EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La lutte contre le réchauffement climatique est devenue en quarante ans, un sujet de préoccupation majeure pour la communauté internationale. Les sommets internationaux consacrés au climat ont permis de fixer des objectifs chiffrés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'endiguement de la montée des températures.

L'Union européenne s'est pour sa part engagée dans un agenda climat exigeant, en fixant, lors de l'adoption en 2008 du « paquet énergie-climat » (révisé en 2014), des objectifs de moyen-terme :

- réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990 ;

- porter la part des énergies renouvelables à 32 % en 2030 ;

- améliorer l'efficacité énergétique de 32,5 % en 2030.

Ces objectifs sont déclinés dans les États membres par des « plans nationaux intégrés en matière d'énergie et de climat » (PNEC) qui, en France, correspondent à la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et à la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

Pour parvenir à atteindre ces objectifs, l'Union européenne, comme la France, s'appuie sur des instruments variés : réglementations et normes, marché de droits à polluer, fiscalité comportementale et subventions publiques.

L'Union européenne, au-delà de standards environnementaux communs applicables à l'ensemble des États membres, s'est dotée en 2005 d'un système d'échange de quotas d'émissions de CO2 (SEQE), couvrant 45 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union et touchant plus de 11 000 entreprises.

En France, les taxes intérieures de consommation (TIC) ont ainsi été complétées en 2014 par une contribution énergie-climat, qui fixe un prix du CO 2 par tonne selon une trajectoire d'augmentation pluriannuelle. Fixée à 7 € à sa création, la taxe carbone est passée en 2018 à 44,6 € et devait suivre une trajectoire d'évolution pour atteindre 86,2 € en 2022 puis 100 € en 2030.

Force est de constater que ces instruments se sont développés sans stratégie d'ensemble au détriment d'une efficacité économique et d'une ambition écologique justement évaluée.

Les variations de taxation du carbone entre États, voire l'absence de taxation, les standards normatifs environnementaux divergents, conjugués à la mobilité des facteurs de production, retardent l'atteinte des objectifs environnementaux et pénalisent certains secteurs économiques.

Ces incohérences sont apparues avec clarté en France lors de la « crise des gilets jaunes » déclenchée par la montée des prix du carburant et à l'occasion des débats sur la ratification de traités de libre-échange entre l'Union européenne et ses partenaires. La hausse excessive et brutale de la trajectoire carbone et l'annonce d'accords commerciaux avec des pays bien moins exigeants sur le plan des normes environnementales ont mis en lumière le besoin de justice, d'équité fiscale et de réciprocité dans les efforts demandés au nom de la transition écologique.

La fiscalité carbone, telle qu'elle s'est développée en France, conduit, en effet, à une double impasse.

Impasse environnementale d'une part, en ne permettant pas de réduire l'empreinte carbone française. En ne taxant que les produits nationaux, la composante carbone des TIC permet de réduire les émissions nationales, mais non l'empreinte carbone de la France (qui correspond à la somme des émissions nationales et des émissions liées aux produits importés et consommés, moins les émissions des produits exportés).

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) évalue ainsi l'empreinte carbone de la France à 749 MtCO 2 en 2017, alors que les seules émissions nationales sont évaluées à 446 MtCO 2 . De même, l'empreinte carbone par habitant a progressé de 7 % entre 1995 et 2017, alors que les émissions domestiques ont baissé sur la même période de 27 % par habitant.

L'absence de taxe carbone dans tous les pays de l'Union ou la non-harmonisation des fiscalités carbone dans les pays s'en étant dotés favorisent par ailleurs les « fuites carbone » (part des émissions liées aux importations, résultant soit de la délocalisation d'industries très émettrices des pays régulés vers ceux qui ne le sont pas, soit de la baisse du prix des énergies sur les marchés mondiaux consécutive à une baisse de la demande). L'absence de taxation carbone externe rend ainsi inefficaces les dispositifs nationaux, qui ne prennent pas en compte les possibilités de mobilité des facteurs de production.

L'impasse est d'autre part économique, en imposant aux acteurs nationaux le respect de normes environnementales particulièrement exigeantes sur le plan technique et coûteuses sur le plan fiscal. Le haut degré d'exigence des normes européennes, renforcées par les normes nationales, pénalise les entreprises européennes vertueuses qui souffrent d'un désavantage compétitif dans le cadre d'une économie mondialisée.

Pour éviter cette double impasse, il convient de se doter de nouveaux instruments à l'échelle de l'Union européenne, en affirmant le principe de réciprocité dans les échanges internationaux.

La présente résolution vise donc à demander au Gouvernement de porter au niveau de l'Union européenne un projet de barrière écologique aux frontières.

Cette barrière répond à une double logique :

- écologique d'une part, pour taxer les importations de produits provenant de pays ne respectant pas les engagements pris par l'Union européenne dans le cadre des Accords de Paris ;

- économique d'autre part, pour protéger les entreprises européennes de tout risque de concurrence déloyale vis-à-vis d'acteurs économiques non soumis aux mêmes normes.

Prise sur la base de l'article XX des accords de Marrakech, qui prévoit des dérogations au régime de droit commun de l'Organisation mondiale du commerce en vue de la préservation de l'environnement, une telle barrière écologique aux frontières pourrait servir à alimenter un Fonds écologique à visée redistributive : les recettes de ce fonds serviraient à soutenir le financement de la transition écologique au sein de l'Union.

La proposition de résolution, qu'il vous est demandé de voter, porte la volonté d'une vision ambitieuse de l'écologie, facteur de croissance et de développement, au service des intérêts environnementaux et économiques de l'Union européenne.

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