EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La récente suppression de la taxe d'habitation, en plus d'être une perte de moyens, constitue une perte d'informations précieuses pour les communes. En effet, cette taxe était pour celles-ci un excellent moyen de connaître le nombre de concitoyens sur le territoire et d'en tenir compte pour leurs projets d'investissements. Elle permettait d'anticiper et de prévenir les fermetures de classe.

Cette proposition de loi vise à instaurer une obligation de déclaration de domicile et de changement de domicile aux résidents d'une commune, pour que les maires et les équipes municipales puissent mieux se projeter dans leurs futurs projets d'investissement.

La déclaration domiciliaire est une obligation fréquente en Europe et qui s'accompagne de sanctions en cas de non-respect. Nos pays voisins tels que l'Allemagne, la Belgique, la Suisse, l'Italie ou encore l'Espagne l'appliquent. En Belgique, par exemple, les nouveaux résidents doivent se déclarer sous huit jours, soit par courrier soit par voie électronique. Ensuite, ils doivent se rendre sans délai à la mairie pour compléter leur dossier. Si ces démarches ne sont pas effectuées en temps et en heure, les amendes vont de 130 à 1500 €. (Arrêté royal du 16 juillet 1972 qui prévoit que l'autorité communale vérifie l'emménagement et un contrôle in situ).

La présente proposition de loi ne compte pas aller à l'encontre de la liberté d'aller et venir garantie par l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Ce dont il s'agit est de mettre à la disposition des élus locaux des informations essentielles pour le bien de l'intérêt général en toute visibilité.

Les communes ont besoin de disposer de données fiables et à jour au sujet de leur population. Il en va de la qualité du service local. En effet, les investissements dans les écoles, la gestion de la distribution des sacs de tri et du cimetière communal dépendent de la population communale réellement présente. De plus, la création d'un registre de la population communale permettra de lutter contre les fraudes à l'état civil et d'avoir une meilleure connaissance du nombre d'habitants en France.

Lors d'un effondrement d'immeuble, comme cela fut le cas rue de Tivoli à Marseille le 9 avril 2023, ou autre phénomène de ce type, le manque d'informations fiables concernant la population représente un risque. Ces éléments sont indispensables à chaque étape de la crise, que ce soit pour le déploiement des dispositifs d'aides, d'accompagnement ou de relogement mais aussi lors des interventions des sapeurs-pompiers.

L'actuelle méthode de recensement de la population, instauré par l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, ne permet pas d'avoir accès à des données fiables. En effet, pour les communes de moins de 10 000 habitants, le recensement se fait par roulement tous les cinq ans. Pour les autres, il a lieu tous les ans sur un échantillon de 8 % des logements. Ainsi soit les données ne sont pas assez renouvelées, soit l'échantillon n'est pas assez large.

La fin de la taxe d'habitation combinée au mode de recensement ne permet plus aux maires ni à leurs adjoints et conseillers d'avoir une connaissance exhaustive de la population communale.

De plus, en France, la déclaration domiciliaire n'est pas une obligation mais une possibilité, comme le dispose l'article 104 du Code civil. C'est pourquoi il semble désormais nécessaire de lui imputer un caractère obligatoire.

Des exceptions existent toutefois, l'article R431-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'à partir du 1er mai 2021 « tout étranger, séjournant en France et titulaire d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an, est tenu, lorsqu'il transfère le lieu de sa résidence effective et permanente, d'en faire la déclaration, dans les trois mois de son arrivée, à l'autorité administrative territorialement compétente. »

Les habitants d'Alsace-Moselle ont également une obligation de déclaration et de changement de domicile auprès de l'autorité compétente. Cette obligation résulte du droit local et plus précisément de trois ordonnances en date des 15,16 et 18 juin 1883. Les sanctions pénales propres au droit local ont été abrogées en 1919, de ce fait, l'obligation domiciliaire en Alsace-Moselle n'est plus respectée.

L'obligation de déclaration domiciliaire citoyenne prévue par cette proposition de loi engendre la création d'un registre de la population communale. Ce dernier respectera les dispositions en lien avec la protection et l'usage des données telle que prévoit la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et modifiée par la loi n°2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

Il incombera à la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'accompagner les collectivités, de protéger les données et de contrôler leur utilisation.