EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) constitue un dispositif essentiel pour les collectivités territoriales. Ce mécanisme leur permet de récupérer, sous forme de compensation, la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles ont acquittée sur leurs dépenses d'investissement. Toutefois, les modalités de versement de ce fonds, régies par l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT), posent aujourd'hui plusieurs difficultés, notamment en ce qui concerne les délais de remboursement, qui affectent particulièrement les petites communes. Il est donc impératif de rappeler le cadre légal dans lequel ce dispositif opère afin de mieux comprendre l'enjeu de la présente proposition de loi.
Le régime de droit commun du FCTVA prévoit que le remboursement de la TVA s'effectue la deuxième année suivant la réalisation des dépenses d'investissement. En d'autres termes, lorsqu'une collectivité engage des travaux ou réalise des achats pour des infrastructures, elle doit attendre deux ans avant de recevoir la compensation correspondant à la TVA qu'elle a payée. Cette situation impose donc une avance de trésorerie considérable pour les communes, ce qui peut s'avérer particulièrement problématique dans un contexte économique difficile. Le principe de remboursement différé, bien que conçu pour équilibrer les flux financiers de l'État, pèse lourdement sur la capacité d'investissement des collectivités, en particulier pour celles dont les marges de manoeuvre financières sont limitées.
Face à cette difficulté, le législateur a progressivement introduit des dérogations au régime général du FCTVA. Ces dérogations, codifiées également à l'article L. 1615-6 du CGCT, concernent des catégories spécifiques de collectivités qui bénéficient d'un versement anticipé du FCTVA. Pour ces collectivités, le remboursement de la TVA peut intervenir soit l'année même de la réalisation de la dépense, soit l'année suivante (en N+1). Ces mesures dérogatoires visent principalement à soutenir les collectivités confrontées à des situations particulières, comme des investissements majeurs ou des difficultés de trésorerie exceptionnelles. Cependant, cette flexibilité n'est pas accessible à toutes les collectivités, créant ainsi des inégalités dans la capacité à gérer la trésorerie en fonction de la taille et des ressources des communes concernées.
Il est vrai qu'un dispositif complémentaire existe pour permettre aux collectivités en difficulté d'obtenir un acompte sur le FCTVA. En effet, les collectivités qui font face à des difficultés exceptionnelles de trésorerie peuvent solliciter, dès le mois de janvier de l'année de versement, le versement anticipé d'un acompte de 70 % du montant prévisionnel de FCTVA. Cette demande doit être adressée à la préfecture, où elle est examinée par le représentant de l'État dans le département. Ce dernier dispose d'un pouvoir d'appréciation pour accorder ou non cet acompte, en fonction de la situation financière de la collectivité. Toutes les collectivités n'y ont pas accès, et celles qui en bénéficient doivent justifier de leur situation, ce qui ajoute une complexité administrative à une situation déjà tendue.
La majorité des collectivités ne répond donc pas aux critères stricts permettant de bénéficier d'une dérogation au régime général du FCTVA. Par conséquent, de nombreuses communes, notamment les plus petites, sont contraintes d'attendre deux ans avant d'obtenir le remboursement de la TVA sur leurs investissements. Cette attente prolongée complique considérablement la gestion budgétaire locale, obligeant certaines communes à recourir à l'emprunt pour financer des projets essentiels, ou pire, à reporter ou annuler des investissements faute de ressources financières suffisantes. Pourtant, lors de crises économiques antérieures, comme celle de 2008, des mesures exceptionnelles avaient été adoptées pour permettre un versement compensatoire dès l'année suivante, en N+1, démontrant ainsi la possibilité d'aménagements plus flexibles.
Cette problématique est aggravée par des changements récents dans la prise en compte des dépenses éligibles au FCTVA. Par exemple, certaines modifications de la nomenclature budgétaire ont eu pour conséquence d'exclure des projets qui étaient auparavant éligibles, comme les dépenses liées à la création ou à la réhabilitation de terrains de sport. Des communes se sont ainsi vu refuser le versement du FCTVA pour des projets pourtant essentiels au développement local, au motif que le compte budgétaire concerné n'était plus éligible. Ces modifications ajoutent à la frustration des élus locaux qui peinent déjà à comprendre la logique derrière ces exclusions.
Le délai de deux ans imposé pour le versement du FCTVA est ainsi jugé incompréhensible par les maires, qui doivent composer avec des contraintes financières croissantes. Les collectivités locales sont en première ligne pour répondre aux besoins des citoyens. Leur capacité à investir rapidement dans des infrastructures ou des services publics est cruciale pour le dynamisme des territoires. Or, ce décalage dans le remboursement de la TVA affaiblit leur capacité à mener à bien leurs projets. Bien que la réforme de 2021 ait permis d'automatiser une partie des procédures liées au FCTVA, elle n'a malheureusement pas touché aux modalités de versement, laissant intactes les difficultés liées aux délais de remboursement.
C'est pourquoi, dans un souci de simplification et de soutien accru aux collectivités locales l'article unique de la présente proposition de loi vise à modifier l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales. Cette modification a pour objectif de faire intervenir le versement du FCTVA dès l'année suivant les dépenses, soit en N+1. Cette réforme permettrait aux collectivités de récupérer plus rapidement les sommes qui leur sont dues, allégeant ainsi leur trésorerie et leur permettant de mieux planifier leurs investissements. Un tel changement répondrait aux attentes des élus locaux, tout en préservant l'équilibre financier des collectivités et en stimulant la relance des projets locaux.