EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En France, un enfant est tué tous les 5 jours. Le nombre d'enfants ayant bénéficié d'une mesure de protection ne cesse de progresser. Il atteint 328 000 fin 2018, ce qui représente une hausse de 12,1% entre 2019 et 2012 1 ( * ) .
Entre mars et avril 2020, dates du premier confinement, la part de situation de violences physique dans les hospitalisations d'enfants de moins de 5 ans a connu une hausse de 50% 2 ( * ) .
Dans un sondage Ipsos réalisé en novembre 2020 pour l'association Face à l'inceste, 1 français sur 10 déclare être victime de violences sexuelles durant son enfance. Soit potentiellement 3 enfants d'une classe de 30 élèves de CM2 serait en ce moment victimes d'inceste.
Selon les données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure, entre 2016 et 2018, 4341 personnes ont été victimes de violences sexuelles incestueuses en France et ont été enregistrées comme telles par les services de police et les unités de gendarmerie. Parmi ces victimes, 53% avaient moins de 4 ans et 22% entre 5 et 9 ans. Autrement dit 75% des enfants victimes de violences sexuelles incestueuses ont moins de 9 ans.
Les auteurs de ces crimes et délits sont à 95% des hommes, ce qui ne peut que nous interpeller.
La question du droit de l'enfance commence à prendre une place importante dans notre société. L'enfant n'est plus perçu comme un être dénué de réflexion, de logique et d'intelligence, sans pour autant apparaître comme un petit homme pas différent de l'adulte et donc sans besoins ni protections spécifiques. C'est un être à part entière dans toutes ses composantes.
Pourtant, il n'est appréhendé que par le volet pénal, alors que la délinquance juvénile demeure stable depuis vingt ans. Or, la répression n'est pas la solution à tous les problèmes. Il faut trouver un juste équilibre entre éducation et sanction. Si l'ordonnance de 1945 s'apprête à être remaniée au sein d'un nouveau Code de justice pénale des mineurs, cette codification uniquement centrée sur le pénal est symptomatique d'une justice des mineurs qui délaisse l'éducation et la protection.
Le projet d'un Code de l'enfance n'est pas nouveau. Il a été évoqué par des associations depuis plusieurs années. Il est donc temps de le proposer.
Ce code, intitulé Code de l'enfance, réunit l'ensemble des règles juridiques à destination des mineurs, enfants et adolescents. Cette publication répond à un besoin qui nous paraissait essentiel : compiler dans un même ouvrage toute la législation qui touche à la personne de l'enfant et qui est dispersée dans de nombreux codes différents. C'est le rôle du parlementaire, et à fortiori du législateur, de participer à cette codification. De tels ouvrages existent dans plusieurs pays tels que la Guinée, le Bénin ou encore le Togo mais c'est une première à l'échelle européenne. Il y a une volonté de notre part d'aller au-delà de la Convention internationale des droits de l'enfants de 1989 qui sert de texte de référence dans le monde entier et qui a été ratifiée par 195 États, les États-Unis et la Somalie manquant à l'appel. Ce texte, bien que très riche car il pose les droits fondamentaux des enfants, n'est composé que de 54 articles et n'a pas vocation à régir le droit des enfants dans toute sa complexité. Il pose les bases d'une vaste problématique qui nécessite d'être développée et explicitée dans le détail.
L'idée est d'établir un code large qui ne se limite pas à la protection de l'enfance ou, en sens inverse, à la pénalisation des mineurs délinquants. L'objectif est bien de prendre en compte l'enfant en tant que personne avec un statut spécifique lui accordant ainsi une liste de droits, de libertés et de devoirs.
Cette codification vient combler un manque en tentant d'offrir une vision globale et complète du statut de l'enfant et des différents leviers de protection qui peuvent être mobilisés. Aussi bien à destination des enfants eux-mêmes, des professionnels de la protection de l'enfance, des juristes et des politiques. Cet ouvrage rassemble les différentes thématiques propres aux enfants et les droits spécifiques qui s'ensuivent.
L'article unique de cette proposition de loi porte la création d'un Code de l'enfance qui lui se situe en annexe.
Le premier livre évoque les dispositions générales. Il est divisé en quatre titres. Le premier s'intitule « des principes généraux », le deuxième « le droit au respect de la personne », le troisième « des devoirs » et le quatrième « la vie quotidienne ».
Le deuxième livre concerne la condition juridique de l'enfant. Il est divisé en trois titres. Le premier traite de « l'incapacité de l'enfant », le deuxième de « l'autorité parentale » et le troisième « de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation ».
Le troisième livre fait référence à la protection de l'enfant. Il est divisé en quatre titres. Le premier titre évoque « la protection judiciaire », le deuxième « la protection de l'enfant délinquant », le troisième « la protection médico-sociale » et le quatrième « la protection administrative ».
Le quatrième livre traite du droit à l'éducation. Il est divisé en deux titres : un premier qui évoque « le droit à l'éducation pour tous les enfants » et un second sur « le droit à l'éducation pour les enfants porteurs de handicap ».
Le cinquième livre évoque le droit à la culture, divisé en deux titres. Le premier titre fait référence au « droit à la culture et aux loisirs » et le second aux « droits de l'enfant dans le sport ».
Le sixième livre concerne le travail. Il est divisé en trois titres. Le premier s'intitule « les conditions de travail », le deuxième « l'apprentissage » et le troisième « la protection au travail ».
Le septième et dernier livre fait référence aux dispositions pénales. Il est divisé en quatre titres qui sont les suivants : le premier concerne « la responsabilité pénale des mineurs », le deuxième « les atteintes sexuelles sur mineurs », le troisième « l'interdiction d'accès des mineurs à certains établissements » et le quatrième « les atteintes aux libertés, à la dignité et à l'intégrité physique et morale de l'enfant ».
Ce Code comprend 362 articles.
* 1 14ème rapport au Gouvernement de l'ONPE de 2019.
* 2 Maltraitance des enfants : une étude démontre l'effet du confinement sur les violences physiques (lemonde.fr)