EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Conformément à la volonté du Président de la République, le Gouvernement a engagé une importante réforme du travail pénitentiaire dans le cadre de la loi n° 2021-1729 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Avec l'ambition d'ouvrir des droits sociaux aux personnes détenues qui travaillent dès lors qu'ils sont utiles à leur réinsertion, l'article 19 de la loi susmentionnée a habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi aux fins de :

- prévoir l'application d'une assiette minimale de cotisations pour l'acquisition de droits à l'assurance vieillesse ;

- prévoir l'affiliation des personnes détenues qui travaillent au régime de retraite complémentaire IRCANTEC ;

- permettre l'ouverture, à l'issue de la détention, des droits à l'assurance chômage acquis au titre du travail réalisé en établissement pénitentiaire en adaptant le régime de l'assurance chômage et les modalités de financement de l'allocation ;

- prolonger la période de déchéance des droits à l'assurance chômage acquis au titre d'un travail effectué avant la détention ;

- permettre l'ouverture, au bénéfice des personnes détenues qui travaillent ou suivent un stage de formation professionnelle, de droits aux prestations en espèces et notamment le versement d'indemnités journalières pendant la détention au titre des assurances maternité, invalidité et décès, et à l'issue de la détention s'agissant de l'assurance maladie ;

- permettre le maintien ou l'ouverture de droits aux indemnités journalières pendant la détention au titre de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles, pour les personnes détenues qui travaillent et celles qui suivent un stage de formation professionnelle.

Dans l'objectif de préparer au mieux la sortie de détention en créant des conditions d'exercice du travail en détention qui se rapprochent davantage de celles que les personnes un temps détenues connaîtront une fois libérées, le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance visait également l'adoption de dispositions législatives pour :

- favoriser l'accès des femmes détenues aux activités en détention, en généralisant la mixité de ces activités, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité ;

- lutter contre les discriminations et le harcèlement moral ou sexuel au travail en milieu pénitentiaire ;

- permettre l'ouverture de droits à la formation mobilisables à la sortie de détention par la création d'un compte personnel d'activité alimenté à la fois par le travail réalisé en détention et par les activités bénévoles auxquelles les personnes détenues participent en détention dans le cadre d'une réserve civique thématique ;

- déterminer et définir les règles d'intervention des personnes et services ayant pour mission de prévenir toute altération de la santé des personnes détenues du fait de leur travail, y compris s'agissant de l'évaluation d'aptitude et du suivi de l'état de santé ;

- renforcer les prérogatives et les moyens d'intervention des agents de contrôle de l'inspection du travail au sein des établissements pénitentiaires.

- Enfin, en vue de développer et diversifier l'offre de travail en détention et de soutenir l'engagement des structures implantées en milieu pénitentiaire, le Gouvernement a également été habilité à prendre des mesures législatives ayant pour objet de :

- permettre l'implantation d'établissements et services d'aide par le travail en détention, selon des modalités adaptées au milieu pénitentiaire ;

- prévoir des modalités de réservation de contrats de la commande publique au bénéfice des opérateurs économiques employant des personnes détenues dans le cadre d'un contrat d'emploi pénitentiaire.

Dès lors que cela était possible et compte tenu des compétences et spécificités locales, l'ensemble des dispositions susmentionnées ont été étendues et adaptées aux territoires ultramarins.

Le présent projet de loi, dans son article 1er, ratifie l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues et prise en application de l'habilitation détaillée ci-dessus, qu'elle épuise en intégralité.

Fort des enseignements tirés de la mise en oeuvre du premier volet de la réforme pénitentiaire, porté par les articles 19 à 21 de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire susmentionnée et en vigueur depuis le 1er mai 2022, le Gouvernement a souhaité introduire dans le présent projet de loi de ratification deux dispositions supplémentaires.

L'article 2 dispose que pour les règles de santé et de sécurité pour les travaux effectués par les personnes détenues dans les établissements pénitentiaires, sur leur domaine ou à leurs abords immédiats, les adaptations rendues indispensables par les spécificités du milieu carcéral sont déterminées par décret pris en Conseil d'Etat

L'article 3 prévoit un dispositif de mise à la retraite sur décision du donneur d'ordre. Il s'agira, en pratique, d'un nouveau motif de résiliation du contrat d'emploi pénitentiaire, encadré suivant des dispositions analogues au droit commun. Le dispositif renvoie ainsi à l'âge fixé par le code de la sécurité sociale, auquel une personne bénéficie d'une pension de retraite à taux plein sans condition de durée d'assurance, en tant que point de départ de la procédure de mise à la retraite, pouvant durer jusqu'aux soixante neuf ans de l'intéressé.

Dans la mesure où le cadre juridique du travail pénitentiaire ne prévoit à ce jour aucune règle s'agissant de l'âge des personnes détenues pouvant exercer un travail en détention, et considérant que l'âge d'une personne détenue ne peut justifier un refus de classement ou d'affectation ni un refus de recrutement, l'ajout d'un tel dispositif au présent projet de loi est apparu comme nécessaire. L'ouverture d'une possibilité de mise à la retraite participe à la fois au mouvement de normalisation du fonctionnement du travail pénitentiaire, en droite ligne avec l'esprit de la loi susmentionnée pour la confiance dans l'institution judiciaire, et à la prise en compte des besoins exprimés par les établissements pénitentiaires. En effet, ces derniers ont fait état de constats qui ont conduit le Gouvernement à juger ce dispositif indispensable pour protéger la santé des personnes détenues les plus âgées. Le vieillissement de la population carcérale conduit de plus en plus souvent les établissements pénitentiaires à être confrontés à des personnes détenues ayant atteint l'âge de la retraite et exerçant pour autant des activités de travail très physiques qu'ils n'entendent pas arrêter alors même qu'ils s'exposent à un risque accru d'accident ou de blessure. Le mécanisme de mise à la retraite permettra de mettre un terme à ce type de situations.

L'article 4, outre la correction d'une erreur matérielle, confère une valeur législative au contrat d'implantation en ce qu'il est devenu, dans le cadre de la réforme du travail pénitentiaire, l'unique support contractuel d'implantation au sein des établissements pénitentiaires pour l'ensemble des structures offrant du travail en détention.

La loi susmentionnée pour la confiance dans l'institution judiciaire a créé une nouvelle relation de travail entre la personne détenue et le donneur d'ordre, qu'il soit l'administration pénitentiaire ou un partenaire économique privé. Cette relation de travail, matérialisée par un contrat d'emploi pénitentiaire, s'applique à l'ensemble des donneurs d'ordre en détention qu'ils emploient ou non un public spécifique, à l'image des entreprises adaptées ou des structures d'insertion par l'activité économique. Le décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire a ainsi tiré les conséquences de cette nouvelle relation de travail et a étendu la notion de contrat d'implantation, qui préexistait pour les entreprises adaptées et les structures d'insertion par l'activité économique, à toutes les structures partenaires de l'administration pénitentiaire employant des personnes détenues sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire. Le contrat de concession, ancien support juridique liant les concessionnaires à l'administration pénitentiaire, a ainsi été remplacé par le contrat d'implantation. En conséquence, l'article 6 du présent projet de loi relatif aux dispositions transitoires prévoit, pour le 31 décembre 2023, la caducité des contrats de concession et des contrats d'implantation signés avant le 1er mai 2022, soit avant l'entrée en vigueur du premier volet de la réforme du travail pénitentiaire.

L'article 5 traite enfin de l'applicabilité outre-mer des dispositions relatives à la mise à la retraite et au contrat d'implantation. Si les premières ne sont pas rendues applicables aux collectivités d'outre-mer compte tenu de leur compétence propre en matière de sécurité sociale, les secondes sont rendues applicables sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultra-marin afin, là encore, d'assurer l'uniformisation des supports contractuels entre l'administration pénitentiaire et ses partenaires économiques.

Le Gouvernement a souhaité ajouter les dispositions exposées ci-avant en ce qu'elles viennent compléter le dispositif de la réforme du travail pénitentiaire afin d'en assurer la complétude et la cohérence.

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