EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La réglementation française établit une interdiction par défaut de la revente de titres d'accès à des événements culturels et sportifs, alors même que 42 % des Français âgés de moins de 35 ans se déclarent coutumiers de ces pratiques.1(*)
Ces pratiques de revente de billets sont régies par l'article 313-6-2 du code pénal, qui interdit la revente, par des tiers, en l'absence d'autorisation expresse des organisateurs d'événements. Cette disposition incrimine la revente habituelle et non autorisée (ou la facilitation de la revente) avec des peines pouvant atteindre 15 000 euros d'amende et le double en cas de récidive.
La loi applique un régime strict, non seulement aux vendeurs habituels, mais aussi aux plateformes de revente. Depuis sa mise en oeuvre par la loi n° 2012-158 relative à l'éthique du sport, cette règle vise à empêcher la revente de billets non autorisée et non contrôlée, en préservant le contrôle des organisateurs sur la tarification et la distribution de billets d'événements.
La loi actuelle restreint ainsi l'accès des consommateurs aux options de revente en accordant aux organisateurs un contrôle quasi-total.
Cette approche réglementaire entraîne plusieurs conséquences :
- Options limitées pour les consommateurs : Les consommateurs qui souhaitent revendre des billets en raison de circonstances imprévues sont contraints de se tourner vers des marchés non réglementés ou de renoncer à leur achat. Il est fréquent de voir des organisateurs interdire toute revente de billets sans proposer eux-mêmes un moyen de revente. Même dans les cas où il existe un tel canal de revente, l'organisateur peut ajouter des restrictions superflues telles que des créneaux horaires limités pour la mise en vente des billets, la fixation des prix, etc. ;
- Monopolisation du marché : Dans les faits, les organisateurs monopolisent les canaux de revente de billets, empêchant ainsi la concurrence et les pratiques favorables aux consommateurs sur le marché secondaire. Ce monopole donne lieu à des restrictions dans leurs conditions générales de vente (CGV) qui pourraient constituer un abus de position dominante au regard du droit de la concurrence.
L'approche restrictive de la loi française enfreint par ailleurs des dispositions essentielles du droit de l'Union européenne, en particulier celles relatives à :
- La libre circulation des services en vertu de l'article 56 du TFUE, en tant que la loi française empêche les services de revente par des tiers d'opérer sans l'autorisation de l'organisateur ;
- La violation du droit de la concurrence (articles 101, 102 et 106 du TFUE) en favorisant les pratiques monopolistiques et en empêchant des plateformes agissant en qualité de tiers de confiance de faciliter des transactions de revente sûres et transparentes. La limitation de la revente aux plateformes officielles permet aux organisateurs d'événements d'abuser de leur position dominante sur le marché, ce qui nuit aux intérêts des consommateurs.
L'application actuelle de l'article 313-6-2 du code pénal français, bien que destinée à prévenir la fraude, conduit les consommateurs à se tourner vers des marchés parallèles où les protections sont minimales. Il en résulte des risques de fraude et d'autres problèmes de sécurité, comme en témoigne l'incident survenu au Stade de France en 2022 lors de la finale de la Ligue des Champions. Dans une moindre mesure, ce contexte complique le quotidien de nombreux Français : 66 % de nos concitoyens habitués à cette pratique l'estiment risquée et 58 % stressante.2(*)
Une opportunité de réforme réside dans la modification de l'article 313-6-2 par le biais du processus législatif français afin d'introduire des réglementations plus équilibrées et proportionnelles.
Il s'agirait de réduire la charge réglementaire avec l'établissement d'un agrément permettant de distinguer les « plateformes de revente, tiers de confiance ». Les fournisseurs de services ainsi agréés « plateformes de revente, tiers de confiance » pourraient ouvrir leurs services aux consommateurs en toute légalité et sans requérir l'autorisation des organisateurs d'événements.
Cet agrément attesterait que les revendeurs agréés déploient des politiques de fonctionnement garantissant l'authenticité des billets et une tarification équitable. Afin de garantir que cet agrément respecte les intérêts du plus grand nombre, une consultation avec les parties prenantes à cette problématique (associations de consommateurs, professionnels de la revente, organisations représentants les professionnels de l'événementiel) pourrait être envisagée afin d'en déterminer les critères de délivrance.
Ces mesures permettraient d'atteindre l'objectif de protection des consommateurs en prévenant les ventes non autorisées et frauduleuses avec une norme claire et compréhensible qui favoriserait une expérience d'achat sécurisée et soutiendrait un marché fiable. 79 % des Français affirment qu'elle constituerait un moyen d'effectuer des transactions de manière sécurisée.3(*)
Ces dispositions permettraient également d'appliquer des mesures moins restrictives sur la liberté de prestation de services, comme l'exige la législation de l'Union européenne en matière de libre accès au marché, de concurrence loyale et de droits des consommateurs afin de satisfaire aux attentes des consommateurs, aussi bien en matière de flexibilité que de sécurisation des transactions.
Enfin, ce dispositif faciliterait l'accès à la culture en rendant les billets plus abordables, notamment pour les jeunes, tout en stimulant la fréquentation des événements culturels et sportifs. Il contribuerait à réduire les inégalités culturelles et participerait à la création d'une société plus inclusive et connectée à son patrimoine artistique.
Tel est l'objectif de la présente proposition de loi.
* 1 Étude Opinion Way : « la revente et l'achat de billets de seconde main » réalisée en septembre 2024.
* 2 Étude Opinion Way : « la revente et l'achat de billets de seconde main » réalisée en septembre 2024.
* 3 Étude Opinion Way : « la revente et l'achat de billets de seconde main » réalisée en septembre 2024.