EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au cours des derniers mois, le monde agricole a été traversé par une multitude de crises - d'ordre géopolitique, climatique, sanitaire ou encore économique - dont les effets cumulés ont abouti, de manière inédite, à des manifestations concomitantes dans vingt pays de l'Union européenne. Si la liste des préoccupations exprimées par les agriculteurs couvrait un spectre très large - baisse des revenus, accès à l'eau, concurrence déloyale des importations, négociations sur le prix du lait, mesures fiscales, conséquences de la guerre en Ukraine, impact des épisodes climatiques extrêmes, etc. -, les critiques ont aussi concerné la nouvelle Politique agricole commune (PAC), entrée en vigueur en 2023.

Les agriculteurs ont en effet dû s'adapter, dans des délais très contraints, à de nouvelles règles particulièrement complexes, résultant notamment du renforcement des critères de conditionnalité des aides et d'une renationalisation de leur mise en oeuvre qui, au nom de la subsidiarité, confère des marges de manoeuvre sans précédent aux États membres et génère par conséquent des distorsions de concurrence intracommunautaires.

De nombreuses voix se sont ainsi élevées pour dénoncer le caractère disproportionné des obligations déclaratives liées à la PAC, entraînant une charge administrative accrue pour les exploitants comme pour les administrations nationales, pour des montants d'aide même pas équivalents. En effet, l'augmentation du niveau d'ambition environnementale a coïncidé avec un étiolement des fonds européens consacrés à la PAC sous l'effet de l'inflation, le budget alloué à cette politique ayant ainsi été amputé de 85 milliards d'euros en valeur pour la période 2021-2027, par rapport aux années 2014-2020. Or, ce déficit de financement s'est traduit non seulement par une baisse significative des soutiens en termes réels, mais également par une recrudescence des mesures d'urgence financées et allouées de façon non concertée par les États membres.

En réponse à ces critiques, et sous l'impulsion des États membres, la Commission européenne a présenté le 15 mars dernier une proposition législative destinée à amender la PAC, en donnant aux États membres la possibilité de déroger ponctuellement et dans certains cas spécifiques au respect de certaines normes conditionnant le versement des aides et en prévoyant une simplification générale de la conditionnalité. Formellement adoptée le 13 mai dernier, cette révision ciblée de la PAC a fait l'objet d'une proposition de résolution européenne, élaborée et déposée par plusieurs sénateurs membres du groupe de suivi sur la PAC conjoint à la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques. Cette proposition est devenue résolution du Sénat le 17 mai 2024. Elle rappelle les mises en garde répétées du Sénat occasionnées par la dernière réforme de la PAC, soutient les assouplissements proposés par la Commission et appelle le Gouvernement à oeuvrer, au niveau européen, pour apporter des réponses aux demandes concrètes des agriculteurs.

En parallèle, et au regard de l'opposition suscitée par la mise en oeuvre de la stratégie « De la ferme à la table », la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a annoncé le lancement d'un dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture réunissant une trentaine de parties prenantes - dont seulement cinq représentants d'organisations agricoles - autour de quatre grands thèmes (revenu des agriculteurs, préservation de l'environnement, innovation et commerce international). Après sept mois de travaux, les membres de ce dialogue stratégique ont remis le 5 septembre dernier leurs conclusions à la présidente de la Commission européenne. Le rapport final, soutenu par toutes les parties prenantes, comprend de nombreuses recommandations sur l'avenir de la PAC et revêt une importance stratégique majeure, puisqu'il est destiné à alimenter la « vision pour l'avenir de l'agriculture et l'alimentation » que la Commission s'est engagée à présenter au cours des cent premiers jours de la nouvelle mandature. Cette feuille de route, qui devrait comprendre plusieurs propositions afin « d'assurer la compétitivité et la durabilité à long terme du secteur agricole », sera dévoilée le 19 février prochain, selon le calendrier indicatif présenté par la Commission européenne.

Dans ce contexte, et alors que les parlements nationaux n'ont pas été invités à participer au dialogue stratégique pour y faire entendre leur voix, le groupe de suivi sur la PAC a mené plusieurs auditions destinées à analyser les préconisations issues de cet exercice. À l'aune de ces travaux, qui ont mis en exergue l'intérêt des perspectives ouvertes par le dialogue stratégique mais également les limites des recommandations qui en résultent, la présente proposition de résolution européenne vise à adresser des lignes directrices claires au Gouvernement concernant notamment les priorités à défendre durant la nouvelle mandature et les grandes orientations à promouvoir en vue de l'élaboration de la PAC post-2027.

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