EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'article 122-1 du code pénal modifié par l'article 17 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 dispose :
« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, est ramenée à trente ans. La juridiction peut toutefois, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine. Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s'assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l'objet de soins adaptés à son état. »
L'article 64 du code pénal, qui prévoit qu' « il n'y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister [*force majeure*] » .
Des évènements plus ou moins récents survenus en France, en Europe et partout dans le monde conduisent à nous interroger sur la notion de responsabilité pénale.
L'émoi causé par l'assassinat de Sarah Halimi-Attal et le non renvoi devant la cour d'assises de son meurtrier pour irresponsabilité pénale ainsi que bien d'autres drames, notamment liés à la radicalisation islamique, comme les trois attaques au couteau à Paris, Metz et Villejuif des 5 et 6 janvier dernier conduisent le législateur à réfléchir à la redéfinition de la responsabilité pénale, pour que l'absence de « conscience » ne devienne pas un passe-partout permettant d'échapper aux sanctions pénales, laissant les victimes et leurs proches dans le désarroi.
La présente proposition, tout en confortant la jurisprudence constante antérieure au récent arrêt de la cour d'appel de Paris dans l'affaire Sarah Halimi-Attal, vise à préciser les conditions d'application de l'article 122-1 du code pénal.
Kobili Traoré, Nathan C., Jamal E. ces derniers jours, Usman Khan en Angleterre en novembre dernier, Hassan Khalif Shire Al en Australie, ces assassins à la santé psychologique prétendument particulièrement affectée sont bien passés aux actes sans en répondre.
Comme l'écrit l'ancien Procureur M. Bilger, « la justice c'est aussi, surtout de ne pas juger un irresponsable pénal. Quoi qu'il en coûte. L'état de droit, il est d'abord là et non dans un procès à tout prix ! » . Comment naviguer entre émotion, révolte et respect de l'institution judiciaire ?
Il nous faut repenser la notion de responsabilité pénale et appeler les choses par leur nom. Au fil des affaires, l'irresponsabilité pénale semble devenir une immunité, or nous savons depuis des années et après les nombreuses études effectuées partout dans le monde qu'il y a dans la radicalisation islamique - car c'est de cela dont il s'agit - une influence forte des maîtres qui conditionnent leurs disciples dans une spirale meurtrière. Ce conditionnement peut se faire par plusieurs moyens, y compris via les réseaux sociaux.
Depuis 2015, les gouvernements successifs et les parlementaires multiplient les rapports sur le terrorisme et sa prévention et réclament des bilans des comités Théodule en charge de la déradicalisation (si elle existe). Le débat sur la psychiatrie en milieu carcéral est tout à fait lié à cette question.
Le sujet est de plus en plus prégnant et pressé par une violence quotidienne et un “terrorisme aux mille entailles” qui effraient par leurs caractères imprévisibles et aveugles. Il est donc nécessaire d'ouvrir ici et maintenant un vrai débat sur la place de la psychiatrie dans la prise en compte des phénomènes de radicalisation.
S'il ne s'agit pas de faire passer la radicalisation pour une seule forme de démence psychiatrique, beaucoup de chercheurs considèrent que certains détenus pour faits de radicalisation auraient davantage leur place dans une structure psychiatrique que dans une cellule de prison.
En revanche, il s'agit de revoir les dispositifs de l'article 122-1 du code pénal de façon à ce qu'il ne soit plus un article qui confère une sorte d'immunité inacceptable et incompréhensible pour les victimes, comme pour l'opinion publique.
Ainsi en est-il de la situation quand l'auteur de l'acte délictueux, qui a arrêté son traitement médicamenteux, est sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiant.
En effet, dans ces cas précis, les dispositifs de l'article 122-1 ne s'appliqueront plus.
L'auteur ne pouvant dès lors pas invoquer sa propre turpitude pour échapper à un procès et à des sanctions.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.