RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère de l'Europe

et des affaires étrangères

     
     
   

TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION

DU CONSEIL DES MINISTRES

Projet de loi

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République de Chypre sur la coopération lors des opérations d'évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République

de Chypre dans le cadre d'une situation de crise

NOR : EAEJ2325154L/Bleue-1

ÉTUDE D'IMPACT

I. Situation de référence

La conclusion de l'accord sur la coopération lors des opérations d'évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre dans le cadre d'une situation de crise s'inscrit dans le cadre du renforcement de la coopération bilatérale dans les domaines politique, de défense et de sécurité.

La coopération en matière d'évacuation prévue par cet accord entre la France et Chypre illustre la bonne relation existante entre les deux pays dans le domaine de la défense. L'accord de coopération en matière de défense, signé en avril 2017, est entré en vigueur en août 20201(*). Chypre apporte son appui aux armées françaises en Méditerranée orientale, avec une quinzaine d'escales de bâtiments militaires et de multiples escales aériennes chaque année. La marine française effectue aussi des exercices réguliers avec la marine chypriote, parfois conjointement avec d'autres marines européennes, notamment dans le cadre du format quadripartite de coordination des présences maritimes en Méditerranée orientale avec l'Italie, la Grèce et Chypre, concrétisé par les exercices annuels EUNOMIA. La France fait partie des principaux fournisseurs d'armement de Chypre.

Dans ce contexte, la position géographique de la République de Chypre, située à l'extrémité sud-est de l'Union européenne et aux portes du Moyen-Orient, présente un point d'appui important en cas de besoin de mener des opérations d'évacuation rapide depuis une zone où vivent de nombreux ressortissants français.

II. Historique des négociations

Les négociations portant sur un projet d'accord sur la coopération entre les deux États lors des opérations d'évacuation de ressortissants (REVESAC) - à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre dans le cadre d'une situation de crise - ont été lancées en 2013, à la demande de la Partie française. Un projet d'arrangement technique relatif à l'utilisation, par les forces françaises, d'équipements et services chypriotes avait été élaboré en 2013, puis orienté vers le soutien apporté lors d'opérations d'évacuation ou de transits passant par Chypre. Eu égard à la nature des stipulations contenues dans la contreproposition chypriote reçue en 2014, lesquelles excédaient le champ de compétence du ministre de la défense, il est apparu nécessaire de transformer cet arrangement technique en accord intergouvernemental.

Après plusieurs années de travaux et d'échanges, l'accord entre les deux Parties a été signé le 9 septembre 2022 à Paris par la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Mme Catherine COLONNA, côté français, et le ministre des Affaires étrangères, M. Ioannis KASOULIDES côté chypriote. Les délais observés pour la négociation de ce texte s'expliquent d'une part par la nécessité de concilier des systèmes juridiques de tradition différente (civiliste vs. common law) et par la pandémie liée au Covid-19 qui a eu pour effet un ralentissement des échanges entre les Parties.

III. Objectifs de l'accord

Renforçant le niveau de la coopération bilatérale entre les deux pays, cet accord permettra aux forces armées françaises de bénéficier d'un cadre juridique solide dans l'hypothèse d'un déploiement d'une opération d'évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre. Le présent accord détermine notamment les conditions préalables dans lesquelles l'autorisation d'utiliser le territoire chypriote est accordée, un certain nombre de facilités au bénéfice des forces françaises (droit d'utilisation de véhicules, navires et aéronefs, liberté de mouvement, mise à disposition d'infrastructures, port d'armes) et le statut des forces françaises participant aux opérations dites RESEVAC (clause de partage de juridiction, soutien médical).

IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord

Cet accord entraîne des conséquences financières (a.) et juridiques (b.).

a. Conséquences financières

Il s'agit, pour l'essentiel, d'encadrer le déploiement de personnels militaires français qui se rendent pour de courtes périodes sur le territoire de l'État chypriote. Cet accord n'a pas vocation à encadrer des opérations de longue durée. C'est la raison pour laquelle il n'a pas été prévu de régime pour les personnes à charge ni de dispositions fiscales.

L'accord prévoit l'importation en exonération totale de droits et taxes des biens et approvisionnements destinés à l'usage exclusif des forces françaises présentes sur le territoire chypriote.

Par ailleurs, l'accord prévoit que le gouvernement de la République de Chypre fournisse un soutien logistique aux forces armées françaises à titre gratuit, tel que l'utilisation d'infrastructures publiques et d'espaces publics nécessaires à l'accueil du personnel français et des évacués, ainsi que les services de base nécessaires à ces infrastructures : eau, sanitaires, installations, électricité, moyens de communication (article 7.1). Les autorités chypriotes fournissent tout autre service d'assistance logistique et de soutien, sur demande écrite française et après une réponse écrite positive de leur part par échange de notes verbales, lorsque ces services sont disponibles et contre remboursement par la France (article 7.2).

En outre, les actes médicaux courants, les soins liés à une évacuation d'urgence et l'évacuation de l'ensemble du personnel français et des évacués sont à la charge de la France et organisés dans un espace de travail fourni gracieusement par Chypre (article 9). Les actes médicaux de niveau supérieur sont fournis par les autorités chypriotes sur la base d'un principe de remboursement des frais engendrés par ces actes, sur présentation d'une attestation de traitement (article 9).

b. Conséquences juridiques 

L'accord définit le cadre juridique de la présence des membres du personnel français sur le territoire chypriote en cas d'opération d'évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre dans le cadre d'une situation de crise.

· Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes

Les stipulations de l'accord sont pleinement compatibles avec les engagements de la France dans le cadre des Nations unies (articles 2 et 51 de la Charte des Nations unies)2(*) et de l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (OTAN) 3(*). La Charte des Nations unies garantit l'égalité souveraine des États et l'absence d'ingérence de l'Organisation dans les affaires relevant de la compétence nationale des États.

Conformément aux stipulations classiques des accords de coopération dans le domaine de la défense, eux-mêmes inspirés des clauses du SOFA OTAN4(*), les autorités compétentes de la Partie d'envoi, soit la France, exercent par priorité leur compétence juridictionnelle en cas d'infractions résultant de tout acte ou négligence d'un membre du personnel accompli dans l'exercice de ses fonctions officielles. Il en est de même s'agissant des cas où l'infraction porte uniquement atteinte à la sécurité ou aux biens de la Partie d'envoi, ou lorsqu'elle porte uniquement atteinte à la personne ou aux biens d'un autre membre du personnel français. Dans tous les autres cas, la Partie d'accueil, soit Chypre, exerce par priorité sa compétence juridictionnelle. L'État qui a le droit d'exercer par priorité sa compétence peut y renoncer et notifie alors immédiatement cette décision aux autorités compétentes de l'autre États (article 12).

Parallèlement, la République de Chypre étant membre du Conseil de l'Europe et pays signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)5(*), tout membre du personnel français bénéficie des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH)6(*) et du PIDCP. Parmi celles-ci figurent notamment pour toute personne le droit à être jugé dans un délai raisonnable, à être représenté ou assisté par un avocat, à communiquer avec un représentant du gouvernement de la Partie d'envoi, et lorsque les règles de procédure le permettent, à la présence de ce représentant aux débats. Parmi ces garanties, figurent également le droit à être informé, avant l'audience des accusations portées contre cette personne, à être confronté avec les témoins à charge, à ne pas être poursuivi pour tout acte ou négligence qui ne constitue pas une infraction à la législation de la Partie d'accueil au moment où cet acte ou négligence a été commis.

· Articulation avec le droit européen

Les stipulations de l'accord sont pleinement compatibles avec les engagements de la France dans le cadre de l'Union européenne. L'accord prévoit l'importation en exonération de droits de douanes et taxes pour les biens et approvisionnements nécessaires aux forces françaises en cas d'opération d'évacuation via le territoire chypriote (article 8). Cet article est conforme au droit de l'Union européenne, et en particulier à l'article 131, paragraphe 1, du règlement relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières7(*) qui prévoit que, jusqu'à l'établissement de dispositions communautaires dans le domaine considéré, les États membres peuvent octroyer des franchises particulières aux forces armées stationnées sur leur territoire en application d'accords internationaux.

S'agissant des transferts de données à caractère personnel en application de l'article 2 paragraphe 2.e) de l'accord, ceux-ci sont appelés à s'inscrire dans le cadre des dispositions du Règlement 2016/679, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD8(*)), notamment l'article 46. Dans la mesure où la France et Chypre sont des États membres de l'Union européenne, la protection des données est encadrée par le RGPD. Dès lors, les transferts de données personnelles entre ces États ne nécessitent pas d'encadrement par des outils de transfert spécifiques.

· Articulation avec le droit interne 

L'article 2 de l'accord précise que « le présent Accord définit les conditions générales et les responsabilités applicables aux Opérations d'évacuation depuis le Moyen-Orient via le territoire de la Partie d'accueil durant le Transit ». Ainsi, le champ d'application de l'accord est limité au territoire chypriote.

L'entrée en vigueur de l'accord ne nécessite aucune modification du droit interne.

V. État des signatures et ratifications

L'accord a été signé à Paris le 9 septembre 2022 par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Mme Catherine COLONNA, côté français et par le ministre des affaires étrangères, M. Ioannis KASOULIDES, côté chypriote. Il est conclu pour une durée de trois ans renouvelables par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de même durée.

Par note verbale du 12 juin 2024, les autorités chypriotes ont notifié l'accomplissement de leurs procédures nationales requises, avec la publication de l'accord au Journal officiel chypriote le 19 avril 2024.

Conformément à l'article 15 point 1., l'accord entrera en vigueur à la date de la dernière notification écrite par laquelle la France informera de l'accomplissement de ses procédures internes tendant à la ratification de l'accord.


* 1 Accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre, signé le 4 avril 2017

* 2 Charte des Nations unies et Décret n° 46-35 du 4 janvier 1946 portant promulgation de la Charte des Nations unies.

* 3 Traité de l'Atlantique Nord et Décret n° 49-1271 du 4 septembre 1949 portant publication du traité de l'Atlantique Nord.

* 4 Convention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces du 19 juin 1951 et Décret n°52-1170 du 21 octobre 1952 portant publication de la Convention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces.

* 5 Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 portant publication du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

* 6 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 1952 et Décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

* 7 Règlement n° 1186/2009 du 16 novembre 2009 relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières.

* 8 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

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