EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi s'inscrit dans la suite de la logique de prévention de l'immigration irrégulière qui a présidé aux travaux du Sénat durant l'examen en 2023 du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, puis dans le cadre des propositions de loi sur cette thématique formulée par les sénateurs et députés Les Républicains.

Il est ici envisagé de prendre des mesures visant à limiter l'« appel d'air » migratoire généré par un régime social dont les conditions de bénéfice généreuses peuvent contribuer à attirer les flux d'immigration illégale. Pour cela, il est proposé d'instaurer une durée minimale de résidence en situation régulière de deux années avant l'accès à certaines prestations sociales. Il s'agirait plus spécifiquement des prestations familiales, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), de l'aide personnalisée au logement (APL) et du droit au logement opposable.

Des dispositions fondées sur une logique similaire s'appliquent par ailleurs déjà, par exemple dans certains territoires ultramarins tels que Mayotte, où la condition de cinq ans de séjour régulier en vigueur sur le reste du territoire national pour le versement du RSA est portée à quinze ans en vertu de l'article L. 542-6 du code de l'action sociale et des familles. L'objet de tels dispositifs est évidemment de limiter l'attractivité de ces territoires et de préserver les conditions de bon fonctionnement des mécanismes des prestations sociales et de solidarité dans un contexte de densité particulière des flux migratoires. Ce conditionnement, proportionné aux enjeux, n'a pas donné lieu à censure par le Conseil constitutionnel.

Un bénéfice secondaire des mesures de ce type est la réduction qu'elles engendrent du volume de certaines dépenses sociales, ce qui ne peut être ignoré dans un contexte de finances publiques fragilisées.

Pour toutes ces raisons, le Parlement avait adopté à l'article 19 du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, à l'initiative du Sénat, un dispositif conditionnant le versement de plusieurs prestations sociales à une durée de présence régulière de cinq ans, ou, alternativement une affiliation d'au moins trente mois au titre d'une activité professionnelle en France. Cet article fut malheureusement considéré comme étranger à l'objet du texte par le Conseil constitutionnel, et censuré sur ce fondement procédural. Les députés et sénateurs Les Républicains ont par la suite présenté un dispositif similaire dans leur proposition de loi visant à réformer l'accès aux prestations sociales des étrangers. Celle-ci fut soumise à l'avis du Conseil constitutionnel dans le cadre de la procédure de référendum d'initiative partagée et censurée par sa décision n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024 au motif que la mesure portait une atteinte disproportionnée à certains droits et libertés constitutionnels.

Le Conseil avait néanmoins à cette occasion relevé que « le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques », en conciliant d'une part les droits et protections associées à la politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées et d'autre part l'objectif de sauvegarde de l'ordre public. Il a en particulier explicité que le cadre constitutionnel « ne [s'oppose] pas à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales dont jouissent les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d'activité », notant seulement que « cette durée ne saurait être telle qu'elle prive de garanties légales ces exigences ».

C'est en se fondant sur cette analyse que le Conseil a estimé que la durée initialement votée de cinq ans ou alternativement de trente mois d'affiliation au titre d'une activité professionnelle portait une atteinte disproportionnée à ces garanties.

Tirant les conséquences de cette appréciation, les auteurs de la présente proposition de loi considèrent qu'une durée minimale de résidence de deux ans, à l'exception des étrangers exerçant une activité professionnelle, constitue une conciliation équilibrée des impératifs constitutionnels de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées et de sauvegarde de l'ordre public. Par le biais du présent texte concrétisant cet équilibre, ils estiment pouvoir faire aboutir l'intention formulée dans les deux chambres par le législateur à l'occasion de leurs votes du 19 décembre 2023.

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