EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis les années 1980, la France est en proie à une perte de souveraineté économique, industrielle, technologique et scientifique profonde et transversale qui se traduit notamment par une désindustrialisation progressive et une perte de parts de marchés de ses entreprises. Dans le même temps, notre environnement économique et géopolitique mondial est devenu de plus en plus concurrentiel, des puissances étrangères développant des pratiques offensives de mieux en mieux documentées : menaces capitalistiques, atteintes au patrimoine informationnel ou réputationnel, captation de savoir et de savoir-faire, cyberattaques ou encore adoption de législations extraterritoriales.
Face à ces menaces, l'intelligence économique est une réponse efficace : elle vise à se « mettre en alerte » afin de défendre nos intérêts stratégiques et notre compétitivité. Alliant différentes approches, allant de la veille stratégique et concurrentielle, à la protection de notre patrimoine matériel et immatériel et aux actions d'influence, l'intelligence économique nous permet d'anticiper les menaces, de nous protéger, mais aussi, d'exercer une plus grande influence sur le grand échiquier économique mondial, les différents marchés nationaux ou régionaux et les instances d'élaboration des normes.
Or, l'intelligence économique demeure un outil largement sous-estimé en France. Depuis la publication du rapport d'Henri Martre en 1994, les stratégies et les structures dédiées se sont succédé, sans continuité ni cohérence : ont ainsi été mis en place un Comité pour la compétitivité et la sécurité économique, un Haut responsable à l'intelligence économique, un Service de coordination à l'intelligence économique, une Délégation interministérielle à l'intelligence économique puis un Commissariat à l'information et à la sécurité économique.
Sept ans après la disparition de la Délégation interministérielle à l'intelligence économique et quatre ans après la mise en place de l'actuelle politique publique de sécurité économique, le contexte actuel nous exhorte à un véritable sursaut en matière d'intelligence économique.
La mission d'information du Sénat sur l'intelligence économique appelait en juillet 2023 à de véritables changements culturels et organisationnels afin de faire, enfin, de l'intelligence économique une pratique commune et partagée par tous les acteurs : État, collectivités territoriales, entreprises, opérateurs économiques, partenaires sociaux et organismes de formation et de recherche notamment.
Dans la continuité de ces travaux, la présente proposition de loi entend poser les fondations d'une culture de l'intelligence économique en France, au bénéfice d'une souveraineté renforcée. Cela repose notamment sur la définition d'une stratégie claire, allant au-delà de l'actuelle politique publique de sécurité économique. En effet, une politique d'intelligence économique ne peut s'en tenir au seul volet défensif ; elle doit surtout être dotée d'un volet offensif. Cette stratégie devra être pilotée par une structure dédiée dont l'inscription au niveau législatif garantira la pérennité.
Le titre Ier vise à définir et mettre en oeuvre une stratégie nationale d'intelligence économique.
L'article 1er dote la France d'une stratégie nationale d'intelligence économique, élaborée et mise en oeuvre sous la responsabilité d'un Secrétariat général à l'intelligence économique, structure interministérielle placée sous l'autorité directe du Premier ministre.
Le titre II vise à améliorer la diffusion de la culture et des pratiques de l'intelligence économique dans nos territoires.
L'article 2 généralise la création dans chaque région d'un comité régional à l'intelligence économique. Co-présidé par le préfet de région et le président du conseil régional, ce comité a pour principale mission d'assurer le pilotage de la déclinaison territoriale de la stratégie nationale d'intelligence économique, en lien avec les acteurs de terrain concernés.
L'article 3 systématise la présentation d'un volet « Intelligence économique » au sein des schémas régionaux de développement économique, d'internationalisation et d'innovation (SRDEII).
L'article 4 inclut la prise en compte de la stratégie nationale d'intelligence économique au sein du contrat d'objectifs et de performance fixant les missions prioritaires du réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI France).
Le titre III renforce l'information du Parlement en matière d'intelligence économique.
L'article 5 complète les modalités d'information du Gouvernement au Parlement en matière d'investissements étrangers en France (IEF). Il prévoit que la publication du rapport annuel relatif au dispositif IEF peut faire l'objet d'un débat devant l'Assemblée nationale et le Sénat.
Il précise également que le rapport annuel remis aux présidents des commissions chargées des affaires économiques et aux rapporteurs généraux des commissions chargées des finances de chaque assemblée inclut un suivi dans la durée du respect des engagements pris par les investisseurs étrangers : des informations cruciales mais pourtant manquantes aujourd'hui.