EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi ratifie l'ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte.
Les articles 236 à 250 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience, donnent aux territoires littoraux un cadre et des leviers pour adapter leur politique d'aménagement à l'érosion du trait de côte.
Le recul du trait de côte impose en effet la recomposition des territoires concernés et notamment la relocalisation progressive de l'habitat et des activités affectés par l'érosion. Pour ce faire, il est nécessaire de mobiliser et de renforcer les outils d'aménagement et d'intervention foncière. Il s'agit notamment de faciliter la maîtrise foncière des terrains directement exposés au retrait du trait de côte par des collectivités ou d'autres acteurs publics ou parapublics, capables d'accompagner la recomposition des secteurs menacés et de conduire des opérations d'ensemble en associant étroitement les collectivités territoriales et leurs groupements concernés. A cet effet, l'article 248 de la loi climat et résilience a autorisé le Gouvernement à prendre des mesures complémentaires par voie d'ordonnance.
L'ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, prise sur ce fondement, a été publiée au Journal officiel de la République française le 7 avril 2022.
Le présent projet de loi comporte un article unique de ratification de cette ordonnance qui permet de :
- sécuriser, encadrer et mobiliser pleinement les outils de maîtrise foncière publique en définissant une méthode d'évaluation à privilégier pour les biens les plus exposés, à horizon de trente ans, qui s'appliquera dans le cadre de la procédure du nouveau droit de préemption pour l'adaptation des territoires au recul du trait de côte (article 1 er ) mais également à l'occasion de la détermination des indemnités en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique (article 2). La valeur d'un bien immobilier sera en priorité déterminée par comparaison, au regard des références locales entre biens de même qualification et situés dans la même zone d'exposition à l'érosion (zéro à trente ans). A défaut de pouvoir disposer de telles références, une décote proportionnelle à la durée de vie résiduelle estimée pourra être appliquée à la valeur du bien estimée hors zone d'exposition au recul du trait de côte ;
- prévoir des mesures de coordination et d'articulation avec des mécanismes propres à la situation de certains secteurs littoraux, que ce soit pour les biens faisant l'objet d'une démarche de régularisation dans les espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques (article 8) ou pour les biens potentiellement exposés à un risque naturel majeur et pouvant prétendre le cas échéant aux mécanismes d'indemnisation du fonds Barnier (article 3) ;
- apporter des précisions essentielles permettent de consolider le cadre du droit de préemption créé par la loi climat et résilience, notamment s'agissant des conséquences à tirer en cas d'annulation de la décision de préemption ou encore s'agissant du maintien, le cas échéant, du droit de préemption sur les fonds commerciaux ou artisanaux sur les mêmes secteurs lorsqu'il est instauré (article 1 er ) ;
- compléter le dispositif des réserves foncières prévu au code de l'urbanisme, en indiquant explicitement qu'il peut être mobilisé pour prévenir les conséquences du recul du trait de côte (article 4) ;
- créer un nouveau bail réel de longue durée, adapté à l'adaptation à l'érosion du littoral, par lequel un bailleur consent à un preneur des droits réels en contrepartie d'une redevance foncière, en vue d'occuper ou de louer, d'exploiter, d'aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages et bâtiments (article 5). Ce bail dit d'adaptation à l'érosion côtière (BRAEC) pourra être conclu dans les zones exposées au recul du trait de côte, pour une durée entre 12 et 99 ans, déterminée au regard des échéances de l'opération d'aménagement si elles sont connues, et surtout de l'espérance de durée de vie du terrain d'assiette, compte tenu des évolutions prévisibles du trait de côte. Cet outil comprend un mécanisme de résiliation anticipée, en fonction de l'évolution de l'érosion et déclenché par une décision d'une autorité publique compétente, pour faire cesser notamment la mise à disposition des biens concernés si la sécurité des personnes et des biens ne peut plus être assurée. Afin de prendre en compte les conditions d'acquisition du bien et de pouvoir financer les opérations de renaturation à terme, qui reviennent en principe au bailleur, le preneur s'acquitte d'un prix à la signature du bail et le cas échéant d'une redevance pendant sa durée. A l'instar des autres baux réels de longue durée existants, ce bail sera cessible. Cependant, pour assurer la réalisation de l'objectif d'aménagement durable de ces territoires face au recul du trait de côte, et compte tenu des conditions d'acquisition et de mise à disposition des biens concernés, il est prévu un encadrement des prix de cession. Un tel mécanisme permet de prévenir des situations dans lesquelles les droits réels seraient cédés à une valeur disproportionnée au regard de la durée résiduelle de vie du bien ;
- prévoir une mesure d'articulation entre le BREAC et l'obligation de démolition pour les nouvelles constructions situés en zone dite « 30-100 ans » (article 6) ;
- lever le cas échéant certains obstacles liés à l'application de la loi littoral pour faciliter la mise en oeuvre des opérations de relocalisation des installations et constructions menacées par le phénomène d'érosion (article 7). L'ordonnance ouvre la possibilité aux communes incluses dans le régime spécifique au recul du trait de côte créé par la loi climat et résilience et engagées dans une démarche de projet partenarial d'aménagement (PPA) de déroger à titre subsidiaire à certaines règles, notamment à l'obligation de construire en continuité de l'urbanisation existante, lorsque ces dispositions empêchent la mise en oeuvre d'une opération de relocalisation de biens ou d'activités menacés dans des espaces plus éloignés du rivage, moins soumis à l'aléa du recul du trait de côte. Ces possibilités de dérogations sont strictement encadrées et limitées ;
- clarifier le régime juridique applicable dans les espaces non urbanisés de la zone dite « 0-30 ans » des communes d'outre-mer exposées au recul du trait de côte (article 9).
L'article 248 de la loi climat résilience précitée prévoit qu'un « projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement au plus tard trois mois à compter de la publication de l'ordonnance ».