EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire a mis en lumière, s'il en était besoin, le caractère essentiel des chaînes logistiques et de transports pour la vie de notre Nation. Mis à rude épreuve pendant les confinements successifs, ce secteur stratégique devrait néanmoins croître tendanciellement d'ici 2050.

Pour autant, et alors que près de 90 % du fret français est assuré par le mode routier, il est aujourd'hui nécessaire de réduire l'impact environnemental du transport de marchandises pour tenir nos objectifs de décarbonation. C'est le sens des 40 propositions du rapport d'information « Transport de marchandises : se donner les moyens d'une transition nécessaire »1(*), adopté par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable le 19 mai 2021. La présente proposition de loi vise à traduire certaines de ces recommandations, avec un double objectif.

D'une part, elle propose de réduire les nuisances liées au transport routier de marchandises, partant du constat formulé par la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, selon lequel certains poids lourds contournent des sections d'autoroutes à péage pour emprunter des voies du réseau secondaire. Ces trafics génèrent d'importantes externalités négatives (pollution atmosphérique, augmentation du nombre d'accidents et insécurité, congestion routière, dégradation des voies de circulation, nuisances sonores, etc.). Un exemple révélateur de cette situation est celui de la route nationale 10 (RN10), qui pâtit d'un trafic incessant de camions. Les mesures de restriction de circulation pour les poids lourds sont en pratique particulièrement difficiles à mettre en oeuvre pour les élus locaux. Il est donc nécessaire d'identifier, à l'échelle nationale, les principaux « itinéraires de fuite » et de définir, pour chacun de ces contournements, un plan d'actions visant à réduire les nuisances subies par les riverains, sous l'égide du représentant de l'État. La création de zones spécifiques par la mise en place de restrictions de circulation sur certaines portions de voies pourrait également être envisagée sur certaines sections, compte tenu des nuisances générées par le trafic de camions et alors même qu'une autoroute plus propice à accueillir le trafic de poids lourds se situe à proximité.

D'autre part, la présente proposition de loi propose d'agir sur un autre volet emblématique afin de responsabiliser les consommateurs quant à l'impact environnemental de leurs livraisons. On estime que le fret urbain est responsable du tiers de la pollution de l'air constatée en ville, une tendance qui s'est accentuée sous l'effet de la croissance du e-commerce, stimulée par la crise sanitaire. Cette dynamique pourrait amener le marché de la logistique urbaine à croître de 8 % par an en Europe d'ici 2030, soulevant notamment la question de l'empreinte écologique des véhicules utilitaires légers (VUL). En outre, les résultats de la consultation en ligne réalisée par la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux révèlent que 93 % des répondants s'estiment insuffisamment informés sur l'impact environnemental de leurs livraisons lorsqu'ils effectuent un achat sur internet.

En définitive, cette proposition de loi vise à accélérer la transition écologique du transport de marchandises sur deux volets prioritaires : la réduction des nuisances relatives aux reports de poids lourds sur les principaux itinéraires de fuite et le renforcement de l'information et de la capacité d'action du consommateur sur la réduction de l'empreinte environnementale du e-commerce.

Le chapitre Ier de la présente proposition de loi comporte deux articles visant, pour le premier, à définir une démarche en deux temps pour identifier les « itinéraires de fuite » empruntés par un grand nombre de poids lourds en transit et réduire les nuisances générées par ce trafic et, pour le second, à mettre en place une expérimentation d'interdiction de circulation des poids lourds en transit dans certaines zones dès lors qu'ils pourraient emprunter une autoroute à proximité.

L'article 1er prévoit ainsi, dans un premier temps, un recensement des principaux itinéraires de fuite, mis à jour tous les trois ans. Dans un second temps, une concertation des acteurs concernés par les itinéraires ainsi identifiés pourrait être engagée sous l'égide du préfet, afin de trouver des leviers d'actions sur le terrain d'ici le 1er janvier 2025.

L'article 2 prévoit d'expérimenter, pendant une durée de trois ans et dans le cas où la concertation n'aboutirait pas ou en cas de non-respect du plan d'actions, l'interdiction de circulation de poids lourds en transit sur des portions des itinéraires ainsi identifiés. Cette expérimentation s'inspire du dispositif d'interdiction de circulation prévue sur certains axes routiers traversant l'Eurométropole de Strasbourg afin d'obliger les camions en transit à emprunter le nouveau contournement ouest de la ville (autoroute A355). La restriction à la liberté de circulation des marchandises prévue par la présente proposition de loi est justifiée par un motif d'intérêt général de sécurité publique, de tranquillité publique, mais aussi de respect du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Alors que les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), fondées sur le dépassement régulier de seuils de pollution de l'air, conviennent aux zones urbaines et aux grandes agglomérations, la situation observée sur les itinéraires de fuite, qui pourra être objectivée par des études de trafic et des analyses des impacts du trafic de poids lourds, justifie d'expérimenter des solutions locales d'effet équivalent.

Le chapitre II de la proposition de loi compte deux articles visant à sensibiliser les consommateurs du e-commerce à l'impact environnemental de leurs livraisons.

L'article 3 a pour objet d'informer le consommateur de l'impact environnemental de ses livraisons afin, à terme, d'inciter à des comportements plus vertueux en la matière.

L'article 4 vise à interdire la mention de « livraison gratuite », ainsi que toute publicité mettant en avant la gratuité de la livraison d'un produit, afin de ne pas laisser entendre que les livraisons n'ont aucun coût.

* 1 Rapport d'information n° 604 (2020-2021), de Mme Nicole BONNEFOY et M. Rémy POINTEREAU, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 19 mai 2021.

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