de la proposition de règlement fixent des exigences en matière d'emballages. Les rapporteurs de la commission des affaires européennes souhaitent que soit clairement mentionnée la nécessité d'emballer les granulés plastiques dans des contenants ou sacs suffisamment solides et robustes, résistants aux impacts et aux potentielles dégradations dans le milieu aquatique, scellés pour prévenir tout risque de fuite de ces granulés dans l'environnement dans des conditions normales de transport mais aussi en cas d'intempéries météorologiques ou d'accidents. Lors des déversements accidentels en mer, force est de constater que les emballages souvent trop fragiles échouent éventrés sur les plages et répandent alors des millions de granulés plastiques sur plusieurs kilomètres de côtes.

Les rapporteurs de la commission des affaires européennes estiment aussi que l'interdiction du transport en vrac des GPI devrait être étudiée dans le cadre des travaux de l'OMI.

À l'issue de la présentation des rapporteurs, la commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne qui suit.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

· Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- M. Hugo Sancho, conseiller environnement

- M. Raphaël Borbotti-Frison, conseiller Mertens

· Commission européenne, direction générale de l'environnement

- Mme Emmanuelle Maire, cheffe d'unité Économie Circulaire, Production et Consommation durables

· Direction générale de la prévention des risques - Ministère de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques

- M. Philippe Bodenez, chef de service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses

· Surfrider Foundation Europe - Alliance Rethink Plastic

- Mme Lucie Padovani, Marine Litter Lobbying Officer

· Association professionnelle Plastics Europe

- M. Jean-Yves Daclin, directeur général France

- Mme Véronique Fraigneau, directrice de la communication et des affaires publiques

- Mme Clothilde Vidal, cabinet d'affaires publiques Communications & Institutions

· The European Plastics Alliance Plastalliance

- Joseph Tayefeh, secrétaire général

- Arnaud Mittelette, directeur des affaires publiques de Sources Alma

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Réponse de l'Association national des élus littoraux (Anel) au questionnaire adressé par les rapporteurs.

Réponse de UCAPLAST, Syndicat Patronal du Caoutchouc et de la Plasturgie représentant les TPE/PME, au questionnaire adressé par les rapporteurs.

* 1 La Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, dite Convention OSPAR, a été ouverte à la signature, à la réunion ministérielle des anciennes Commissions d'Oslo et de Paris, à Paris le 22 septembre 1992. La Convention est entrée en vigueur le 25 mars 1998. Les parties contractantes sont l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Irlande, l'Islande, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, la Suède, la Suisse et l'Union Européenne. La Convention vise à prévenir et à éliminer la pollution marine résultant des activités humaines en Atlantique Nord-Est afin d'en protéger les écosystèmes et la biodiversité.

* 2 Source : Plastics Europe.

* 3 La surveillance des microplastiques sur le littoral français - Bulletin d'information du Cedre n° 45 - novembre 2023 - pages 10 et 11.

* 4 Rapport d'information du Sénat n° 141 (2024-2025) de M. Philippe Bolo, député, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, sur les impacts des plastiques sur la santé humaine, déposé le 14 novembre 2024.

* 5 Rilling M. C. et al., Microplastic effects on carbon cycling processes in soils, Plos Biology, 2021.

* 6 Selon la norme ISO 472 :2013, un granulé est une « petite masse de matériau de moulage préformé, ayant des dimensions relativement uniformes dans un lot donné, utilisé comme matière première dans les opérations de moulage et d'extrusion ».

* 7 Article D. 541-360 du code de l'environnement.

* 8 Selon le manuel du programme Operation Clean Sweep (OCS).

* 9 Réponses au questionnaire adressé par les rapporteurs.

* 10 Informations clés sur les granulés plastiques industriels.

* 11 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « Le pacte vert pour l'Europe », COM(2019) 640 final.

* 12 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 mars 2020 intitulée « Un nouveau plan d'action pour une économie circulaire - Pour une Europe plus propre et plus compétitive », COM(2020) 98 final.

* 13 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 novembre 2021 intitulée « Stratégie de l'UE pour la protection des sols à l'horizon 2030 - Récolter les fruits de sols en bonne santé pour les êtres humains, l'alimentation, la nature et le climat », COM(2021) 699 final.

* 14 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 12 mai 2021 intitulée « Cap sur une planète en bonne santé pour tous. Plan d'action de l'UE : Vers une pollution zéro dans l'air, l'eau et les sols », COM(2021) 400 final.

* 15 Règlement (UE) 2023/2055 de la Commission du 25 septembre 2023 modifiant l'annexe XVII du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne les microparticules de polymère synthétique.

* 16 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception par type des véhicules à moteur, des moteurs et des systèmes, composants et entités techniques destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité des batteries (Euro 7), COM(2022) 586 final.

* 17 Règlement 2024/1781/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception pour des produits durables, modifiant la directive (UE) 2020/1828 et le règlement (UE) 2023/1542 et abrogeant la directive 2009/125/CE.

* 18 Directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement.

* 19 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux emballages et aux déchets d'emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE, COM(2022) 677 final.

* 20 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

* 21 Article L. 541-15-11 du code de l'environnement.

* 22 Décret n° 2021-461 du 16 avril 2021 relatif à la prévention des pertes de granulés de plastiques industriels dans l'environnement.

* 23 La directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux établit un cadre fondé sur le principe du pollueur-payeur pour la prévention et la réparation des dommages environnementaux.

* 24 Loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement et loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 25 Circulaire 909 de l'Organisation maritime mondiale.

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