EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les 3, 4 et 5 juin, le Sénat a examiné, puis adopté en séance, le projet de loi de simplification de la vie économique en première lecture. La dissolution prononcée par le président de la République a interrompu la navette parlementaire et par conséquent, empêché la promulgation de la loi.
Parmi les dispositions adoptées au Sénat, figurent celles de l'amendement n° 16 déposé par Éric Kerrouche, sénateur des Landes permettant de généraliser l'expérimentation visant à donner la possibilité pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'expérimenter le recours à une entreprise prestataire, dans le cadre d'un marché public, pour la réalisation des opérations de collecte de recensement de la population. La levée de gage sur l'amendement avait été permise par le dépôt d'un amendement identique du Gouvernement.
En effet, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a largement refondu les conditions de réalisation des recensements qui sont déterminants pour le montant de la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales. Deux modifications majeures ont été apportées : d'une part, le passage d'un recensement général à des recensements annuels partiels (ce qui a permis de fournir régulièrement des résultats plus proches des changements rapides de la société) ; d'autre part, la réalisation des enquêtes par des agents de la commune ou de l'EPCI affectés à cette tâche ou recrutés par eux à cette fin.
Cependant, les collectivités concernées pouvant rencontrer des difficultés dans le recrutement et la fidélisation d'agents recenseurs ou ne souhaitant pas, pour des raisons de bonne gestion des finances publiques locales, procéder à des recrutements spécifiques, l'article 127 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite PACTE) les a autorisées à titre expérimental, et pour 3 ans, à recourir, dans le cadre d'une procédure d'achat public, à une entreprise prestataire pour la réalisation des opérations de recensement de la population.
Cette expérimentation, selon ses auteurs, devait contribuer simultanément à trois objectifs : assurer une parfaite rigueur du recensement sous le contrôle de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), aider les communes qui rencontrent des difficultés dans le recrutement et la fidélisation d'agents recenseurs, stimuler l'innovation des entreprises au profit des collectivités.
L'expérimentation a débuté en 2022 (décalée à cause de la COVID-19) et doit s'achever le 31 décembre 2024. Ainsi, après cette date, le recours à des prestataires tels que La Poste pour les opérations de recensement n'aura plus de base légale, et ce, alors même que cette expérimentation semble avoir atteint son objectif.
En effet, le III de l'article 127 de la loi précitée prévoit qu'« à l'issue d'au moins deux années d'expérimentation, l'Insee adresse au président de la CNERP un rapport faisant le bilan de cette expérimentation. Ce rapport est présenté au Conseil national de l'information statistique qui donne un avis consultatif sur l'opportunité de généraliser le dispositif expérimenté. » Dans ce cadre, l'avis émis par la Commission nationale d'évaluation du recensement de la population (CNERP) de l'Insee en juin 2023 est incontestablement positif, de telle sorte que cette commission a émis « un avis favorable sur le projet de généralisation de cette expérimentation. »
Il apparaît en effet que le recours à des prestataires externes a permis des gains de temps substantiels ainsi qu'un meilleur taux de collecte et, en conséquence, un ajustement des dotations de l'État plus favorable aux collectivités concernées.
Au surplus, la CNERP ajoute qu'en vue « d'accompagner au mieux les communes dans leur démarche de contractualisation et de garantir la qualité de la collecte, elle souhaite que l'Insee élabore un modèle de cahier des charges qui sera mis à disposition des communes qui le souhaitent. La CNERP souhaite également continuer à être tenue informée de l'impact de ces recours sur la collecte du recensement de la population dans le cadre de sa mission d'évaluation des modalités de collecte des informations recueillies à l'occasion du recensement de la population. Dans cette perspective, la CNERP demande que les communes ayant recours à un prestataire agréé soient tenues de le déclarer auprès de l'Insee. »
Ce recours à une prestation externe ne modifie pas les responsabilités respectives de l'Insee et des communes et établissements publics de coopération intercommunale. L'Insee continue d'organiser et contrôler les opérations ; les communes et établissements publics de coopération intercommunale restent chargés de la préparation et de la réalisation des enquêtes de recensement.
Dans ces conditions, et alors que les motifs qui avaient conduit en 2019 à envisager cette expérimentation n'ont pas disparu, il est tout à la fois possible et utile de généraliser ce dispositif expérimental. C'est l'objet de l'article 1er de la présente proposition de loi.
Le dispositif de l'amendement n° 16 précité, dont est issue la présente proposition de loi, avait été travaillé avec La Poste et l'Insee, au titre de la fonction de président de la CNERP d'Éric Kerrouche.