EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2016, l'article 43 de la loi de modernisation de notre système de santé, a prévu l'expérimentation, pour 5 ans, de salles de consommation à moindre risque, connues dans le langage courant comme « salles de shoot ». Les deux premières ont été inaugurées à Strasbourg et Paris en 2016.
Après 5 ans d'expérimentation, le législateur a choisi de prolonger jusqu'en 2025 cette dernière, sans qu'il n'y ait aucun véritable audit indépendant sur les bénéfices d'un tel dispositif, ni aucun rapport gouvernemental sur son impact sociétal ou ses effets nuisibles. Malgré cette absence d'évaluation sérieuse, les villes de Lille, Bordeaux et Marseille se sont portées candidates pour implanter une salle de consommation sur leur territoire.
À l'observation, un audit des impacts sanitaire, sécuritaire et sociétal des projets existants permet de constater leurs effets néfastes et d'exiger l'arrêt de cette expérimentation, dont les riverains sont les cobayes, avant d'aboutir à des situations irrémédiables.
En effet, sur le plan sanitaire, il paraît antinomique de promouvoir la consommation de drogue dure sans objectif de sevrage et de désintoxication des consommateurs au sein même du code de la santé publique. L'arrêt de la consommation de ces drogues étant quasiment impossible physiquement, la meilleure des luttes contre ce fléau serait une politique de prévention ferme incarnée par une promotion claire de la politique pénale et une lutte pour le démantèlement des réseaux fournisseurs. L'existence de ces « salles de shoot » ne décourage en rien ni les consommateurs futurs potentiels, ni les trafiquants, au contraire.
Par ailleurs, il existe déjà depuis 2004 en France, des Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de la drogue (dits « CAARUD »), prévus par le code de l'action sociale et des familles, financés à hauteur de 60 millions d'euros par an par le contribuable via la sécurité sociale. Il y en a près de 150 en France. Ces centres, ne permettent pas de pratiquer des injections, mais fournissent notamment du matériel pour les réaliser dans des conditions d'hygiène suffisantes. L'article 43 de la loi de 2016 vient donc se surajouter à ce dispositif social avec des conséquences sanitaire, sécuritaire et sociétale beaucoup plus graves.
Cette loi de 2016, censée moderniser notre système de santé, n'a pas su répondre à sa dégradation, dont les symboles les plus criants sont l'extension des déserts médicaux, la multiplication des personnels administratifs au détriment des personnels soignants à l'hôpital public et la suppression de 100 000 lits en 20 ans, le tout dans un contexte de vieillissement de la population. Preuve que l'État, à l'esprit étriqué par son obsession gestionnaire, passe continuellement à côté des enjeux réels en matière de santé publique.
En matière de sécurité, les riverains de la salle de shoot parisienne se plaignent de la multiplication des altercations et des bagarres dans leur quartier. Les parents s'inquiètent pour les sorties d'écoles de leurs enfants et pensent à quitter le quartier. Les commerçants subissent une chute de leur clientèle et un préjudice économique conséquent. Le quartier Lariboisière a même intégré il y a peu la Zone de sécurité prioritaire, preuve de la gravité de la situation qui monopolise de nombreux moyens des forces de l'ordre.
De plus, les trafiquants de drogue, profitant de l'affluence de toxicomanes et de l'absence de contrôle de police dans un certain périmètre autour de la salle, trouvent refuge dans le quartier. Il y a un véritable effet pot de miel qui rend la zone moins sûre. Sans fermeture des salles de shoot et dans un contexte de recrudescence de la consommation de crack, l'ampleur des trafics pourrait rendre la situation incontrôlable comme dans bien des quartiers en France.
À ces éléments, il faut ajouter un surcoût annuel d'1,2 million d'euros dans le budget de la sécurité sociale pour le fonctionnement des « salles de shoot », auquel s'ajouteront les dépenses induites par l'ouverture des prochaines, alors que nous sommes à l'« euro près » selon le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire.
Les conséquences symboliques ne sont également pas négligeables. La loi de 2016 instaure une dérogation au code pénal relative à la consommation de substances illicites, dangereuses pour les individus et la société. Cette rupture crée un appel d'air promotionnel vis-à-vis de l'usage de la drogue. Or, le laxisme est une bombe à retardement pour notre jeunesse.
Jusqu'à quand multipliera-t-on les salles de shoot dans nos villes ?
Si ces dispositifs de légalisation encadrée de consommation de drogue se généralisaient, que resterait-t-il comme marge de manoeuvre à la société pour lutter contre les réseaux criminels de trafics, l'addiction et l'insécurité induite ?
Cette expérimentation est une capitulation. Chaque jour qui passe, l'idée que la situation est inéluctable devient plus une réalité. Plus la puissance publique sera dans la gestion a posteriori des conséquences du mal, moins nous aurons de moyen pour lutter a priori contre les trafics et pour dispenser une véritable politique de fermeté et de prévention.
Même enrobée de savants néologismes, l'acceptation de ces salles de shoot participe à un processus de décivilisation aux effets néfastes considérables dans une société déjà polyfracturée. L'accoutumance de l'État, à ce type de solution, participe à sa démission sur un sujet éthique et sociétal de première importance.
Comme l'énonce la maxime, « Gouverner, c'est prévoir ». Il convient donc, au vu des raisons pressentes de principe et d'actualité précédemment citées, d'agir avant que la situation ne devienne incontrôlable ou que ne survienne un drame.
C'est pourquoi, la présente proposition de loi vise à abroger l'article 43 de la loi de modernisation de notre système de santé, en vue d'interdire les « salles de shoot ».