EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'allocation aux adultes handicapés (AAH) constitue un soutien financier essentiel pour les personnes en situation de handicap. Si ce droit est reconnu sur le territoire national, son application pour les Françaises et Français établis hors de France se heurte encore à des obstacles majeurs qui créent une rupture d'égalité injustifiée.

L'article L. 121-10-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que « les actions menées à l'égard des Français établis hors de France en difficulté, en particulier les personnes âgées ou handicapées, relèvent de la compétence de l'État ». Malgré cette reconnaissance par la loi, l'allocation versée aux Français de l'étranger en situation de handicap reste considérée comme une simple mesure gracieuse du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, sans véritable encadrement législatif ni réglementaire, à la différence de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) versée sur le territoire national.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les critères d'attribution sont plus restrictifs à l'étranger : alors qu'en France métropolitaine, l'AAH peut être accordée dès 50 % d'incapacité lorsque le handicap entraîne une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, un taux minimal de 80 % est systématiquement exigé pour nos compatriotes à l'étranger. Cette différence de traitement n'est fondée sur aucune justification et crée une discrimination de fait entre les Français selon leur lieu de résidence.

Par ailleurs, si la récente déconjugalisation de l'AAH a été étendue aux Français de l'étranger depuis le 1er janvier 2024, son application effective reste compromise par les instructions ministérielles qui prévoient toujours la prise en compte de « l'aide que les membres de la famille, présents ou non dans le pays, ont la capacité de procurer ». Cette disposition maintient une forme de dépendance financière contraire à l'esprit de la réforme et au principe d'autonomie des personnes handicapées.

À l'instar de ce qui existe déjà pour l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEH), dont peuvent bénéficier les familles françaises établies hors de France dans des conditions similaires à celles applicables sur le territoire national, il apparaît nécessaire de prévoir un cadre législatif pour l'allocation aux adultes handicapés versée à l'étranger. Ce dispositif s'inscrira dans le prolongement naturel de l'article L. 121-10-1 du code de l'action sociale et des familles, qui confie à l'État la responsabilité des actions en faveur des Français de l'étranger en situation de handicap.

L'attribution de cette allocation reposera sur le processus d'évaluation rigoureux déjà en vigueur pour les Français établis hors de France, qui s'appuie sur l'expertise des Commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Cette évaluation médico-sociale est complétée par une instruction administrative relevant des services consulaires, sur avis des Conseils consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS), à même d'apprécier la situation locale des demandeurs.

La présente proposition de loi vise ainsi à créer dans le code de l'action sociale et des familles un cadre juridique clair et équitable pour l'allocation versée aux adultes en situation de handicap inscrits au registre des Français établis hors de France. Ce dispositif permettra d'harmoniser les critères d'attribution avec ceux applicables sur le territoire national, tout en tenant compte des spécificités de la situation des Français établis hors de France.

Cette proposition de loi poursuit donc quatre objectifs :

1. Aligner les critères d'éligibilité à l'AAH pour les Français établis hors de France sur ceux applicables sur le territoire national, notamment en permettant l'accès à l'allocation dès 50 % d'incapacité dès lors qu'existe une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi évaluée par les organismes français compétents ;

2. Sécuriser juridiquement le dispositif en l'inscrivant dans la loi, conformément aux recommandations du rapport d'information de l'Assemblée nationale1(*) sur les dépenses d'action sociale destinées aux Français de l'étranger ;

3. Garantir une application homogène des critères d'attribution entre les différents postes consulaires ;

4. Prévoir l'articulation entre les MDPH, chargées de l'évaluation du handicap, et les services consulaires, responsables de l'instruction administrative des demandes et du versement de l'allocation.

* 1 Rapport d'information n° 2720 sur les dépenses d'action sociale destinées aux Français de l'étranger, présenté par M. Karim BEN CHEIKH, député de la 9e circonscription des Français établis hors de France et rapporteur spécial.

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