EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La navigation aérienne est essentielle pour la sécurité des vols comme pour la connectivité de nos territoires et plus largement, du pays. C'est aussi un élément clé pour les déplacements des passagers, le respect des horaires, des correspondances.
Qu'il s'agisse des dessertes point à point, des lignes régulières, ou des vols qui traversent la France vers des destinations plus lointaines, notre pays est très fortement survolé. C'est même l'un des pays où le trafic aérien est le plus complexe.
La navigation aérienne est donc au centre de multiples enjeux : sécurité, capacité à « délivrer le trafic », ponctualité, « routes droites » pour réduire l'impact environnemental...
La France avec la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA), au sein de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), dispose d'un service de pointe, de réputation mondiale. Ce service a engagé une modernisation de très grande ampleur qui vise à lui permettre d'atteindre le meilleur standard européen et d'assurer l'interopérabilité dans le cadre du Ciel unique.
Cet effort de modernisation conjugué au dialogue social et à la négociation doit lui permettre d'adapter son organisation au trafic et à la performance attendue en particulier s'agissant des retards générés.
Un aspect du dialogue social demeure perfectible : la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social, l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic et une meilleure conciliation entre la continuité du service public et le respect du droit de grève des contrôleurs aériens.
La situation actuelle est à bien des égards paradoxale car elle conduit à des abattements préventifs de vols et à des retards importants y compris quand le nombre de grévistes est très réduit, sans empêcher des annulations de dernière minute, et ce au détriment des passagers et de leur information et donc potentiellement de l'ordre public lorsque les passagers se retrouvent en nombre dans les aérogares sans départ possible.
L'objet de la présente proposition de loi est de permettre qu'une grève suivie par les contrôleurs se traduise par une réduction du trafic proportionnée à la grève.
La présente proposition de loi vise ainsi à mettre en oeuvre, en cas de grève dans le secteur de la navigation aérienne la prévisibilité nécessaire de ces services, pour la bonne information des compagnies aériennes et in fine des passagers aériens et la préservation de l'ordre public dans les aéroports, dans le strict respect de la constitutionnalité du droit de grève.
La loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, qui a été codifiée aux articles L. 1114-1 à L. 1114-7 du code des transports, prévoit que les salariés qui souhaitent faire grève se déclarent grévistes au moins 48 heures avant le début du mouvement et, le cas échéant, annoncent 24 heures à l'avance leur renonciation à la participation à la grève.
Dans l'état actuel du droit, ce dispositif, qui existe aussi dans le transport terrestre guidé, s'applique à l'ensemble de la chaîne des opérateurs du transport aérien de passagers (compagnies aériennes, exploitants d'aérodrome, entreprises de maintenance des aéronefs, assistants en escale, etc.).
Il ne concerne pas à ce jour les services de la navigation aérienne. Cette absence rend de plus en plus souvent l'ensemble du dispositif inopérant. En l'absence de toute information fiable portant sur le nombre prévisionnel de grévistes dans chacune des équipes de contrôle, la direction générale de l'Aviation civile n'est pas en mesure d'évaluer la capacité réelle (au sens du nombre de contrôleurs effectivement présents) dont elle disposera pour assurer l'écoulement du trafic les jours de grève.
Compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité du service public, les articles L. 114-4 et L. 114-5 du code général de la fonction publique prévoient l'existence d'un service minimum applicable aux services de la navigation aérienne et en définissent les fondamentaux (préservation des intérêts vitaux de la France, respect des engagements internationaux au titre desquels le survol du territoire, continuité territoriale avec l'Outre-Mer...). Un décret en définit les modalités.
Sur la base de ces textes, il peut être recouru à des astreintes de contrôleurs aériens dans chaque organisme de contrôle soumis à service minimum. Mais la DGAC se trouve dans une situation qui ne lui permet pas d'assurer correctement la prévisibilité du service de contrôle.
Ne pas mettre en place le service minimum dans un organisme de contrôle peut en effet conduire à un arrêt imprévisible du trafic aérien sur un aéroport, impliquant des annulations de vols, sans anticipation possible pour les compagnies aériennes et leurs passagers (annulations dites « à chaud »), comme cela a été le cas à l'aéroport de Paris-Orly le 11 février 2023. De telles circonstances peuvent entrainer la présence de nombreux passagers en attente dans les aéroports et sont susceptibles d'engendrer des troubles à l'ordre public.
A contrario, la mise en place du service minimum dans un organisme de contrôle peut conduire à une forme de surréaction alors que le nombre de grévistes aurait été très faible. Or, les conséquences opérationnelles de la mise en place du service minimum dans un organisme de contrôle sont significatives : vols annulés préventivement ou « à chaud », retards accumulés pour les survols du territoire français, vols ne suivant pas les « routes droites » pour éviter les espaces saturés, retards dans les aéroports. Dans de telles circonstances, au-delà de leur caractère imprévisible, la disproportion entre le faible nombre de grévistes constatés et les dommages considérables causés à l'ensemble de la chaîne des opérateurs du transport aérien, et en premier lieu à leurs passagers, est particulièrement manifeste.
Afin de remédier à ces difficultés liées à l'absence de prévisibilité quant au nombre de grévistes au sein des services de la navigation aérienne, la présente proposition de loi se donne pour objectif de fournir au ministre chargé de l'aviation civile une information précise, complète et fiable sur les personnels souhaitant exercer leur droit de grève, en leur adjoignant une obligation de déclaration individuelle de participation au mouvement de grève à midi l'avant-veille d'une journée de grève. Les personnels concernés par cette obligation sont uniquement les personnels des services de la navigation aérienne qui assurent des fonctions de contrôle, d'information de vol et d'alerte dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols.
Cette extension sera de nature à garantir de la prévisibilité pour l'ensemble de la chaine du transport aérien en vue de délivrer une information cohérente aux passagers au plus tard l'avant-veille de chaque journée de grève.
La présente proposition de loi permet de mieux préserver l'ordre public dans les aéroports et de mieux concilier la continuité du service public et le respect du droit de grève des contrôleurs aériens, dans la mesure où les dispositions du service minimum seront mises en oeuvre de façon beaucoup plus adaptée.
Comme elle a vocation à s'appliquer à des agents de l'État, la disposition prévue par la présente proposition de loi est insérée dans le chapitre du code général de la fonction publique traitant des dispositions particulières applicables, en matière de droit de grève, dans la fonction publique de l'État.