EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 10 février 2020, la France a pris un tournant décisif vers une économie plus durable en adoptant la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire, dite loi AGEC1(*).
Cette loi, saluée pour sa portée innovante, fixe des objectifs ambitieux tels que l'élimination des plastiques à usage unique d'ici à 2040, l'introduction d'un indice de réparabilité, et la généralisation de la vaisselle réutilisable dans la restauration.
La loi AGEC a permis à la France de se positionner comme pionnière dans la gestion des déchets et la prévention environnementale, tout en plaçant l'économie circulaire au coeur des débats publics. Ces principes ont résonné non seulement au sein des institutions publiques, mais également parmi les acteurs associatifs et les entreprises, sensibilisant ainsi un large public à ces enjeux.
La loi AGEC s'inscrit dans une dynamique de transition écologique visant à construire un modèle économique plus durable. Face à des prévisions alarmantes - selon lesquelles il pourrait y avoir plus de déchets plastiques que de poissons dans les océans d'ici 2050, d'après l'association Wings for the Ocean - l'urgence d'agir est partagée par la majorité de la population. Une étude Ipsos de 2022 révèle ainsi que 75 % des Français soutiennent l'interdiction des plastiques à usage unique et 86 % sont favorables à un traité international contre la pollution plastique2(*). Ces chiffres témoignent d'une prise de conscience collective croissante, à laquelle la loi AGEC tente de répondre en prévoyant l'élimination progressive des plastiques à usage unique d'ici à 2040.
Depuis 2021, des interdictions touchant des objets tels que les pailles, les cotons-tiges et les couverts en plastique ont vu le jour, avec pour but de réduire l'empreinte écologique de la France, particulièrement concernant les déchets plastiques. La loi prévoit notamment plusieurs étapes de réduction des plastiques à usage unique :
- 2021-2025 : réduction de 20 % des emballages à usage unique d'ici fin 2025, interdiction de la vaisselle jetable dans les fast-foods (2023) et interdiction des dispositifs médicaux contenant des microplastiques (2024) ;
- 2025-2030 : interdiction des produits cosmétiques contenant des microplastiques et réduction de 50 % du nombre de bouteilles en plastique (2030) ;
- 2030-2040 : suppression complète des plastiques jetables, bien que cette phase comporte moins de mesures spécifiques.
Alors que la première phase de la loi AGEC touche à sa fin, les résultats sont en deça des espérances. Pire, l'ADEME rapporte une augmentation de 4 % de la mise sur le marché de bouteilles en plastique entre 2021 et 2022. Les retards pris dans la sortie du plastique à usage unique mettent en échec certains objectifs de la loi AGEC.
Dans son rapport annuel de 2023, l'ADEME pointe ce retard en matière de réduction, de réemploi et de recyclage des emballages ménagers, encore trop éloignés des objectifs nationaux et internationaux3(*).
La production de plastiques en France reste élevée, atteignant environ 4,8 millions de tonnes par an dont près de 46 % pour les emballages. Ce sont autant de déchets qui viennent participer aux pollutions dues à l'incinération et la mise en décharge. Le secteur des déchets est ainsi responsable de 4 % des émissions de gaz à effet de serre4(*), et ce, sans prise en compte des émissions liées au traitement des déchets ainsi qu'à leur transport.
En moyenne, chaque français produirait 70 kg de déchets plastiques par an. À l'échelle mondiale, 139 millions de tonnes de déchets plastiques à usage unique ont été générées en 2021, selon une étude de l'ONG Minderoo. La production mondiale de plastique a ainsi doublé en à peine vingt ans.
Au regard de ce constat, il apparaît nécessaire de renforcer notre législation sur l'interdiction des produits miniatures à usage unique qui représentent encore une part significative de la pollution plastique.
Au niveau européen, chaque personne
génère près de 180 kg de déchets d'emballages
par an. Pour lutter contre la production de déchets plastiques et dans
le cadre du Pacte vert pour l'Europe, le PPWR (Proposal Packaging Waste
Regulation) a été voté au Parlement européen le 24
avril 2024.
Cette législation vise à lutter contre
l'augmentation des déchets, harmoniser les règles du
marché intérieur et encourager l'économie circulaire.
À l'instar de la loi AGEC, le PPWR impose des objectifs aux États
membres, avec un calendrier précis :
- une réduction de 5 % des déchets d'emballages d'ici à 2030 par rapport à 2018, puis une réduction de 10 % d'ici à 2035 et de 15 % d'ici à 2040 ;
- une interdiction de certains plastiques à usage unique à partir du 1er janvier 2030, notamment les sacs en plastique utilisés pour les fruits et légumes frais non transformés ou les emballages d'aliments et de boissons consommés dans les cafés et les restaurants.
Plusieurs acteurs du secteur, notamment dans la gestion des déchets et le réemploi, ont tiré la sonnette d'alarme, signalant que la mise en oeuvre de la loi AGEC s'éloigne de ses objectifs initiaux. Par exemple, la mise en place des fontaines à eau dans tous les établissements recevant du public n'est toujours pas respectée alors qu'elle est une obligation depuis la loi AGEC. Cela démontre la nécessité de mesures plus strictes et mieux ciblées pour atteindre les ambitions fixées et répondre aux objectifs européens.
À l'échelle internationale, l'Organisation des Nations unies a adopté une résolution visant à parvenir à un traité international de lutte contre le plastique d'ici la fin de l'année 2024. Aujourd'hui, les discussions sont encore en cours pour parvenir à un accord contraignant pour les États membres. Pourtant, dans le même temps, les industriels notamment de l'hôtellerie et de la restauration prennent de plus en plus d'initiatives pour sortir du plastique. Une coalition de 250 entreprises, institutions et ONG a d'ailleurs affirmé sa volonté de réduire le plastique à la suite des discussions sur le traité international de lutte contre le plastique.
La France doit prendre les devants et montrer une nouvelle fois l'exemple en accélérant la sortie du plastique. Les produits miniatures en plastique à usage unique, y compris recyclables, posent un défi particulier, car ils se retrouvent fréquemment dans les milieux naturels comme les océans. Pour respecter l'objectif de réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique d'ici à 2025, et en vue de sortir progressivement du plastique, il apparaît indispensable d'adopter des mesures spécifiques concernant ces produits miniatures en plastique. Ces mesures spécifiques s'inscrivent dans la trajectoire de la directive UE 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement.
Dans ce contexte, la France doit accélérer et instaurer des actions plus rigoureuses pour limiter la production et l'usage de ces plastiques. Ce combat pour la fin des plastiques jetables nécessite la mobilisation de tous les acteurs - consommateurs, industriels et pouvoirs publics - pour répondre à cet enjeu environnemental et de santé publique de taille.
Le temps presse pour réduire notre dépendance aux plastiques jetables et protéger les générations futures en préservant la planète. Cette proposition de loi vise à accélérer la réduction du plastique à usage unique notamment dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration dans le cadre des réglementations européennes et internationales. Elle permet également de réduire l'exposition humaine au plastique, de plus en plus décriée par les scientifiques du fait de ses impacts sur la santé.
L'article 1er prévoit l'interdiction de la production, de la vente, de la mise à disposition à titre onéreux ou gratuit des produits miniatures en plastique à usage unique sur le territoire français à partir du 1?? janvier 2026. Un décret est prévu pour définir les exceptions motivées pour des raisons de protection de la santé publique et de sécurité. Ces exceptions sont réévaluées chaque année. L'article prévoit également des sanctions pour le manquement aux obligations mentionnées.
L'article 2 gage les conséquences financières de cette interdiction pour l'État et les collectivités territoriales.
* 1 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
* 2 IPSOS et Plastic Free Foundation - Février 2022.
* 3 Rapport annuel 2023 de l'ADEME.
* 4 D'après le rapport du Haut Conseil pour le Climat « Renforcer l'atténuation, engager l'adaptation » 2021.