EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'objectif de cette proposition de loi est d'harmoniser la législation avec la réglementation européenne, tout en considérant la réalité actuelle, marquée par une forte augmentation du nombre de lapins acquis comme animal de compagnie. Cet accroissement entraîne des conséquences sanitaires et impacte inévitablement les conditions de vie des animaux ; il est nécessaire d'en tenir compte.
Prolégomènes :
Animaux concernés : Cette loi ne s'applique qu'aux lapins de compagnie, c'est-à-dire aux lapins qui n'ont pas d'autre objet de destination que l'agrément.
Sont donc exclus les lapins de chair, les lapins élevés pour leur fourrure et les lapins utilisés en recherche scientifique.
Effectif de la population de lapins de compagnie :
Il n'existe pas de chiffre précis de la population de lapins.
Selon un sondage Odoxa réalisé début 2024, il y aurait 3,7 millions de petits rongeurs dans les foyers français.
Il se vend approximativement 100 000 lapins par an en magasins-conseils spécialisés. Considérant une durée de vie moyenne de 10 ans, on peut estimer à 1 million le nombre de lapins de compagnie vendus par ce biais. Les autres voies d'approvisionnement sont les grossistes (environ 10 % du marché) et le marché parallèle (difficile à estimer mais en constante augmentation) qui représenterait 40 à 50 % du marché.
En tenant compte de tous ces éléments, on peut estimer la population de lapins de compagnie aux alentours de 2 millions.
Article 1er : Réglementer les élevages de lapins de compagnie
Aujourd'hui, l'élevage des lapins de compagnie n'est pas réglementé tel qu'il devrait l'être en conformité avec les dispositions de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie : aucune déclaration à l'autorité compétente n'est prévue - et donc aucun contrôle (vétérinaire ou administratif) n'est possible. Par ailleurs, l'éleveur n'est soumis à aucune obligation de connaissance de l'espèce élevée, ni aucune exigence quant aux installations et équipements. En l'état, seule l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés est nécessaire.
La Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie a été ratifiée par la France en 2004 et transposée en droit national en 2008 (décret n° 2008-871 du 28 août 2008 relatif à la protection des animaux de compagnie et modifiant le code rural). L'article 8, qui traite de l'élevage des animaux de compagnie, prévoit des obligations quant aux déclarations aux autorités compétentes, aux connaissances nécessaires pour la personne responsable, aux installations et équipements ainsi qu'aux contrôles de ces obligations. La transposition est faite dans les articles R. 214-25 à R. 214-31 du code rural et de la pêche maritime, qui se réfèrent aux articles L. 214-6-1 et L. 214-6-2 du même code s'agissant des activités concernées. Or, si ces articles législatifs du code rural et de la pêche maritime prennent en compte tous les animaux de compagnie pour l'activité de vente, ils ne concernent l'activité d'élevage que pour les seuls chiens et chats.
Cette lacune a été comblée en ce qui concerne les animaux de compagnie d'espèces non domestiques par l'arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d'animaux d'espèces non domestiques.
En revanche, elle ne l'a pas été pour l'élevage des animaux de compagnie d'espèces domestiques autres que chiens et chats, tels que les lapins.
Cette proposition de loi est, en conséquence, une mise en conformité tardive avec la Convention européenne permettant aux élevages de lapins de bénéficier de la protection prévue, afin d'éviter les élevages-mouroirs tels qu'il en existe malheureusement.
Article 2 : Identifier les lapins de compagnie
L'identification est le seul moyen de la traçabilité. Elle comprend à cette fin le marquage de l'animal et l'inscription sur un fichier national des indications permettant d'identifier l'animal, ainsi que le nom et l'adresse de son propriétaire.
La traçabilité est nécessaire pour un suivi sanitaire individuel du lapin mais également en cas d'épidémie, voire d'épizootie. En effet, les lapins peuvent transmettre à l'être humain diverses infections, particulièrement chez les personnes immunodéprimées.
L'engouement croissant pour le lapin de compagnie s'explique en partie par son faible coût - non représentatif des besoins financiers que nécessite son entretien - et par les faibles contraintes apparentes inhérentes à sa détention. Les lapins sont trop souvent le pis-aller du chien promis aux enfants.
Ces critères favorisent les achats « coup de coeur », peu réfléchis.
Cependant, la détention d'un lapin ne se résume pas à sa claustration dans une cage où il est nourri.
La problématique des congés se résout bien trop souvent par un abandon dans la nature - la plupart des lapins n'y survivront pas - ou par un dépôt « sauvage » devant un refuge. Cette attitude irresponsable est permise par l'absence d'identification, le propriétaire ne pouvant être confondu.
Par ailleurs, l'identification est l'unique moyen d'attester du lien entre le propriétaire et son animal et donc de le récupérer en cas de perte ou de vol. Un animal identifié a sans conteste beaucoup plus de chance d'être rendu à son propriétaire.
En 2021, la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, loi dite « de maltraitance animale », a rendu obligatoire le certificat d'engagement et de connaissance pour toute première acquisition d'un lapin de compagnie. Cette mesure n'est cependant correctement applicable que sur un lapin identifié.
Enfin, l'identification limite le trafic d'animaux, car elle permet un suivi rétrograde de l'animal jusqu'à son origine. Elle est consubstantielle de l'autre volet de cette proposition de loi sur la réglementation des élevages de lapins.
Conscients de tout ce qui précède, les professionnels consultés (éleveurs, vétérinaires, responsables de refuges et de magasins de vente spécialisés) sont largement favorables à l'obligation d'identification des lapins de compagnie, qui permettrait ainsi d'engager davantage la responsabilité de l'acquéreur, des éleveurs et des intermédiaires commerciaux.
Le faible surcoût consécutif de cette mesure ne pourra que favoriser des achats plus réfléchis.
Si l'identification est un véritable atout pour le propriétaire d'un animal, elle est l'unique moyen de lutter contre les abandons. Elle permet également à l'État d'assurer le suivi sanitaire, la sécurité des populations ainsi que la surveillance des pratiques commerciales, des importations et du trafic.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.