EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'instauration du quinquennat pour l'élection du Président de la République a profondément modifié le fonctionnement des institutions. Cette évolution a été amplifiée par la loi organique n° 2001-419 du 15 mai 2001, laquelle a modifié la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale en la fixant au troisième mardi du mois de juin de la cinquième année qui suit son élection. En pratique, cela revient à organiser les élections législatives au cours des semaines qui suivent l'élection présidentielle.

La chronologie du couplage de fait entre élections présidentielles et législatives entraîne depuis lors une subordination excessive des secondes par rapport aux premières. Les unes sont ramenées à une sorte de vote de confirmation des autres et il en résulte un profond déséquilibre institutionnel.

Ainsi, les récentes tractations entre le parti socialiste et les écologistes pour l'attribution de circonscriptions ont rabaissé les législatives au rang de monnaie d'échange pour une alliance centrée sur les présidentielles. Toutefois, une permutation du calendrier ne règlerait rien car on tomberait dans l'excès inverse ; le poids des présidentielles serait alors marginalisé par rapport à celui des législatives. Or, dans le cadre institutionnel de la Ve République, il est important de préserver l'équilibre et surtout l'indépendance entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif.

En fait, il faut éviter la prépondérance d'une élection sur l'autre. Pour cela, et lorsque le calendrier électoral normal conduit à deux consultations séparées de moins de six mois, la solution consiste à organiser simultanément les élections présidentielles et législatives. C'est d'ailleurs la pratique courante dans de nombreux autres pays (États-Unis...). En outre, cela regrouperait les scrutins en évitant une trop longue période électorale.

Ø Le contexte juridique

L'article 7 de la Constitution apporte de nombreuses précisions au sujet de l'élection du Président de la République au suffrage universel. Par contre pour les élections législatives, l'article 25 de la Constitution renvoie à une loi organique. Les articles LO. 121 et 122 du code électoral prévoient que : « les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection » ainsi que : « sauf le cas de dissolution les élections générales ont lieu dans les soixante jours qui précèdent l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ». Par ailleurs, l'article 56 du même code précise qu' : « en cas de deuxième tour de scrutin, il y est procédé le dimanche suivant le premier tour ».

Depuis 1958, plusieurs modifications temporaires de la durée de certains mandats ont eu lieu en vue de répondre à des objectifs d'intérêt général. Tel est le cas du mandat des députés en mai 2002 qui a été prorogé de onze semaines afin de faire précéder l'organisation des élections législatives par l'élection du Président de la République. À cette occasion, le Conseil constitutionnel a rappelé les principes constitutionnels encadrant la modification de la durée des mandats électoraux.

Selon lui, il revient au législateur, en application de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles « concernant le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ». Par ailleurs, le Conseil constitutionnel se refuse à un contrôle d'opportunité des choix du législateur : « il ne lui appartient donc pas de rechercher si les objectifs que s'est assigné le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies dès lors que (...) les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à ces objectifs ».

Il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que la modification de la durée du mandat des députés n'est pas contraire à la Constitution. Cependant, deux conditions doivent être respectées :

- la modification doit être justifiée par des considérations d'intérêt général ;

- la modification doit être limitée dans le temps et strictement nécessaire à l'objectif de la loi.

Dans l'hypothèse où l'élection présidentielle est prévue moins de six mois avant ou après la fin théorique du mandat des députés, une simultanéité entre les deux élections aurait peu d'incidence sur la durée du mandat des députés. Ne portant que sur un faible nombre de jours, la modification ne serait pas disproportionnée par rapport à l'objectif recherché par la proposition de loi organique.

Toutefois, en cas de dissolution, les élections législatives sont régies par la Constitution. En effet, l'article 12 précise que les élections générales ont alors lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution. Aussi, si une dissolution a lieu moins de six mois avant l'élection présidentielle, la simultanéité entre élections législatives et présidentielles est exclue car non-conforme à la Constitution.

Ø Les mesures proposées

La présente proposition de loi organique tend donc à instaurer la concomitance des élections présidentielles et législatives. Plus précisément, lorsque le calendrier normal conduit à ce que les élections législatives aient lieu moins de six mois avant ou après l'élection présidentielle, il prévoit que le mandat législatif sera modifié d'office pour que le premier et le deuxième tour des élections législatives se tiennent en même temps que le premier et le deuxième tour de l'élection présidentielle. Dans ce cas, les pouvoirs de l'Assemblée nationale expireraient le mardi qui suit le second tour de l'élection présidentielle.

Une proposition de loi ordinaire est par ailleurs déposée afin de modifier le code électoral en prévoyant qu'en cas d'application de ce nouveau dispositif, le délai entre le premier tour et le deuxième tour des élections législatives passera de 7 à 14 jours pour être coordonné avec celui de l'élection présidentielle.