EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le drame du meurtre du Père Olivier Maire en Vendée en août 2021 a légitimement ému l'opinion publique notamment sur un point particulier : le mis en cause faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), c'est-à-dire d'une décision administrative lui ordonnant de partir car dépourvu de droit au séjour dans notre pays.

À la suite du meurtre, la polémique a immédiatement enflé, nombre de décideurs politiques trouvant anormal que cet individu soit resté sur le territoire malgré une obligation administrative de le quitter. Or son expulsion était impossible du fait de l'existence d'un contrôle judiciaire l'obligeant, en tant que mis en examen, à rester en France, ce qu'a expliqué le ministre de l'intérieur.

Nous découvrons ici l'une des nombreuses incohérences de notre législation : il est effectivement possible à la justice de prononcer des mesures qui nécessiteront la présence de la personne sur le territoire national... alors même que légalement elle n'a pas le droit d'y être et devrait le quitter immédiatement. Cette présence nécessaire s'explique bien souvent par les contraintes des investigations des services d'enquêtes ou le jugement différé du prévenu, par ailleurs étranger en situation irrégulière.

Certaines préfectures ne s'embarrassent cependant pas de ces considérations juridiques et tentent parfois d'expulser des étrangers qui sont sous le coup de mesures judiciaires, les empêchant de respecter les obligations mises à leur charge, avec un risque pénal important pour ces individus. Des jurisprudences contradictoires ne permettent pas à ce jour de dégager des solutions claires.

C'est pourquoi il vous est proposé une réforme rapide et simple à mettre en oeuvre : rendre tout simplement impossible le prononcé par le juge judiciaire de mesures « pré-sentencielles » ou « post-sentencielles » à l'encontre d'un individu n'ayant pas de titre de séjour régulier, qui impliquent sa présence sur notre territoire national.

Plus de contrôle judiciaire, ni de mise à l'épreuve avec obligations diverses à remplir en France si la personne n'a pas le droit de résider chez nous. Les options seraient assez simples et surtout lisibles : détention provisoire pour les besoins éventuels de l'enquête ; privilégier les procédures de jugement immédiates ; détention effective si le tribunal le juge mérité ; expulsion du territoire dans les autres cas après le jugement et après exécution de la peine ferme éventuelle, à la diligence de l'autorité administrative.

Les possibilités d'ordonner des mises à l'épreuve avec par exemple obligation de répondre aux convocations des travailleurs sociaux, du juge ou obligation de travailler pour un étranger sans titre qui ne peut évidemment pas le faire légalement seraient ainsi supprimées, rendant une certaine cohérence à l'état de droit et à son application.

Dans le même souci, il est proposé de prévoir que les personnes dépourvues de titre de séjour ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ne puissent pas être condamnées à des peines qui nécessitent pour leur exécution une présence effective sur le territoire national, ni ne puissent bénéficier d'un aménagement de peine qui implique cette présence. Seules seraient possibles les « libérations conditionnelles expulsion » déjà prévues par l'article 729-2 du code de procédure pénale, dont le toilettage est proposé afin de supprimer le dispositif actuel étonnant qui permet à un condamné ayant exécuté une libération conditionnelle d'obtenir l'annulation automatique d'une interdiction de territoire français.

Pour garantir la cohérence de notre droit, il est proposé d'inscrire en parallèle dans la loi l'impossibilité de l'expulsion du territoire national des personnes qui sont sous le coup de mesures judiciaires qui impliquent leur présence, le temps de la durée de celles-ci. Un certain nombre de contrôles judiciaires et de mises à l'épreuve courront encore sur plusieurs années et il faut garantir la sérénité des enquêtes judiciaires et la bonne exécution des décisions de justice.

La proposition de loi qui vous est soumise permettra donc d'éviter les nouveaux cas problématiques pour l'avenir tout en protégeant les décisions prises antérieurement. Et surtout redonnera cohérence et lisibilité au dispositif, tout en le rendant plus juste.

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