EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le droit d'asile est très ancien et renvoie à une autorité politique ou religieuse. Son acception moderne de protection d'un réfugié, d'un combattant de la liberté, connaît ses premiers jalons au secours des apatrides entre les deux guerres avant de naître véritablement en Europe dans les décombres de la seconde guerre mondiale. Si les devoirs éthiques de l'Humanité sont intangibles, il n'en est pas de même du contexte géopolitique, des facilités de communication, de la nature et ou du rôle des frontières, des évolutions économiques et sociales. La demande d'asile est aujourd'hui partie prenante de mouvements migratoires dont la portée et l'ampleur vont bien au-delà de la seule notion ou motivation de protection.
La demande d'asile en progression soutenue jusqu'en 2019, suspendue par la crise du Covid, connaît une accélération marquée sur l'ensemble de l'Europe (mais aussi de manière accentuée pour la France dans plusieurs Outre-mer) comme en témoignent les chiffres publiés en 2022 par la Direction générale des étrangers en France (DGEF) ou l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Cette tendance se confirme en 2023 sur toutes les principales voies d'accès à l'Europe et tout nous démontre que le phénomène est durable.
Si le nombre de personnes bénéficiaires en France d'une protection octroyée par l'OFPRA ou, après recours, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) atteint 56 179 en 2022, 74 754 personnes se sont vu refuser la protection au titre du droit d'asile et ont été déboutées de leur demande. Une partie de ces « déboutés », n'ayant plus de motifs légitime pour se maintenir sur le territoire national, ont quitté la France. L'écrasante majorité des déboutés du droit d'asile se maintiennent, le plus souvent sans droit ni titre sur le territoire national, venant ainsi grossir les rangs des étrangers en situation irrégulière dans notre pays.
Ceci pose un problème de souveraineté, de crédibilité de l'autorité de l'État, de protection des réfugiés eux-mêmes. L'ampleur de la tâche d'intégration, pour une société qui s'épuise à tenter de faire face à l'irrégularité, ne lui permet pas de se concentrer autant qu'elle le devrait à la qualité de l'accueil des bénéficiaires du droit d'asile reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme, le préambule de la Constitution de 1946, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la Convention de Genève du 27 juillet 1951 et la Constitution de 1958. Aussi, il nous apparait pertinent que les demandes d'asile soient enregistrées par nos ambassades et consulats. C'est par l'approbation de sa demande d'asile, dans le maintien des garanties applicables, que l'étranger serait autorisé à entrer sur le territoire français.
Une telle réforme porte sur la mise en oeuvre procédurale et non sur le fond ou l'effectivité du droit d'asile. Elle nécessite de revenir sur une interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 et, à ce titre, de modifier notre Constitution. C'est l'objet de l'article unique de la présente proposition de loi constitutionnelle, complétant article 53-1 de notre Constitution, pour prévoir un mécanisme d'enregistrement des demandes d'asile par nos ambassades et consulats. L'instruction des demandes relèverait quant à elle toujours de la compétence de l'OPFRA. La proposition de loi prévoit, en outre, qu'il serait possible, pour les situations les plus exceptionnelles, notamment lorsque la demande dans une ambassade ou un consulat ne permettrait pas d'assurer la sécurité du demandeur, d'effectuer une demande d'asile sur le territoire de la République.
La réforme proposée respecte les engagements de notre pays notamment au regard de la marge d'appréciation nationale reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme.