EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre modèle de sécurité civile est fondé sur un système mixte comprenant des sapeurs-pompiers professionnels ainsi que des sapeurs-pompiers volontaires. Ce modèle, en plus de faire la fierté de notre pays par la mise en oeuvre des valeurs de bénévolat et de solidarité, permet d'assurer la sécurité effective des biens et des personnes dans nos territoires. En effet, près de 80 % des membres des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) se trouvent être des sapeurs-pompiers volontaires. Ces derniers assurent deux tiers des interventions de la profession et sont indispensables à la protection des populations, en zone urbaine comme rurale, face aux accidents du quotidien, aux urgences et aux catastrophes plus exceptionnelles, comme les feux de forêt qui se multiplient en été.

Pourtant ce modèle est remis en cause par l'arrêt Matzak de 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) exigeant l'application de la directive européenne de 2003 sur le temps de travail aux 83 000 sapeurs-pompiers volontaires. Cette directive impose notamment un repos de 11 heures après avoir travaillé, ce qui rendrait impossible à un volontaire de venir renforcer les services d'incendie et de secours après sa journée de travail.

En leur donnant le statut de travailleur, l'arrêt Matzak méconnaît la spécificité de leur statut de bénévole, oubliant que l'activité de pompier volontaire est un engagement citoyen librement consenti. Sous la pression de l'Union européenne, l'inspection générale de l'administration et la direction générale de la sécurité civile ont remis, au début de l'année 2024, un rapport conjoint préconisant la limitation de la mobilisation des sapeurs-pompiers volontaires à 600 heures ce qui est, en moyenne pour le département des Bouches-du-Rhône, une réduction par moitié de leur temps de gardes postées. Le rapport enjoint également les SDIS à recourir plutôt aux contrats à durée déterminée pour les renforts saisonniers, ce qui constitue une charge financière supplémentaire pour eux et une rupture structurelle.

La présente proposition de loi vise donc à exclure les sapeurs-pompiers volontaires du statut de travailleur en précisant la nature de leur engagement à l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure. Un amendement en ce sens avait fait consensus au sein de l'Assemblée nationale en 2021, avant que la majorité sénatoriale ne choisisse de le supprimer pour des raisons tout à fait injustifiées. À l'époque, on justifiait d'attendre la présidence française de l'Union européenne pour que l'exécutif français puisse résoudre ce problème. Mais aujourd'hui, force est de constater que rien n'a avancé en ce sens. La décision du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe, rendue publique le 14 février 2024, prouve le contraire. Nous sommes à nouveau sommés de nous plier, sur ce point, au droit européen. Le Parlement doit saisir son pouvoir souverain d'initiative et de législateur pour protéger le modèle français de sécurité civile.

En défendant le statut des sapeurs-pompiers volontaires, il ne s'agit pas de défendre un intérêt catégoriel mais d'assurer la sécurité des habitants en garantissant la protection civile de tous les coins de France, notamment les plus reculés. Ne détruisons pas un des derniers services publics de proximité qui suscite encore des vocations et qui ne se soit pas encore écroulé du fait d'une soumission béate aux directives concoctées par les pyromanes de Bruxelles.

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