EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Arrêter l'immigration de masse : c'est l'objectif auquel entend contribuer cette proposition de loi constitutionnelle, en affirmant le droit de la France à décider souverainement qui elle souhaite accueillir et qui elle souhaite refuser sur le territoire national.
La géographie et l'histoire commandent que cette politique d'arrêt de l'immigration de masse repose aujourd'hui sur deux piliers complémentaires : un pilier européen, un pilier national.
Parce que la France est un État fondateur de l'Union européenne, nous savons l'importance de renforcer, à l'échelle du continent, l'effort de protection des frontières extérieures de l'Europe. Les instruments européens qui sont déployés à cette fin, dans le cadre de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), sont une nécessité absolue pour sécuriser l'espace européen. Nous affirmons qu'il ne peut y avoir d'arrêt de l'immigration de masse, vers la France, s'il n'y a pas une vraie protection des frontières continentales, dans le cadre de l'Union européenne, résultant d'actions opérationnelles efficaces, coordonnant les meilleures compétences et utilisant les technologies les plus modernes.
Pour arrêter l'immigration de masse, nous avons besoin d'une Europe puissante - et nous avons, tout autant, besoin d'être puissants en Europe.
Car si la protection opérationnelle des frontières extérieures de l'Europe est vitale pour la France, elle ne saurait nous dispenser de définir et de mettre en oeuvre, à l'échelle nationale, des leviers contribuant à l'arrêt de l'immigration de masse. Un immense effort de remise en ordre est aujourd'hui nécessaire pour sortir du chaos migratoire et reprendre le contrôle. A cette fin, un nouveau cadre juridique national est désormais indispensable.
C'est l'objet de cette proposition de loi constitutionnelle, présentée en application de l'article 89 de la Constitution, afin qu'elle soit approuvée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat puis, le moment venu, soumise à l'approbation du peuple français par référendum.
Souveraineté de la France, nationalité, immigration, asile : dans ces quatre domaines, qui sont essentiels pour l'avenir de la nation, des modifications constitutionnelles sont nécessaires.
Le titre Ier, consacré à la souveraineté, affirme d'abord, à l'article 1er, que nul ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire aux lois de la République et s'exonérer du respect des règles communes. Pour que la nation soit pleinement souveraine, elle doit être préservée de ce qui fragilise son unité. Nous devons réaffirmer, au coeur du texte fondamental, le refus absolu des communautarismes.
L'article 2 donne au peuple français la liberté de se prononcer, par référendum, sur tout projet de loi ou projet de loi organique. A cette fin, il élargit le champ des matières que l'article 11 de la Constitution permet au Président de la République de soumettre au référendum. Celui-ci pourra désormais porter sur toutes les questions de nature législative - et pas seulement sur ce qui relève de l'organisation des pouvoirs publics ou des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale et des services publics qui y concourent. Dès lors, le champ référendaire inclura, notamment, les questions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France ainsi que le droit de la nationalité. Le Conseil constitutionnel sera saisi en amont d'un tel référendum, non pour rendre une décision, mais pour donner un avis, rendu public, sur le projet de loi que le Président de la République soumet au suffrage universel. Cet avis constituera ainsi un élément du débat référendaire, susceptible d'éclairer le peuple français - étant entendu que, in fine, c'est bien le peuple souverain, et lui seul, qui décidera, ou non, d'approuver la loi référendaire, insusceptible de recours.
L'article 3 amende l'article 55 de la Constitution, relatif à l'autorité des traités par rapport à celle des lois, ainsi que l'article 88-1, relatif à la primauté du droit de l'Union européenne. Cette double architecture doit être préservée dans son principe. Mais lorsque le respect de l'identité constitutionnelle de la France ou la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation sont en cause, une loi organique - adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées ou par la voie du référendum - aura désormais la possibilité de désigner des dispositions législatives déterminées qui, par exception, ne seront pas soumises aux dispositions actuelles des articles 55 et 88-1. Une telle loi organique constituera, ainsi, un bouclier constitutionnel protégeant, de manière ciblée, des dispositions législatives qui, parce qu'elles sont au coeur de la souveraineté nationale, ne doivent pas être contredites par des stipulations de droit international.
Le titre II est relatif à la nationalité.
L'article 4 élève au rang constitutionnel le principe d'assimilation actuellement prévu à l'article 21-24 du code civil, aux termes duquel nul ne peut devenir français s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française. Ce principe a été énoncé par l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française, rédigé à la Libération sous l'autorité du général de Gaulle. Son inscription au sein de la Constitution est aujourd'hui nécessaire afin que toutes les voies d'accès à la nationalité française - et pas seulement celle de la naturalisation - soient désormais soumises à cette exigence d'assimilation à la communauté française, laquelle passe par une connaissance suffisante de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société française, des droits et devoirs conférés par la nationalité française, ainsi que l'adhésion aux principes et valeurs essentiels de notre République.
L'article 5 supprime le droit du sol à Mayotte, en allant au-delà de ce que la jurisprudence du Conseil constitutionnel, telle qu'elle ressort de sa décision n°2018-770 DC du 6 septembre 2018, a jusqu'alors admis. Le Conseil constitutionnel, en effet, juge qu'il est seulement permis à la loi de restreindre « dans une certaine mesure » le droit du sol dans le département de Mayotte. Après avoir relevéì que « la population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers », que « cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants », et que le législateur a « entendu tenir compte de ce que l'immigration irrégulière à Mayotte pouvait être favorisée par la perspective d'obtention de la nationalité française par un enfant né en France et par les conséquences qui en découlent sur le droit au séjour de sa famille », le Conseil constitutionnel a jugé que de telles circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières ». Celles-ci sont de nature à permettre au législateur, « afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ». Compte tenu des termes de cette jurisprudence, une modification constitutionnelle apparaît nécessaire pour autoriser la loi, à Mayotte, non pas seulement à adapter « dans une certaine mesure » les conditions du droit du sol applicables dans les autres départements français, mais bien à le supprimer. C'est pourquoi il est proposé d'insérer, après l'article 73 de la Constitution, un article 73-1 prévoyant que les personnes nées à Mayotte de parents étrangers ne peuvent acquérir la nationalité française que si la République en décide à leur majorité, dans des conditions fixées par la loi.
Le titre III construit le socle constitutionnel indispensable pour définir et conduire, demain, une politique d'arrêt de l'immigration de masse.
A cette fin, l'article 6 donne au Parlement le pouvoir de fixer par la loi, chaque année, le nombre maximum d'autorisations d'entrées en vue de séjourner en France et d'autorisations de premier séjour en France délivrées à des ressortissants étrangers (à l'exception des ressortissants européens et des personnes demandant l'asile). Après que de tels plafonds de visas et de titres de séjour auront été déterminés par le Parlement, le Gouvernement aura la faculté de répartir, entre les différentes administrations préfectorales et consulaires, ce nombre maximum par catégorie d'autorisation ainsi que par nationalité. Un bouclier constitutionnel protégera cette loi, de sorte que les plafonds qu'elle fixe seront juridiquement opposables aux demandes de visas et de titres de séjour : aucun principe, y compris constitutionnel, aucun traité, accord, convention, norme, ou acte international, même européen, ne sera opposable à l'exécution de cette loi.
L'article 7 consolide le droit de la France à éloigner, en dehors du territoire national, tout étranger représentant une menace pour la sécurité publique ou qui a été condamné à une peine d'emprisonnement.
Le titre IV complète les dispositions relatives à l'asile qui avaient été sagement introduites dans la Constitution en 1993 lorsque, sur l'initiative du Premier ministre Edouard Balladur, le Congrès avait choisi de faire obstacle à une jurisprudence du Conseil constitutionnel. C'est l'objet de l'article 8. Il s'agit, en premier lieu, de donner à la République la faculté de conclure des accords relatifs à l'asile avec des États autres que ceux de l'Union européenne. En deuxième lieu, le principe selon lequel les demandes d'asile sont présentées et instruites, non pas sur le territoire national, mais dans nos représentations diplomatiques ou dans nos postes consulaires, ou à la frontière, sera affirmé : c'est avant que le demandeur ne soit entré sur le territoire national qu'il sera définitivement statué sur ces demandes, le cas échéant après l'exercice d'un recours contentieux. En troisième lieu, il est nécessaire de prévoir le régime des demandes d'asile qui, par exception, seraient encore présentées sur le territoire national : elles devront désormais faire l'objet d'une instruction administrative accélérée ainsi que, le cas échéant, de l'exercice d'un recours contentieux, lors duquel le demandeur sera soumis à une rétention privative de liberté, jusqu'à l'exécution de la décision définitive lui attribuant la protection ou, si celle-ci est refusée, l'éloignement effectif du territoire national. C'est pour restaurer le modèle français d'accueil des réfugiés politiques, en luttant contre les détournements d'un système d'asile désormais à bout de souffle, qu'une telle refondation est aujourd'hui nécessaire.