EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Un enfant, toutes les trois minutes, est victime de violences sexuelles en France1(*). 377 000 enfants, adolescents et jeunes majeurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance sont victimes de violences ou de négligence2(*). 2 048 enfants sont sans solution d'hébergement3(*).

Malgré les avancées réalisées au Parlement et l'existence de structures dédiées telles que le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), le groupe d'intérêt public (GIP) Enfance en danger ou encore le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), il demeure un manque crucial : une délégation parlementaire spécifiquement chargée des droits de l'enfant (DDE). Les récentes décisions, comme celle du Conseil d'État du 15 novembre 2022 sur l'aide sociale à l'enfance ou encore l'évaluation du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur la protection de l'enfance, soulignent l'importance de cette lacune. En l'absence d'une telle délégation, le suivi des politiques publiques concernant les droits de l'enfant est fragmenté, voire inexistant.

Depuis le lancement du premier plan interministériel de lutte contre les violences faites aux enfants, en 2016, de nombreuses initiatives se succèdent. Cependant, le portage politique de la protection de l'enfance rencontre différentes ruptures, ce qui complexifie la cohérence de l'action publique et la progression de l'accompagnement social. La délégation parlementaire aux droits de l'enfant installerait un contrôle, un suivi et une force d'initiatives continue et stable dans le temps, garant d'efficacité. Dans le sens des recommandations faites par le Comité des droits de l'enfant des Nations unies, il est nécessaire de dépasser les initiatives existantes en déployant un organe dédié aux droits de l'enfant, notamment au niveau législatif.

En effet, les études et rapports se multiplient pour alerter sur la nécessité d'agir sur la protection des droits des plus jeunes et les chiffres et les statistiques sont flagrants. Il faut tout d'abord mettre à jour le fléau des violences physiques et sexuelles : chaque semaine, un enfant meurt sous les coups de ses parents en France4(*), au moins 70 000 mineurs sont victimes de maltraitance chaque année et un Français sur dix dit avoir été victime d'inceste pendant son enfance. Ensuite, il faut insister sur les difficultés connues à l'intégration sociale et économique des enfants les plus défavorisés : 1 enfant sur 5 vit sous le seuil de pauvreté en France, soit 3 millions d'enfants, 7 mineurs sur 10 sortant de l'aide sociale à l'enfance sont sans diplôme, 1 sans domicile fixe sur 4 est un enfant anciennement pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Les études n'ont de cesse de montrer que ces phénomènes se sont aggravés avec la crise sanitaire et les périodes de confinement qui en ont découlé : une augmentation significative des maltraitances, l'isolement, une vulnérabilité psychique exacerbée, une scolarité perturbée, des inégalités en augmentation, etc.

En outre des violences subies par les enfants, le périmètre de la délégation chargée des droits des enfants s'étend aussi aux questions sociales et sociétales de notre temps. Effectivement, les défis qui attendent la jeunesse doivent aussi nous amener à réagir. L'impératif de justice sociale et l'urgence climatique qui se jouent devant nos yeux et dont les conséquences seront inexorables pour nos enfants et les générations à venir doivent conduire le législateur à garantir un monde juste et solidaire, à l'écoute de la jeunesse, de nos enfants.

C'est aujourd'hui au Parlement, au travers de cette délégation aux droits de l'enfant, que revient le devoir et le pouvoir d'être force de propositions pour approfondir les droits de l'enfant, pour s'assurer que jamais les droits fondamentaux de l'enfant ne soient bafoués et pour contrôler l'action du Gouvernement en la matière. Cette délégation pourra agir en transversalité sur tous les domaines encadrant la vie d'un enfant : la santé, l'éducation, le logement, la justice, l'inclusivité. Elle permettra d'apporter une vision globale aux travaux habituellement étudiés dans une seule commission. L'usage délègue ces questions à la commission des affaires sociales et à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Pourtant, outre les questions de violences intrafamiliales, les droits de l'enfant ne relèvent pas exclusivement des droits des femmes et nécessitent une pleine attention.

Nous vous soumettons donc par cette proposition de loi que le Sénat comme l'Assemblée nationale soient dotés d'une « délégation parlementaire aux droits de l'enfant ».

* 1 CIIVISE, Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit », novembre 2023.

* 2 Tribune Collectif, « Les travailleurs sociaux de la protection de l'enfance, ces héros de l'ombre, sont en détresse », Le Monde, 19 mars 2024.

* 3 Fédération des acteurs de la solidarité, UNICEF, Baromètre « enfants à la rue », août 2024.

* 4 Ministère du travail, de la santé et des solidarités, Plan de lutte contre les violences faites aux enfants, novembre 2023.

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