EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une France souveraine est une France qui maîtrise sa production d'énergie. Dans son discours de Belfort du 10 février 2022, le Président de la République fait de la souveraineté énergétique un élément moteur pour lutter contre le dérèglement climatique, pour assurer un avantage compétitif à notre pays et pour garantir à notre pays son approvisionnement énergétique. Le défi de libérer notre pays des énergies fossiles importées est immense alors qu'elles représentent encore deux tiers de notre consommation d'énergie finale et pèsent dans notre balance commerciale.

Le Gouvernement met en oeuvre une stratégie de production énergétique en s'appuyant sur quatre piliers : la sobriété énergétique, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et la relance historique de notre filière nucléaire. La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables et loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes sont des jalons importants de cette stratégie. Ces deux textes ont un point commun, celui de répondre à une seule et même ambition : faire de la France le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et reprendre la main sur notre destin énergétique.

Depuis le plan Messmer, le nucléaire est un choix politique constant qui a permis à notre pays de produire une électricité abondante, compétitive et pilotable et d'avoir aujourd'hui l'un des mix de production électrique parmi les plus décarbonés au monde.

La relance historique de notre filière annoncée par le Président de la République passe tout d'abord par le lancement d'un programme de construction de trois paires de réacteurs de technologie EPR2 et la mise à l'étude de huit unités supplémentaires. C'est un défi industriel, de compétences et de sûreté majeur, qui marque un tournant après les seize dernières années au cours desquelles seule la construction d'un réacteur a été menée, à Flamanville.

C'est également un changement de paradigme pour le parc électronucléaire existant français, composé de 56 réacteurs à eau pressurisé en 2023, car cette relance requiert le maintien d'un niveau de sûreté inchangé sans modifier notre réglementation en la matière, tout en relevant les défis de la poursuite d'exploitation du parc nucléaire existant au-delà de 60 ans, voire au-delà tant que les installations respectent le cadre de sûreté nucléaire, de l'adaptation au dérèglement climatique et des éventuelles augmentations de puissance d'une partie des réacteurs français.

Cette relance est également celle de la recherche et de l'innovation, avec une ambition forte en faveur du développement de nouveaux petits réacteurs modulaires ou avancés de fission (sodium, sels fondus, etc. ) et de fusion nucléaire, le soutien renforcé des autorités françaises dans le projet de fusion nucléaire ITER, mais c'est également la décision de poursuivre le développement du réacteur de recherche Jules Horowitz et le renouvellement des installations de recherche de la branche nucléaire civil du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui jouera un rôle central dans l'animation et le pilotage de la recherche dans la filière, avec ici également des enjeux nouveaux et complexes pour la sûreté nucléaire autant que la filière industrielle.

Cette relance est enfin le maintien et le renforcement d'une filière souveraine sur l'ensemble du cycle du combustible, avec la construction de nouvelles capacités d'entreposage et de stockages de déchets ainsi que, potentiellement, de nouvelles usines contribuant à la fabrication et au retraitement du combustible.

Le Gouvernement prépare ainsi tous les niveaux de l'État et mène un travail avec l'ensemble de la filière pour répondre aux exigences élevées pour mener ces chantiers. C'est dans ce cadre qu'il a notamment mis en place une délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire le 7 novembre 2022, déployé des crédits d'investissement massifs dans les plans industriels France Relance et France 2030, institué une alliance européenne du nucléaire, ou encore que les Conseils de politique nucléaire, tenus sous l'égide du Président de la République, ont arrêté des priorités d'action claires en matière administrative, industrielle, de compétences et de gouvernance de la sûreté.

L'adoption le 22 juin 2023 de la loi d'accélération des procédures administratives sécurise le calendrier administratif du programme de construction des futurs EPR2 sur les sites de Penly, de Gravelines et du Bugey par l'opérateur EDF. Le rapport MATCH du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) et le plan d'actions de l'Université des métiers du nucléaire présentent les actions concrètes à mener pour attirer, former et recruter plus de 100 000 travailleurs sur la prochaine décennie. Ce sont des opportunités majeures pour les territoires, pour les jeunes ou pour les salariés en reconversion.

Ce changement d'échelle de notre filière nucléaire doit intervenir dans un cadre de sûreté nucléaire très élevé. C'est un enjeu d'acceptabilité et de confiance dans l'énergie nucléaire pour les Français et une condition indispensable du succès de la relance. Les exigences de sûreté sur l'ensemble des enjeux rappelés plus hauts représentent un changement d'échelle pour toute la chaîne contribuant au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui tranche avec la décennie précédente, à la fois en matière de charge et de complexité, en particulier pour les technologies de rupture en cours de développement.

Afin de maintenir l'excellence du contrôle en sûreté et en radioprotection dans le futur, et au regard des enjeux précités qui vont mettre fortement sous tension les autorités publiques compétentes, le Gouvernement entend mener une réorganisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection afin de répondre efficacement, aussi bien en matière de niveau de sûreté que de rythme de charge, à la relance inédite du nucléaire. Cette réorganisation, qui n'emporte aucune modification sur le cadre de sûreté nucléaire existant, lequel repose en premier lieu sur la responsabilité des exploitants, doit répondre à quatre exigences :

1° L'amélioration de l'efficience des procédures en matières de sûreté nucléaire et de radioprotection ;

2° L'indépendance de l'Autorité vis-à-vis des exploitants nucléaires et du Gouvernement ;

3° La transparence renforcée vis-à-vis du public ;

4° L'attractivité des métiers pour garantir à l'autorité chargée du contrôle de la sûreté et de la radioprotection de bénéficier de compétences et d'expertises d'excellence.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

La gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a connu de nombreuses évolutions de son organisation depuis sa création. Au cours des années, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection s'est développé et renforcé sur la base des retours d'expérience et des meilleures pratiques et recommandations internationales. Ce processus d'amélioration continue et de réorganisations des services de l'État s'est ainsi traduit par la création en 2002 de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), réunissant dans un établissement public les services d'experts, et la création en 2006 d'une autorité administrative indépendante du Gouvernement, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargée du contrôle en matière de sûreté et de radioprotection. Cette organisation a globalement été au rendez-vous dans le contexte de diminution des projets des vingt dernières années.

Cette nouvelle évolution proposée par le Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi repose sur la mise en place d'une autorité indépendante de sûreté nucléaire civile et de radioprotection, comparable à celle qui existe dans les grands pays nucléaires occidentaux (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne). Ainsi, le cadre d'action de cette future autorité de sûreté nucléaire, l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), réunit les activités de l'ASN et de l'IRSN sous le statut offrant, en droit français, le plus de garantie d'impartialité : le statut d'autorité administrative indépendante.

Cette évolution permettra de répondre aux attentes en termes de délais et d'efficacité des processus d'expertise, d'instruction, d'autorisation et de contrôle : c'est une opportunité unique pour les équipes de deux organismes publics, disjoints aujourd'hui mais oeuvrant à la même finalité, de repenser l'organisation du contrôle de la sûreté nucléaire, de la protection des personnes et de l'environnement, dans le contexte inédit de la relance du nucléaire.

La future autorité ne sera pas la juxtaposition des organisations et interfaces actuelles ; elle permettra au contraire de fluidifier les processus d'instruction, d'assurer un meilleur alignement des priorités et de renforcer le partage des informations et des données au sein des différentes étapes des processus d'instruction et vis-à-vis des parties prenantes externes, exploitants nucléaires comme société civile. Elle intégrera l'ensemble des activités qui concourent actuellement à l'établissement d'un contrôle performant et de décisions robustes, actuellement réparties à l'ASN et à l'IRSN : recherche, expertises généralistes et spécialisées, inspection des installations et connaissance du terrain, contribution à l'élaboration de la réglementation, pouvoirs de coercition et de sanction, gestion des situations d'urgence, surveillance de l'environnement, information du public. La réunion de toutes ces activités permettra à la future autorité de bénéficier d'une autonomie plus grande pour exercer ses missions, sans être dépendante d'un tiers.

La réforme permettra ainsi de s'appuyer sur les points forts du système actuel, avec l'établissement d'un interlocuteur unique, indépendant du Gouvernement et des exploitants, chargé, outre du contrôle, de l'instruction des dossiers de sûreté et de radioprotection dans toutes leurs composantes, ouvert sur la société pour prendre des décisions éclairées, doté de moyens internes forts tout en ayant la faculté de les compléter auprès de partenaires externes et pouvant s'appuyer sur une recherche de renommée internationale, avec une culture d'excellence, et sur des groupes permanents d'experts propices à la confrontation des points de vue. Sur ce dernier point, le processus de consultation du public préalable aux décisions ayant une incidence sur l'environnement actuellement mis en oeuvre par l'ASN sera préservé dans la future autorité. La publication par la future autorité des résultats de ses expertises et instructions sur les sujets à enjeux permettra également de garantir sur ces sujets un niveau de transparence au moins égal, sinon renforcé, par rapport à la situation actuelle.

Dans le contexte de tension sur les recrutements dans la filière nucléaire lié à cette relance, cette évolution permettra enfin de regrouper les compétences rares en une autorité, au lieu de les dupliquer comme aujourd'hui et elle permettra de renforcer l'attractivité des métiers de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, au travers d'une diversité des statuts possibles, des parcours de carrière, y compris au plan géographique, auxquelles s'ajouteront des mesures d'ordres salarial permettant d'engager un nécessaire rééquilibrage par rapport au secteur privé. C'est une condition absolument nécessaire à la réussite de la relance de la filière nucléaire

Le Gouvernement a entrepris un important travail de concertation depuis le mois de juillet 2023 avec les parties prenantes resserrées de ce dossier, au travers de nombreux échanges à différents niveaux, avec notamment l'ASN, l'IRSN et leurs organisations représentatives du personnel respectives, les parlementaires, l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (l'ANCCLI) ou encore le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN).

Il s'est également appuyé sur les travaux parlementaires, en particulier sur le rapport de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France des députés Antoine ARMAND et Raphaël SCHELLENBERGER, et sur le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, du député Jean-Luc FUGIT et du sénateur Stéphane PIEDNOIR, qui préconisent une réorganisation de la gouvernance de notre sûreté nucléaire adaptée aux immenses défis de la relance de notre filière nucléaire. Le rapport propose ainsi de « regrouper les moyens humains et financiers actuellement alloués au contrôle, à l'expertise et à la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection, afin que ceux-ci relèvent à l'avenir d'une structure unique et indépendante. »

L'article 1er institue la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Il vient ainsi remplacer le nom de l'actuelle Autorité de sûreté nucléaire (ASN) par l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et inscrit, dans les missions de cette dernière, l'ensemble des missions actuellement menée par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), en particulier sur l'expertise, la recherche, la surveillance radiologique de l'environnement, et le suivi dosimétrique de l'exposition aux rayonnements ionisants. Il précise que l'ASNR contribue à l'information du Parlement et du public dans ses domaines de compétence et qu'elle participe à l'information du public et à la mise en oeuvre de la transparence en matière de sûreté nucléaire dans ses domaines de compétence. Cet article clarifie par ailleurs le fait que la sûreté nucléaire intègre la protection de la santé humaine et de l'environnement.

Dans le cadre de ce projet de loi, l'indépendance de l'entité chargée du contrôle de la sûreté nucléaire civile et de la radioprotection, vis-à-vis du Gouvernement et des exploitants nucléaires, est ainsi garantie par cet article qui maintient pour la future autorité le statut d'autorité administrative indépendante de l'ASN actuelle.

Toutes les activités de contrôle, d'expertise, de recherche et de formation opérées par l'ASN et par l'IRSN seront regroupées dans l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Deux situations spécifiques ne sont en revanche pas concernées, mais apporteront également des garanties sociales, avec des passerelles conventionnelles facilitant les mobilités avec la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection :

1° La direction de l'expertise nucléaire de défense (DEND) de l'IRSN. La mission de cette direction est d'expertiser les dossiers ou de délivrer des autorisations dans des domaines relevant de prérogatives du Gouvernement, en matière notamment de protection et de contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leurs transports, de sûreté défense, de non-prolifération et de contrôle des matières dangereuses (chimique, biologique et nucléaire). Placée sous l'autorité d'un directeur général adjoint directement rattaché aux ministres chargés de la défense et de l'énergie, ses missions seront transférées au ministère de la défense par voie réglementaire. Ces missions ne relèvent ni du champ actuel de compétences de l'ASN ni de celui de la future autorité. En effet, l'autorité compétente en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection dans les installations et activités nucléaires intéressant la défense est le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), auquel la DEND apporte son appui technique. Les autres activités de la DEND ne relèvent ni de la sûreté nucléaire ni de la radioprotection, et sont exercées non pas au profit de l'ASN mais des différents départements ministériels compétents et du Comité technique Euratom. Un nouveau service, au périmètre fonctionnel et à la gouvernance identiques (placé sous l'autorité d'un directeur directement rattaché aux ministres chargés de la défense et de l'énergie), sera créé au ministère de la défense et placé sous l'autorité du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), en parallèle de l'Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND). Les contrats de travail seront transférés au CEA, qui mettra les salariés concernés à disposition du ministère de la défense. Un système de convention avec l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection permettra d'assurer la fluidité des échanges, et notamment la mobilisation des experts « spécialisés » de la future autorité par le DSND et les interfaces entre les périmètres d'actions des différentes autorités compétentes en cas de situation accidentelle.

2° Les activités relatives à la fourniture et à l'exploitation de dosimètres à lecture différée de l'IRSN, qui nécessitent un démarchage commercial actif de l'entité qui les opèrent, auprès de clients qui seront soumis au contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, seront transférées au sein du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, ou dans l'une de ses filiales, qui sera en mesure de réaliser ce type d'activités dans un contexte concurrentiel, assortie d'un système de convention avec l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et le Gouvernement permettant des interactions fluides entre les différentes parties prenantes. Les contrats de travail des personnels seront transférés au CEA. Toutes les autres activités de dosimétries seront bien transférées à l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, notamment celles concourant à la gestion et l'exploitation des données dosimétriques concernant les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants, à la surveillance radiologique de l'environnement, de même que les travaux d'expertise, de recherche, ainsi que les travaux notamment d'analyse, de mesure ou de dosage, en relation avec des organismes publics ou privés, français ou étrangers, dans ses domaines de compétence.

L'article 2 renforce les dispositions déontologiques et la transparence concernant la future autorité. Il prévoit que le règlement intérieur de la future autorité, qui sera rendu public, en plus des dispositions déontologiques générale applicables à une autorité de contrôle, prévoira des dispositions particulières pour ses activités d'expertise et de recherche. En effet, certaines des activités de recherche peuvent être menées en collaboration avec des exploitants nucléaires, par ailleurs soumis au contrôle de l'autorité. Le règlement intérieur devra donc introduire les dispositions, pouvant aller jusqu'à la délégation de pouvoir prévue au nouvel article L. 592-13 du code de l'environnement, pour la conclusion d'accords financiers à ce titre.

Cet article introduit ensuite le fait que le règlement intérieur de l'ASNR prévoie les règles propres à assurer une séparation entre, d'une part, les processus d'instruction, d'expertise et de recherche - réalisés actuellement par les services de l'ASN et de l'IRSN - et, d'autre part, la prise de décision par le collège de l'Autorité. À cet égard, le présent projet de loi conforte le fonctionnement actuel du collège de l'ASN, qui reste, dans la future autorité, composé de cinq commissaires nommés pour six ans, dont le président. Ils sont irrévocables et astreints à un devoir d'impartialité. Ils ne reçoivent d'instruction ni du Gouvernement ni d'aucune autre personne ou institution. Le collège prend les décisions et avis sur les sujets les plus sensibles ou à plus forts enjeux comme par exemple les conditions de poursuite de fonctionnement à moyen et long termes des installations en service, les conditions de réexamen périodique de sûreté des installations existantes, les options de sûreté et les conditions d'autorisation des nouveaux réacteurs nucléaires classiques ou innovants, les autorisations de mise en service des installations en construction (actuellement EPR2, EPR Flamanville, ITER, RJH), les options de sûreté et les conditions d'autorisation des installations de stockage des déchets ou d'entreposage des matières et déchets radioactifs, les conditions de démantèlement des installations, les contrôles et réparation des installations à la suite d'aléas significatifs affectant la sûreté comme la corrosion sous contrainte, les conditions d'autorisation des prélèvements en eau et des rejets des installations nucléaires. Il adopte également des textes réglementaires techniques délégués, dans le champ de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Le collège rend publiques ses décisions et prises de position, et rend compte au Parlement. Il définit la stratégie et la doctrine de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il auditionne les exploitants et les organisations représentatives des responsables d'activité nucléaire, notamment dans le domaine médical.

Cet article permettra ainsi de prévoir, dans le règlement intérieur de la future autorité, comme c'est le cas aujourd'hui, le fait que l'organisation et la direction des services de l'ASNR relèvent de son directeur général, qui est chargé du pilotage, de la mise en oeuvre de la stratégie décidée par le collège et de la coordination de l'ensemble des services composant l'autorité.

Le présent article de loi ne vient pas modifier les Groupes permanents d'experts, constitués d'experts issus d'organismes de sûreté français et étrangers, d'industriels, d'universitaires et d'experts non institutionnels, qui apportent à l'autorité un éclairage indépendant en vue de sa prise de décision, permettant ainsi de confronter les points de vue en conformité avec la préconisation de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Par ailleurs, l'ASN et l'IRSN ont mis en place, au cours des dernières années, un processus reconnu de transparence et de participation du public. Le maintien d'un niveau équivalent d'informations mises à disposition du public est ainsi garanti pour l'ASNR, qui sera astreinte au même devoir de transparence qu'actuellement pour l'ASN, devoir qui avait été renforcé par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Il s'appliquera sur le champ plus large des compétences de l'ASNR, compte tenu de l'élargissement de ses missions, en particulier à ses missions d'expertise et de recherche.

A cet égard, la dernière section de l'article 2 précise que les processus d'organisation interne de l'ASNR détailleront la nature et les modalités de publication des informations en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, en fonction de la nature et des enjeux des sujets.

L'article 3 assure la continuité d'un certain nombre d'activités actuellement exercées par l'IRSN. Il prévoit ainsi que l'ASNR pourra continuer à exercer des activités nucléaires au titre du code de la santé publique, mais non comme exploitant d'installations nucléaires de base, au même titre que l'IRSN actuellement. Il précise par ailleurs que l'ASNR pourra poursuivre certaines activités spécifiques actuellement exercées par l'IRSN, telles que la formation, la certification, la gestion de bases de données, et percevoir pour ces activités des rémunérations pour services rendus. Il reprend à droit constant les dispositions concernant les salariés actuels de l'IRSN quant à l'accès, dans le cadre de certaines expertises en radioprotection, aux données à caractère personnel, voire aux données médicales. Il prévoit enfin que tous les ministères concernés, tels que ceux chargés de l'énergie, de l'environnement, de la santé, de la recherche ou encore du travail, pourront continuer à solliciter l'expertise de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et que celle-ci, réciproquement, pourra continuer à disposer de leurs appuis techniques.

En cohérence avec la volonté du Gouvernement de maintenir une recherche au plus haut niveau et avec l'article 1er, qui matérialise cette volonté en conférant à l'ASNR la mission de recherche dans les domaines de la sureté nucléaire et de la radioprotection, l'article 3 permet également à l'ASNR d'être reconnue comme un établissement exerçant des missions de recherche et de bénéficier de toutes les prérogatives attachées à ce statut, notamment pour pouvoir employer les différents profils de chercheurs, doctorants, chercheurs en mission et chercheurs étrangers. Il prévoit qu'elle réalise une veille dans le domaine de la recherche et qu'elle peut s'investir au niveau international dans ces domaines, comme dans le reste de ses domaines de compétence.

Afin de renforcer l'association du public et de renforcer les missions de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), créé par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire et dont les moyens seront renforcés par le Gouvernement en 2024, l'article 4 développe la transparence, en ce qu'il prévoit que l'ASNR présentera à ces instances les sujets sur lesquels une association du public sera organisée, ainsi que les principaux résultats des programmes de recherches qu'elle mène dans ses domaines de compétence. Ce renforcement de l'information du public sera complémentaire aux initiatives menées actuellement par l'ASN et l'IRSN, en lien avec l'ensemble les Commissions locales d'information prévues à l'article L. 125-17 du code de l'environnement, dont les moyens seront renforcés en 2024 par le Gouvernement, qui sont de précieux relais d'information et de concertation locale, et qui sont représentées au sein du HCTISN.

L'article 5 permet le transfert des biens, droits et obligations et la continuité du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il prévoit le transfert à l'ASNR, et donc à l'État, ainsi qu'au CEA, en tenant compte de la répartition des attributions prévue par le présent projet de loi, des biens, droits et obligations de l'IRSN, dont les dispositions législatives constitutives sont abrogées par le projet de loi. Afin d'assurer la continuité du cadre décisionnel du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et de le sécuriser juridiquement, il prévoit que les mandats des membres du collège de l'ASN ne sont pas interrompus du fait de l'entrée en vigueur de la présente loi.

L'article 6 donne la faculté à la future ASNR de maintenir une diversité de viviers de recrutement au moins équivalente à celle des viviers actuels (fonctionnaires, agents contractuels de droit public et salariés de droit privé) des agents de l'ASN et des salariés de l'IRSN.

Il pose le cadre des instances sociales de la future autorité, en prévoyant que le comité social d'administration soit compétent pour représenter l'ensemble du personnel de l'ASNR, y compris les salariés de droit privé. Il prévoit que ce comité comporte deux commissions spécialisées, pour les agents de droit public et les salariés de droit privé, ainsi qu'une formation spécialisée chargée des questions de santé, sécurité et conditions de travail. Les modalités de fonctionnement de ce comité social d'administration sui generis seront précisées par décret en Conseil d'État. Il prévoit l'institution de délégués syndicaux, qui pourront négocier et signer les accords collectifs concernant les salariés de droit privé, ainsi que la création possible de sections syndicales.

Le même article permet enfin à l'ASNR d'harmoniser, pour l'ensemble de ses agents et salariés, les versements de primes accessoires, telles que les primes d'astreinte et les remboursements de frais de mission.

En cohérence avec l'objectif premier de la réforme poursuivie, l'article 7 prévoit le transfert de tous les contrats de travails des personnels de l'IRSN au sein de l'ASNR, sans changement de situation, ainsi que le maintien des effets des accords collectifs, à l'exception des contrats de travail des salariés exerçant au sein de la DEND ou au profit des activités relatives à la fourniture et à l'exploitation de dosimètres à lecture différée.

Ces dernières activités seront respectivement transférées auprès du délégué à la radioprotection et à la sûreté nucléaire des activités de défense (DSND) et du CEA. L'ensemble des contrats de travail de ces salariés seront transférés au CEA sans autre modification. Les salariés de la DEND seront, dans le même temps et de manière concomitante, mis d'office à la disposition du ministre de la défense (DSND) pour y exercer leur mission, pour une durée de trois ans, renouvelable de plein droit à leur demande. À l'issue des trois années de mise à disposition, les salariés ne demandant pas le renouvellement de leur mise à disposition auprès du DSND seront affectés au CEA, dans un poste correspondant à leur qualification et sans perte de rémunération. Un décret en Conseil d'État précisera les modalités des transferts et mises à disposition ainsi que de l'appui technique apporté aux autorités de l'État compétentes.

L'article 8 prévoit que les salariés transférés à l'ASNR conserveront les effets des conventions et accords ainsi que des engagements unilatéraux applicables au sein de l'IRSN au 1er janvier 2025 jusqu'à l'entrée en vigueur des nouveaux accords et conventions qui leur seront substitués, ou à défaut jusqu'au 30 juin 2027. Ce délai se justifie par l'absence de corpus d'accords collectifs actuellement au sein de l'ASN, contrairement au CEA. Dans l'attente de la désignation des représentants du personnel de l'ASNR, l'ASNR et les délégués syndicaux de l'IRSN pourront engager ces négociations en vue d'adapter les stipulations des accords et des conventions actuelles ou en créer des nouvelles.

Ce même article prévoit que les salariés transférés au CEA se verront appliquer le régime de droit commun prévu par le code du travail pour le transfert des accords et conventions collectifs en cas de modification de la situation juridique de l'employeur (fusion, cession, scission ou changement d'activité de l'entreprise). À ce titre, les accords et conventions collectifs applicables à l'IRSN continueront de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de nouveaux accords ou conventions venant s'y substituer, ou à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis de trois mois prévu à l'article L. 2261-9 du code du travail, mentionné à l'article L. 2261-14 du code du travail, sauf négociation et adoption d'un accord de transition ou de substitution.

L'article 9 offre aux agents contractuels et salariés privés de la future autorité l'opportunité d'un concours réservé, afin de leur permettre d'accéder à des corps de fonctionnaire qui seront identifiés comme pertinents pour les missions de l'autorité. Cet article contribue donc à la fluidité des parcours professionnels et à un large éventail de choix de statut pour le personnel de l'ASNR.

L'article 10 prévoit, jusqu'à la proclamation des résultats de nouvelles élections professionnelles et au plus tard jusqu'au 31 mars 2026, une représentation sociale transitoire reposant sur le comité social d'administration de l'actuelle l'ASN, et le comité social d'entreprise de l'IRSN et les délégués syndicaux de l'institut, afin de garantir la continuité de la représentation sociale de la future autorité.

Au regard du niveau relativement faible des rémunérations existantes à la date de rédaction du présent projet de loi sur certains métiers en tension dans la filière nucléaire entre l'IRSN et le reste de la filière, l'article 11 prévoit que l'IRSN et l'ASN consacrent respectivement 15 M€ et 0,7 M€ à l'augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024, afin d'engager un rééquilibrage dès 2024. En parallèle de ces dispositions, le Gouvernement porte une réflexion visant à accroitre les enjeux d'attractivité pour les fonctionnaires de la future autorité, en veillant à maintenir un nécessaire équilibre, pour chacun des corps de rattachement, entre les différentes affectations.

Cet article prévoit plus généralement que l'ASNR fasse part au Gouvernement et au Parlement de ses besoins en termes de ressources humaines pour assumer la charge de travail induite par la relance du programme nucléaire dans les 5 années qui viennent. Cet article prévoit également, d'ici le 1er juillet 2024 et dans la perspective des travaux futurs relatifs au projet de loi de finances pour 2025, un exercice de programmation des ressources humaines nécessaires à plus court terme.

L'article 12 prévoit de modifier le positionnement du haut-commissaire à l'énergie atomique en vue de son rattachement à la Première ministre, afin de renforcer son implication dans la coordination de la politique nucléaire. Il poursuivra également ses actions de conseil et d'expertise en matière d'énergie nucléaire.

L'article 13 est un article de coordination. Il précise notamment que la recherche réalisée par l'ASNR sera bien soumise aux évaluations du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.

L'article 14 réalise la mise en cohérence de toutes les références à l'ASN et l'IRSN. Il désigne les commissions compétentes du Parlement pour désigner le Président de la future Autorité.

L'article 15, prévoit que l'ensemble des articles précités entrent en vigueur au 1er janvier 2025, à l'exception des mesures de l'article 11 correspondant aux mesures salariales à engager dès 2024 et au rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement, d'ici au 1er juillet 2024, sur la programmation des ressources humaines nécessaires pour que l'ASNR puisse faire face à la croissance de ses activités dans les années à venir, ainsi que de l'article 12 sur le positionnement du haut-commissaire à l'énergie atomique.

Le chapitre titre II du présent projet de loi a pour objet de permettre aux maîtres d'ouvrages de projets nucléaires, en particulier EDF pour les projets qu'elle porte et qui ont fait l'objet d'un premier débat public du 27 octobre 2022 au 27 février 2023, de passer leurs marchés selon des modalités plus adaptées à leurs contraintes industrielles.

EDF est en effet soumise au régime juridique des entités adjudicatrices et doit, pour ses achats, se conformer aux dispositions du code de la commande publique. Or ces dispositions ne sont pas toujours compatibles avec la complexité des projets de construction de nouvelles installations nucléaires et les enjeux industriels qu'ils induisent. C'est la raison pour laquelle EDF, lors du débat public, a exprimé le souhait de se réapproprier les pratiques qui avaient fait le succès du parc nucléaire historique, construit à une époque où ni le droit européen ni le droit national n'imposaient le recours aux procédures de marchés publics. Le CEA et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) rencontrent des problématiques de même nature pour leurs grands projets.

L'article 16 autorise les acheteurs publics à déroger à l'obligation d'allotir pour les projets nucléaires concernés par la loi d'accélération du 22 juin 2023, certains projets d'installations destinées à la recherche nucléaire ou à la gestion des déchets radioactifs ou des combustibles usés, ainsi que les projets de démantèlement de certaines installations. Cette dérogation permettra de faciliter la bonne réalisation de ces projets majeurs, particulièrement exposés aux risques de dérives de calendrier et de coût qui peuvent résulter de l'allotissement.

L'article 17 sécurise la possibilité de recourir à la dérogation prévue par les textes nationaux et européens relative à la durée des accords-cadres dans le cas spécifique des projets mentionnés à l'article 16. Cette disposition est nécessaire pour permettre la conclusion de contrats d'une durée correspondant à celle du projet ou du programme quand il s'étale sur une durée plus longue.

Le chapitre II du titre II du projet de loi vise à renforcer la protection des intérêts essentiels de la Nation afin de tenir compte de l'évolution du contexte international.

L'article 18 tire les conséquences d'évolutions récentes de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur les contrats qui peuvent être exclus du champ d'application du droit de la commande publique pour préserver les intérêts essentiels de la Nation. Il permettra d'en exclure les contrats portant sur la partie la plus sensible des installations, sans que cela n'interdise aux acheteurs d'organiser une mise en concurrence lorsque cela reste compatible avec la protection des intérêts essentiels de la Nation. Ce dispositif renforcera le niveau de protection actuelle tout en conservant les bénéfices de l'ouverture des marchés à nos partenaires, notamment européens.

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