EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« C'est dur d'avoir 20 ans en 2020 », c'est par ces mots que le président de la République Emmanuel Macron résumait la situation de la crise sanitaire pour les jeunes en France en plein confinement. À cette époque, le plus important pour les jeunes était peut-être leur santé mentale face au manque de perspective pour l'avenir et à la fatalité d'un précieux temps sacrifié. Le constat aujourd'hui reste sans appel ; près de 4 ans après, la santé mentale des jeunes est toujours aussi alarmante et en plus de cela, ils ont faim.
Selon l'étude « avoir 20 ans en 2024 » de Linkee publiée en février, 3 étudiants sur 4 disposent de moins de 100 euros par mois de « reste à vivre » soit moins de 3,33 euros par jour notamment pour se nourrir. En conséquence, 79 % des étudiants ne mangent pas à leur faim soit parce qu'ils sautent des repas, soit parce qu'ils réduisent leurs portions.
C'est une situation qui s'est installée depuis la crise Covid et qui se généralise. Les queues d'étudiants dans les banques alimentaires en fin d'année dernière en attestent. Elles ont fait la une des médias et ont interloqué tous les parents de ce pays. Avec une inflation alimentaire à près de 7 % sur l'année 2023 et des prix qui peinent à baisser dans les grandes surfaces, il est fort à parier que les queues continueront à la rentrée prochaine et qu'elles seront encore plus grandes.
La précarité alimentaire est une réalité pour tous les Français et particulièrement pour les jeunes qui s'insèrent à peine dans la vie sans être certains d'avoir de quoi se nourrir.
Aujourd'hui il est toujours dur d'avoir 20 ans en 2024 et nous devons y remédier :
En France, c'est 1,5 million de jeunes adultes qui vivent en situation de pauvreté (un chiffre qui pourrait être sous-évalué puisque les données de la DREES remontent à 2014), alors que les jeunes sont déjà les parents pauvres des bénéficiaires des mesures de solidarité et sont exclus des principaux dispositifs de lutte contre la pauvreté, notamment le revenu de solidarité active (RSA).
Il est indispensable de pouvoir remédier à cette insécurité et à cette insuffisance alimentaire pour la santé de notre jeunesse qui n'arrive plus à accéder à une alimentation saine et de qualité. Pour exemple, 37 % des étudiants bénéficiaires de l'association Linkee déclarent ne pas avoir les moyens d'acheter des fruits (contre 26 % en 2022), et 23 % des légumes (contre 12 % lors de la précédente enquête) ; 73 % disent en outre ne pas pouvoir acheter de la viande (contre 60 % en 2022). Des choix budgétaires qui affectent également l'hygiène de vie, puisque selon le dernier baromètre hygiène et précarité en France de l'association dons solidaires, 41 % des 18-24 ans font l'arbitrage entre alimentation et hygiène. Pour les jeunes femmes, cela concerne notamment la précarité menstruelle ; 20 % d'entre elles déclarent ne pas avoir les moyens d'acheter des protections hygiéniques.
Le Gouvernement de son côté a décidé de se dédouaner de la situation en espérant simplement une baisse de l'inflation. Aucune politique structurelle n'est envisagée : hausse des salaires, régulation des superprofits des industriels, intervention sur le prix des produits dans les grandes surfaces. Pire... alors que les ministres faisaient miroiter la création d'un chèque alimentation à destination des plus modestes, le ministre de l'économie a préféré enterrer le dispositif en janvier, faute de moyens selon lui.
Alors, pour que le chèque alimentaire ne reste pas un chèque en bois, et pour proposer enfin une solution durable à la précarité alimentaire des jeunes en France, cette proposition de loi, dans son article unique, vise à garantir une sécurité alimentaire aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans par le versement d'une aide de 150 euros par mois.
Cette sécurité alimentaire constituerait un nouveau droit et prendrait la forme de l'équivalent d'un « ticket-restaurant », que l'on pourrait dénommer « chèque alimentation », et non d'un versement monétaire, pour qu'il soit bien ciblé sur l'achat de denrées alimentaires. Ce chèque alimentation ne pourrait ainsi être utilisé que pour l'achat de denrées alimentaires ou de repas au restaurant (restaurant universitaire notamment).
Cette prestation serait octroyée sous condition de ressources. Le plafond de ressources ouvrant droit à la prestation serait fixé par référence au seuil de pauvreté, calculé sur la base de 60 % du revenu médian, ce qui correspond à 1 158 euros par mois pour une personne seule selon les chiffres de l'Insee les plus récents.
Par principe, l'ensemble des revenus de la personne entre 18 et 25 ans serait pris en compte pour apprécier ses ressources, sous réserve de la possibilité d'exclure par décret certaines prestations comme c'est le cas pour le revenu de solidarité active (RSA). Lorsque le jeune adulte vit avec ses parents ou vit en couple, il serait tenu compte de l'ensemble des ressources du foyer.
Le montant du chèque alimentation serait fixé à 150 euros et revalorisé tous les ans en fonction de l'évolution des prix des produits alimentaires établie par l'Insee.
Par analogie avec ce qui est prévu pour le RSA ou la prime d'activité, le service de la prestation serait assuré par les caisses d'allocations familiales (CAF) ou par les caisses de la MSA pour leurs ressortissants. Ces organismes ont l'habitude d'attribuer et de verser des prestations sociales. Le financement de la prestation serait à la charge de l'État.
Sur le modèle de ce qui est prévu pour la prime d'activité, les dispositions relatives au contrôle et aux sanctions encourues en cas de fraude seraient prévues par renvoi à des articles du code de la sécurité sociale.