EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La transition énergétique est nécessaire. Il en va de l'avenir du climat, de notre industrie, de notre souveraineté.

Dans le cadre du paquet européen « fit for 55 », la première ministre E. Borne a dévoilé le 22 mai 2023 un plan permettant d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France afin de s'accorder sur l'ambition rehaussée de l'Union Européenne, fixée à - 55 % d'ici 2030 (par rapport à la référence de 1990).

Selon le Secrétariat Général à la Planification Énergétique (SGPE), cet objectif correspond à une réduction des émissions de GES de -50 % (par rapport à 1990) pour la France, qui doit donc atteindre 270 MteCO2 en 2030, contre 408 Mt en 2022, soit une baisse à un rythme deux fois plus rapide qu'aujourd'hui. Cet objectif ambitieux doit permettre à la France de tenir ses engagements climatiques et d'accélérer la sortie des énergies fossiles pour devenir la première grande puissance neutre en carbone. À court terme, l'ambition de l'échéance de 2030 a été réhaussée par rapport à la 2e Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC-2) et se révèle être particulièrement contraignante pour certains secteurs, notamment le secteur du bâtiment.

Dans le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire), le scénario du SGPE fixe un objectif de baisse des émissions de - 46 MtCO2eq de 2019 à 2030, dont - 28 MtCO2eq pour le seul secteur résidentiel.

Le SGPE a précisé ces objectifs de baisses d'émissions en décomposant l'effort, avec notamment pour le résidentiel :

- Une baisse de -9 MtCO2eq liée au « remplacement des chaudières au fioul », qui pourrait être mise en oeuvre à travers des conversions du fioul vers des énergies bas carbone,

- Une baisse de -8 MtCO2eq liée à l' « isolation des logements restant chauffés aux énergies fossiles »,

- Une baisse de -2 MtCO2eq liée à la « sobriété ».

Ces mesures constituent bien un socle essentiel dans la trajectoire de réduction des émissions de CO2 pour le secteur du bâtiment. Toutefois, concernant les baisses émissions de CO2 spécifiques à l'usage du gaz, les leviers proposés par le SGPE sont critiquables :

- Une baisse de - 8 MtCO2eq liée au « remplacement de chaudières au gaz » qui correspond à une interdiction complète de l'installation de nouvelles chaudières

- Une baisse de - 1 MtCO2eq liée à l'usage de 15 % de biométhane à la place du gaz fossile, mais qui ne correspond qu'à environ 6 TWh.

Concernant l'interdiction des chaudières au gaz qui est suggérée, elle se heurte à de nombreux obstacles, techniques, sociaux, économiques que nous rappelons brièvement :

- Impact économique majeur pour les ménages : 10 000 € de plus en moyenne pour l'achat d'une pompe à chaleur (PAC) électrique, sans compter les travaux nécessaires à l'installation.

- Impact sur la souveraineté industrielle et l'emploi d'une filière industrielle française et européenne : la majorité des composants des PAC provient d'Asie.

- Risque de tensions fortes sur le réseau électrique et sur la production électrique disponible : en l'absence de moyens supplémentaires conséquents pour la production d'électricité et le stockage d'énergie, une électrification massive du chauffage en France multiplierait les risques de coupure ou d'efforts supplémentaires à faire sur les consignes de températures.

Concernant la faible prise en compte du potentiel de biométhane pour chauffer les bâtiments : le potentiel du gisement et la dynamique de développement démontrent au contraire qu'une incorporation au-delà de 15 % est réaliste à l'horizon 2030. Le scénario des Perspectives Gaz prévoit par exemple 20 % de gaz verts en 2030, soit environ 60 TWh, ce qui correspond à un volume de près de 30 TWh qui pourrait être fléché pour le bâtiment. Si la prise en compte du biométhane dans le bâtiment doit donc être rehaussée, son impact semblait aussi sous-évalué : même avec les baisses de consommations de gaz proposées au CNTE (interdiction des chaudières au gaz, isolation des logements restants), 15 % des consommations restantes représentent environ 3 Mt de CO2, au-delà de l'impact des 15 % de biométhane estimé par le SGPE (1 Mt).

Compte tenu des limites et incohérences de certaines propositions du SGPE, il parait indispensable de proposer des alternatives sans compromis sur l'objectif de décarbonation.

L'enquête du magazine « Que Choisir », publiée le 6 juin dernier alerte sur les conséquences pour le pouvoir d'achat, qualifiée de « catastrophe » tout en pointant l' « absence de réduction des émissions » d'une telle interdiction.

Il ressort de tout cela la nécessité de se prémunir de décisions imposées unilatéralement depuis Paris, sans vote du parlement, alors que 40 % des ménages sont concernés.