EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 13 février 2019, les institutions européennes sont parvenues à un accord interdisant totalement la pêche électrique aux navires de pêche de l'Union européenne dans toutes les eaux qu'ils fréquentent y compris en dehors de l'UE, au 30 juin 2021, reprenant un amendement du groupe Gauche unitaire européenne et Gauche verte nordique adopté par le Parlement européen
Cet accord permet en outre aux États membres d'« interdire ou restreindre » immédiatement cette pratique dans leurs eaux territoriales.
C'est l'objet de cette proposition de loi qui, pour l'essentiel, poursuit le même objectif que la proposition n° 1809 adoptée à l'Assemblée nationale le 9 mai dernier.
En effet, interdire la pêche électrique le plus rapidement possible dans nos eaux territoriales sans attendre l'entrée en vigueur en 2021 de l'interdiction générale en l'Europe est une nécessité absolue tant cette technique est en contradiction frontale avec l'intérêt général et l'impératif d'une gestion responsable de la ressource halieutique pour préserver l'avenir.
Cette méthode de pêche, qui consiste à envoyer un courant électrique bipolaire afin de faciliter la capture de poissons et de crustacés est interdite dans la plupart des pays de pêche du monde.
Elle était également interdite en Europe jusqu'à ce que la Commission européenne et le Conseil ne décident, dans le seul but de satisfaire un groupe d'intérêt sectoriel : la flotte néerlandaise de chalutiers à perche industriels, de l'autoriser, à titre dérogatoire, à partir de fin 2006 malgré de nombreux avis scientifiques contraires.
Pire tout en connaissant la dangerosité de cette technique et ses impacts profondément destructeurs sur nos écosystèmes, en 2016, la Commission européenne a proposé une nouvelle extension de cette dérogation. Elle envisageait de supprimer le plafond de 5 % et d'intégrer cette mesure dérogatoire en tant que pratique « innovante » dans la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (n° COM/2016/0134) relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques modifiant d'autres règlements. Il ne s'agissait ni plus ni moins que d'une généralisation de la pêche électrique.
Or, cette technique de pêche peu sélective est dévastatrice d'un point de vue environnemental : pour 100 kg pêchés, 50 à 70 kg sont rejetés en mer. En comparaison, les fileyeurs ne rejettent eux que 6 kg de poissons pour 100 kg pêchés, c'est en ce sens que cette technique participe à la surpêche. Alors qu'aujourd'hui, 33,1 % des stocks de poissons exploités à l'échelle mondiale le sont au-delà de la limite de durabilité biologique, soit trois fois plus qu'en 1974. Selon un rapport de l'IFREMER en date de février 2019, seuls 48 % des stocks de poissons ont été exploités durablement en France métropolitaine en 2018 et 27 % des stocks sont surpêchés.
Enfin, outre cet épuisement des ressources qu'elle génère, la pêche électrique a aussi des conséquences néfastes sur la pêche artisanale. Les pêcheurs artisans sont unanimes quant à la dégradation de leurs zones de pêche et de l'épuisement des ressources halieutiques. Tous dénoncent leur incapacité à maintenir leurs activités.
Dès lors, la survie du secteur de la pêche artisanale exige que l'Europe interdise définitivement cette technique de pêche destructrice en effet comme le rappelle de nombreuses ONG dont BLOOM : « deux ans de transition, c'est bien trop long pour les pêcheurs artisans qui subissent depuis des années déjà la concurrence déloyale des navires industriels pêchant illégalement ».
Cette méthode est donc une illustration de l'Europe libérale qui laisse un à un tous les pans de l'économie se financiariser au détriment de la biodiversité et l'écosystème marin, de l'économie réelle, de l'emploi.
L'adoption d'une gestion durable de nos océans ne peut attendre, d'autant que la pratique de la pêche électrique s'est développée de manière illégale au sein de l'Union européenne. C'est pourquoi, l' article unique de la présente proposition de loi vise à interdire cette pratique jusqu'à la limite de la mer territoriale française, avant le 1 er juillet 2021, date à laquelle l'interdiction totale édictée par le projet de règlement européen du Parlement et du Conseil relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins, deviendra effective dans toutes les eaux de l'Union européenne.