EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En septembre 2019, Orange a formulé une question préalable de constitutionnalité (QPC) auprès du Conseil d'État pour contester l'absence de séparation au sein de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) entre les équipes chargées d'écrire la règle, de contrôler son respect et de sanctionner les éventuels écarts. Si la QPC a été retirée trois semaines plus tard, il s'avère opportun de renforcer la sécurité juridique de ces dispositions afin d'éviter tout risque de censure par le Conseil constitutionnel .
Cette question s'est posée dès 2013. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, avait considéré que l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) relatif à la procédure de sanction de l'ARCEP ne garantissait pas la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement (considérants 11 et 12), le directeur général décidant des mises en demeure et exerçant les poursuites alors qu'il était nommé par le président de l'autorité, placé sous son autorité et assistait aux délibérations de l'autorité.
Cependant, le commentaire aux Cahiers du Conseil précisait que, si une séparation entre les fonctions de poursuite et d'instruction et les pouvoirs de sanction de l'ARCEP devait être assurée, la garantie de cette séparation « ne présuppos[ait] pas pour autant que le législateur soit tenu d'organiser une séparation organique de ces différentes fonctions (à l'instar de celle qui prévaut par exemple pour l'Autorité de contrôle prudentiel, l'AMF ou encore l'HADOPI), une séparation fonctionnelle pouvant suffire à satisfaire aux exigences constitutionnelles, comme l'a admis le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 octobre 2012 à propos des services d'instruction et du collège de l'Autorité de la concurrence » (considérants 17 et 18).
À la suite de cette censure, l'ordonnance n° 2014-329 du 12 mars 2014 relative à l'économie numérique 1 ( * ) a instauré une nouvelle procédure de sanction sur le modèle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) que l'avis du Conseil d'État a estimée constitutionnelle. La séparation des fonctions de poursuite et de jugement est assurée en les confiant à des membres distincts du collège de l'autorité (donc une séparation fonctionnelle). L'article L. 130 du CPCE prévoit ainsi qu'une formation composée de quatre membres du collège, dont le président de l'ARCEP, adopte les décisions en matière d'instruction, de poursuite, de règlement des différends et de déclaration d'office (la formation dite de règlement des différends, de poursuite et d'instruction), et qu'une formation composée des trois autres membres du collège adopte les décisions de sanction (la formation restreinte). La formation plénière adopte les autres décisions de l'autorité.
Néanmoins, afin de renforcer la légitimité du pouvoir de sanction de l'ARCEP, il y a lieu de créer une commission des sanctions composée de membres distincts du collège de l'autorité, et chargée uniquement de prononcer les sanctions, sur le modèle de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ou de celle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. À l'instar du collège de l'AMF (Autorité des marchés financiers) et de l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), le collège de l'ARCEP serait chargé d'adopter toutes les autres décisions.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
* 1 Et le décret n° 2014-867 du 1 er août 2014 relatif à la procédure de sanction de l'ARCEP.