EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'évolution de la démographie médicale et l'inégale répartition des médecins sur le territoire national conduisent un grand nombre de Français vivant principalement dans les territoires ruraux à subir une « double peine » :

- D'une part, habitant dans un « désert médical », ils ne parviennent pas à trouver un médecin acceptant d'être déclaré, auprès de l'assurance-maladie, comme leur médecin traitant.

Selon le rapport d'information sénatorial n°589 « Rétablir l'équité territoriale en matière d'accès aux soins : agir avant qu'il ne soit trop tard » en date du 29 mars 2022, il y aurait ainsi 11% de nos concitoyens de plus de 17 ans qui n'auraient pas de médecin traitant. C'est 1 point de plus qu'en 2020. La baisse de la densité en médecins généralistes s'est accélérée entre 2017 et 2021, selon les indicateurs calculés par le géographe de la santé Emmanuel Vigneron. Sur cette période, le nombre de médecins généralistes par département, par rapport à la population, a diminué de 1 % par an. Une dégradation lente, mais implacable d'autant que sur ces 5 959 000 patients, 700 000 patients sont en affection de longue durée (ALD).

La pénurie de médecins généralistes en France ne cesse de s'aggraver. Ainsi, selon l'étude de la Drees publiée jeudi 25 mai 2023, deux tiers des médecins généralistes ont déclaré ne pas être en mesure de prendre des nouveaux patients l'an dernier, contre la moitié en 2019. Et le phénomène ne fait que de s'amplifier de jour en jour.

A titre d'exemple, la Nièvre connait depuis plusieurs années un grave déficit en professionnels de santé. C'est ainsi, qu'il y a huit ans, pendant plusieurs mois, le territoire environnant la ville de Château-Chinon s'était déjà trouvé sans aucun médecin libéral présent pour prendre en charge les patients. Cette commune était ainsi devenue la première sous-préfecture de France sans médecin généraliste sur une zone de chalandise de l'ordre de 7000 à 8000 habitants. Si la situation s'était légèrement améliorée avec l'installation d'un médecin libéral, aujourd'hui, cette commune se trouve à nouveau dépourvu de médecins libéraux.

- D'autre part, dès lors, pour consulter un médecin, ils doivent parcourir de nombreux kilomètres les conduisant parfois à se rendre dans les départements limitrophes. Ces déplacements le plus souvent éloignés de leur domicile ont pour conséquence que les populations les plus fragiles renoncent souvent à recourir aux soins en l'absence de proches pouvant les conduire à leurs rendez-vous ou par le simple fait de ne pouvoir financer un mode de transports.

Ce constat est d'autant plus inquiétant à la lecture démographique des territoires ruraux où les personnes âgées sont plus nombreuses - 65 % des personnes âgées vivent dans les territoires périurbains et ruraux (Laboratoire de la Mobilité Inclusive, 2014) -, et y sont plus isolées.

L'isolement des personnes âgées dans ces territoires rejoint plus largement la question du lien entre mobilité et inclusion sociale : la population y est plus âgée, plus précaire, plus dépendante de la voiture, plus éloignée des services. Pour les personnes âgées, le moment de la déprise automobile constitue une rupture du point de vue de la mobilité, et donc de la vie sociale.  Ces facteurs associés à un manque criant de médecins généralistes dans les territoires ruraux deviennent alors une source d'injustice territoriale et sociale, dès lors qu'elles doivent accéder à des soins de médecine générale.

L'article unique de la présente proposition de loi, vient ainsi modifier le code de la sécurité sociale afin de prévoir qu'un patient résidant dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins mentionnée à l'article L. 1434-4 du code de la santé publique pourra, en l'absence de médecin traitant et dans des conditions précisées par un décret, bénéficier d'une prise en charge des frais de transport par l'Assurance maladie pour tous ses déplacements pour se rendre à une consultation de médecin généraliste. Il s'agit ainsi de transposer les mêmes bases de remboursement des frais de transport que ceux attribués aux patients qui sont en affection longue durée (ALD) ou malade chronique à ces mêmes patients n'ayant aucun médecin traitant.

Le III de l'article unique est un gage financier à cette proposition de loi.