EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi vise à instaurer une contribution aux infrastructures communales (CIC), au bénéfice des communes, redevable par tout habitant majeur dont la résidence principale est située sur le territoire de ladite commune.
Elle s'inscrit dans une volonté de rétablissement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et de renforcement de l'autonomie fiscale des communes en renforçant leur capacité financière en matière d'investissement.
CONTEXTE
Depuis la suppression progressive de la taxe d'habitation, actée par la loi de finances de 2020 et rendue effective pour la résidence principale de tous les citoyens en 2023, un déséquilibre croissant en matière de justice fiscale s'est installé dans les communes françaises. Ces dernières se sont vues privées d'une ressource fiscale directe, affaiblissant leur autonomie fiscale, les rendant plus dépendantes des dotations et compensations de l'État et amputant leur capacité à financer directement les infrastructures locales. Bien que compensée partiellement, la suppression de la taxe d'habitation a pour conséquence de figer les collectivités à deux égards. D'une part, les mécanismes de compensation ont été fixés sur les bases des recettes de 2017, de manière non évolutive, sans prise en compte de l'inflation. D'autre part, la compensation perçue est déconnectée de la dynamique de construction d'habitations. La suppression de la taxe d'habitation constitue en outre un frein à la construction pour les maires, qui ne peuvent assurer de manière autonome la construction d'équipements rendue nécessaire par le développement démographique.
Les communes se retrouvent ainsi face à un paradoxe : chaque citoyen continue de bénéficier des infrastructures locales (espaces publics, routes, éclairage public et autres équipements publics), mais tous ne contribuent plus à leur financement. Seuls les propriétaires, par l'acquittement de la taxe foncière, participent directement au fonctionnement de la collectivité ainsi qu'au financement de ces infrastructures. Cela crée une iniquité de fait où les locataires ne participent plus fiscalement aux services dont ils bénéficient au quotidien. Il s'agit d'une rupture du principe d'universalité devant l'impôt, créé par une distinction injustifiée entre les différents types de résidents, pourtant clairement consacré dans les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».
En effet, tout citoyen doit participer aux charges publiques.
Cette situation fragilise le lien entre les citoyens et les services publics locaux, renforçant l'idée que ceux-ci sont « gratuits ». Ce phénomène a été clairement identifié par l'Association des Maires de France (AMF), qui met en avant le fait que la disparition de cet impôt a affaibli la perception des citoyens quant à leur rôle de contributeur au bien commun et à l'entretien des infrastructures locales de proximité?.
Le rétablissement d'une forme d'équité fiscale s'impose comme étant un enjeu auquel il convient de répondre rapidement, pour estomper la fracture sociétale naissante, d'une part, pour rétablir le lien avec l'échelon démocratique de proximité, à savoir les communes, et pour permettre une meilleure autonomie financière de ces dernières, d'autre part.
L'instauration d'une contribution aux infrastructures communales, obligatoire pour tous les habitants, constitue une première réponse. Ce dispositif, sous forme d'un forfait annuel compris entre 60 et 120 euros par habitant majeur demeurant à titre principal dans la commune, selon la décision du conseil municipal et réévalué annuellement en fonction de l'inflation, garantit la participation de tous les habitants, propriétaires occupants ou locataires, au financement des infrastructures locales. Cette contribution est exclusivement dédiée aux projets d'investissements tels que la réfection des routes, l'éclairage public, la création, la rénovation ou la modernisation des équipements.
Elle est imputée aux recettes d'investissement et ne peut être utilisée pour les dépenses de fonctionnement courant. L'utilisation annuelle de son produit est fléchée lors du vote annuel du budget par le conseil municipal. Le pouvoir politique local demeure comptable de son utilisation devant l'ensemble des citoyens.
LES ENJEUX
Cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales, défini à l'article 72 de la Constitution.
Il est précisé que dans un contexte de désengagement progressif de l'État quant au soutien financier des collectivités locales et d'érosion de l'autonomie fiscale des collectivités, ces questions sont au coeur du débat.
Cette proposition de loi respecte les principes de proportionnalité de l'impôt ; le montant pouvant être modulé en fonction des besoins et des capacités contributives locales, en conformité avec l'article 72-2 de la Constitution qui donne la possibilité aux collectivités territoriales de fixer l'assiette et les taux d'imposition dans les limites fixées par la loi : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. »
Il est en outre rappelé que le caractère proportionnel de l'imposition est apprécié dans sa globalité. Le caractère cumulatif de la taxe foncière pour les propriétaires occupants et de la contribution aux infrastructures locales répond à l'exigence de proportionnalité de l'impôt.
Le rétablissement d'un lien fiscal entre chaque citoyen et leur commune constitue également un enjeu majeur de cette réforme. Il permet également de renforcer, à terme, un lien de confiance et de participation des citoyens à la vie locale. En effet, l'impact concret de leur contribution est garanti par une transparence quant à l'utilisation des fonds collectés. Affectée exclusivement aux projets d'investissements définis lors du vote du budget, cette contribution garantit que l'effort fiscal de chaque citoyen se traduit directement par des améliorations concrètes au sein de la commune.
Il vise à réduire les inégalités territoriales et la détérioration du lien fiscal provoquées par la suppression de la taxe d'habitation, tout en justifiant la nouvelle contribution dans une perspective d'investissement local.
Il donne la possibilité aux communes de retrouver une source de financement stable et une dynamique d'investissement moins dépendante des décisions nationales.
A. Justification de l'assiette d'imposition :
L'assiette de la contribution aux infrastructures communales repose sur les habitants majeurs ayant leur résidence principale dans la commune. Ce choix est justifié par les considérations suivantes :
- l'utilisation directe des infrastructures publiques locales : les habitants majeurs résidant à titre principal dans une commune bénéficient au quotidien des infrastructures locales tels que la voirie, l'éclairage public, les espaces verts ou les équipements publics. Il apparaît légitime que ces résidents soient les premiers à contribuer à leur financement. Ce choix permet d'établir un lien direct entre l'utilisation des infrastructures et la contribution financière. Par analogie à l'accès aux services publics locaux spécifiques relevant d'une tarification, tels que la restauration collective, les modes de garde ou les activités périscolaires, cette contribution permet de refléter l'utilisation régulière des infrastructures publiques. Il est ainsi assuré une participation proportionnée aux coûts liés à l'amélioration et aux besoins des équipements en établissant une équité entre les usagers et les contributeurs. Ce mécanisme renforce la transparence fiscale en instaurant un lien direct entre le financement et les bénéfices de l'usage des services publics locaux ;
- égalité devant la charge publique : l'assiette permet de garantir une répartition juste de la charge fiscale. En effet tous les citoyens, indépendamment de leur statut de propriétaire occupant ou locataire, contribuent de manière similaire aux infrastructures dont ils bénéficient quotidiennement. L'effort fiscal ne se porte plus uniquement sur les propriétaires, par le biais de la taxe foncière ;
- clarté et simplicité administrative : le choix de l'assiette repose sur une gestion simple et efficace de l'imposition, basée sur des données fiscales déjà collectées par l'administration. Cela minimise les coûts administratifs tout en rendant le recouvrement de la taxe plus fluide. Ces données transmises à la commune, elle pourrait émettre directement les titres de paiement. Cette approche permettrait de simplifier le processus pour les habitants, tout en renforçant le lien avec le citoyen.
B. Justification des seuils de la contribution communale forfaitaire :
La contribution aux infrastructures communales est fixée dans une fourchette définie entre 60 et 120 euros par an et par contribuable, répondant ainsi à plusieurs critères d'ordre administratif et économique.
Le seul minimal de 60 euros correspond au montant généralement accepté par l'administration pour garantir la viabilité économique du recouvrement (coût de la gestion). Il assure un rendement fiscal minimal pour la collectivité tout en restant compatible avec la capacité contributive des habitants.
Le montant de 120 euros est quant à lui justifié par les besoins financiers des communes pour mener des projets d'investissement structurants. Il a été déterminé en prenant en compte les coûts moyens de réfection ou création d'équipements selon les tailles de communes.
Cette amplitude permet aux collectivités de disposer d'une flexibilité budgétaire suffisante pour couvrir des dépenses d'investissement tout en évitant un recours excessif à l'emprunt dans un contexte où les subventions de l'État et partenaires se contractent.
La fourchette retenue garantit une contribution proportionnée à la charge publique tout en assurant l'efficacité et la stabilité des finances communales.
Figure 1 - Simulation des recettes d'investissement par strate, basée sur une composition moyenne de 1,8 adulte par foyer et sur une contribution médiane de 90 euros
C. Détermination du forfait annuel par les conseils municipaux :
Lors de la présentation du débat d'orientation budgétaire ou à défaut, lors du vote du budget, le conseil municipal détermine le montant de la contribution, dans une fourchette définie entre 60 et 120 euros par habitant et par an. Afin de garantir une application cohérente et adaptée aux réalités locales, plusieurs critères doivent être pris en compte dans la fixation de ce montant :
- la capacité d'investissement de la commune : le montant est fixé en fonction des projets d'investissement prévus au cours de l'exercice budgétaire. À titre d'exemple, les communes ayant des besoins d'investissement plus importants, comme la rénovation d'infrastructures vieillissantes ou la création d'une école, peuvent fixer un montant plus élevé afin d'assurer un financement suffisant. Les communes prennent en compte la capacité de cofinancement des projets pour évaluer le montant nécessaire ;
- la capacité contributive des habitants : le montant fixé doit être proportionné aux capacités financières de la population. Ainsi la situation socio-économique des habitants constitue l'un des critères à prendre en compte ;
- la cohérence avec les autres taxes locales : le conseil municipal veille à assurer un équilibre avec les autres contributions locales en n'ajoutant pas de pression fiscale excessive pour les habitants, notamment dans les communes où la taxe foncière est déjà élevée ;
- le principe de proportionnalité par rapport aux services publics rendus : le lien entre le montant et l'investissement doit être clairement établi. La contribution doit être proportionnelle à la qualité du service rendu aux habitants. Le conseil municipal établit donc un lien transparent entre les dépenses d'investissement prévues, leur planification à moyen et long terme et le montant de la contribution. Ce principe renforce la démocratie représentative et le consentement à l'impôt en rétablissant l'un des piliers constitutifs de la démocratie locale : le lien entre le contribuable-citoyen et les élus locaux.
ANALYSE COMPARÉE EUROPÉENNE
L'analyse de la fiscalité locale chez nos voisins européens permet de mieux appréhender une réforme nationale proposée, inspirée de ces modèles, pour garantir une stabilité des finances locales et une meilleure autonomie des communes, tout en rétablissant un lien fiscal avec les habitants.
En Allemagne par exemple, les communes bénéficient d'une autonomie fiscale forte en percevant une taxe professionnelle, une taxe foncière et une part des impôts sur le revenu et la TVA. Elles modulent ces impôts en fonction de leurs nécessités, en respectant des taux planchers fixés par la loi. Cela permet une grande flexibilité et une adaptation aux réalités locales.
L'Italie a en revanche entrepris une réforme fiscale majeure en supprimant sa taxe sur les propriétés pour les résidences principales (IMU) et en la remplaçant par une contribution pour financer les services publics, entraînant des déséquilibres importants pour les communes. Pour autant, les communes italiennes perçoivent une partie des taxes nationales et de l'impôt sur le revenu des personnes physiques compensant la suppression de l'IMU. Le constat s'impose toutefois sur le fait que les disparités territoriales s'accentuent.
Le système danois, à son échelle, présente un modèle de fiscalité locale reposant sur un fort niveau de redistribution. Les communes danoises financent leurs services par un impôt sur le revenu progressif, modulé selon les communes. Elles peuvent également percevoir une part des taxes foncières et d'autres contributions locales. Le système de péréquation financière est particulièrement développé ; les communes les plus riches redistribuant une partie de leurs revenus aux communes les moins favorisées pour assurer une égalité de l'accès aux services publics sur tout le territoire.
Ces pratiques permettent de renforcer le caractère prioritaire de la mise en place d'un dispositif proposé par ce projet de loi.
LA PROPOSITION DE LOI
La présente proposition s'articule autour de trois articles visant à permettre la mise en place de ce dispositif.
L'article 1er instaure un nouvel impôt local direct au profit des communes dans le code général des impôts : la contribution aux infrastructures communales. Il définit l'assiette de la taxe et la nature du contribuable, à savoir toute personne physique majeure ayant sa résidence principale sur le territoire de la commune. La résidence principale s'entend comme le lieu où le contribuable réside de manière habituelle, effective et continue et correspond à son principal lieu de domiciliation. Les personnes ayant une résidence secondaire sur le territoire de la commune ne sont pas assujetties à la contribution ; il est en outre rappelé que ces derniers sont assujettis à la taxe d'habitation.
Cette contribution est indépendante des revenus des contribuables et s'applique uniformément à l'ensemble des habitants, à l'exception de ceux reconnus indigents par l'administration fiscale.
Il précise en outre que le montant de cette contribution forfaitaire acquittée annuellement s'établit entre 60 et 120 euros. Son montant est fixé par une délibération du conseil municipal lors du vote du budget en fonction des besoins spécifiques de la commune.
Ce même article prévoit que les recettes issues de cette contribution sont exclusivement affectées au financement de projets d'investissement communaux relevant du périmètre du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) tels que la réfection des voiries, l'éclairage public, la création ou la rénovation des infrastructures publiques. Son utilisation est par conséquent fléchée et transparente, faisant l'objet d'une obligation d'identification en conseil municipal.
Enfin, il inscrit cette contribution dans une dynamique de revalorisation annuelle systématique, basée sur l'indice des prix à la consommation harmonisé de l'année précédente.
L'article 2 inscrit cette nouvelle ressource pour les communes dans les recettes de la section d'investissement du budget communal.
L'article 3 prévoit que les modalités de recouvrement de la contribution aux infrastructures communales sont fixées par décret du Conseil d'État qui définit la base et le mode de recouvrement : échéance de paiement, modalités de paiement, pénalités de retard, procédures de recouvrement forcé et contentieux. Ces modalités sont définies dans un objectif de simplification des démarches pour les communes, les services fiscaux et les contribuables.