EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre pays traverse une crise du logement grave et structurelle. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 330 000 personnes vivent sans abri, tandis que 3,8 millions de nos concitoyens sont mal logés. Parallèlement, la construction de logements, qu'ils soient privés ou publics, connaît un recul inquiétant.

Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, aucune politique publique ambitieuse n'a été mise en oeuvre pour garantir le droit fondamental à un logement digne pour toutes et tous. Pire, l'État, ces dernières années, s'est attelé à démanteler les dispositifs existants, en affaiblissant le logement social, en pénalisant les bailleurs et leurs locataires, en réduisant les aides au logement et en se désengageant des efforts nécessaires pour la rénovation énergétique des bâtiments.

En réponse à l'inaction de l'État, de nombreuses collectivités territoriales s'efforcent, dans la limite de leurs compétences et de leurs moyens, de répondre aux besoins en matière de logement. Toutefois, malgré leur engagement, ces initiatives demeurent insuffisantes sans des outils adéquats pour relever les défis majeurs que pose cette crise.

Parmi ces défis, l'augmentation des logements inoccupés s'impose comme une problématique centrale. Ces logements, qu'il s'agisse de logements vacants (frictionnel ou structurel), de résidences secondaires ou de logements occasionnels, représentent une réserve considérable qu'il est urgent de mobiliser. En particulier dans les zones où l'offre locative ne répond plus à la demande, il est impératif de remobiliser ces habitations pour accueillir des résidents à l'année.

Cette situation est particulièrement critique dans les zones touristiques comme le Pays basque, la Côte d'Azur, les côtes bretonnes ou encore la ville de Paris. Dans la capitale, les chiffres sont alarmants : chaque année, 7 000 logements supplémentaires deviennent inoccupés, privant le marché locatif privé de ressources vitales. Paris perd ainsi 8 000 résidences principales par an. Alors qu'en 2011, la ville comptait 430 000 logements occupés à titre de résidence principale, ce chiffre a chuté à 350 000 aujourd'hui. Cette réalité résulte directement de la prolifération de logements qui ne servent pas à loger durablement les Parisiennes et Parisiens. Ce phénomène se retrouve également dans d'autres territoires, où certaines communes comptent jusqu'à 70 % de résidences secondaires, rendant l'accès au logement presque impossible pour les habitants qui résident à l'année.

Le vote de la loi du 19 novembre 2024, qui a renforcé les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, constitue une avancée significative pour une gestion plus équilibrée de ces logements. Il est désormais crucial d'étendre cette dynamique à la régulation des logements vacants et des résidences secondaires.

L'objectif de cette proposition de loi n'est pas d'interdire les résidences secondaires mais de permettre leur régulation lorsque leur prolifération menace l'équilibre des territoires. Dans certaines zones, leur concentration excessive asphyxie littéralement la vie locale, rend l'accès au logement impossible pour les habitants à l'année et compromet la vitalité économique et sociale des communes.

Actuellement, le droit de l'urbanisme et de la construction n'offre aucun outil permettant de limiter directement les résidences secondaires dans les zones où elles posent problème. Les plans locaux d'urbanisme (PLU), par exemple, ne peuvent pas faire de distinction entre résidences principales et secondaires. Ce texte entend donc doter les collectivités territoriales de nouveaux leviers, comme la loi du 19 novembre 2024 l'a fait pour la régulation des constructions nouvelles dans les zones tendues.

Par ailleurs, la crise du logement s'aggrave sous l'effet du manque d'ambition des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. L'impératif social et écologique impose de rénover l'ensemble des logements d'ici 2050, mais les moyens déployés par les gouvernements successifs sont largement insuffisants. Les règles de financement évoluent constamment, les aides aux particuliers stagnent et les investissements publics pour le parc social se réduisent.

Ce désengagement a des conséquences directes : des conditions de vie dégradées pour de nombreux habitants, qu'ils soient propriétaires occupants ou locataires, et une augmentation de la vacance des logements faute de rénovations. L'interdiction prochaine de mise en location des logements classés F et G au 1er janvier 2025, bien que nécessaire pour lutter contre l'habitat indigne et réduire l'empreinte écologique, pourrait également entraîner le retrait de nombreux biens du marché locatif si les moyens pour leur rénovation ne sont pas adaptés.

Actuellement, les aides de l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) sont largement sous-dimensionnées. Le plafond des travaux éligibles, fixé à 25 000 euros, est loin de couvrir les coûts réels, qui dépassent souvent 50 000 euros pour des rénovations globales de passoires thermiques. Ce décalage explique le faible nombre de rénovations globales réalisées chaque année : seulement 70 000 logements, alors que la Stratégie nationale bas carbone fixe un objectif dix fois supérieur, à 700 000 logements par an.

Ce retard a des répercussions alarmantes : la vacance des logements risque de s'aggraver, ajoutant au parc immobilier plusieurs centaines de milliers de biens inutilisables. Une véritable politique d'accompagnement par des professionnels est indispensable, de la phase de conception des travaux jusqu'à leur réalisation. Cela suppose que l'ANAH puisse prendre en charge intégralement les frais d'accompagnement, aujourd'hui partiellement supportés par les propriétaires, ce qui freine le lancement des projets.

Il est donc urgent de revoir le financement de l'ANAH et d'allouer à cet organisme des ressources nouvelles, représentant plusieurs milliards d'euros par an, afin de cofinancer un nombre beaucoup plus important de rénovations globales. En complément, nous appelons à l'élaboration d'une loi de financement pluriannuelle dédiée à la rénovation écologique des bâtiments.

Dans l'attente, cette proposition de loi prévoit plusieurs leviers financiers immédiats pour renforcer les moyens de l'ANAH et répondre aux besoins de rénovation de manière plus ambitieuse et efficace.

Partout en France, les réalités locales attestent de l'ampleur de cette crise, qu'un rapport de la Fondation Abbé Pierre a qualifiée en 2024 de véritable « bombe sociale » ayant désormais explosé.

Malgré le soutien des deux chambres du Parlement, plusieurs amendements fiscaux visant à réguler les logements vacants et les résidences secondaires n'ont pas été intégrés dans la version finale de la loi de finances pour 2025. Le large soutien des parlementaires à ces mesures montre qu'un consensus est possible autour de dispositifs permettant de mobiliser une partie de ces logements inoccupés, au bénéfice des communes et de leurs habitants.

Cette proposition de loi vise à mettre en oeuvre une série de mesures concrètes pour favoriser la remise en usage des logements inoccupés dans les zones tendues, en ciblant particulièrement les logements vacants de manière structurelle et l'expansion non maîtrisée des résidences secondaires dans des territoires souffrant d'un déficit criant de logements accessibles dans le parc privé. Consciente de la diversité des réalités locales, cette initiative ne prétend pas imposer une solution uniforme sur tout le territoire. Au contraire, elle a pour ambition d'offrir aux collectivités territoriales une boîte à outils complète pour réguler et mobiliser leur parc immobilier vacant, afin de répondre efficacement aux besoins des populations locales.

Ainsi, dans le cadre des compétences partagées définies par l'article 34 de la LOLF et en cohérence avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cette proposition de loi propose une série de dispositions fiscales permettant aux collectivités territoriales de mettre en place une fiscalité incitative à la remise sur le marché des biens laissés durablement vacants, réguler la prolifération des résidences secondaires et identifier de nouveaux circuits de financement en faveur de la rénovation énergétique des logements, sans bouleverser l'équilibre budgétaire.

L'article 1 prévoit la fusion de trois taxes existantes - la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS), la taxe sur les logements vacants (TLV) et la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV).

L'article 2 propose de dissocier le taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) de celui de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation sur la CVAE. Cette mesure a pour objectif de redonner aux collectivités territoriales une pleine autonomie dans la fixation des taux, leur permettant ainsi d'adapter la fiscalité locale aux spécificités et aux besoins de leurs territoires.

Pour rendre ces taxes véritablement incitatives, l'article 3 prévoit de tripler leurs plafonds actuels. Les taux aujourd'hui trop faibles empêchent ces outils fiscaux d'atteindre leur potentiel en matière de régulation et de remobilisation des logements vacants. La lutte pour la remobilisation des logements inoccupés ne peut être dissociée de leur rénovation. Un grand nombre de ces biens sont vacants parce qu'ils sont inhabitables ou sur le point de devenir interdits à la location en raison de leur inefficacité énergétique (notamment les logements classés F et G). Bien que l'argent public n'ait pas vocation à pallier le désinvestissement des propriétaires, il est essentiel que l'État puisse faciliter la rénovation de ces biens.

L'article 4 ouvre de nouvelles sources de financement pour l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en majorant les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sur les biens les plus onéreux. Cette mesure permettra de générer des ressources supplémentaires pour soutenir la rénovation énergétique des logements inoccupés.

L'article 5 offre aux communes la possibilité d'augmenter les DMTO lorsqu'un bien acquis est transformé de résidence principale en résidence secondaire. Les recettes additionnelles générées seraient directement fléchées vers l'ANAH, garantissant un soutien accru à la rénovation du parc immobilier.

L'article 6 donne aux collectivités territoriales la possibilité de restreindre la création de nouvelles résidences secondaires. Cette mesure se veut proportionnée à l'objectif de garantir le respect du droit au logement.

L'article 7 constitue le gage financier.

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