EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Afin de respecter ses engagements dans le cadre de l'accord de Paris, la France met en oeuvre une politique ambitieuse de développement des énergies renouvelables. La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) prévoit, ainsi, une part de 40 % de production d'électricité d'origine renouvelable en 2030. Pour se faire, l'éolien s'est développé jusqu'aÌ devenir une filière dynamique pour laquelle l'État a fixé des objectifs de développement élevés. La programmation pluriannuelle de l'énergie, publiée en avril 2020, par le Gouvernement projette de plus que doubler la puissance éolienne installée, pour atteindre environ 34 GW en 2028, faisant passer le parc éolien d'environ 8 000 mâts fin 2018, à environ 14 000 mâts en 2028. L'Oise contribue activement à cet effort pour l'augmentation du parc éolien national avec, au 20 février 2020, près de 198 mâts en fonctionnement et 87 encore à venir.

Pourtant, malgré les importantes perspectives de croissance pour le secteur et le soutien massif de l'État, l'énergie éolienne n'en demeure pas moins une énergie paradoxale. Son impact relativement restreint sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la production et le transport énergivores des éoliennes, la quasi-absence de retraitement des éoliennes, sa faible productivité du fait de l'intermittence du vent, ses conséquences sur les paysages et la biodiversité, sont autant de raisons d'interroger la pertinence du choix d'accélérer le développement, à marche forcée, de l'éolien en France. Loin toutefois de lui être totalement opposé, il semble judicieux pour le législateur de prévenir l'écueil qui guette l'éolien, celui de ses propres excès. En effet, l'éolien incarne aujourd'hui la rupture entre une stratégie parisienne d'ambition nationale et une mise en oeuvre complexe dans une ruralité échaudée. La faute à un développement incontrôlé qui a conduit à réduire l'acceptabilité des implantations d'éoliennes au sein de la population. Tant et si bien que le Président de la République, lui-même, constatait, en janvier 2020, que « le consensus autour de l'éolien est en train de nettement s'affaiblir dans notre pays ». Combattre cette défiance implique, avant toute chose, davantage de concertation au niveau local. Car du fait de l'impact des installations éoliennes, leur implantation ne peut se faire qu'en accord avec les habitants et les élus des territoires concernés, au premier rang desquels les maires. Considérés comme des médiateurs de l'acceptation des projets dans les territoires, ils tiennent ici un rôle primordial dans la prise de décision pertinente en matière d'installations éoliennes.

Or, ils n'ont pas les moyens d'assumer ce rôle. L'avis des maires sur l'implantation d'éoliennes terrestres dans leur commune est trop souvent réduit à un simple avis consultatif. S'ils peuvent encore intercéder en faveur des habitants leur territoire dans ce domaine, ils n'ont plus la mainmise sur sa transformation. Ils se retrouvent, bien souvent, totalement démunis face aux conséquences néfastes des installations éoliennes et au mécontentement de leurs administrés. Et, même si l'installation d'éoliennes représente pour les communes une manne financière importante, qu'elles ne peuvent pas négliger avec la baisse des recettes et la hausse des dépenses, les élus locaux doivent pouvoir l'empêcher et garder la main sur leur territoire qu'ils connaissent le mieux.

Pour rappel, les parcs d'éoliennes sont considérés comme des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et soumis, pour leur implantation, au régime de l'autorisation environnementale prévu aux articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement :

- soit lorsqu'ils comprennent au moins un aérogénérateur avec un mât de 50 m ou plus,

- soit lorsqu'ils comprennent au moins un aérogénérateur avec un mât d'au moins 12 m (mais inférieur à 50 m), pour une puissance totale installée supérieure ou égale à 20 MW.

Aux termes de l'article L. 181-8 du code de l'environnement prévoit que le pétitionnaire fournit un dossier comprenant notamment une étude d'impact. L'autorisation environnementale est subordonnée à une demande dont l'instruction se déroule en trois phases (art. L. 181-9) : une phase d'examen, une phase d'enquête publique, une phase de décision. Le II de l'article L. 181-10 prévoit que « 'autorité administrative compétente saisit pour avis les collectivités territoriales et leurs groupements intéressés par le projet ». Il n'est pas prévu de délai particulier pour procéder à cette saisine. Parallèlement, l'article L. 515-47 du code de l'environnement prévoit que « Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale ou une commune a arrêté un projet de plan local d'urbanisme, l'implantation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent incompatibles avec le voisinage des zones habitées est soumise à délibération favorable de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal de la commune concernée. » Cet article étant inséré au sein de la section 11 (articles L. 515-44 à L. 515-47) du chapitre V du titre Ier du livre V du code de l'environnement consacrée aux éoliennes appartenant aux ICPE, s'applique donc à ces seules éoliennes.

Certes, la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a créé un mécanisme de planification territoriale pour déterminer les lieux et les conditions d'implantation des énergies renouvelables (EnR). Celui-ci s'articule autour de trois mécanismes : les zones d'accélération (ZA), les zones de réglementation et les zones d'exclusion. Néanmoins, force est de constater que le dispositif est loin d'être agile, qu'il suppose de nombreuses et longues modifications des documents d'urbanisme, et qu'il ne répond donc pas aux attentes à court terme.

Ainsi, la législation actuelle ne permet donc pas aux maires et aux élus municipaux d'exercer une autorité décisive dans le processus d'implantation d'éoliennes sur leur territoire.

Afin d'y remédier et de rendre aux élus locaux les moyens d'assumer leur rôle d'aménageurs du territoire en matière d'énergie éolienne, l'article unique renforce les prérogatives des communes en matière d'implantation d'éoliennes. Il garantit d'abord une meilleure information des maires des communes concernées par un projet éolien. En effet, il est essentiel que les élus locaux deviennent parties prenantes, le plus en amont possible, du processus devant aboutir aÌ l'implantation des installations de production d'énergie éolienne. En ce sens, un avant-projet doit être adressé au maire de la commune concernée, un mois au moins avant le dépôt de la demande d'autorisation environnementale.

Le dispositif proposé, qui a été par deux fois adopté par le Sénat en 2021 et 2023 sans être retenu à l'issue de la navette parlementaire, permet, ensuite, de passer d'une logique consultative à une logique délibérative dans l'implantation d'éoliennes au niveau local. Ainsi le dépôt de la demande d'autorisation environnementale est subordonné à une délibération motivée du conseil municipal de la commune concernée par le projet. Dans cette disposition, le conseil municipal peut exercer un droit de véto qui contribue à renforcer son pouvoir décisionnaire. Enfin, possibilité est donnée au conseil municipal d'organiser un référendum local, afin d'inclure directement les administrés dans le processus délibératif.

En outre, les échanges avec les élus nous invitent à étendre le dispositif aux communes limitrophes, indirectement impactées par les projets. En effet, dans certains cas, lorsque le territoire des communes est étendu, elles souhaitent l'implantation d'éoliennes mais les installent à la limite de leur territoire, loin du centre où d'habitations, proche de la commune voisine, afin de prendre en compte les nuisances. Ces dernières sont dès lors supportées par la commune frontalière, qui n'en tirera, pour sa part, que des effets négatifs. Par conséquent, le droit de véto doit également concerner la commune limitrophe.

L'objectif de la présente proposition loi n'est en aucun cas de remettre en cause le développement des énergies renouvelables à l'heure de l'urgence climatique, mais plutôt de lutter contre le sentiment d'impuissance chez certains élus locaux et ainsi d'engager pleinement l'ensemble des acteurs du territoire au coeur du processus de transition écologique en cours. Dès lors, le développement de l'éolien en France doit être envisagé comme une opportunité pour renforcer la démocratie locale et permettre à nos concitoyens d'être mieux associés dans la prise de décision publique.

Ce texte vise donc à favoriser l'acceptabilité sociale des projets en vue d'assurer un développement harmonieux de l'éolien, c'est-à-dire davantage à l'écoute des territoires et de leurs habitants.

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