EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'Accord sur le climat signé à Paris en 2015 lors de la COP21 prévoit de maintenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C, le plus près possible de 1,5°C, par rapport aux niveaux préindustriels.
Les derniers rapports du GIEC confirment que les engagements pris par les États, même s'ils sont respectés, amènent l'humanité vers un réchauffement catastrophique d'au moins 2,9°C d'ici la fin du siècle. C'est pourquoi l'Agence internationale à l'Énergie et les Nations-Unies appellent à l'arrêt des projets de charbon, de pétrole et de gaz si nous voulons éviter le chaos climatique.
En juin dernier, le Secrétaire général des Nations-Unies exhortait les dirigeants du monde : « Il faut commencer en s'attaquant au coeur pollué de la crise climatique, l'industrie fossile (...). Plus aucune nouvelle centrale à charbon. Mettez fin aux licences et aux financements de nouvelles installations pétrolières ou gazières! ». Pour le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les émissions de CO2 issues des infrastructures fossiles actuelles dépassent déjà notre budget carbone pour rester sous 1,5°C. Poursuivre l'expansion pétrolière et gazière exploserait nos émissions bien au-delà de ce qui est indispensable pour maintenir l'habitabilité de nombre de nos territoires.
L'Union européenne vise la neutralité climatique d'ici 2050, avec un objectif de réduction de nos émissions de 55 % d'ici 2030. La France s'inscrit juridiquement dans ce cadre.
TotalEnergies est de très loin le premier énergéticien français, l'un des premiers groupes mondiaux. Malgré des campagnes permanentes de communication, son portefeuille d'activités et, plus dramatiquement, ses plans d'investissements restent très massivement orientés vers les énergies fossiles, pétrolières et gazières.
Selon les données agrégées par les experts des organisations françaises Éclaircies et Data for Good dans le cadre de leur enquête sur les « bombes climatiques », TotalEnergies serait associé à au moins 23 « bombes carbone », autant de sites d'extraction d'énergie fossile identifiés par les scientifiques comme étant les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre. Selon l'étude, ces projets fossiles très émetteurs, notamment en Arctique, au Mozambique, aux Émirats arabes unis ou encore en Ouganda1(*) représentent 12 % du budget carbone restant à l'humanité pour rester sous 1,5°C de réchauffement et placent donc le groupe français au second rang du classement mondial des entreprises développant les projets très émetteurs.
Les investissements financiers et les activités développées par cette compagnie dans la production de combustibles fossiles sont donc clairement incompatibles avec les efforts à fournir en matière de réduction de gaz à effet de serre et avec la diplomatie climatique française.
Par ailleurs, les activités de TotalEnergies dans certains pays aux régimes autoritaires sont questionnées depuis des années.
Il convient dès lors de s'interroger et d'enquêter sur la responsabilité du groupe français et l'implication de ses activités et investissements financiers :
- en matière de non-respect des engagements climatiques ;
- pouvant alimenter des situations de corruption, de conflits armés, de violations des droits humains et des libertés fondamentales.
Sur cette base, la commission d'enquête aura pour objet d'identifier les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France.
En répondant à toutes ces interrogations et en posant un constat lucide et partagé, cette commission d'enquête aura également pour objet de formuler au Gouvernement des recommandations pour permettre d'agir en matière de régulation des multinationales.