TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
ETUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI
ratifiant l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues
et portant diverses mesures
NOR : JUSK2427854L/Bleue-1
27 décembre 2022
Tableau synoptique des consultations 8
Tableau synoptique des mesures d'application 11
Article 1er : ratification de l'ordonnance relative aux droits sociaux des personnes détenues 12
Article n° 3 : Mise à la retraite d'office 82
Article n° 4: Contrat d'implantation 87
INTRODUCTION GENERALE
Cette étude d'impact, prévue par l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, est jointe au projet de loi ratifiant l' ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues et prise en application de l'article 22 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. L'article 22 a habilité le gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de dix mois aux fins :
« 1° D'ouvrir ou de faciliter l'ouverture des droits sociaux aux personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion :
a) En prévoyant l'application d'une assiette minimale de cotisations pour l'acquisition de droits à l'assurance vieillesse pour les personnes travaillant sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire ;
b) En prévoyant l'affiliation des personnes travaillant sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire au régime de retraite complémentaire mentionné à l'article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale ;
c) En permettant aux personnes travaillant sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire de bénéficier, à l'issue de leur détention, de droits à l'assurance chômage au titre du travail effectué en détention :
- en adaptant le régime de l'assurance chômage aux spécificités de la situation de ces personnes ;
- en prévoyant les modalités de financement de l'allocation d'assurance chômage ;
- en adaptant la période de déchéance des droits à l'assurance chômage afin de prolonger les droits constitués au titre d'un travail effectué avant la détention ;
d) En permettant l'ouverture des droits aux prestations en espèces, en prenant en compte les périodes travaillées sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire ou le statut de stagiaire de la formation professionnelle et les périodes d'activité antérieures à la détention pour le respect des conditions d'ouverture de droits ainsi que pour l'application des règles de maintien des droits et de coordination entre régimes et de calcul des prestations, pour les prestations :
- de l'assurance maternité prévues aux articles L. 331-3 à L. 331-6 du code de la sécurité sociale, en déterminant les modalités de versement des indemnités journalières en cas de difficulté médicale liée à la grossesse ;
- de l'assurance invalidité et de l'assurance décès, notamment en adaptant la procédure d'attribution de la pension d'invalidité ;
- de l'assurance maladie, à l'issue de la détention ;
e) En permettant l'ouverture d'un droit au versement d'indemnités journalières pendant la détention au titre du régime d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle survenus soit dans le cadre du contrat d'emploi pénitentiaire, soit dans le cadre d'une formation professionnelle, soit lors de périodes d'activité antérieures à la détention, en définissant les règles de coordination entre régimes et les règles de calcul des prestations ;
f) En prévoyant les modalités d'affiliation des détenus stagiaires de la formation professionnelle continue au régime d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès ainsi que les modalités d'affiliation et les règles de calcul des prestations au titre du régime d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles ;
2° De favoriser l'accès des femmes détenues aux activités en détention, en généralisant la mixité de ces activités, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité ;
3° De lutter contre les discriminations et le harcèlement au travail en milieu carcéral, en permettant :
a) De prévenir, poursuivre et condamner, à l'occasion du travail en détention, les différences de traitement qui ne seraient pas justifiées par des objectifs légitimes et ne répondraient pas à des exigences proportionnées ;
b) De prévenir, poursuivre et condamner des mesures et des comportements de harcèlement moral ou sexuel à l'occasion du travail en détention ;
4° De favoriser l'accès à la formation professionnelle à la sortie de détention et de valoriser les activités bénévoles auxquelles les personnes détenues participent en détention, en permettant :
a) D'ouvrir en détention un compte personnel d'activité prévu à l'article L. 5151-1 du code du travail pour les personnes détenues susceptibles de bénéficier de l'un des comptes qu'il comprend, à l'exception du compte professionnel de prévention prévu à l'article L. 4163-4 du même code ;
b) D'ouvrir et d'alimenter le compte personnel de formation prévu à l'article L. 6323-1 dudit code pour les personnes travaillant sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire, y compris en prévoyant un dispositif spécifique de financement et d'alimentation de ce compte et en permettant de mobiliser des droits acquis sur ce compte à la sortie de détention ;
c) D'organiser l'ouverture du compte d'engagement citoyen prévu à l'article L. 5151-7 du même code pour les personnes détenues et d'en fixer les modalités d'abondement ;
d) De créer une réserve civique thématique prévue à l'article 1er de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, selon les modalités prévues au même article 1er ;
5° De déterminer les personnes et services ayant pour mission de prévenir toute altération de la santé des détenus du fait de leur travail en détention ainsi que les règles relatives à l'intervention de ces personnes et services, y compris celles relatives à l'évaluation de l'aptitude des personnes détenues et au suivi de leur état de santé ;
6° De confier aux agents de contrôle de l'inspection du travail des prérogatives et des moyens d'intervention au sein des établissements pénitentiaires afin de veiller à l'application des dispositions régissant le travail en détention ;
7° De permettre l'implantation dans les locaux de l'administration pénitentiaire d'établissements et services d'aide par le travail en détention, selon des modalités adaptées aux spécificités de la détention ;
8° De prévoir des modalités de réservation de marchés ou de concessions relevant du code de la commande publique au bénéfice des opérateurs économiques employant des personnes sous le régime d'un contrat d'emploi pénitentiaire, au titre des activités qu'ils réalisent dans ce cadre ;
9° Le cas échéant, d'étendre et d'adapter aux collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution les mesures prises sur le fondement des 1° à 8° ».
L'article 1er du présent projet de loi ratifie l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues. Celle-ci épuise l'intégralité de l'habilitation prévue à l'article 22 de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire.
L'article 2 dispose que pour les règles de santé et de sécurité pour les travaux effectués par les personnes détenues dans les établissements pénitentiaires, sur leur domaine ou à leurs abords immédiats, les adaptations rendues indispensables par les spécificités du milieu carcéral sont déterminées par décret pris en Conseil d'Etat.
L'article 3 du présent projet de loi crée un mécanisme de mise à la retraite d'office pour les personnes ayant atteint l'âge de la retraite. Cette disposition, si elle n'entrait pas dans le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance relative à l'assurance retraite, participe du même mouvement de normalisation du fonctionnement du travail pénitentiaire. Le vieillissement de la population carcérale (les plus de 60 ans représentaient moins de 1% en 1981 contre 3,6% en 2020 et 4,3% en 2021), conduit en effet de plus en plus souvent les établissements à être confrontés à des personnes détenues ayant atteint l'âge de la retraite et exerçant des métiers parfois très physiques qui refusent d'arrêter de travailler. Ce refus était en partie lié à la problématique de validation des trimestres de retraite au titre du travail effectué en détention que vient de résoudre la présente ordonnance mais ces dispositions n'étant pas rétroactives, l'impact sur les prestations chômages versées ne sera visible pour les personnes détenues que dans plusieurs années. Dans ce contexte, et pour protéger la santé des personnes détenues les plus âgées, cette disposition législative apparait indispensable.
L'article 4 corrige une erreur matérielle de l'article 15 de l'ordonnance relative aux droits sociaux des personnes détenues qui prévoyait une possibilité de sanction du donneur d'ordre envers une personne détenue ayant commis des actes de harcèlements analogue à celle prévue par le code du travail. Or, la compétence disciplinaire est, en matière de droit du travail pénitentiaire, une compétence réservée du chef d'établissement pénitentiaire. L'article 3 de la présente loi de ratification vise donc à supprimer cette possibilité de sanction.
L'article 4 crée également une section 8 relative au contrat d'implantation afin de donner une existence législative au support contractuel d'implantation au sein des établissements pénitentiaires des entreprises, de structures d'insertion par l'activité économique, d'entreprise adaptée ou d'établissement et service d'aide par le travail. En conséquence, l'article 6 du projet de loi prévoit, pour le 1er mai 2023, la caducité des contrats de concession et des contrats d'implantation signés avant le 1er mai 2022, soit avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1729 pour la confiance dans l'institution judiciaire et du décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire.
Par ailleurs, l'article 5 traite enfin de l'applicabilité outre-mer des dispositions relatives à la mise à la retraite et au contrat d'implantation. Si les premières ne sont pas rendues applicables aux collectivités d'outre-mer compte tenu de leur compétence propre en matière de sécurité sociale, les secondes sont rendues applicables sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultra-marin afin, là encore, d'assurer l'uniformisation des supports contractuels entre l'administration pénitentiaire et ses partenaires économiques.
La présente étude d'impact porte à la fois sur les dispositions créées par l'ordonnance et sur les dispositions prévues par le projet de loi de ratification.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS
Article |
Objet de l'article |
Consultations obligatoires |
Consultations facultatives |
1er |
Ratification de l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues |
Le projet d'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 avait fait l'objet des consultations suivantes : Comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation ; Comité technique de l'administration pénitentiaire; Comité technique du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion ; Conseil de la caisse nationale d'assurance maladie; Conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse; Conseil d'orientation des conditions de travail; Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle ; Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles; Haut conseil de la vie associative; Agence centrale des organismes de sécurité sociale; Conseil départemental de Mayotte Conseil territorial de saint pierre et Miquelon |
Le Conseil national consultatif des personnes handicapées. |
2 |
Mise à la retraite d'office |
Le projet d'ordonnance qui contenait les dispositions relatives à la mise à la retraite d'office avait été soumis aux instances suivantes : Comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation ; Comité technique de l'administration pénitentiaire; Comité technique du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion ; Conseil de la caisse nationale d'assurance maladie; Conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse; Conseil d'orientation des conditions de travail; Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle ; Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles; Haut conseil de la vie associative; Agence centrale des organismes de sécurité sociale; Conseil départemental de Mayotte Conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon |
Comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation Comité technique de l'administration pénitentiaire |
3 |
Contrat d'implantation |
||
4 |
Applicabilité outre-mer des dispositions relatives à la mise à la retraite et au contrat d'implantation |
Conseil départemental de Mayotte |
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION
Article |
Objet de l'article |
Textes d'application |
Administration compétente |
1er |
Ratification de l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues |
Décrets en Conseil d'Etat Décrets simples Circulaires |
ATIGIP/DSS/DGT/DGEFP/DGCS/DJEPVA/DGOS/DGOM |
2 |
Mise à la retraite d'office |
Décret en Conseil d'Etat |
ATIGIP/DGT |
3 |
Contrat d'implantation |
||
4 |
Applicabilité outre-mer des dispositions relatives à la mise à la retraite et au contrat d'implantation |
Décrets en Conseil d'Etat |
ATIGIP/DGT/DGOM |
Article 1er : Ratification de l'ordonnance relative aux droits sociaux des personnes détenues
CHAPITRE IER DE L'ORDONNANCE N° 2022-1336 DU 19 OCTOBRE 2022 - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SÉCURITÉ SOCIALE
Articles n° 1 à 6 de l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 : affilier les personnes détenues au régime général et ouvrir de nouveaux droits sociaux utiles à la réinsertion
Le livre III du code de la sécurité sociale comprenait un titre VIII : « Dispositions relatives à certaines catégories de personnes rattachées au régime général », chapitre Ier : « Personnes rattachées au régime général pour certains risques ou charges », section 9 : « Personnes écrouées et retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sureté. ». Au sein de cette section, est prévue l'affiliation de l'ensemble des personnes écrouées ou retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sureté au régime général de la sécurité sociale pour l'assurance maladie, maternité et l'assurance vieillesse (articles L. 381-30 à L. 381-31-1).
Les dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, qui ne concernent que les personnes détenues exerçant un travail, sont inscrites à l'article L. 412-8 et à l'article L. 433-4, au sein titre Ier du chapitre 2 du livre IV.
Dans un souci de lisibilité et d'intelligibilité du droit, un travail de recodification des dispositions législatives préexistantes du code de la sécurité sociale a été réalisé. Par conséquent, la présente ordonnance abroge la sous-section 2 de la section 9 du chapitre 1er du titre VIII du Livre III et créé une distinction nouvelle au sein d'une section 4 chapitre 2 du titre VIII du livre III du code de la sécurité sociale :
? Sous-section 1 : « Dispositions applicables aux personnes écrouées ou retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sureté » qui prévoit l'affiliation de toutes les personnes détenues au régime général de la sécurité sociale et la prise en charge de leurs frais de santé (articles L. 382-33 à L. 382-37). Cette sous-section re-codifie à droit constant les dispositions antérieurement prévues aux articles L. 381-30 à L. 381-30-6 du même code ;
? Sous-section 2 : « Dispositions applicables aux personnes détenues effectuant une activité de travail dans le cadre d'un contrat d'emploi pénitentiaire ou suivant un stage de formation professionnelle » qui prévoit les modalités de cotisations et de prestations pour les assurances accidents du travail et maladies professionnelles, assurance vieillesse et retraite complémentaire s'agissant des personnes détenues qui travaillent ou sont stagiaire de la formation professionnelle.
1. Assurance vieillesse
ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
L'accès aux droits sociaux tels qu'ils sont conçus en droit commun est actuellement très limité dans le cadre du travail pénitentiaire. Les personnes détenues sont affiliées au régime général de la sécurité sociale1(*) et, ce titre, cotisent à l'assurance vieillesse et bénéficient des prestations liées (article L. 412-25 du code pénitentiaire). Pour autant, les personnes détenues exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire en production ne parviennent pas à valider des trimestres de retraite (150 heures SMIC par trimestre, soit environ 1 545 euros en 2021), contrairement à ceux au service général qui exercent dans le cadre d'un forfait horaire journalier :
? Au service général, malgré une rémunération plus faible qu'en production (252 euros par mois en moyenne), les personnes détenues cotisent sur une assiette forfaitaire de 67 heures SMIC par mois, soit 201 heures par trimestre, leur permettant de valider leurs trimestres de retraite ;
? En production, les personnes détenues cotisent sur leur assiette réelle (303 euros par mois en moyenne), ce qui ne leur permet pas de valider leurs trimestres de retraite.
Les personnes détenues exerçant un travail ne sont pas affiliées à la retraite complémentaire.
CADRE CONSTITUTIONNEL
Dans une décision de 20152(*), le Conseil constitutionnel indique qu'en « subordonnant à un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements et en renvoyant à cet acte d'engagement le soin d'énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif, les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les droits et libertés énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention ; que par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes les droits et libertés qui découlent des cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté ». La création d'un bloc de compétence au profit du juge administratif prévue dans le code pénitentiaire (article R. 315-2) ne peut donc que concourir au renforcement de la protection judiciaire des droits garantis aux travailleurs détenus, cette protection étant nécessaire à la compatibilité de ces dispositions avec la Constitution.
Par ailleurs, à travers deux décisions3(*), le Conseil a rappelé « qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ». Il a ainsi laissé la porte ouverte à de futures évolutions législatives. Cette ordonnance s'inscrit dans cette dynamique normative.
Enfin, le Préambule de la Constitution de 1946 dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
CADRE CONVENTIONNEL
Les règles pénitentiaires européennes précisent (Règle 26.17) que « les détenus exerçant un travail doivent, dans la mesure du possible, être affiliés au régime national de sécurité sociale. ». Cette règle sous-tend que les règles d'affiliation aux systèmes nationaux de sécurité sociale doivent être alignées sur celles dont bénéficient les salariés à l'extérieur de la prison.
ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
En Italie, les personnes détenues sont affiliées au régime général de la sécurité sociale selon les modalités de droit commun.
En Angleterre, les personnes détenues sont également affiliées au régime général de la sécurité sociale et cotisent à l'assurance vieillesse. La protection sociale est prise en charge par les services pénitentiaires. Elle est complétée par les services de sécurité sociale, l'inspection du travail et les hôpitaux du National Health Service.
En Espagne, les personnes détenues exerçant un travail sont affiliées au régime général de la sécurité sociale. Elles bénéficient de la protection retraite. Les cotisations salariales sont prises en charge par L'Organismo autónomo trabajo penitenciario y formación para el empleo.
En Pologne, les personnes détenues cotisent également à l'assurance vieillesse.
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les personnes détenues exerçant un travail en production sont prélevées de cotisations patronales et salariales au taux de droit commun4(*). Ces cotisations, appliquées sur une rémunération moyenne de 303 euros par mois, pour 17 heures hebdomadaires travaillées, ne leur permettent pas un droit effectif à l'assurance vieillesse. Les personnes détenues travaillant aux ateliers valident en effet en moyenne un trimestre de retraite pour cinq mois travaillés.
Les personnes détenues exerçant un travail au service général sont quant à elles soumises à une assiette forfaitaire basée sur un volume horaire de 67 heures (environ 33% de l'assiette de droit commun fixée auparavant à 200 heures), alors même que l'assiette en droit commun a été ramenée à 150 heures par une loi n° 2014-40 du 20 janvier 20145(*). Cette assiette leur permet par conséquent de valider un trimestre de retraite pour trois mois travaillés.
Par conséquent, seules les personnes détenues exerçant un travail au service général disposent de droits effectifs à l'assurance vieillesse, le système appliqué ayant en outre conduit à une sur-cotisation de l'administration pénitentiaire depuis 2014.
Enfin, les personnes détenues exerçant un travail ne sont à ce jour affiliées à aucun régime de retraite complémentaire.
OBJECTIFS POURSUIVIS
Une uniformisation des droits ouverts en matière d'assurance vieillesse, quel que soit le régime de travail de la personne détenue, mais également la refondation du système de cotisation s'imposent. Les droits ainsi révisés valoriseront les efforts d'insertion professionnelle engagés par les personnes détenues et participeront à préparer au mieux la sortie de détention.
Permettre une effectivité des droits à l'assurance vieillesse pour toutes les personnes détenues exerçant un travail, au service général et en production, par la mise en place d'une d'assiette minimale nécessite une modification du code de la sécurité sociale ainsi que la création de plusieurs dispositions dans le code pénitentiaire.
Au sein du code de la sécurité sociale, l'ordonnance prévoit de :
? créer d'une section 4 du chapitre 2 du titre VIII du livre III intitulée « personnes écrouées ou retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sureté » au sein de laquelle une sous-section 2 « Dispositions applicables aux personnes détenues effectuant une activité de travail dans le cadre d'un contrat d'emploi pénitentiaire ou suivant une formation professionnelle » afin de consacrer des dispositions aux cotisations à l'assurance vieillesse.
? créer une sous-section 3 « régime complémentaire de retraite ».
Au sein du code pénitentiaire l'ordonnance prévoit de :
? créer une section 1 « Dispositions générales » au chapitre IV du titre II du livre III du code pénitentiaire afin de regrouper les dispositions organisant l'affiliation des personnes détenues au régime général de la sécurité sociale, au sein desquelles figure l'assurance vieillesse ainsi que le régime de retraite complémentaire. Cette nouvelle affiliation vise à ouvrir des droits à la retraite au premier euro versé.
OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
L'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues créé d'une part des dispositions dans le code de la sécurité sociale, d'autre part dans le code pénitentiaire.
Code de la sécurité sociale :
? L'article L. 382-39 du code de la sécurité sociale rappelle que la rémunération due aux personnes détenues exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire est soumise aux cotisations au titre de l'assurance vieillesse ;
? L'article L. 382-40 du même code précise que les cotisations peuvent être calculées sur la base d'une assiette minimale, dont le montant sera fixé par décret ;
? L'article L. 382-41 prévoit que les cotisations patronales à l'assurance vieillesse sont prises en charge par l'Etat. L'article L. 382-38 précisait par ailleurs que l'ensemble des cotisations salariales des personnes détenues travaillant au service général sont également prises en charge par l'Etat ;
? L'article L. 382-48 organise l'affiliation des personnes détenues exerçant un travail à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC). Cette affiliation se fait selon le droit commun du régime. Le choix de la caisse de retraite complémentaire se justifie par la nature du contrat d'emploi pénitentiaire mis en place par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 : un contrat de droit public sui generis ;
? L'article L. 382-49 précise que les cotisations patronales et salariales au titre de l'IRCANTEC sont prises en charge par l'Etat.
Pour rappel, les allègements de cotisations patronales sur les bas salaires ne sont pas applicables aux personnes détenues en application de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale qui dispose « Le bénéfice des dispositions du présent article ne peut être cumulé (...) avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations. »
Des dispositions règlementaires viendront par ailleurs réviser le forfait appliqué à l'assiette minimale de cotisation, et l'étendre aux personnes détenues exerçant un travail en production.
? L'assiette minimale de cotisation ne sera plus assise sur la base de 67 heures (correspondant à 33% des 200 heures en droit commun) mais sur la base de 50 heures (33% des 150 heures de droit commun depuis une loi de 2014) ;
? Les forfaits seront par ailleurs réévalués et ne correspondront plus à 76 euros de part patronale, et 53 euros de part salariale mais à un forfait révisé ;
? Ce régime sera appliqué à la fois au service général et en production.
Code pénitentiaire :
? L'article L. 324-1 prévoit l'affiliation des personnes écrouées au régime général de la sécurité sociale, ainsi qu'à la retraite complémentaire ;
? L'article L. 324-2 renvoi aux cotisations prévues aux articles L. 382-38 à L. 382-42 et L. 382-49 du code de la sécurité sociale.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
L'abrogation de la section 9 du chapitre Ier du titre VIII du livre III permet de réunir l'ensemble des dispositions relatives aux droits sociaux des personnes détenues, qui exercent ou non un travail dans le cadre d'un contrat d'emploi pénitentiaire.
S'agissant de l'assurance vieillesse, cette abrogation concerne plus particulièrement l'article L.381-31, dont les dispositions sont réintégrées aux articles L. 382-39 à L. 382-42 du code de la sécurité sociale.
Un renvoi au code de la sécurité sociale est par ailleurs créé dans le code pénitentiaire s'agissant des cotisations à l'assurance vieillesse.
IMPACTS MACROÉCONOMIQUES
La mise en place d'une assiette minimale de cotisation pour le travail effectué pendant leur peine augmentera leurs droits à la retraite ce qui renforcera leur capacité financière et donc leur niveau de consommation et alimentera le système économique national (chiffres d'affaires des entreprises, TVA etc.). Cela aura également pour effet de réduire les minimums vieillesse aujourd'hui servis.
IMPACTS SUR LES ENTREPRISES
Les cotisations patronales seront entièrement prises en charge par l'Etat. La mise en place de cette réforme constituera donc un facteur d'attractivité nouveau pour les entreprises.
IMPACTS BUDGÉTAIRES
L'article R. 381-105 du code de la sécurité sociale actuellement en vigueur prévoit que les cotisations salariales et patronales, prises en charge par l'administration, sont assises sur un montant forfaitaire égal au SMIC en vigueur et calculé sur la base de 67h par mois, quelle que soit la durée effective du travail. Cette période de référence n'a pas été révisée malgré le décret n° 2014-349 du 19 mars 2014. L'assiette minimale de cotisation sera donc, par décret, révisée à la baisse ce qui induira une économie pour l'Etat s'agissant du service général. En revanche, la mise en place d'une assiette minimale de cotisation en production prise en charge par l'Etat occasionnera une charge supplémentaire.
Coût de la mise en place de l'assiette minimale de cotisations au régime général pour l'administration pénitentiaire
Coût annuel des cotisations patronales et salariales au service général
Aujourd'hui Assiette forfaitaire de 67h |
Après l'entrée en vigueur de l'ordonnance Assiette minimale de cotisations de 50h |
|||||
Cotisations patronales |
Cotisations salariales |
Coût annuel pour l'administration pénitentiaire |
Cotisations patronales |
Cotisations salariales |
Coût annuel pour l'administration pénitentiaire |
|
9 417 1536(*) euros |
6 579 7197(*)?euros |
15 996 872 euros |
7 026 5598(*) euros |
4 904 0699(*) |
11 930 628 euros |
Coût annuel des cotisations patronales en production
Aujourd'hui cotisation à 4, 2% pris en charge par les concessionnaires |
Après l'entrée en vigueur de l'ordonnance Assiette minimale de cotisations de 50h |
Coût annuel des cotisations patronales |
Coût annuel des cotisations patronales pour l'administration pénitentiaire |
3 630 71010(*) euros |
5 796 23511(*) euros |
Coût de la réforme de l'assurance vieillesse de base pour l'administration pénitentiaire
Coût annuel des cotisations au service général |
Coût annuel des cotisations en production |
Coût annuel total |
- 4 066 244? euros |
5 796 235 euros |
1 729 991 euros |
L'affiliation à l'IRCANTEC des personnes détenues exerçant un travail ainsi que le mode de calcul des cotisations sont similaires au droit commun (excluant l'hypothèse d'une assiette minimale de cotisations). L'Etat prendra en charge l'intégralité des cotisations, salariales et patronales à compter de l'entrée en vigueur des textes.
Les calculs sont fondés sur les données suivantes :
? 25% des personnes détenues travaillent moins de 50 heures par mois ;
? Environ 30% des personnes détenues ont accès à une activité de travail, l'objectif étant d'atteindre les 40% d'ici cinq ans.
Coût des cotisations salariés et employeurs des détenus affiliés à l'Ircantec :
Suite à la mise en place de la réforme et donc à l'affiliation des détenus à l'Ircantec, l'impact financier supplémentaire des cotisations patronales sera d'environ 1,8 M€ en 2022 et pour les cotisations salariales de 1,2M€. Ce coût atteindra 3,1 M€ et 2 M€ en 2027 du fait de l'augmentation de la population carcérale accédant au travail. En 2035, le coût sera de 3,9 M€ et 2,6 M€.
Suite à ces cotisations, les personnes détenues bénéficieront d'un nombre de points Ircantec ouvrant droit à allocation. Ce nombre de points restant inférieur à 300 pour la quasi-totalité des personnes détenues, ils bénéficieront donc d'un versement unique, sous forme d'un capital.
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le changement de modalités de cotisation sera sans effet sur les services de l'administration pénitentiaire, la déclaration aux organismes de sécurité sociale s'effectuant par le biais d'un système d'information dédié.
IMPACTS SOCIAUX
Le renforcement des droits sociaux des personnes détenues est une évolution forte. Le bénéfice de l'assurance vieillesse et de la retraite complémentaire leur garanti des ressources financières pour lesquelles elles auront cotisées, au même titre que tout travailleur. Or la perception de ressources financières à la sortie de détention est un facteur essentiel de lutte contre la récidive, en particulier pour les longues peines.
Le versement de prestations à compter de la mise à la retraite revêt un intérêt tout particulier, pour les longues peines qui auront travaillé pendant des dizaines d'années en détention et pour lesquelles les seules ressources financières à la sortie seront celles liées à leur travail en détention.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Au conseil d'administration de la Caisse nationale de l'assurance vieillesse,
? Au conseil d'administration extraordinaire de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques,
? A l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale,
? Au conseil départemental de Mayotte,
? Au conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Les dispositions relatives à l'assurance vieillesse et à la retraite complémentaire entreront en vigueur à une date fixée par décret. Une synchronisation avec la mise en place du nouveau système d'information paye pour les personnes détenues (OCTAVE) est nécessaire afin de garantir des déclarations sociales nominatives (DSN) fiables et de permettre le prélèvement à la source.
1.1.2. Application dans l'espace
Les personnes détenues à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon sont affiliées au régime de sécurité sociale applicable dans ces territoires. L'assiette minimale en matière d'assurance-vieillesse et les prises en charge de cotisation patronale vieillesse et, pour les personnes détenues travaillant au service général, des cotisations salariales vieillesse, y sont applicables. Les détenus de Mayotte ne sont pas affiliés à l'IRCANTEC, le régime n'y étant pas applicable.
Les dispositions législatives relatives à l'assurance vieillesse ne s'appliqueront pas à Wallis-et-Futuna, en Polynésie-Française et en Nouvelle-Calédonie, la protection sociale relevant d'une compétence propre de ces territoires.
1.1.3. Textes d'application
Les présentes dispositions législatives feront l'objet d'un décret en Conseil d'Etat.
2. Assurance maladie, maternité, invalidité, décès
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
L'accès aux droits sociaux tels qu'ils sont conçus en droit commun est actuellement très limité dans le cadre du travail pénitentiaire. Les personnes détenues exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire ou stagiaires de la formation professionnelle sont affiliées au régime général de la sécurité sociale12(*) et, à ce titre, cotisent à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès. Pour autant, elles ne bénéficient que de certaines prestations en nature (remboursement de leurs soins) et aucune prestation en espèce : indemnités journalières pour la maladie ordinaire ou la maternité, congé maternité. Les périodes travaillées en détention ne sont pas prises en compte pour l'ouverture des droit et le calcul des prestations en espèces qui peuvent être versées à l'issue de la détention.
Les personnes détenues exerçant un travail ou stagiaires de la formation professionnelle peuvent simplement demander au médecin de l'unité sanitaire un certificat descriptif de leur état de santé de manière à suspendre leur activité, mais ne retrouvent pas leur poste de travail ou leur formation à l'issue de la grossesse.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (GLPL) dans un avis du 18 février 201613(*) soulignait pourtant que « la situation des femmes privées de liberté n'est pas conforme au principe d'égalité entre les hommes et les femmes affirmé tant dans les normes nationales qu'internationales. Minoritaires en nombre, elles sont l'objet de discriminations importantes dans l'exercice de leurs droits fondamentaux : un maintien des liens familiaux rendu difficile par un maillage territorial inégal des lieux d'enfermement, des conditions matérielles d'hébergement insatisfaisantes en raison de leur enclavement au sein de quartiers distincts, un accès réduit ou inadéquat aux activités, une prise en charge au sein de structures spécialisées limitée voire inexistante, et parallèlement, un manque de prise en compte des besoins spécifiques des femmes ».
Enfin, les personnes détenues bénéficient du capital décès si des droits sont ouverts au titre d'une activité antérieure à la détention. Elles peuvent également continuer à percevoir une pension d'invalidité si celle-ci a été attribuée avant la détention, mais ne peuvent pas se la voir attribuer pendant la période de détention.
CADRE CONSTITUTIONNEL
Dans une décision de 2015, le Conseil constitutionnel indique qu'en « subordonnant à un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements et en renvoyant à cet acte d'engagement le soin d'énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif, les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les droits et libertés énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention ; que par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes les droits et libertés qui découlent des cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté ». La création d'un bloc de compétence au profit du juge administratif prévue dans le code pénitentiaire (article R. 315-2) ne peut donc que concourir au renforcement de la protection judiciaire des droits garantis aux travailleurs détenus, cette protection étant nécessaire à la compatibilité de ces dispositions avec la Constitution.
Par ailleurs, à travers ces deux décisions, le Conseil a rappelé « qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ». Il a ainsi laissé la porte ouverte à de futures évolutions législatives. Cette ordonnance s'inscrit dans cette dynamique normative.
Enfin, le préambule de la constitution de 1946 dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
CADRE CONVENTIONNEL
Les règles pénitentiaires européennes précisent (Règle 26.17) que « les détenus exerçant un travail doivent, dans la mesure du possible, être affiliés au régime national de sécurité sociale. ». Cette règle sous-tend que les règles d'affiliation aux systèmes nationaux de sécurité sociale doivent être alignées sur celles dont bénéficient les salariés à l'extérieur de la prison.
ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
En Espagne, les personnes détenues exerçant un travail sont affiliées au régime général de la sécurité sociale. Ils bénéficient des soins de santé, ainsi que d'une protection de la grossesse, des situations d'invalidité permanente et décès. L'Organismo autónomo trabajo penitenciario y formación para el empleo prend en charge les prestations sociales.
En Italie, les personnes détenues sont affiliées au régime général de la sécurité sociale et bénéficient de garanties similaires aux travailleurs de droit commun, concernant notamment les prestations maladie, maternité, invalidité et décès.
En Angleterre, la protection sociale des personnes détenues est prise en charge par les services pénitentiaires, mais également par les hôpitaux du National Health Services. Les personnes détenues qui travaillent sont couvertes contre le risque maladie. Les cotisations patronales sont payées par les employeurs, et les cotisations salariales par les personnes détenues.
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les personnes détenues exerçant un travail cotisent à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et bénéficient du remboursement de leurs soins, mais ne bénéficient pas de prestations en espèces. En cas de grossesse par exemple, les femmes détenues s'arrêtent de travailler, perdent leur rémunération mais ne bénéficient d'aucune compensation financière comme à l'extérieur, alors même qu'elles cotisent à ce titre.
Par conséquent, le taux de cotisation patronale fixé à 4,2% de leur rémunération ne leur permet pas d'être bénéficiaire d'indemnités journalières maternité.
Par ailleurs, la pension d'invalidité ne peut pas être attribuée pendant la période de détention, ce qui engendre une iniquité par rapport à des assurés qui ont pu bénéficier de la pension avant la détention et continuent de la percevoir pendant cette période. De même, le capital décès ne peut être versés qu'au titre d'un maintien de droits.
Enfin, alors que les revenus perçus en détention donnent lieu au paiement de cotisation, ceux-ci ne sont pas pris en compte pour le calcul des prestations en espèces versées à l'issue de la détention.
L'ouverture de droits aux prestations en espèce pour les indemnités maternité, invalidité, décès, nécessite par conséquent l'introduction de dispositions dédiées dans le code pénitentiaire ainsi que la modification du code de la sécurité sociale.
Enfin, l'absence de congé maternité pour les femmes enceintes travaillant en détention ou stagiaire de la formation professionnelle écarte les femmes du travail et de la formation alors mêmes que les ressources financières qu'apportent ces activités revêtent une importance toute particulière pour assurer la prise en charge de leurs enfants qui peuvent rester auprès d'elles en détention jusqu'à leur 18 mois. Il apparait pourtant nécessaire de maintenir et de favoriser l'accès des femmes détenues au travail et à la formation professionnelle mais aussi de lutter contre les inégalités femmes-hommes dans les parcours de peine.
OBJECTIFS POURSUIVIS
L'ouverture du congé maternité et de son indemnisation, ainsi que la possibilité d'attribuer une pension d'invalidité et un capital décès pendant la détention s'inscrivent dans une logique d'harmonisation entre le travail effectué en détention et celui effectué en milieu libre. Les personnes détenues sont en effet mieux protégées en cas d'interruption d'activité liée à la maternité ou à une invalidité et les périodes de cotisations sont prises en compte dans le calcul des prestations ouvertes à la sortie de la détention.
La création d'un congé maternité est en outre un facteur de protection des femmes et de leur enfant à naitre. En effet, pour disposer de ressources financières certaines femmes pourraient être tentée de travailler alors même que cela présenterait un risque pour leur santé.
Afin de remplir ces objectifs, l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues intègre des dispositions relatives à l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès au sein du code de la sécurité sociale et du code pénitentiaire :
Au sein du code de la sécurité sociale, les objectifs sont ainsi les suivants :
? Abroger la sous-section 2 de la section 9 du chapitre 1er du titre VIII du Livre III afin de permettre un regroupement de toutes les dispositions liées aux assurances sociales des personnes détenues exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire. S'agissant de l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès, cela vise donc les articles L. 381-30 à L. 381-30-6.
? Créer un nouveau paragraphe dédié aux cotisations et prestations afférentes en matière de maladie, maternité et invalidité, après avoir d'abord rappelé que les personnes détenues sont affiliées au régime général de la sécurité sociale.
Au sein du code pénitentiaire ensuite :
? Renvoyer au code de la sécurité sociale s'agissant de ces prestations et prévoir une suspension du contrat d'emploi pénitentiaire pendant toute la durée du congé maternité.
OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
L'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues ouvre droit au congé maternité et aux indemnités journalières maternité, ainsi qu'au versement d'une pension d'invalidité et un capital décès le cas échéant, pendant la détention. En outre, un mécanisme d'indemnisation en cas de difficultés médicales liées à la grossesse est également prévu, afin de permettre l'indemnisation d'une interruption plus précoce d'activité médicalement justifiée, en amont du congé maternité.
Au sein du code de la sécurité sociale :
? Dès la sous-section 1 de la section 4 du chapitre 2 du titre VIII du livre III, il est mentionné à l'article L. 382-33 que les personnes écrouées sont affiliées au régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques. Les articles L. 382-34 à L. 382-36 prévoient que les frais de santé engagés au titre des risques maladie, maternité et invalidité sont pris en charge sans avance de frais par l'Etat pour toutes les personnes écrouées ou retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sureté. Par ailleurs, les personnes détenues qui percevaient une pension d'invalidité ou indemnités journalière maternité avant leur mise sous écrou continuent à la percevoir pendant la détention.
? S'agissant des personnes détenues exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire, les articles L. 382-39 à L. 382-42 prévoient l'assujettissement des rémunérations perçues aux cotisations afférentes, les cotisations salariales au service général étant prises en charge par l'Etat.
? Les articles L. 382-42 à L. 382-49 permettent la prise en compte des périodes travaillées en détention pour l'ouverture des prestations en espèces pendant et à la sortie de détention, à l'exception des indemnités journalières maladie qui ne sont pas ouvertes pendant la détention. Le congé maternité est organisé dans les mêmes conditions que le droit commun, de même que les prestations de l'assurance invalidité et de l'assurance décès.
Au sein du code pénitentiaire :
? Il est rappelé aux articles L. 324-1 et L. 324-3 que les personnes détenues et exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire ou stagiaires de la formation professionnelle cotisent et bénéficient des prestations de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès ;
? L'article L. 324-4 précise que le contrat d'emploi pénitentiaire ou le stage de formation professionnelle sont suspendus pendant la durée du congé maternité.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
L'abrogation de la section 9 du chapitre Ier du titre VIII du livre III permet de réunir l'ensemble des dispositions relatives aux droits sociaux des personnes détenues, qui exercent ou non un travail dans le cadre d'un contrat d'emploi pénitentiaire.
S'agissant de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, cette abrogation concerne plus particulièrement les articles L. 381-30, L. 381-30-1, L. 381-30-4 et L. 381-30-6 dont les dispositions sont réintégrées aux articles L. 382-39 à L. 382-42 du code de la sécurité sociale.
Un renvoi au code de la sécurité sociale est par ailleurs créé dans le code pénitentiaire s'agissant des cotisations et prestations de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, et un renvoi au code du travail s'agissant de la règlementation du congé maternité.
IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
Les cotisations patronales sont d'ores et déjà prises en charge par les partenaires économiques pour le travail en production et par l'administration pénitentiaire pour le travail au service général. La mise en place des indemnités journalières n'occasionnera donc pas de coûts supplémentaires pour l'Etat.
S'agissant du coût pour la sécurité sociale des prestations dues il n'apparait pas possible l'estimer a priori car celui-ci dépendra des mesures d'adaptation qui seront prises pour tenir compte des rémunérations dues au titre du contrat d'emploi pénitentiaire dans le calcul des indemnités journalières. Toutefois au regard du faible nombre de femmes enceintes en détention, à fortiori qui travaillent, l'impact budgétaire sera très faible. Impacts sur les services administratifs
L'ouverture des droits aux prestations en espèce pour les risques invalidité, décès en détention ainsi que la maternité impliquera, dès l'entrée en vigueur, de mettre en place des mécanismes de déclarations et de versement des indemnités. Un mécanisme, en lien avec les régies de comptes nominatifs, permettant le versement de ces indemnités journalières doit être créé pour permettre le versement effectif de ces dernières sur le compte nominatif de la personne détenue.
Une faible augmentation du nombre de dossiers traités par les organismes de sécurité sociale devrait être observée. L'impact sur les services de l'administration pénitentiaire et les organismes de sécurité sociale sera toutefois très limité. A ce titre, l'ouverture de ces droits ne nécessite pas l'ouverture de moyens humains complémentaires.
Aussi, l'ouverture des droits au congé maternité s'ajoute aux diverses procédures de suspension de l'affectation de la personne détenue sur son poste de travail.
L'impact sur les services de l'administration pénitentiaire et les organismes de sécurité sociale est toutefois très limité dans la mesure où on estime à 60 le nombre de femmes enceintes travaillant en détention sur un an. A ce titre, l'ouverture de ces droits ne nécessite pas l'ouverture de moyens humains complémentaires.
IMPACTS SOCIAUX
Le renforcement des droits sociaux existants ainsi que la mise en place de nouveaux droits sociaux pour les personnes détenues exerçant un travail ou une formation professionnelle sont des évolutions fortes.
Le bénéfice d'indemnités journalières pendant la maternité ainsi que des prestations en espèces de l'assurance invalidité et décès en détention permettra aux personnes détenues, dès l'entrée en vigueur, de ces dispositions, de s'assurer de meilleures conditions de détention. Ces mesures garantissent par ailleurs une continuité de leurs droits lorsqu'ils sortiront, en prenant en compte les périodes travaillées en détention pour l'ouverture et le calcul des droits.
Le versement d'indemnités journalières permet à la personne détenue qui ne peut plus travailler de poursuivre, le cas échéant, l'indemnisation des victimes, de continuer à cantiner et d'alimenter son pécule. La mise en oeuvre de cette protection consolide en dépit des difficultés, les efforts d'insertion engagés par les personnes détenues qui travaillent ou sont inscrits dans une formation, et garantit une forme de normalité qui renforce leur confiance dans la société et participe à la préparation de leur libération.
Le bénéfice d'un congé maternité en détention permet à la personne détenue qui ne peut plus travailler de conserver le bénéfice de son contrat d'emploi pénitentiaire.
Le nombre relativement faible de femmes en détention et la protection particulière de ce public ne permettent pas toujours un accès équitable aux dispositifs et services communs mis en place en détention (zones socioculturelles, terrains de sport, bibliothèque, travail, formation et soins etc.). Face à ce constat, il est nécessaire de maintenir et de favoriser l'accès des femmes détenues au travail et en formation professionnelle mais aussi de lutter contre les inégalités femmes-hommes dans les parcours de peine. A ce titre, le congé maternité apparait comme un vecteur essentiel d'égalité entre les femmes et les hommes. D'une part, il permet aux femmes détenues de ne pas être désavantagées en raison d'une grossesse, d'autre part, il sécurise leur accès et maintien au travail et en formation professionnelle.
IMPACTS SUR LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
La pension d'invalidité permettra à la personne détenue qui en bénéficiera d'accroitre ses ressources, afin de compenser la perte de capacité de gains constatée du fait de sn état de santé dégradé. En bénéficiant d'une augmentation de sa part de rémunération disponible, les bénéfices de la pension lui assurent de meilleures conditions de détention.
IMPACTS SUR L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Le nombre relativement faible de femmes en détention et la protection particulière de ce public ne permettent pas toujours un accès équitable aux dispositifs et services communs mis en place en détention (zones socioculturelles, terrains de sport, bibliothèque, travail, formation et soins etc.). Face à ce constat, il est nécessaire de maintenir et de favoriser l'accès des femmes détenues au travail mais aussi de lutter contre les inégalités femmes-hommes dans les parcours de peine. A ce titre, le congé maternité apparait comme un vecteur essentiel d'égalité entre les femmes et les hommes. D'une part, il permet aux femmes détenues de ne pas être désavantagées en raison d'une grossesse, d'autre part, il sécurise leur accès et maintien au travail.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Au comité technique de l'administration pénitentiaire,
? Au comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation,
? Au conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie,
? A l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale,
? Au conseil départemental de Mayotte,
? Au conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les dispositions sur le congé maternité ont fait l'objet d'échanges dans le cadre d'un groupe de travail consacré à la prise en charge des femmes détenues.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Les dispositions relatives au versement d'indemnités journalières au titre de l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès au bénéfice des personnes détenues travaillant sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire entreront en vigueur à une date fixée par décret. Une synchronisation avec la mise en place du nouveau système d'information paye pour les personnes détenues (OCTAVE) est nécessaire afin de garantir des déclarations sociales nominatives (DSN) fiables et de permettre le prélèvement à la source.
1.1.2. Application dans l'espace
Les dispositions relatives à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès s'appliqueront sur le territoire métropolitain ainsi que dans les départements ultra-marins de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon pour lesquels des adaptations ont été prévues par le biais de textes législatifs locaux.
Ces dispositions ne s'appliqueront cependant pas à Wallis-et-Futuna, en Polynésie-Française et en Nouvelle-Calédonie. La protection sociale relève en effet d'une compétence propre de ces territoires.
1.1.3. Textes d'application
Ces dispositions législatives seront complétées par décret en Conseil d'Etat.
3. Assurance accidents du travail et maladies professionnelles
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
L'accès aux droits sociaux tels qu'ils sont conçus en droit commun est actuellement très limité dans le cadre du travail pénitentiaire. Les personnes détenues sont affiliées au régime général de la sécurité sociale et, à ce titre, cotisent à l'assurance accidents du travail et maladie professionnelle mais ne bénéficient que des prestations en nature et aucune prestation en espèce pendant la détention. En effet, les frais de santé engagés dans le cadre des soins prodigués sont pris en charge par l'administration mais les périodes travaillées en détention ne sont pas prises en compte pour l'ouverture de droit et le calcul des prestations en espèces qui peuvent être versées à l'issue de la détention.
Les personnes détenues ne peuvent par ailleurs bénéficier pendant la détention, des rentes d'incapacité permanente en espèces prévues en droit commun, que l'accident soit survenu avant la détention (la rente n'est plus versée) ou pendant la détention. Ils recouvrent leurs droits aux prestations en espèces au moment de leur libération s'ils ne sont pas consolidés ou guéris à cette date.
En 2020, l'administration pénitentiaire et les entreprises concessionnaires s'acquittaient de la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles fixée à 1,6% pour les personnes détenues travaillant en détention.
CADRE CONSTITUTIONNEL
Dans une décision de 201514(*), le Conseil constitutionnel indique qu'en « subordonnant à un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements et en renvoyant à cet acte d'engagement le soin d'énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif, les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les droits et libertés énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention ; que par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes les droits et libertés qui découlent des cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté ». La création d'un bloc de compétence au profit du juge administratif prévue dans le code pénitentiaire (article R. 315-2) ne peut donc que concourir au renforcement de la protection judiciaire des droits garantis aux travailleurs détenus, cette protection étant nécessaire à la compatibilité de ces dispositions avec la Constitution.
Par ailleurs, à travers deux décisions15(*), le Conseil a rappelé « qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ». Il a ainsi laissé la porte ouverte à de futures évolutions législatives. Cette ordonnance s'inscrit dans cette dynamique normative.
Enfin, le Préambule de la Constitution de 1946 dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
CADRE CONVENTIONNEL
Les règles pénitentiaires européennes précisent (Règle 26.17) que « les détenus exerçant un travail doivent, dans la mesure du possible, être affiliés au régime national de sécurité sociale. ». Cette règle sous-tend que les règles d'affiliation aux systèmes nationaux de sécurité sociale doivent être alignées sur celles dont bénéficient les salariés à l'extérieur de la prison.
En outre, la règle 101 des règles Nelson Mandela16(*) disposent que « des dispositions doivent être prises pour indemniser les détenus en cas d'accident du travail et de maladie professionnelle, dans des conditions non moins favorables que celles que la loi accorde aux travailleurs libres. »
ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
En Espagne, les personnes détenues exerçant un travail sont affiliées au régime général de la sécurité sociale. Elles bénéficient des soins de santé et de la protection s'attachant aux accidents du travail et maladies professionnelles. L'Organismo autónomo trabajo penitenciario y formación para el empleo prend en charge les prestations sociales.
En Italie, les personnes détenues exerçant un travail sont affiliées au régime général de la sécurité sociale et bénéficient des mêmes garanties que les salariés de droit commun.
En Angleterre, la protection sociale des personnes détenues est prise en charge par les services pénitentiaires, avec un complément des organismes de sécurité sociale et des hôpitaux du National Health Service. Les accidents du travail et maladies professionnelles sont couverts. Les cotisations sociales sont payées par les personnes détenues et par les donneurs d'ordre.
En Roumanie, une pension d'invalidité est versée aux personnes détenues victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
En Allemagne, les personnes détenues exerçant un travail sont intégrées dans le système assurantiel s'agissant des accidents du travail.
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Aujourd'hui, l'article L. 433-4 du code de la sécurité sociale prévoit que les indemnités journalières ne sont pas dues durant la détention. Il est donc nécessaire de modifier cette disposition pour prévoir l'ouverture d'un droit aux indemnités pendant la détention, le cas échéant poursuivies à la sortie.
OBJECTIFS POURSUIVIS
L'ouverture des droits aux indemnités journalières en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle apparait nécessaire eu égard à la similarité des risques et à la différence de traitement des salariés à l'extérieur. Cette compensation apparait d'autant plus essentielle que l'accident peut résulter d'un manque de protection ou d'un manque de sécurité qui pourrait incomber à l'administration ou à l'entreprise concessionnaire. Les prestations en espèces permettent par ailleurs de garantir une continuité de la rémunération ainsi que de l'amélioration de leurs conditions de détention.
Au sein du code de la sécurité sociale, l'objectif est ainsi tout d'abord de rappeler que les personnes détenues sont affiliées au régime général de la sécurité sociale puis de prévoir la continuité des prestations perçues avant la détention ainsi que l'ouverture de nouvelles prestations en cas d'accident survenu en détention.
Il est par ailleurs nécessaire de prévoir des cotisations et prestations spécifiques aux personnes détenues exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire.
Au sein du code pénitentiaire ensuite, il doit être renvoyé au code de la sécurité sociale s'agissant de ces prestations.
OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
L'option retenue dans l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 est le maintien du versement de la rente d'incapacité en détention ainsi que l'ouverture du droit aux indemnités journalières, que l'accident du travail ou la maladie professionnelle soit survenu avant ou après la détention. Ces dispositions s'appliqueront, dès leur entrée en vigueur, aux activités de travail ainsi qu'à la formation professionnelle.
Dans le code de la sécurité sociale :
? Dès la sous-section 1 de la section 4 du chapitre 2 du titre VIII du livre III, il est mentionné à l'article L. 382-33 que les personnes écrouées sont affiliées au régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques. Les articles L. 382-34 à L. 382-36 prévoient que les frais de santé engagés au titre des risques maladie, maternité et invalidité sont pris en charge sans avance de frais par l'Etat pour toutes les personnes écrouées ou retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sureté. Par ailleurs, les personnes détenues qui percevaient une pension d'invalidité avant leur mise sous écrou continuent à la percevoir pendant la détention ;
? Les articles L. 382-39 à L.382-42 posent le principe de la cotisation des personnes détenues qui travaillent à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles.
? L'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale est modifié afin d'adapter les éléments de langage issus de la réforme du travail pénitentiaire dans sa globalité et d'inclure les stagiaires de la formation professionnelle en détention dans le champ de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles ;
? L'article L. 433-4 du même code ouvre droit au versement des prestations en espèce pendant la détention. Le texte précise par ailleurs que la personne détenue sera indemnisée à compter de la reconnaissance de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle par dérogation au droit commun qui prévoit une indemnisation provisionnelle dès le lendemain de l'accident au titre de la maladie, et dont l'application est impossible pour les personnes détenues qui ne perçoivent pas d'indemnités journalières au titre de la maladie.
Dans le code pénitentiaire :
? Les articles L. 324-1 et L. 324-2 renvoient au code de la sécurité sociale s'agissant de l'affiliation des personnes détenues au régime général de la sécurité sociale ainsi que des cotisations afférentes ;
? L'article L. 324-3 renvoie au code de la sécurité sociale s'agissant de la prise en charge des frais de santé ;
? L'article L. 324-5 prévoit que les personnes détenues exerçant un travail ou un stage de formation professionnelle sont couvertes au titre des accidents du travail et maladies professionnelles.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
L'abrogation de la section 9 du chapitre Ier du titre VIII du livre III permet de réunir l'ensemble des dispositions relatives aux droits sociaux des personnes détenues, qui exercent ou non un travail dans le cadre d'un contrat d'emploi pénitentiaire.
Les cotisations auxquelles sont soumises les personnes détenues s'agissant de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles sont ainsi réunies avec les autres assurances sociales en sous-section 2 de la section 4 du chapitre 2 du titre VIII du livre III du code de la sécurité sociale.
En revanche, les prestations sont identifiées dans les articles L. 412-8 et L. 433-4 du code de la sécurité sociale préexistants modifiés.
IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
Les cotisations patronales sont d'ores et déjà prises en charge par les entreprises pour le travail en production et par l'administration pénitentiaire pour le travail au service général. La mise en place des indemnités journalières n'occasionnera donc pas de coûts supplémentaires pour l'Etat.
La cotisation ATMP payée par les établissements pénitentiaires (en régie) ou les entreprises extérieures (en concession) est basée sur un taux collectif systématique (commun à l'ensemble des établissements de ce code-risque) qui s'élève à 1,61% en 2022.
Aujourd'hui, environ 20 000 personnes détenues travaillent, la sinistralité est en revanche difficile à établir. Compte tenu de la faible rémunération des personnes détenues, sauf à leur appliquer une assiette forfaitaire (ils perçoivent entre 20% et 45% du SMIC), et du taux de remplacement prévu par la loi (60% pour les 28 premiers jours), l'impact financier relativement faible.
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les accidents du travail et maladies professionnelles font d'ores et déjà l'objet d'une déclaration auprès des CPAM compétentes pour la gestion des personnes détenues (deux caisses assurent cette gestion réunies sous le nom de centre nationale des personnes écrouées CNPE). La mise en place des indemnités journalières implique en revanche le versement de prestations qui n'étaient pas versées jusque-là pour cette catégorie d'assurés et la mise en place d'un circuit d'information entre les caisses d'affiliation et le CNPE dans les cas où l'accident sera survenu avant la détention afin de permettre la continuité des droits. En outre, un mécanisme, en lien avec les régies de comptes nominatifs, permettant le versement de ces indemnités journalières doit être créé pour permettre le versement effectif de ces dernières sur le compte nominatif de la personne détenue.
IMPACTS SOCIAUX
Il est essentiel, dans une logique de protection des risques liés au travail, d'autant plus lorsque ce travail est organisé par l'Etat, de mettre en place des indemnités journalières au titre de l'accident de travail et de la maladie professionnelle.
Le versement d'indemnités journalières suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle permet à la personne détenue qui ne peut plus travailler de poursuivre, le cas échéant, l'indemnisation des victimes, de continuer à cantiner et d'alimenter son pécule. La mise en oeuvre de cette protection consolide en dépit des difficultés, les efforts d'insertion engagés par les personnes détenues qui travaillent ou sont inscrits dans une formation et garantira une forme de normalité qui renforce leur confiance dans la société et participe à la préparation de leur libération.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Comité technique du service pénitentiaire d'insertion et de probation,
? Comité technique de l'administration pénitentiaire,
? Commission des accidents du travail et maladies professionnelles,
? Agence centrale des organismes de sécurité sociale,
? Conseil départemental de Mayotte,
? Conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Les dispositions prévoyant l'ouverture des indemnités journalières au titre de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles s'appliqueront à une date fixée par décret. Une synchronisation avec la mise en place du nouveau système d'information paye pour les personnes détenues (OCTAVE) est nécessaire afin de garantir des déclarations sociales nominatives (DSN) fiables et de permettre le prélèvement à la source.
1.1.2. Application dans l'espace
Les dispositions relatives à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles s'appliqueront à l'ensemble du territoire métropolitain, ainsi qu'à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Des adaptations sont prévues dans les textes locaux de ces départements.
Ces dispositions ne s'appliqueront en revanche pas à Wallis-et-Futuna, en Polynésie-Française et en Nouvelle-Calédonie. Les droits assurantiels relèvent d'une compétence propre de ces territoires.
1.1.3. Textes d'application
Ces dispositions législatives seront complétées par décret en Conseil d'Etat.
CHAPITRE II DE L'ORDONNANCE - ASSURANCE CHÔMAGE
Articles n° 7 et 8 de l'ordonnance : créer une assurance chômage pour personnes détenues travaillant sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
Le travail pénitentiaire étant caractérisé par une relation contractuelle de travail exorbitante du droit commun, l'accès aux droits sociaux est limité pour les personnes détenues. Notamment, elles ne peuvent ouvrir droit, après leur libération, aux allocations du régime de l'assurance chômage au titre du travail exercé en détention. En effet, aucun donneur d'ordre, qu'il s'agisse de l'administration pénitentiaire ou d'une structure implantée en détention, n'assure les personnes détenues avec lesquelles il conclut un contrat d'emploi pénitentiaire contre le risque de privation d'emploi.
Par ailleurs, les personnes ayant acquis des droits aux allocations de retour à l'emploi avant leur incarcération les voient aujourd'hui suspendus pour une durée de trois ans à laquelle s'ajoute la durée des droits ouverts, ainsi ces droits peuvent être prescrits au moment de leur sortie de détention.
ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
En Espagne, les personnes détenues qui exercent un travail en détention cotisent à l'assurance chômage et peuvent mobiliser les droits acquis à cette occasion à leur sortie de détention. Cette cotisation obligatoire est cependant levée en cas de suspension de contrat, sauf en cas de congés maternité. L'allocation chômage est en général faible et peut se substituer à une allocation de sortie de prison.
En Pologne également, les personnes détenues qui travaillent cotisent à l'assurance chômage.
En Italie, l'encadrement du travail pénitentiaire diffère entre les personnes détenues qui travaillent pour le compte de l'administration pénitentiaire et celles qui travaillent pour des entreprises extérieures ou pour des coopératives sociales. Dans le premier cas, les personnes détenues n'ont pas le droit de toucher d'allocation chômage, même si elles exercent un travail en rotation. Dans le second cas, le droit du travail s'applique et les personnes détenues bénéficient donc d'une assurance chômage identique à celles des travailleurs de droit commun.
En Angleterre, les personnes détenues cotisent à l'assurance chômage et bénéficient d'une indemnité de chômage en détention. Elle est cependant adaptée au très faible niveau de rémunération du travail en détention, et correspond à un minimum de 2,50 livres sterling, soit environ 2,90 euros, par semaine sur la base de cinq jours ouvrables (contre 73 livres sterling en droit commun, soit environ 85 euros).
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Conformément à l'habilitation à légiférer par ordonnance prévue par l'article 22 de la loi n° 2021-1729 pour la confiance dans l'institution judiciaire, sont créées plusieurs dispositions législatives visant à permettre aux personnes détenues travaillant sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire de bénéficier de droits à l'assurance chômage à leur sortie de détention. Dans la mesure où l'assurance chômage n'est pour l'heure pas ouverte au titre du travail pénitentiaire, il est nécessaire de créer des dispositions nouvelles visant à prévoir expressément cette ouverture.
OBJECTIFS POURSUIVIS
Les dispositions envisagées participent à l'objectif d'ouvrir au bénéfice des personnes détenues des droits sociaux utiles à leur réinsertion. Ce faisant, les conditions de travail des personnes détenues se rapprocheront de celles qu'elles ont connu ou connaîtront dans le milieu libre. Les droits ainsi révisés valoriseront les efforts d'insertion professionnelle engagés par les personnes détenues et participeront à préparer au mieux la sortie de détention.
En effet, le fait de ne pas perdre les droits acquis avant l'incarcération et de pouvoir mobiliser des droits nouveaux nés du travail réalisé en détention constituent des facteurs évidents de consolidation du parcours de réinsertion, alors même que la libération est un moment de fragilité certain et que le public détenu est assez fortement stigmatisé dans le cadre de la recherche d'emploi. La création d'un droit à un revenu de remplacement résultant, comme en droit commun, de l'activité régulière précédemment conduite est assurément un facteur de dignité et de lutte contre la récidive.
OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU
Dans le but d'adapter le régime de l'assurance chômage aux spécificités du milieu pénitentiaire afin qu'il permette une prise en compte de la période travaillée en détention dans le calcul des allocations, plusieurs options ont été envisagées.
La première hypothèse envisagée était celle de l'application aux personnes détenues sous contrat d'emploi pénitentiaire du régime d'assurance chômage des agents contractuels de la fonction publique (régime de l'auto-assurance chômage). Ce modèle n'implique aucune contribution patronale : les employeurs de la fonction publique assurent la gestion et le financement de l'allocation chômage. Ces derniers peuvent déléguer à Pôle emploi la gestion de l'indemnisation du chômage de leurs agents et conservent la charge financière des allocations versées et des frais de gestion engagés. La mise en place de ce dispositif pour les personnes détenues impliquait donc la signature d'une convention entre Pôle Emploi et la Direction de l'administration pénitentiaire ou l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle, en vue d'organiser le versement, la facturation et le remboursement des allocations de retour à l'emploi.
La seconde, fondée sur le modèle de l'assurance chômage en droit privé, consistait à faire adhérer les donneurs d'ordre au régime d'assurance chômage, géré par les partenaires sociaux réunis au sein de l'UNEDIC. Il s'agit d'assujettir les rémunérations dues aux personnes détenues, qu'elles travaillent au service général ou en production, à la contribution patronale d'assurance chômage. Cette contribution, comme annoncé par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, sera prise en charge par l'Etat dans le but de ne pas impacter les structures privées offrant du travail en détention et ainsi préserver les emplois des personnes détenues. Dans cette hypothèse, l'indemnisation du chômage est financée par le régime d'assurance chômage et servie par Pôle Emploi. C'est cette seconde hypothèse qui a été retenue dans une optique de préparation au système de cotisations que les personnes détenues retrouveront à la sortie de détention.
Concernant, par ailleurs, l'adaptation de la période de déchéance des droits à l'assurance chômage, les droits acquis au titre d'un travail effectué avant la détention seront prolongés pour une durée de six ans, à laquelle s'ajoute la durée des droits ouverts.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
La mise en place de l'assurance chômage nécessite l'introduction de dispositions législatives dans le code pénitentiaire, au sein du chapitre relatif à la protection sociale des personnes détenues. Ces dernières visent précisément :
? A renvoyer expressément aux dispositions du code du travail applicables ;
? A déterminer une durée spécifique de déchéance des droits pour les personnes détenues, laquelle est de six ans augmentée de la durée des droits ouverts, soit un maximum de neuf ans contre six dans le droit commun ;
? A définir les cas de résiliation du contrat d'emploi pénitentiaire qui peuvent permettre l'ouverture de droits ;
? A établir le principe d'une remise d'une attestation des droits en vue de faciliter le calcul des droits à l'allocation chômage, en renvoyant au décret s'agissant des modalités d'établissement et de transmission ;
? A prévoir l'adhésion des donneurs d'ordre au régime d'assurance chômage pour les personnes détenues sous contrat d'emploi pénitentiaire qu'ils font travailler ;
? A prévoir l'assujettissement des rémunérations dues à la contribution d'assurance chômage ainsi que la prise en charge par l'État de cette contribution pour les donneurs d'ordre de droit privé ;
? A renvoyer à la négociation des partenaires sociaux (ou au pouvoir règlementaire en cas de carence) le soin de définir les mesures d'application, et notamment des mesures d'aménagement pour tenir compte des rémunérations dues au titre du contrat d'emploi pénitentiaire dans le calcul du salaire journalier de référence, souvent faibles et donc susceptibles d'affecter négativement le calcul du salaire journalier de référence.
L'ouverture de l'assurance chômage au bénéfice des personnes détenues exerçant une activité de travail en détention implique également la création d'une disposition législative au sein du code du travail, dans le titre relatif à l'indemnisation des travailleurs privés d'emploi. Cette disposition énonce la prise en compte des activités de travail en détention pour l'attribution, le calcul et le paiement des allocations chômage et renvoie expressément aux dispositions du code pénitentiaire exposées ci-dessus. Enfin, elle précise que le versement de l'allocation ne peut avoir lieu qu'à compter de la libération ou du bénéfice d'un aménagement de peine.
IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
1.1.1. Impacts macroéconomiques
Le bénéfice d'une allocation de retour à l'emploi dès la sortie de détention, qu'elle soit due au travail réalisé en détention ou au prolongement des droits acquis antérieurement, participera de l'amélioration de la situation des personnes détenues à l'issue de leur détention, notamment en bénéficiant d'un revenu de remplacement.
1.1.2. Impacts sur les entreprises
Bien qu'il entraîne la mise en place d'une nouvelle contribution patronale attachée au travail pénitentiaire, le dispositif retenu n'aura pas d'impact sur les entreprises implantées en détention, la contribution au titre de l'assurance chômage étant prise en charge par l'Etat. Il est en effet impératif de trouver un équilibre entre la nécessaire ouverture de droits sociaux nouveaux utiles à la réinsertion et la préservation de l'engagement des entreprises en faveur du travail des personnes détenues. Si le développement de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises constitue aujourd'hui un enjeu important pour celles-ci sur lequel le ministère de la justice s'appuie pour favoriser le travail pénitentiaire, une augmentation trop importante du coût du travail, alors que la population carcérale comprend en son sein une forte proportion de personnes éloignées de l'emploi dont la productivité immédiate est parfois faible, aurait pu, comme nos voisins transalpins ont pu le vivre, décourager l'implantation d'activités de production en détention.
1.1.3. Impacts budgétaires
L'impact budgétaire, pour l'État, de l'ouverture de droits sociaux utiles à l'insertion professionnelle des personnes détenues, concerne la prise en charge des contributions d'assurance chômage dues par les donneurs d'ordre. S'agissant de l'assurance chômage, la situation actuelle se caractérise par une absence de contribution patronale et par une absence de droit à allocation ouvert au titre du travail réalisé en détention. La mise en place d'une contribution patronale au taux de droit commun de 4,05% se traduira par les coûts suivants :
Coût annuel des cotisations patronales au service général |
Coût annuel des cotisations en production |
Coût annuel total |
1 368 134,71217(*) euros |
1 356 982,4718(*) euros |
2 725 117,1819(*) euros |
Comme annoncé par le Garde des Sceaux, ministre de la justice, l'ensemble de ces coûts (cotisations patronales au service général et en production) sera supportée par l'Etat en vue de maintenir une attractivité suffisante du travail pénitentiaire. Les contributions seront ainsi acquittées auprès de l'UNEDIC par l'Etat.
Cela étant, ce coût brut doit être mis en regard d'une diminution des sommes versées au titre du revenu de solidarité active et de la garantie jeunes, qui représente une économie réalisable d'environ 1,28 million d'euros par mois.
S'agissant du coût pour l'UNEDIC des allocations dues au titre du travail pénitentiaire, il n'apparait pas possible l'estimer a priori car celui-ci dépendra des mesures d'adaptation qui seront prises pour tenir compte des rémunérations dues au titre du contrat d'emploi pénitentiaire dans le calcul du salaire journalier de référence.
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'ouverture du droit aux allocations de retour à l'emploi nécessitera un lien accru du service pénitentiaire d'insertion et de probation avec les services de Pôle emploi afin de s'assurer de la possibilité de mobiliser les droits dès la sortie de détention.
IMPACTS SOCIAUX
L'ouverture de l'assurance chômage au titre du travail réalisé en détention aura pour effet de soutenir la réinsertion des sortants de détention, par la prise en compte des activités professionnelles exercées pendant l'exécution de leur peine. L'ouverture des droits à l'allocation de retour à l'emploi au moment de la libération participera par ailleurs à réduire la fragilité inhérente à cette étape.
Par ailleurs, une allocation chômage mobilisable à la sortie de détention permettra de diminuer le versement du revenu de solidarité active.
Pour les jeunes de 18 à 25 ans, représentant 32% de la population détenue et qui sont éligibles uniquement à la garantie jeune, soumise à des conditions strictes, le bénéfice de l'assurance chômage au titre du travail réalisé en détention leur garantira également des ressources minimales. L'accès à des ressources minimales est une condition nécessaire de réintégration dans la société et d'accès au marché du travail.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à l'ouverture de l'assurance chômage pour le travail réalisé en détention ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Comité technique du service pénitentiaire d'insertion et de probation ;
? Comité technique de l'administration pénitentiaire ;
? Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Les dispositions législatives relatives à l'ouverture des droits à l'allocation chômage rentreront en vigueur à une date fixée par décret. Une synchronisation avec la mise en place du nouveau système d'information paye pour les personnes détenues (OCTAVE) est nécessaire afin de garantir des déclarations sociales nominatives (DSN) fiables et de permettre le prélèvement à la source.
Quant à la disposition relative au délai de déchéance, elle est entrée en vigueur au lendemain de la publication de l'ordonnance.
1.1.2. Application dans l'espace
L'ordonnance contient une disposition visant à exclure l'application des dispositions relatives à l'assurance chômage dans les collectivités d'outre-mer, pour lesquelles l'assurance chômage relève d'une compétence propre (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna).
1.1.3. Textes d'application
Ces dispositions législatives seront complétées :
? S'agissant des modalités d'établissement et de transmission des attestations de droits, par un décret ;
? S'agissant des autres mesures d'application, selon les modalités prévues par l'article L. 5422-20 du code du travail qui renvoie à la négociation des partenaires sociaux ou au pouvoir réglementaire en cas de carence de ces derniers, les accords relatifs à l'assurance chômage.
CHAPITRE III DE L'ORDONNANCE - DISPOSITION RELATIVE À LA MIXITÉ
Article n° 9 de l'ordonnance: développer la mixité des activités
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
Les femmes et les hommes détenus ne peuvent être hébergés dans le même quartier d'un établissement pénitentiaire. De même, les femmes détenues ne peuvent être surveillées que par des personnes du même sexe, même si l'encadrement peut comporter des personnels masculins.
En revanche, s'agissant de l'organisation des activités proposées en détention, l'article L. 411-3 du code pénitentiaire prévoit que « Sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements et à titre dérogatoire, des activités peuvent être organisées de façon mixte. »
CADRE CONSTITUTIONNEL
Le principe d'égalité entre les hommes et les femmes est proclamé dans le Préambule de la Constitution de 1946, en son article 3, « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ». Ce principe s'applique également aux personnes détenues.
CADRE CONVENTIONNEL
En vertu des traités de l'Union européenne, la gestion des établissements pénitentiaires relève de la compétence des États membres. Il n'existe donc aucun instrument juridiquement contraignant relatif aux conditions de détention. Par ailleurs, le champ d'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne étant limité aux domaines dans lesquels le droit de l'Union s'applique, celle-ci ne peut trouver à s'appliquer.
La charte des droits fondamentaux prévoit en revanche dans son article 23 que : « L'égalité entre les femmes et les hommes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d'emploi, de travail et de rémunération. Le principe de l'égalité n'empêche pas le maintien ou l'adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté. ».
Les règles pénitentiaires européenne (RPE) prévoient dans leur règle numéro 5 que « la vie en prison doit s'aligner aussi étroitement que possible aux aspects positifs de la vie extérieure à la prison ». Les RPE reconnaissent par ailleurs l'intérêt de la mixité si elle est bien encadrée et si elle s'effectue avec le consentement des personnes détenues (Règle 18.9).
ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Les établissements pénitentiaires sont par principe non mixtes. Cependant, dans plusieurs pays européens, la mixité est acceptée à titre dérogatoire.
Ainsi, en Espagne, la mixité est exceptionnellement autorisée, avec le consentement des personnes détenues, pour le maintien des liens familiaux. Hommes et femmes conjoints détenus peuvent se rencontrer dans des parloirs spécialement aménagés. Les femmes rencontrent plus de difficultés que les hommes pour accéder aux équipements communs (bibliothèque, centre sportif, théâtre). Comme en France, on observe une offre d'activités plus faible, alors qu'elles y participent davantage. Les activités proposées restent stéréotypées, avec des ateliers de couture, de broderie et de ménage.
En Norvège, les femmes participent, dans des établissements hébergeant aussi des hommes, à des activités mixtes de loisir, de formation et de travail.
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Dans un avis relatif à la situation des femmes privées de liberté rendu le 25 janvier 2016, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLP) relève ainsi une rupture d'égalité dans l'accès aux activités entre les femmes et hommes détenus. Les locaux réservés aux femmes sont souvent plus réduits que ceux des hommes, les équipements plus sommaires et les intervenants moins nombreux. Par ailleurs, les femmes sont principalement cantonnées à des activités basées sur la reproduction de stéréotypes genrés (formation cuisine, ateliers de broderie et de couture...). La principale cause de cette rupture d'égalité est la faible proportion de femmes en détention (3,6%) mais également l'absence de mixité qui interdit ou gêne l'accès des femmes aux structures situées dans les quartiers hommes. En effet, à l'exception de quelques établissements les femmes sont peu nombreuses, les salles d'activités sont donc essentiellement situées dans les quartiers hommes. Les femmes n'y ont donc que peu accès dans la mesure où cela entraine de fortes contraintes dans l'organisation de la détention afin qu'hommes et femmes ne se croisent pas.
Si l'article L. 411-3 du code pénitentiaire autorise actuellement l'organisation d'activités mixtes en détention, cette possibilité est ouverte à titre dérogatoire et sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité. Les activités mixtes sont donc considérées comme exceptionnelles. De fait, en 2021 l'enquête « Egalité femmes-hommes » de la direction de l'administration pénitentiaire estimait que seuls 4% de l'ensemble des activités mises en place en détention étaient mixtes.
A ce titre, il convient d'encourager le développement de la mixité des activités en faisant de la mixité un principe et non une exception telle que la législation actuelle le prévoit.
OBJECTIFS POURSUIVIS
Au regard des constats dressés, l'organisation d'activités de façon mixte apparaît comme un puissant levier pour aboutir à une plus grande égalité dans l'accès des femmes et des hommes aux activités en détention. En effet, ce mode d'organisation remplit différents objectifs en ce qu'il permet :
? d'augmenter le nombre d'activités proposées aux femmes détenues ;
? de diversifier l'offre et proposer des activités moins stéréotypées au regard du genre ;
? de constituer des groupes d'effectifs suffisants ;
? de travailler le vivre-ensemble, le respect de l'altérité et l'égalité femmes-hommes ;
? d'aligner la vie en détention sur les conditions de vie à l'extérieur, conformément aux Règles pénitentiaires européennes.
Depuis plusieurs années des établissements expérimentent la mixité sur des activités ponctuelles et pérennes comme le travail ou la formation professionnelle. À Metz, Poitiers ou Bordeaux, les résultats positifs de projets réguliers menés en mixité ont finalement fait disparaître les craintes initiales du personnel pénitentiaire liées à la sécurité des femmes détenues. La mixité n'a en effet pas impacté l'attention portée aux activités, la sécurité des femmes détenues ou encore la productivité au travail. Des effets de bords positifs ont même été observées sur la productivité des hommes détenus au travail.
OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
OPTIONS ENVISAGÉES
Depuis plusieurs années, des initiatives locales sont prises pour développer la mixité. Le succès de ces initiatives locales a progressivement levé les réticences qui pouvaient exister au sein du personnel pénitentiaire et des directions d'établissement pénitentiaire. Un groupe de travail a été mené tout au long de l'année 2020. Il a conclu, comme le CGLPL en 2016, que le meilleur vecteur de développement de la mixité serait de modifier la loi, aujourd'hui trop désincitative, afin d'essaimer dans tous les établissements pénitentiaires accueillant des femmes des activités mixtes. Il s'agit de faire de l'exception un principe.
OPTION RETENUE
Le choix a été fait de modifier l'article L. 411-3 du code pénitentiaire afin de prévoir que les activités sont organisées en mixité sauf lorsqu'il existe des motifs de bon ordre ou de sécurité s'y opposant.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
L'article L. 411-3 du code pénitentiaire sera révisé à travers cette ordonnance afin de consacrer le principe de mixité des activités.
IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
Le développement de la mixité en détention n'aura aucun impact financier identifié.
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le développement de la mixité des activités en établissement pénitentiaire nécessite de mettre en place au sein de chaque établissement un processus de conduite du changement. En effet, les craintes pour la sécurité des femmes détenues poussent le personnel pénitentiaire à limiter voire empêcher toute interaction entre les femmes et les hommes.
La réglementation relative à la surveillance des personnes détenues est significative de cette culture historique de non mixité en détention. Ainsi, les articles R. 211-1 et D. 211-2 du code pénitentiaire précisent que les femmes détenues ne peuvent être surveillées que par une personne de leur sexe et que le personnel masculin n'a accès au quartier d'hébergement des femmes que sur autorisation du chef de l'établissement pénitentiaire. Néanmoins, hors de leur quartier d'hébergement, les femmes détenues peuvent être placées sous la surveillance de personnels pénitentiaires féminins ou masculins. A ce titre, la surveillance des activités mixtes, qui se déroulent en dehors des zones d'hébergement, pourra être effectuée par du personnel masculin ce qui facilitera la gestion des activités.
En revanche, le développement de la mixité impliquera une gestion des mouvements plus contraignante et donc une adaptation des ressources humaines de surveillants pénitentiaires. Les quartiers femmes étant souvent éloignés des salles d'activité, de formation et des zones de travail.
Les chefs d'établissement devront proposer des temps d'accompagnement aux personnels de surveillance afin de lever les éventuelles craintes relatives à la mise en oeuvre des activités de façon mixte. Au sein des milieux clos que constituent les établissements pénitentiaires, la séparation des sexes et la faible proportion de femmes et filles incarcérées tend à amplifier l'affirmation de rôles sociaux stéréotypés. A cet égard, certains types d'activités en mixité sexuée peuvent représenter une opportunité d'aborder les thématiques d'égalité femmes-hommes auprès des personnes détenues. Des ateliers d'information et de sensibilisation sur cette thématique devront également proposés aux personnels pénitentiaires.
IMPACTS SOCIAUX
1.1.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Le développement de la mixité permettra aux femmes détenues en situation de handicap d'accéder plus facilement aux structures de travail spécialisée dans le handicap comme les entreprises adaptées et les ESAT. Ces structures, aujourd'hui en nombre limité, ont vocation à se déployer dans l'ensemble des établissements pénitentiaires connaissant un vivier important de personnes détenues en situation de handicap. Ces structures n'accueillent aujourd'hui que des hommes. Au regard du faible nombre de femmes détenues et du nombre encore plus faible de femmes détenues en situation de handicap seul le développement de la mixité leur permettra de bénéficier de l'accès à ces structures.
1.1.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
De nombreuses considérations sécuritaires et numéraires aboutissent souvent à ce qu'il apparaisse plus aisé d'organiser des interventions pour le public accueilli en quartier pour hommes. En effet, le nombre relativement faible de femmes parmi la population pénale appelle à une protection particulière de ce public, pouvant entraîner un moindre accès aux dispositifs et aux services communs mis en place en détention (zones socioculturelles, terrains de sport, bibliothèque, travail, formation et soins etc.), et se traduire, in fine, par une mise à l'écart. Ainsi, seules 15% des places de formation professionnelles sont accessibles aux femmes
Malgré la part très faible de femmes détenues parmi la population incarcérée, l'offre d'activité proposée aux femmes, et notamment d'activités professionnelles, doit être riche et diversifiée. L'accès aux activités professionnelles conditionne les possibilités de réinsertion à la sortie grâce à l'obtention d'une certification ou d'une expérience professionnelle. Ainsi, l'égalité d'accès des femmes aux activités est essentielle pour leur donner les mêmes chances d'insertion à la sortie.
La levée du frein juridique à la mixité prévue par la présente ordonnance constitue donc un vecteur premier de l'égalité entre les femmes et les hommes.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les modalités de développement de la mixité ont fait l'objet d'une enquête menée par la direction de l'administration pénitentiaire à la fin de l'année 2021. En amont de cette enquête, plusieurs groupes de travail réunissant des personnels de terrain avaient permis d'identifier des pistes de développement. Une circulaire d'application sur la mixité des activités en détention sera également travaillée dans le cadre de groupes de travail.
La disposition législative relative à la mixité des activités a été soumise au comité technique de l'administration pénitentiaire et au comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.3. Application dans le temps
Cette modification législative est entrée en vigueur au lendemain de la publication de l'ordonnance.
1.1.4. Application dans l'espace
Cette disposition législative sera applicable à l'ensemble du territoire métropolitain mais également aux départements et collectivités d'outre-mer.
1.1.5. Textes d'application
La présente disposition législative fera l'objet d'un décret en Conseil d'Etat et d'une circulaire d'application.
CHAPITRE IV DE L'ORDONNANCE - DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS À LA FORMATION
Articles n° 10 à 12 de l'ordonnance : Favoriser l'accès à la formation professionnelle à la sortie de détention
1. ÉTAT DES LIEUX
Si de nombreuses possibilités de formations professionnelles existent actuellement en détention et sont entièrement prises en charge par les régions, il est impossible pour les personnes détenues de recourir à l'ouverture d'un compte personnel d'activité et des éléments qui le composent, dont le compte personnel de formation, qui pourrait leur permettre de financer une formation à la sortie de détention grâce au travail réalisé en détention.
Les activités bénévoles menées en détention ne font pas non plus l'objet d'une reconnaissance formelle et ne permettent pas l'alimentation d'un compte d'engagement citoyen, autre composante du compte personnel d'activité, qui permet en droit commun de reconnaître et de valoriser l'engagement bénévole. Pourtant, de nombreuses activités bénévoles conduites en détention justifieraient une forme de reconnaissance afin de consolider l'insertion citoyenne des personnes détenues faisant acte de solidarité. Pourraient notamment être encouragés le système de codétenu de soutien, l'aide à la traduction ou encore l'aide à la rédaction de courriers qui constituent chacune des activités régulières et encadrées par l'administration pénitentiaire.
NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NECESSITE DE LEGIFERER
En conformité avec l'habilitation à légiférer par ordonnance, l'ouverture d'un compte personnel d'activité en détention, composé des comptes personnel de formation et d'engagement citoyen, nécessite la création de nouvelles dispositions législatives à inscrire dans le code pénitentiaire, ainsi que la modification de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. Ces créations et cette dernière modification sont nécessaires dans la mesure où aucune disposition ne traite jusqu'à présent du compte personnel d'activité en détention.
OBJECTIFS POURSUIVIS
Les dispositions envisagées participent à l'objectif d'ouvrir au bénéfice des personnes détenues des droits sociaux utiles à leur réinsertion. Les droits ainsi révisés valoriseront les efforts engagés par les personnes détenues et participeront à préparer au mieux la sortie de détention. Ce dernier aspect se retrouve particulièrement dans l'ouverture du compte personnel d'activité. En effet, la possibilité de financer une formation à la sortie de détention à partir de droits acquis grâce au travail réalisé en détention et aux activités bénévoles valorisées pendant l'exécution de la peine participera à une meilleure insertion ou réinsertion professionnelle des personnes anciennement détenues.
La valorisation des activités bénévoles dans le cadre du compte d'engagement citoyen participera par ailleurs à la reconnaissance des comportements citoyens et solidaires, et doit également être encouragée, au même titre qu'il l'est pour tout autre citoyen.
OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU
En vue d'ouvrir un compte personnel d'activité adapté aux spécificités du milieu pénitentiaire, plusieurs options ont été envisagées. En effet, en droit commun le compte personnel de formation, alimenté d'une part au titre du travail réalisé et d'autre part au titre du compte d'engagement citoyen, existe sous deux régimes distincts. Pour les salariés de droit privé, le compte personnel de formation est comptabilisé en euros, tandis qu'il est comptabilisé en heures pour les agents de droit public. Ainsi, parce que l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics à caractère administratif ne s'acquittent pas de la CUFPA20(*) , le compte de l'agent public est alimenté chaque année en heures, avec une limite de plafond définie par décret. Ces heures ouvrent droit à des formations, ensuite directement financées par l'administration, l'Etat ou la collectivité. Celles-ci peuvent ensuite être converties en euros (1h = 15€).
Il a ainsi semblé plus pertinent de retenir le modèle public, étant celui déjà appliqué au sein de l'administration pénitentiaire. Est donc prévue une ouverture et une alimentation du compte personnel de formation pour les personnes détenues en situation de travail proche de celui pratiqué au bénéfice des agents publics. La réglementation prévoit ainsi une alimentation du compte à hauteur de 25 heures maximum par an dans la limite d'un plafond de 150 heures. Par ailleurs, le modèle proposé inclut une majoration du montant d'alimentation et de plafond pour le cas d'une personne détenue reconnue en qualité de travailleuse handicapée ou n'ayant pas atteint un certain niveau de formation. Dans ce dernier cas, l'alimentation du compte se fait pour un maximum de 50 heures par an, dans la limite d'un plafond de 400 heures.
En complément, est prévue la création et l'abondement du compte d'engagement citoyen, qui permet d'acquérir des droits supplémentaires sur le compte personnel de formation ainsi que des jours de congés destinés à l'exercice des activités si le donneur d'ordre le prévoit. Ce compte d'engagement citoyen sera alimenté du fait de la participation des personnes détenues à des activités de bénévolat en détention dans le cadre d'une réserve civique thématique telle que prévue par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. La comptabilisation d'un certain nombre d'heures de bénévolat, fixé par décret, entraînera l'alimentation du compte d'engagement citoyen pour un certain montant, également arrêté par décret, lequel viendra augmenter les droits acquis sur le compte personnel de formation. Ces modalités d'alimentation seront prévues par voie réglementaire. Ces droits seront financés par l'Etat conformément à l'article L. 5151-11 du code du travail.
L'ensemble des droits acquis sur le compte personnel d'activité, au titre du compte personnel de formation comme du compte d'engagement citoyen, ne seront mobilisables qu'à la sortie de détention.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES
IMPACTS JURIDIQUES
La mise en place du compte personnel de formation et du compte d'engagement citoyen nécessite la création de dispositions législatives dans le code pénitentiaire, au sein du titre relatif aux activités en détention. Ces dernières, constituant une nouvelle section relative au compte personnel d'activité dans le chapitre énonçant les dispositions communes, visent précisément :
? A établir le principe de création d'un compte personnel d'activité pour les personnes détenues ;
? A exclure le bénéfice du compte personnel de prévention pendant la durée de la détention ;
? A prévoir la mobilisation des droits acquis sur le compte personnel d'activité postérieurement à la sortie de détention ou à partir du bénéfice d'un aménagement de peine ;
? A établir le principe de l'alimentation du compte personnel de formation en heures et dans la limite d'un plafond, ainsi que les cas de majoration ;
? A prévoir l'applicabilité de certaines dispositions du code du travail relatives au fonctionnement du compte personnel de formation aux personnes détenues ;
? A déterminer l'objet et le cadre juridique de la réserve citoyenne de réinsertion en tant que réserve civique thématique.
Egalement, une disposition législative du code du travail doit être complétée pour permettre l'ouverture d'un compte personnel d'activité pour les personnes détenues exerçant une activité de travail ou bénévole en détention (article L. 5151-2 du code du travail).
En outre, la création de la réserve citoyenne de réinsertion nécessite sa mention dans l'article 1er de la loi n° 2021-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.
IMPACTS ECONOMIQUES ET FINANCIERS
Impacts macroéconomiques
Le développement de nouvelles possibilités de formation à l'issue de la détention, rendu possible grâce au travail réalisé en détention ainsi que du fait de l'exercice d'activités bénévoles, permettra aux personnes anciennement détenues de faciliter leur retour à l'emploi. Cela entraînera de fait une augmentation de leur pouvoir d'achat et donc une alimentation du système économique national.
Impacts budgétaires
Ouverture du compte personnel de formation
Le coût potentiel de la création du compte personnel de formation dépendra grandement du taux de mobilisation des droits acquis. Le modèle d'alimentation retenu étant comptabilisé en heures, sur le modèle du compte personnel de formation des agents publics, il est nécessaire de convertir ces heures en euros pour estimer le coût de la mobilisation des droits à la sortie de détention : en moyenne, une heure de formation équivaut à 15 euros.
Il est également nécessaire de prendre en compte les cas de majoration des droits prévues concernant les personnes en situation de handicap ainsi que les personnes ne possédant pas de diplôme ou titre professionnel enregistré et classé au niveau 3, qui bénéficient d'une alimentation du compte à hauteur de maximum 50 heures par an, dans la limite de 400 heures. En surévaluant la réalité et pour avoir l'estimation la plus haute des coûts potentiels, il peut être considéré que l'ensemble des personnes détenues travaillant bénéficiera du plafond augmenté prévu, qui sera proratisée à 27h /an dans la limite de 108 heures au regard de la moyenne de la durée de travail en détention.
Toutefois, dans la mesure où en moyenne 5% des personnes mobilisent leur compte, et que parmi cette fraction la part des catégories socioprofessionnelles les plus élevées est surreprésentée, la conversion brute des heures de formation acquises sur le compte personnel de formation des personnes détenues peut être réduit en proportion au moins égale.
Par conséquent, le coût estimé de la mise en place du CPF en détention est le suivant :
Nombre total d'heures de formation cumulées sur le CPF sur un an pour l'ensemble des travailleurs détenus |
Conversion en euros des heures de formation cumulées sur le CPF sur un an pour l'ensemble des travailleurs détenus |
Coût total de la mobilisation des droits acquis sur le CPF au regard de la moyenne de mobilisation (5%) |
550 42221(*) |
8 256 33022(*)? euros |
412 816,50 euros |
Par ailleurs, il s'agit en réalité d'un transfert de charge financière dans la mesure où ces droits à la formation acquis en détention et financés par l'administration pénitentiaire ne seront donc plus financés par Pôle emploi, organisme vers lequel les sortants de détention se tournent actuellement pour financer une éventuelle formation.
Ouverture du compte d'engagement citoyen
S'agissant du coût engendré par l'ouverture du compte d'engagement citoyen, la population pénale à prendre en compte est moindre : environ 2000 personnes, selon une estimation haute, exercent au moins 80 heures de bénévolat par an en détention. Les activités ainsi que le nombre de personnes détenues concernées peuvent être détaillés :
? Codétenu de soutien dans le cadre de la prévention du suicide, environ 100 personnes détenues ;
? Aide à la traduction, étant donné que 7% de la population pénale est recensée comme de nationalité étrangère et parlant un français rudimentaire ou ne le comprenant pas, environ 600 personnes détenues ;
? Ecrivains publics, correspondant à une activité d'aide dans le cadre de démarches administratives, environ 600 personnes détenues ;
? Autres activités bénévoles, notamment diverses initiatives locales, par exemple la rédaction d'un journal ou encore la création d'un rôle de facilitateur des relations entre les personnes détenues et l'administration, environ 200 personnes détenues.
Des activités associatives ponctuelles (Sidaction, Téléthon, etc.) sont également exercées par environ 2000 personnes détenues, mais ne sont pas comptabilisées dans l'estimation en ce qu'elles ne permettent un seuil d'heures suffisant, à moins d'exercer en complément une autre activité bénévole.
Ce sont donc environ 1500 personnes détenues qui sont aujourd'hui concernées par la possibilité d'alimenter chaque année leur compte d'engagement citoyen. En considérant le montant annuel d'alimentation du CEC, fixé à 240 euros, la dépense potentielle maximale pourrait s'élever à 360 000 euros. Le compte d'engagement citoyen venant abonder les droits acquis sur le compte personnel de formation, et en retenant la même hypothèse de mobilisation que celle exposée ci-dessus (5%), alors le coût annuel supplémentaire pour l'Etat serait de l'ordre de 18 000 euros.
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'ouverture et l'alimentation du compte d'engagement citoyen par le biais de la création d'une réserve civique nécessiterait la mise en place d'une formalisation des engagements des détenus bénévoles et la mise en place d'un calcul des heures de bénévolat effectuées. Cette comptabilisation des heures de bénévolat effectuées devra être faite par un personnel au sein des établissements pénitentiaires.
IMPACTS SOCIAUX
La création de droits attachés au travail et aux activités bénévoles réalisés en détention constitue une évolution forte, raisonnant directement avec les questions de responsabilité sociétale. C'est encore le parti pris de la dignité et la traduction de la volonté affirmée du Gouvernement de faire de la peine privative de liberté un temps utile dans la lutte contre la récidive. De fait, les activités professionnelles et bénévoles exercées en détention ouvriraient de nouveaux droits pour les sortants de détention, soutenant la réinsertion et réduisant la fragilité inhérente au moment de la libération. Les personnes détenues pourraient, par exemple, bénéficier, grâce aux droits acquis sur leur compte personnel de formation et leur compte d'engagement citoyen, de crédits leur permettant de financer une formation professionnelle venant en complément des compétences acquises grâce à l'activité en détention. Il s'agirait là d'un gain important d'autonomie et de responsabilisation, les personnes anciennement détenues disposant grâce à leurs activités en détention de moyens supplémentaires pour financer une formation.
La mise en place de la réserve civique permettrait de valoriser les activités bénévoles et les pratiques d'entraide. Ces activités et pratiques, outre le sentiment d'utilité sociale qu'elles procurent, seront en outre valorisées dans une optique d'insertion professionnelle par l'accès à de nouvelles offres de formation.
La formation professionnelle est particulièrement importante dans la mesure où la population pénale n'est globalement pas qualifiée (presque 44% de la population est sans diplôme), jeune (44% des personnes détenues ont entre 18 et 30 ans), souvent sans emploi (57,3% des emprisonnements fermes ont été prononcés à l'encontre de personnes prévenues en situation d'inemploi dans un groupe où elles ne représentaient que 34% de l'échantillon). Le travail et la formation professionnelle leur permet donc de pouvoir acquérir des compétences et des certifications. On estime par ailleurs que le travail et la formation professionnelle diminue de moitié le risque de récidive.
CONSULTATIONS ET MODALITES D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENEES
Les dispositions législatives relatives à l'ouverture du compte personnel d'activité en détention ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Comité technique du service pénitentiaire d'insertion et de probation ;
? Comité technique de l'administration pénitentiaire ;
? Haut conseil de la vie associative ;
? Commission de surveillance de la caisse des dépôts et consignations.
MODALITES D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Les dispositions législatives relatives à l'ouverture du compte personnel d'activité rentreront en vigueur à une date fixée par décret.
1.1.2. Application dans l'espace
La présente ordonnance contient une disposition visant à exclure l'application des dispositions relatives au compte personnel d'activité, et donc aux comptes personnel de formation et d'engagement citoyen, dans les collectivités d'outre-mer, pour lesquelles ce compte n'a pas d'existence (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna).
En revanche, la présente ordonnance prévoit dans ces mêmes collectivités la création de la réserve citoyenne de réinsertion, en ce que sa création est indépendante de la création du compte d'engagement citoyen conformément à l'article 22 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.
1.1.3. Textes d'application
Ces dispositions législatives seront complétées par décret.
CHAPITRE V DE L'ORDONNANCE - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SANTÉ ET À LA SÉCURITÉ DANS LES ACTIVITÉS DE TRAVAIL ET À L'INSPECTION DU TRAVAIL
Articles n° 13 et 14 de l'ordonnance: Renforcer la protection de l'hygiène et de la sécurité sur les lieux de travail en détention
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
Afin d'assurer le respect de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité en détention, une circulaire du 16 juillet 1999 et un article D. 433-8 du code de procédure pénale devenu D. 412-71 du code pénitentiaire prévoient que l'inspection du travail effectue des déplacements au sein des locaux pénitentiaires. Le chef de l'établissement pénitentiaire doit adresser aux directeurs départementaux du travail la liste des activités de production et de formation organisées. En pratique, cette obligation est peu suivie.
Par ailleurs, l'agent de l'inspection du travail est compétent pour intervenir en détention. Néanmoins, ses visites se déroulent à l'initiative du chef d'établissement pénitentiaire. Son intervention peut donner lieu à un rapport qui indique les éventuels manquements en matière d'hygiène et de sécurité et recommande les mesures à prendre.
En cas de désaccord sur la nature ou le calendrier de ces mesures, l'inspecteur du travail en réfère à la Direction régionale de l'économie, de l'emploi et des solidarités (DREETS) qui saisira elle-même la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) compétente.
Enfin, le chef d'établissement dispose d'un pouvoir d'injonction direct vis-à-vis du responsable de l'entreprise concessionnaire et peut donc lui enjoindre de respecter les observations de l'agent du l'inspection du travail.
La couverture très imparfaite en matière de médecine du travail ou d'inspection du travail et les initiatives développées par l'administration pénitentiaire en faveur des publics les plus vulnérables sont symptomatiques d'un état du droit qui n'est plus complétement adapté aux efforts de prise en charge et à la volonté d'assurer un parcours de peine garantissant les meilleures chances de réinsertion.
CADRE CONVENTIONNEL
La règle n° 17 des règles Nelson Mandela prévoit que « Tous les locaux fréquentés régulièrement par les détenus doivent être correctement entretenus et être maintenus en parfait état de propreté à tout moment. »
La règle 101 précise par ailleurs « Les précautions prescrites pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs libres doivent être également prises dans les établissements pénitentiaires. »
Les règles pénitentiaires européennes prévoient également (Règle 26.13.) que « les mesures appliquées en matière de santé et de sécurité doivent assurer une protection efficace des détenus et ne peuvent pas être moins rigoureuses que celles dont bénéficient les travailleurs hors de prison. »
La convention n° 81 de l'organisation internationale du travail précise les missions dévolues aux systèmes d'inspections du travail, en particulier celle d'assurer l'application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs
L'objectif de renforcer la protection de l'hygiène et de la sécurité des lieux de travail en détention et par voie de conséquence, de confier des prérogatives à l'inspection du travail en matière de contrôle des règles de santé et de sécurité applicables au travail en détention conduit, dans un soucis d'alignement, à mettre en concordance ces prérogatives avec les principes qui les régissent en vertu de ladite convention, en particulier le droit d'entrée prévue par l'article 12 de la convention 81.
Dès lors, l'assujettissement aux obligations de préservation de la santé sécurité au travail des personnes détenues prévu par la IVème partie du code du travail conduit à la reconnaissance de ce droit d'entrée afin de permettre l'effectivité de l'exercice de leurs prérogatives par les agents de l'Inspection du travail et in fine le contrôle effectif de ces obligations, en particulier lorsque le donneur d'ordre est une personne morale de droit privé.
Les sujétions particulières liées à la détention et le caractère sui generis de cette relation contractuelle conduit toutefois à renvoyer à un décret pour la détermination pratique des conditions d'exercice de ce droit d'entrée.
L'article 13 de la même convention dispose par ailleurs :
« Les inspecteurs du travail seront autorisés à provoquer des mesures destinées à éliminer les défectuosités constatées dans une installation, un aménagement ou des méthodes de travail qu'ils peuvent avoir un motif raisonnable de considérer comme une menace à la santé ou à la sécurité des travailleurs ».
Le respect de cet autre engagement international de la France conduit à ce que, dès lors que le donneur d'ordre est une personne de droit privée, l'inspection du travail puisse exercer à son égard la plénitude de ses prérogatives, de la simple observation de remédier aux manquements constatés, jusqu'à l'exercice du pouvoir de verbalisation qui leur est reconnus par les dispositions légales applicables.
ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
En Italie, les personnes détenues exerçant un travail bénéficient des mêmes garanties d'hygiène et de sécurité que les travailleurs de droit commun.
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
Les modalités actuelles d'intervention des agents de contrôle de l'inspection du travail doivent être révisées, afin de prévoir des dispositions de nature législatives permettant de délimiter son champ d'intervention, ses modalités d'intervention mais également ses prérogatives et moyens d'intervention tant à l'égard de l'administration pénitentiaires que des structures implantées en détention faisant travailler les personnes détenues. La clarification du rôle et le renforcement des prérogatives de l'inspection de travail en détention permettra de mieux garantir l'hygiène et la sécurité des lieux de travail en détention.
OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
L'application d'une compétence pleine et entière de l'inspection du travail sur l'ensemble de ses champs de compétences (harcèlement, fin de contrat, temps de travail etc.) a été exclue en raison du caractère sui generis du travail pénitentiaire qui ne relève pas du code du travail et, à ce titre, échappe à la compétence de l'inspection du travail. En revanche, il a été décidé d'étendre ses prérogatives en matière de contrôle de respect des règles en matière de santé et de sécurité dans la mesure où les dispositions du code du travail relatives à la santé et de sécurité au travail sont les seules dispositions du code du travail applicables en détention.
En particulier, les prérogatives des services de l'inspection du travail ont été renforcées envers le donneur d'ordre par parallélisme avec les prérogatives dont ces services disposes envers les mêmes acteurs en dehors de l'enceinte de la détention.
Il a ainsi été nécessaire de créer une section 5 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code pénitentiaire « Protection de la santé et de la sécurité au travail » réunissant l'ensemble des dispositions sur la répartition des responsabilités en matière de santé et de sécurité au travail, entre la personne détenue, le donneur d'ordre privé et le chef de l'établissement pénitentiaire ainsi que les dispositions sur organisant l'intervention des services de l'inspection du travail en détention.
Il a également été nécessaire de créer un nouvel article dans le code du travail prévoyant la compétence des services de l'inspection du travail pour intervenir en détention.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
Le code pénitentiaire est modifié afin d'insérer une section 5 dédiée à la protection de la santé et la sécurité au travail :
? L'article L. 412-20-1 reprend l'article D. 412-70 en vigueur et lui donne valeur législative ;
? Les articles L. 412-20-1 à L. 412-20-3 répartissent les obligations en matière de sécurité et de santé au travail entre le chef de l'établissement pénitentiaire et le donneur d'ordre : formation et prévention, aménagement des postes, utilisation des équipements de travail, prévention des risques. Ces articles reprennent les dispositions de l'article L. 412-72 existant et lui donnent valeur législative ;
? Les articles L. 412-20-4 à L. 412-20-7 et l'article L. 412-20-11 organisent l'intervention des services de l'inspection du travail en détention : droit d'entrée dans les établissements, pouvoirs à l'encontre des donneurs d'ordre privés (constater les infractions, procéder à des prélèvements, mettre en demeure, prendre des mesures d'urgence, proposer des transactions), mesures qui sont celles du droit commun. Le chef de l'établissement pénitentiaire peut par ailleurs lui-même solliciter l'intervention des services de l'inspection du travail. ;
? L'article L. 412-20-6 prévoit que les sanctions à l'encontre des donneurs d'ordre privés sont celles prévues par le code du travail, soit une amende pénale ou une peine majorée en cas de non-respect des mesures prises par la DREETS ;
? L'article L. 412-20-9 prévoit une information du chef de l'établissement pénitentiaire de toutes les manquements et infractions constatées à l'encontre des donneurs d'ordre privés ;
? L'article L. 412-20-12 permet à la personne détenue puissent correspondre avec les agents de contrôle de l'inspection du travail ;
Le code du travail est également modifié aux fins de prévoir intervention des agents de contrôle de l'inspection du travail en détention.
IMPACTS SUR LES ENTREPRISES
Les entreprises implantées en détention sont déjà soumises à des contrôles ponctuels des agents de l'inspection du travail. Les moyens de contrôle et contraintes seront toutefois accrus puisque les services de l'inspection du travail disposeront, dès l'entrée en vigueur de ces dispositions, des prérogatives et moyens permettant de vérifier le respect des obligations en matière de santé et de sécurité au travail des personnes détenues visés au titre II ainsi qu'aux chapitres 1 et 2 du titre III du livre VII de la quatrième partie du code du travail (mises en demeures et demandes de vérification).
Elles seront également soumises à de nouvelles sanctions : amende pénale et peine majorée en cas de non-respect ou manquements à leurs obligations.
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services administratifs en détention seront prévenus de la visite des agents de contrôle de l'inspection du travail et devront, comme aujourd'hui, leur mettre à disposition les documents utiles ainsi qu'effectuer une visite des locaux.
IMPACT SUR LE SYSTÈME D'INSPECTION DU TRAVAIL
La reconnaissance du droit d'entrée permettra aux agents de contrôle de l'inspection du travail d'engager des actions à leur initiative au sein des établissements pénitentiaires. Seul l'exercice des prérogatives du SIT dans le contexte pénitentiaire à l'égard du donneur d'ordre de droit privé constitue une nouveauté. Cette nouvelle compétence n'implique cependant pas l'acquisition de savoir-faire ou de compétence spécifique, les agents du SIT étant rompus au contrôle de la réglementation relative à la santé et à la sécurité au travail. En outre, le nombre de personnes détenues (environ 9 000) travaillant pour des donneurs d'ordre privés reste limité.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à la santé et la sécurité au travail et à l'intervention des services de l'inspection du travail ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Comité technique du service pénitentiaire d'insertion et de probation ;
? Comité technique de l'administration pénitentiaire ;
? Conseil d'orientation des conditions de travail.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Les dispositions relatives à l'inspection du travail entreront en vigueur à une date fixée par décret.
1.1.2. Application dans l'espace
Les dispositions relatives à l'inspection du travail sont applicables dans les collectivités d'outre-mer, sous réserve de dispositions localement applicables ayant le même objet.
1.1.3. Textes d'application
Des décrets seront pris en application de la présente ordonnance.
CHAPITRE VI DE L'ORDONNANCE- DISPOSITIONS RELATIVES AU HARCÈLEMENT ET AUX DISCRIMINATIONS
Article n° 15 de l'ordonnance: Prémunir les personnes détenues contre le harcèlement et les discriminations dans le cadre des activités en détention
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
Les dispositions du code du travail sur le harcèlement et les discriminations ne s'appliquent pas en détention. Les personnes détenues exerçant un travail ne peuvent pas s'en prévaloir, mais peuvent saisir le juge pénal sur des infractions au code pénal.
CADRE CONVENTIONNEL
La règle 26.4 des Règles pénitentiaires européennes dispose qu'« aucune discrimination fondée sur le sexe ne doit s'exercer dans l'attribution d'un type de travail ».
Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants estime, quant à lui, que « le fait de refuser aux femmes l'accès aux activités dans des conditions d'égalité peut être qualifié de traitement dégradant » (10ème rapport général, CPT/inf (2000) 13, § 25).
En outre, la règle 2 1. des Règles Nelson Mandela dispose que : « Les présentes règles doivent être appliquées impartialement. Il ne doit y avoir aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou autre, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Les croyances religieuses et les préceptes moraux des détenus doivent être respectés. »
ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
En Italie, le droit du travail s'applique en détention, y sont donc également appliquées les dispositions portant protection contre les discriminations et le harcèlement au travail.
En Espagne, un décret du 6 juillet 2001 organise les relations de travail en détention ainsi que la protection sociale des personnes détenues. Il prévoit, en son article 5, l'interdiction de faire l'objet d'une « discrimination pour l'emploi ou une fois employé, en raison de la nationalité, du sexe, de l'état matrimonial, de l'âge, dans les limites fixées par la législation du travail carcérale, la race, le statut social, les idées religieuses ou politiques, ainsi que la langue. »
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Conformément à l'article 22 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, la présente ordonnance crée plusieurs dispositions législatives visant à prévenir, poursuivre et sanctionner des comportements discriminatoires, qui ne seraient pas justifiés par des objectifs légitimes et proportionnés ainsi que des faits de harcèlement moral ou sexuel à l'occasion d'une activité de travail en détention.
OBJECTIFS POURSUIVIS
L'impossibilité pour les personnes détenues de se prévaloir de dispositions les protégeant contre le harcèlement et les discriminations au travail comme à l'extérieur, alors même qu'une partie non négligeable de la population pénale est concernée par ces risques (femmes, personnes en situation de handicap, personnes transgenres, etc.) renforce la fragilité de ce public.
La création d'un « filet de sécurité » résultant, comme en droit commun, d'un encadrement des relations de travail et des comportements de chacun est assurément un facteur de renforcement de la dignité et de consolidation du parcours d'insertion.
OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
L'option retenue est l'application en détention de dispositions analogues à celles prévues par le code du travail s'agissant de la lutte contre les discriminations et le harcèlement au travail. Il a également été choisi de prévoir une protection spécifique de la femme enceinte contre de tels risques dans le cadre du travail en détention.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
1.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le code pénitentiaire sera enrichi de deux sections dans le chapitre relatif au travail.
La première portera l'un sur l'interdiction des faits de discriminations lors d'une procédure d'accès au travail en détention, lors de l'exécution du contrat d'emploi pénitentiaire ou de sa résiliation. Ces dispositions visent :
? A établir le principe de non-discrimination dans le cadre du travail en détention ;
? A protéger les personnes détenues ayant témoigné de faits de discrimination ou de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime ;
? A protéger la femme enceinte ;
? A autoriser les différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence proportionnée essentielle et déterminante de l'activité de travail et à un objectif légitime, et notamment lorsqu'elles sont relatives à l'âge ou à l'inaptitude médicale, sous certaines conditions.
? A prévoir un renversement de la charge de la preuve dans le cadre des contentieux liés aux discriminations ;
L'autre section traite de la prévention et de la sanction des faits de harcèlement moral ou sexuel lors des activités de travail. Elle contient des dispositions visant :
? A interdire les faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel au travail ;
? A protéger la personne détenue ayant refusé de subir de tels agissements ou en ayant témoigné ;
? A prévoir une sanction disciplinaire à l'encontre de la personne détenue qui aurait procédé à de tels agissements dans le cadre de son travail ;
? A confier au donneur d'ordre l'obligation de prévenir et de mettre un terme à de tels faits ;
? A prévoir un renversement de la charge de la preuve dans le cadre des contentieux liés à un harcèlement.
1.1.2. Impacts contentieux
L'application de dispositions spécifiques au harcèlement et à la discrimination pour les personnes détenues exerçant un travail entrainera nécessairement une augmentation, difficilement quantifiable, du nombre de plaintes devant le juge administratif.
Néanmoins, les personnes détenues étaient déjà en capacité de faire valoir leurs prétentions devant les juridictions pénales, cette augmentation ne devrait donc pas être conséquente.
IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
Ces dispositions n'entrainent aucun coût budgétaire.
IMPACTS SOCIAUX
La protection contre les discriminations et le harcèlement au travail renforcera l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes détenus mais également entre les personnes en situation de handicap et celles qui n'en présentent pas. Les femmes et les personnes en situation de handicap auront en effet la possibilité de faire valoir leurs droits face à des situations discriminantes, devant le juge pénal et devant le juge administratif.
La protection contre les discriminations permettra également d'écarter toute différence de traitement entre les personnes détenues en raison de leur origine, de leur sexe, mais également des moeurs, de leur orientation sexuelle, identité de genre, âge, situation de famille, caractéristiques génétiques, comme à l'extérieur. Enfin, la situation économique des personnes détenues, leur appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une prétendue race, leurs opinions politiques, convictions religieuses, apparence physique ou état de santé ne pourront être pris en compte ni lors de la procédure d'accès au travail, ni lors d'une éventuelle suspension ou fin de la relation de travail établie.
Cette protection sera applicable à la personne détenue victime de harcèlement ou d'une discrimination mais également aux personnes détenues ayant témoigné de ces faits, dans le cadre ou non de leur mission.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à la commande publique ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Comité technique du service pénitentiaire d'insertion et de probation ;
? Comité technique de l'administration pénitentiaire ;
? Conseil d'orientation des conditions de travail.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.3. Application dans le temps
Les dispositions législatives relatives à la lutte contre le harcèlement et les discriminations sont entrées en vigueur au lendemain de la publication de la présente ordonnance.
1.1.4. Application dans l'espace
La présente ordonnance est applicable sur l'ensemble du territoire métropolitain mais également dans les départements et collectivités d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna).
1.1.5. Textes d'application
Ces dispositions législatives feront l'objet d'une circulaire d'application.
CHAPITRE VII DE L'ORDONNANCE- DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTABLISSEMENTS OU SERVICES D'AIDE PAR LE TRAVAIL
Articles n° 16 à 17 de l'ordonnance : Permettre l'implantation d'établissements ou services d'aide par le travail en détention
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
Des enquêtes ponctuelles, réalisées en milieu carcéral, ont révélé l'existence d'une part nettement supérieure à celle constatée dans la population générale de personnes détenues en situation de handicap ou souffrant de troubles psychiatriques. L'étude la plus complète a été conduite en 2004 par le professeur Bruno FALISSARD. Elle montre, notamment, une prévalence des troubles psychiatriques et psychologiques très supérieure à la moyenne nationale. Ainsi, la schizophrénie concernait 6,8% de la population carcérale contre 0,8% en moyenne nationale. Cette même étude évalue à 7% de taux de personnes détenues bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé. Ce chiffre est sans doute peu représentatif de la réalité du handicap en détention du fait du faible recours aux droits de ce public mais également au regard des caractéristiques des troubles psychiatriques qui s'accompagnent souvent d'un refus de la maladie. L'offre de travail adapté pour le public handicapé reste très insuffisante malgré la très récente possibilité de création des entreprises adaptée en milieu pénitentiaire.
La première expérimentation d'implantation d'une structure médico-sociale au sein d'un établissement pénitentiaire, sur le modèle d'établissements et services d'aide par le travail (ESAT) est issue d'une convention signée entre l'association laïque pour l'éducation, la formation, la prévention et l'autonomie (ALEFPA) et le centre de détention de Val-de-Reuil. Elle a débuté le 12 février 2014. Cette structure d'une capacité de dix places permet à des hommes en situation de handicap psychique d'accéder à des activités de conditionnement et reprographie-imprimerie adaptées à leur santé tout en bénéficiant d'un accompagnement médico-social. Une expérimentation similaire est conduite au sein de la maison centrale d'Ensisheim depuis septembre 2019, faisant suite à une autre initiative locale.
Dans le cadre de ces expérimentations, la personne détenue candidate doit avoir obtenu une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et une orientation en ESAT, comme en droit commun. Le reste de la procédure est spécifique à la détention : une commission d'admission procède à la sélection des personnes détenues volontaires, les demandes d'orientation sont ensuite transmises à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), qui délivre une notification spécifique à l'ESAT expérimental en milieu carcéral. Enfin, la décision de classement est prise par une commission pluridisciplinaire ESAT mise en place en détention.
Ces structures implantées en détention ont été autorisées par l'ARS à titre d'établissements expérimentaux et non d'établissements ou services d'aide par le travail à proprement parler. Il en résulte une absence de financement pérenne, tel qu'il existe en droit commun. Il est donc souhaitable que le développement de l'implantation de telles structures, qui répondent à un réel besoin d'offre d'activité professionnelle spécifique aux personnes handicapées en détention, prenne la forme de véritables ESAT. Cela nécessite de prévoir un cadre juridique spécifique, articulant le droit commun des ESAT avec le droit du travail pénitentiaire.
ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Au Royaume Uni, l'Equality Act 2010 traite notamment des discriminations liées au handicap et prévoit que les personnes détenues en situation de handicap doivent bénéficier des aménagements raisonnables nécessaires pour leur permettre de pratiquer les mêmes activités que leurs codétenus, y compris travailler.
En Belgique, deux centres de psychiatrie légale ont été construits à Gand et à Anvers à destination des personnes handicapées privées de liberté. Ces établissements proposent des ateliers de couture, de menuiserie et de métallurgie permettant aux internés de développer des compétences utiles. Selon un rapport de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe23(*), certains internés ayant travaillé dans les cuisines de l'un de ces centres pourraient rejoindre les effectifs de l'entreprise de restauration après leur libération.
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
En conformité avec l'habilitation à légiférer par ordonnance, l'implantation d'établissements ou services d'aide par le travail nécessite la création de nouvelles dispositions législatives à inscrire dans le code pénitentiaire, et la modification de dispositions législatives existantes dans le même code. Par ailleurs, la création d'une disposition législative au sein du code de l'action sociale et des familles sera nécessaire. Ces créations et modifications sont nécessaires dans la mesure où l'implantation d'ESAT en milieu pénitentiaire requiert un régime spécifique inexistant à ce jour.
OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi par les dispositions envisagées consiste en premier lieu à conférer une base légale aux établissements ou services d'aide par le travail expérimentaux qui existent actuellement en détention. En réalité, un encadrement de l'implantation en détention et du fonctionnement d'établissements et services d'aide par le travail permettrait à la fois de tirer les conséquences des expériences déjà menées et de donner un cadre normatif stabilisé pour la création de nouveaux établissements ou services d'aide par le travail en milieu pénitentiaire.
En second lieu, ces dispositions participeront à l'effort de diversification de l'offre de travail en détention, notamment par l'implantation de structures pertinentes pour la prise en charge des personnes détenues handicapées les plus éloignées de l'emploi. En ce sens, l'implantation d'établissements ou services d'aide par le travail viendra compléter l'offre de travail pénitentiaire à destination des personnes détenues handicapées, représentée aujourd'hui par le dispositif des entreprises adaptées en milieu pénitentiaire.
OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU
Deux hypothèses principales ont été envisagées afin d'encadrer l'implantation d'établissements ou services d'aide par le travail en détention. Dans la première, il s'agissait de permettre d'implanter au sein des établissements pénitentiaires des établissements ou services d'aide par le travail tels qu'ils existent en droit commun, c'est-à-dire selon le régime prévu par le code de l'action sociale et des familles. Ce dernier implique notamment la signature d'un contrat d'aide et de soutien par le travail, lequel n'est pas un contrat de travail mais précise un certain nombre d'éléments non transposables en détention. Notamment, ce contrat prévoit une rémunération et des cotisations sociales spécifiques, une aide au poste financée par l'Etat ainsi que la possibilité de travailler simultanément dans une entreprise adaptée et dans un établissement ou service d'aide par le travail.
Compte tenu des importantes divergences entre la relation contractuelle établie par le contrat d'aide et de soutien par le travail et celle créée par le contrat d'emploi pénitentiaire, une seconde hypothèse, qui a été retenue dans la présente ordonnance, vise à adapter le contrat d'emploi pénitentiaire aux spécificités du régime du travail en établissement ou service d'aide par le travail. Cela permet de maintenir chaque personne détenue qui travaille sur un même pied d'égalité, notamment au niveau de la rémunération, des cotisations sociales dues et des droits sociaux afférents. Cependant, des adaptations du régime associé au contrat d'emploi pénitentiaire sont nécessaires pour préserver les spécificités des établissements ou services d'aide par le travail tels qu'ils existent à l'extérieur. Notamment, certains cas de résiliation et de suspension du contrat d'emploi pénitentiaire ne doivent pas être applicables au sein d'un établissement ou service d'aide par le travail en détention, c'est par exemple le cas de la résiliation pour insuffisance professionnelle. De telles adaptations ont déjà été prévues dans le code pénitentiaire s'agissant des contrats d'emploi pénitentiaire dont le donneur d'ordre est une structure d'insertion par l'activité économique ou une entreprise adaptée.
Par ailleurs, cette seconde hypothèse a été retenue comme plus pertinente en ce qu'elle permet une unicité du support contractuel établissant la relation de travail entre la personne détenue et son donneur d'ordre, quel que soit le régime de travail (service général, concession, structure d'insertion par l'activité économique, établissement ou service d'aide par le travail, etc.). Elle participe donc à la lisibilité du droit du travail pénitentiaire.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
La mise en place d'un régime spécifique pour l'implantation d'établissements ou services d'aide par le travail en détention nécessite la modification de certains articles du code pénitentiaire relatifs au régime du travail pénitentiaire. Ces modifications visent :
? A prévoir que les établissements ou services d'aide par le travail font partie des donneurs d'ordre pour lesquels le travail pénitentiaire peut être accompli ;
? A exclure la suspension du contrat d'emploi pénitentiaire en raison d'une baisse temporaire de l'activité lorsque le donneur d'ordre est un établissement ou service d'aide par le travail ;
? A ne permettre la résiliation du contrat d'emploi pénitentiaire à l'initiative du donneur d'ordre qu'en cas de force majeure lorsque le donneur d'ordre est un établissement ou service d'aide par le travail.
L'implantation d'établissements ou services d'aide par le travail en détention nécessite par ailleurs la création de dispositions législatives dans le code pénitentiaire, au sein du chapitre relatif au travail. Ces dernières, constituant une nouvelle section relative aux établissements ou services d'aide par le travail, visent précisément :
? A créer une condition préalable à l'implantation matérialisée par la signature d'un contrat d'implantation ;
? A prévoir une obligation pour les établissements ou services d'aide par le travail implantés en détention d'élaborer un projet d'établissement ou de service ;
? A renvoyer aux dispositions du code de l'action sociale et des familles qui sont applicables en détention ;
? A établir les conditions requises pour qu'une personne détenue puisse être affectée au sein d'un établissement ou service d'aide par le travail ;
En outre, la création de ce régime spécifique aux établissements ou services d'aide par le travail en détention rend nécessaire sa mention dans le code de l'action sociale et des familles, au sein des dispositions relatives aux établissements ou services d'aide par le travail de droit commun.
IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
Les charges financières sont actuellement supportées par l'administration pénitentiaire et les Agences régionales de santé. L'objectif des dispositions envisagées étant de consolider la situation des deux établissements ou services d'aide par le travail expérimentaux, et compte tenu de la volonté du législateur de voir se développer à court terme l'offre d'ESAT en détention avec l'ouverture de places supplémentaires, un coût supplémentaire est à envisager.
Le financement de l'ouverture de places supplémentaires sera à la charge des ARS dans le cadre de l'ONDAM médico-social personnes handicapées. Depuis 2013 s'applique en métropole et outre-mer un moratoire sur la création de places en ESAT qui ne permet plus de financer depuis cette date, via l'assurance maladie, l'ouverture de places supplémentaires en ESAT, sauf par redéploiement d'un organisme gestionnaire ou d'un territoire à l'autre. Le nombre de places en ESAT est stabilisé depuis 2013 autour de 120 000 en équivalent temps plein.
La création effective de places d'ESAT en détention nécessitera de réinterroger la portée de ce moratoire. Si des arbitrages interministériels favorables sont rendus, cela conduira à mettre à la charge de l'assurance maladie une dépense supplémentaire, dont le montant sera fonction du nombre de places envisagé.
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services administratifs concernés par les deux établissements ou services d'aide par le travail expérimentaux étant d'ores et déjà chargés des démarches et de la gestion qui y sont associés, aucun impact supplémentaire n'est à prévoir.
IMPACTS SUR LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
L'ouverture d'établissements et services d'aide par le travail (ESAT) en milieu pénitentiaire, en complément des entreprises adaptées déjà prévues par l'article 77 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, permettra une prise en charge adaptée des personnes en situation de handicap dans les situations de travail en établissement pénitentiaire.
Cela permettra aux personnes en situation de handicap les plus éloignées de l'emploi d'accéder à un travail, ce qui leur apportera à la fois une source de revenu pendant leur période de détention et une expérience professionnelle en vue de la sortie. Il est également envisageable qu'une expérience en établissement ou service d'aide par le travail conduise par la suite la personne détenue à intégrer une entreprise adaptée en détention, ou une autre structure adaptée au moment de la libération dans une optique de construction d'un parcours dedans-dehors.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à l'implantation d'établissements ou services d'aide par le travail en détention ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Comité technique du service pénitentiaire d'insertion et de probation ;
? Comité technique de l'administration pénitentiaire ;
? Conseil national consultatif des personnes handicapées.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Les dispositions législatives relatives à l'implantation d'établissement ou services d'aide par le travail en détention entreront à une date fixée par décret.
1.1.2. Application dans l'espace
Les dispositions législatives traitant des établissement ou services d'aide par le travail en détention de la présente ordonnance sont applicables dans les collectivités d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna). Au sein de ces dernières, les références faites, par les dispositions de la présente ordonnance, à des dispositions qui n'y sont pas applicables, seront remplacées par les références aux dispositions ayant le même objet applicables localement. Pour l'application de ces dispositions législatives à la Nouvelle-Calédonie, la présente ordonnance prévoit par ailleurs une disposition visant, le cas échéant, à remplacer références aux établissements ou services d'aide par le travail par des références aux centres d'aide par le travail, une dénomination locale.
1.1.3. Textes d'application
Ces dispositions législatives seront complétées par décret en Conseil d'Etat.
CHAPITRE VIII DE L'ORDONNANCE- DISPOSITIONS RELATIVES À LA MÉDECINE DU TRAVAIL
Article n° 18 de l'ordonnance : mettre en place une médecine du travail en détention
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
Les services de prévention et de santé au travail (SPST) ont pour mission principale d'éviter toute atteinte à la santé des salariés du fait de leur travail en application des articles L 4622-2 et suivants du code du travail. Selon l'effectif de l'entreprise, ce service est :
? soit propre à une entreprise ou un établissement (service de prévention et de santé au travail autonome) ;
? soit organisé en commun avec d'autres entreprises et établissements (services de prévention et de santé au travail interentreprises).
Les missions des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) sont assurées par une équipe pluridisciplinaire comprenant notamment des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers.
La médecine du travail est obligatoire pour toutes les entreprises de droit privé, les établissements publics industriels et commerciaux ainsi que les établissement publics administratifs employant du personnel de droit privé. Tous les salariés sont concernés, peu importe la nature du contrat.
Dans la fonction publique, l'article L. 812-3 du code général de fonction publique dispose que les collectivités et établissements publique doivent disposer d'un service de médecine préventive en créant leur propre service ou en adhérant à des SPSTI. Le service de médecine préventive mentionné à l'article L. 812-3 a pour mission d'éviter toute altération de l'état de santé des agents territoriaux du fait de leur travail, notamment en surveillant leur état de santé, les conditions d'hygiène du travail ainsi que les risques de contagion (article L. 812-4 du code précité).
En revanche, la médecine du travail est absente en détention, en application de l'article D. 412-70 du code pénitentiaire.
CADRE CONVENTIONNEL
La règle 30 des règles Nelson Mandela24(*) dispose qu' « Un médecin ou un autre professionnel de la santé ayant les qualifications requises, tenu ou non de faire rapport au médecin, doit voir chaque détenu, lui parler et l'examiner aussitôt que possible après son admission et ensuite aussi souvent que nécessaire. Un soin particulier sera pris pour:
e) Déterminer si les détenus sont physiquement aptes à travailler, faire de l'exercice et participer à d'autres activités, selon le cas ».
Les règles pénitentiaires européennes précisent également (Règle 26.13.) que « les mesures appliquées en matière de santé et de sécurité doivent assurer une protection efficace des détenus et ne peuvent pas être moins rigoureuses que celles dont bénéficient les travailleurs hors de prison. »
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
À l'heure actuelle, les détenus ne bénéficient d'aucun suivi de leur état de santé en lien avec le travail. Ils ne bénéficient pas de visites de suivi de leur état de santé, ni avant le classement au travail puis l'affectation, ni durant l'exécution du travail. De la même manière, l'inaptitude au travail ne peut être constatée par un médecin du travail.
L'appréciation de l'aptitude médicale au poste de travail étant une prérogative du médecin du travail à l'égard des salariés (articles L. 4624-1 et R. 4624-10 et suivants du code du travail), les médecins des unités sanitaires en milieu pénitentiaire rédigent uniquement des certificats médicaux descriptifs de l'état de santé sur demande de la personne, qui sont remis à la seule personne détenue.
Pourtant, des postes présentant des risques particuliers (exposition à certains produits chimiques notamment) ou demandant un examen préalable (postes nécessitant le certificat d'aptitude à la conduite en sécurité ou travaux électriques notamment) sont proposés en détention. De plus, les personnes détenues ont un état de santé généralement plus dégradé que la population générale avec une prévalence d'un grand nombre de pathologies tant somatiques que psychiatrique et la présence de comorbidités.
Dans ce contexte, l'introduction d'une médecine du travail en détention par le biais d'une disposition législative apparait indispensable afin de s'assurer du suivi de leur état de santé par des professionnels compétents et de l'adaptation des postes proposés à l'état de santé des travailleurs détenus.
OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif est d'assurer aux travailleurs détenus un niveau de protection plus proche des travailleurs de droit commun en permettant une intervention visant à éviter toute altération de la santé des détenus du fait de leur travail et de préserver un état de santé compatible avec l'emploi. Ce niveau de protection est d'ailleurs prévu par la règle 96 de la résolution 70/175. « Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) » : « Les détenus condamnés doivent avoir la possibilité de travailler et de participer activement à leur réadaptation, sous réserve de l'avis d'un médecin ou autre professionnel de la santé ayant les qualifications requises concernant leur aptitude physique et mentale ». L'objectif est également de sécuriser le travail des détenus, en appliquant des règles d'aptitude.
OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU
OPTIONS ENVISAGÉES
La première option était de donner compétence en matière de médecine du travail des personnes détenues au médecin de prévention en charge de la surveillance médicale des agents de l'administration pénitentiaire. Cette option séduisante, dans la mesure où les médecins de prévention interviennent déjà au sein des établissements pénitentiaires auprès des agents, a été rapidement écartée. En effet, les médecins de prévention sont très peu nombreux (elle est inexistante dans de nombreux établissements pénitentiaire) et ne parviennent pas à assurer le suivi de la population à risque que représentent les surveillants pénitentiaires. L'augmentation des droits des personnes détenues est en outre une question sensible pour des professionnels qui exercent un métier difficile, aussi une ouverture des droits qui viendrait concurrencer un droit dont ils disposent sans possibilité de l'exercer au regard de la démographie médicale serait difficilement acceptée.
La deuxième option envisagée était de confier cette mission exclusivement aux Unités Sanitaires en Milieu Pénitentiaire (USMP). Les USMP disposent de personnels médicaux et paramédicaux dans chaque établissement pénitentiaire. Elles assurent un suivi individuel des personnes détenues et mettent en place des actions de prévention et de promotion de la santé selon des modalités proches de la médecine du travail dans le droit commun. Cette option a été écartée pour des raisons juridiques et d'opportunité. D'une part, l'appréciation de l'aptitude médicale au poste de travail est une prérogative du médecin du travail à l'égard des salariés prévue par le code du travail (articles L. 4624-1 et R. 4624-10 et suivants du code du travail). Si des dérogations au principe de spécialité ont été admises, par exemple récemment pour créer des médecins praticiens correspondants, le principe de protection de la santé des travailleurs implique de respecter la seule compétence des médecins du travail pour délivrer des avis d'aptitude ou inaptitude. D'autre part, les professionnels des USMP ont déjà des missions nombreuses et chronophages dans un contexte de tensions sur les effectifs.
La troisième option envisagée était de confier la médecine du travail des personnes détenues exclusivement aux SPST. Cette solution permet de respecter la répartition des compétences entre les personnels médicaux, prévue par le code du travail et le code de santé publique. Toutefois une compétence pleine et entière des SPST en détention a été écartée dans un contexte où ces services rencontrent des difficultés importantes de recrutement et connaissent déjà des évolutions majeures, dont de nouvelles missions, dans le contexte de mise en oeuvre de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Une intervention dans toutes ses dimensions de ces services apparait délicate et complexe au regard des spécificités de la détention (conditions d'accès, enjeux de sécurité, durée moyenne de la détention de 10,7 mois, etc.).
OPTION RETENUE
Il est donc prévu une solution intermédiaire permettant:
? Une intervention des USMP pour le suivi individuel simple, soit la majorité des visites d'information et de prévention et visites périodiques ;
? Une intervention des services de santé au travail pour les cas les plus complexes, c'est-à-dire les postes à risques au sens du code du travail et les visites de reprise après un arrêt de travail ou un congé de maternité. En complément, à l'issue de la VIP effectuée par le professionnel de santé de l'USMP, ce dernier pourra s'il estime nécessaire, orienter vers le médecin du travail le détenu travailleur qui serait affecté à un emploi l'exposant à des risques spécifiques ou présenterait des facteurs de vulnérabilité justifiant un examen plus poussé de l'adéquation entre son poste de travail et son état de santé, y compris dans la perspective d'un aménagement de poste ;
? Seuls les médecins des USMP délivreront des avis d'aptitude ou inaptitude ainsi que des décisions d'aménagement de poste.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
La création d'une compétence des SPST pour les travailleurs détenus a nécessité la création d'une section 9 du chapitre 2 du titre Ier du Livre IV du code pénitentiaire :
? L'article L. 412-47 prévoit le suivi individuel des personnes détenues exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire, par les personnels des USMP.
? L'article L. 412-48 prévoit le suivi renforcé en cas de risques particuliers par les médecins des services de la médecine du travail.
? L'article L. 412-49 organisant la visite de reprise du travail pour les personnes détenues après un accident du travail, une maladie professionnelle ou un congé maternité.
? L'article L. 412-50 prévoit la constitution du dossier médical de la personne détenue au sens du code du travail.
? L'article L. 412-51 prévoit la possibilité de proposer des mesures individuelles d'aménagement du temps de travail à certaines conditions.
? L'article L. 412-52 prévoit la compétence des médecins du travail pour la délivrance de certificats d'inaptitude à la prise de poste.
? L'article L. 412-53 prévoit la prise en considération par le donneur d'ordre des recommandations du médecin du travail sur l'aménagement des postes ainsi que la contestation de l'avis de ce dernier.
IMPACTS BUDGÉTAIRES
Le coût annuel de l'intervention de la médecine du travail en détention s'agissant des cas complexe serait intégralement pris en charge par l'Etat par le biais d'un conventionnement avec des SPSTI. Au regard du coût moyen d'une cotisation d'un employeur à la médecine du travail pour un salarié et du nombre de postes concernés. L'estimation budgétaire annuelle s'élève à 123 284.
Postes nécessitant un examen d'aptitude spécifique (CACES, électricité etc.) |
Postes à risques (chimique, etc.) nécessitant un certificat d'aptitude |
Situation nécessitant un certificat d'aptitude à la reprise de poste (accouchement, accident du travail) |
Estimation du coût annuel de la médecine du travail |
438 |
350 |
470 |
123 28425(*) |
Le suivi des cas ne nécessitant pas d'expertise spécifique par les services de l'unité sanitaire en milieu pénitentiaire ne générera pas de coût supplémentaire, le salaire des praticiens étant déjà intégralement pris en charge par le ministère de la santé et de la prévention.
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mise en place d'une médecine du travail en détention peut se traduire, au moins à court terme, par un accroissement du rôle d'appui des DREETS auprès des SPST, et notamment les médecins inspecteurs du travail en leur sein, pour répondre aux interrogations de ces services.
S'agissant des unités sanitaires en milieu pénitentiaire, cette nouvelle compétence sera intégrée aux consultations de suivi déjà effectuées par ces services.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à la médecine du travail ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Comité technique du service pénitentiaire d'insertion et de probation ;
? Comité technique de l'administration pénitentiaire ;
? Conseil d'orientation des conditions de travail.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
La présente disposition entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er décembre 2024.
1.1.2. Application dans l'espace
Cette disposition législative sera applicable à l'ensemble du territoire métropolitain mais également aux départements d'outre-mer. Ces dispositions devront faire l'objet de loi de pays pour prévoir des dispositions équivalentes. En effet, l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 dispose que la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de droit du travail et d'hygiène publique et de santé. La loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que la Polynésie est compétente dans toute les matières non dévolues à l'Etat. Le travail et a réglementation de l'hygiène et de la sécurité relève ainsi d'une compétence locale.
1.1.3. Textes d'application
La présente disposition législative fera l'objet d'un décret en Conseil d'Etat.
CHAPITRE IX DE L'ORDONNANCE - DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE
Article n° 19 de l'ordonnance: mettre en place des marchés réservés au titre des productions effectuées par des personnes détenues
1. ÉTAT DES LIEUX
CADRE GÉNÉRAL
Le code de la commande publique (CCP) prévoit des accès privilégiés aux contrats de commande publique aux entreprises oeuvrant en faveur de l'insertion professionnelle des publics éloignés de l'emploi. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent réserver des marchés ou des lots d'un marché à :
? des entreprises adaptées (EA), à des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ainsi qu'à des structures équivalentes, lorsqu'ils emploient au moins 50% de travailleurs handicapés qui, en raison de la nature ou de la gravité de leurs déficiences, ne peuvent exercer une activité professionnelle dans des conditions normales (L. 2113-12 et . R2113-7 du CCP) ;
? des SIAE et à des structures équivalentes, lorsqu'elles emploient au moins 50% de travailleurs défavorisés (L. 2113-13 et R. 2113-7 du CCP) ;
? aux entreprises de l'ESS ou à des structures équivalentes, lorsque ces marchés ou lots portent exclusivement sur des services sociaux et autres services spécifiques (cf. liste avis annexé au CCP - cf. L. 2113-15 CCP).
En revanche, aucune disposition du code de la commande publique ne permet de réserver un marché aux entreprises implantées en détention si elles ne relèvent pas de l'une des catégories d'opérateurs économiques précitées, alors même que le public détenu présente les mêmes caractéristiques que le public des SIAE, EA et ESAT.
CADRE CONVENTIONNEL
L'article 20 de la directive 2014/24/UE26(*), l'article 38 de la directive 2014/25/UE27(*) et l'article 24 de la directive 2014/23/UE28(*) permettent de réserver l'accès des marchés et des contrats de concession :
1) à des ateliers protégés et des opérateurs économiques dont l'objet principal est l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées et de personnes défavorisées à un autre titre que le handicap.
2) à d'autres opérateurs économiques qui exécutent le contrat concerné dans le cadre d'un « programme d'emplois protégés ».
La condition tenant au pourcentage (30%) de personnes handicapées ou défavorisées devant être employées par les structures concernées est appréciée, pour les opérateurs économiques relevant de la deuxième catégorie, au niveau du programme dans le cadre duquel est exécuté le marché.
Les directives ne définissent pas la notion de « programmes d'emplois protégés ». Telles que les dispositions précitées sont rédigées, le public visé par ces programmes peut être tant des personnes handicapées que défavorisées (« à condition qu'au moins 30% du personnel de ces ateliers opérateurs économiques ou programmes soient des travailleurs handicapés ou défavorisés »).
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Selon le guide sur les aspects sociaux de la commande publique du ministère de l'économie et des finances et du ministère du travail , le SEP-RIEP et les concessions de main-d'oeuvre pénale ayant pour objet de concourir « à l'insertion professionnelle de personnes éloignées du marché du travail » « visent à préparer la réinsertion des personnes détenues, par l'emploi ; elles ont donc une vocation d'insertion et peuvent répondre à tous les marchés publics, dont ceux comportant des clauses sociales d'insertion ».
De même, ce guide reconnait au SEP-RIEP la qualité de « structure équivalente » aux structures d'insertion par l'activité économique, auxquelles des marchés ou des lots d'un marché peuvent être réservés en application de l'article L. 2113-13 du code de la commande publique (CCP).
Les SIAE et les EA implantées en détention bénéficient pleinement des dispositions relatives aux marchés réservés.
Cependant, les entreprises implantées en détention autres que les EA, SIAE et ESAT, qui ne peuvent pas être regardées comme des structures équivalentes car elles n'atteignent pas le quota minimal de 50% de travailleurs défavorisés fixé par l'article R. 2113-7 du CCP.
Ainsi, le cadre juridique actuel ne permet pas à des entreprises concessionnaires d'accéder à ces marchés réservés, même lorsque les produits ont intégralement été produits en atelier pénitentiaire.
OBJECTIFS POURSUIVIS
Les ministères de la justice et du travail, de l'emploi et de l'insertion poursuivent l'objectif de mieux favoriser la réinsertion professionnelle des personnes placées sous main de justice.
En effet, le public détenu, en particulier, cumule les freins à l'insertion socio-professionnelle.
La population carcérale, majoritairement masculine (4% des personnes détenues sont des femmes), jeune (âge moyen de 35 ans), cumule de nombreuses difficultés sociales.
Souvent en situation précaire, confronté à des difficultés d'accès aux droits, le public détenu est également en moins bonne santé que la population générale. En particulier, la prévalence de troubles psychiques est considérable en détention : 79,5 % des personnes détenues présentent au moins un trouble psychologique ou psychiatrique.
La population détenue se caractérise également par un faible niveau de formation :
? 53 % des détenus n'ont aucun diplôme ;
? seuls 9% d'entre eux dispose d'un diplôme de niveau égal ou supérieur au baccalauréat ;
? 16 % maitrisent mal ou pas le français ;
? 9,6% sont en situation d'illettrisme.
Aussi, ce public dispose en général de peu d'expérience professionnelle.
Malgré les efforts déployés par les services de l'Etat et des régions (compétentes en matière de formation professionnelle), les activités professionnelles ou professionnalisantes effectuées par des personnes détenues restent insuffisantes pour générer les conditions d'une insertion professionnelle réussie à leur sortie de détention :
? 7% des personnes incarcérés au cours de l'année 2020 ont eu accès à une formation professionnelle en détention ;
? 30% des détenus travaillent (contre 50% au début des années 2000).
Le travail pénitentiaire, levier majeur à même de favoriser cette insertion, mériterait d'être davantage valorisé à cette fin, d'autant qu'il présente de nombreux atouts pour les opérateurs économiques susceptibles d'y recourir.
La mise en place d'un système de réservation de marché au même titre que celui dont bénéficie les SIAE, les entreprises adaptées et les ESAT permettrait de renforcer l'attractivité du travail pénitentiaire mais également de reconnaitre la vocation essentiellement sociale et de réinsertion du travail pénitentiaire et des entreprises qui implantent leur activité en détention.
OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU
Les présentes dispositions transposent en droit interne les dispositions des directives 2014/24 et 2014/254 permettant de réserver des marchés ou des lots d'un marché puissent être réservés à des opérateurs économiques, quel que soit leur objet social, qui les exécutent dans le cadre des activités de production de biens et de services qu'ils réalisent en milieu pénitentiaire et qui font travailler à ce titre des personnes détenues dans une proportion minimale. Elles prévoient également, que des contrats de concession puissent être réservés dans les mêmes conditions.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
Deux articles L. 2113-13-1 et L. 3113-2-1 sont insérés dans le code de la commande publique pour permettre une réservation des marchés ou des contrats de concession et l'article L. 2113-14 est complété.
IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
En 2019, les entreprises concessionnaires ou titulaires de marchés de gestion déléguée ont fait travailler 11,2% des personnes détenues et leur ont versé 27,8 millions d'euros de rémunération brute, tandis que l'ATIGIP (SEP-RIEP) a fait travailler 1,75% des personnes détenues en 2019, générant 6,9 millions d'euros de rémunération brute.
L'offre de travail en détention reste aujourd'hui insuffisante au regard du nombre de personnes détenues (environ 30% a accès à l'emploi alors que 60% souhaiteraient travailler) alors que c'est un vecteur dont l'efficacité est avérée en terme de réinsertion et de lutte contre la récidive. Le développement de marchés réservés pour les entreprises implantées en détention, allié à d'autres mesures renforçant l'attractivité du travail pénitentiaire, permettra d'attirer de nouvelles entreprises en détention malgré les contraintes inhérentes à ce milieu qui pèsent sur leur équilibre économique il est nécessaire de développer des facteurs d'attractivité. En effet les entreprises, si elles bénéficient des avantages en nature précités, ne bénéficient d'aucune aide de l'Etat ce qui explique en grande partie le montant des rémunérations plus faible que dans le droit commun. C'est dans cette optique que l'article 22 précité de la loi du 22 décembre 2021 a habilité le Gouvernement à fixer par ordonnance, des modalités de réservation de contrats de commande publique au bénéfice de l'ensemble des opérateurs économiques recourant au travail de personnes détenues, au titre des activités qu'ils réalisent dans ce cadre.
IMPACTS SOCIAUX
Le renforcement de l'attractivité économique du travail pénitentiaire permis par l'ouverture de marchés réservé permet d'augmenter la part de travail en détention au bénéfice des personnes détenues mais également au bénéfice de la société. En effet, l'état de l'art montre que l'absence d'un emploi stable augmenterait le risque de délinquance. L'étude de Hammerschick, Pilgram et Riesenfelder29(*) retraçant le parcours professionnel de 505 anciens détenus pendant six ans a ainsi mis en évidence que parmi la population totale étudiée, 50 % étaient condamnés de nouveau pendant les deux premières années suivant leur libération, mais seulement 33 % parmi ceux qui avaient trouvé un emploi régulier. En France, la recherche de Kensey et Tournier30(*) montre que les personnes détenues qui déclarent une profession à l'écrou, soit ceux qui ont un capital d'employabilité plus grand, affichent un taux de récidive nettement plus bas que ceux qui se déclarent "sans profession". L'exemple italien de la prison de Milano Bollate semble également valider l'hypothèse selon laquelle un parcours de peine axé sur la réinsertion par le travail et la formation, plus respectueux de la dignité des personnes détenues, génère un impact positif sur la récidive. L'article de Mastrobuoni et Terlizzese (2014)31(*) établit, lui, une baisse de 25 à 33% de la récidive, en fonction du temps passé au sein de cet établissement expérimental, qui offre un parcours de peine centré sur l'insertion professionnelle et la responsabilisation des personnes détenues. Enfin, alors même que la grande majorité des activités de travail proposées aujourd'hui en détention sont très faiblement qualifiées, les données statistiques du ministère de la justice montrent que le travail pénitentiaire permet déjà de réduire le risque de commettre une nouvelle infraction32(*).
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Les dispositions législatives relatives à la commande publique ont été soumises à plusieurs instances consultatives :
? Comité technique du service pénitentiaire d'insertion et de probation ;
? Comité technique de l'administration pénitentiaire.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Ces dispositions seront applicables aux marchés et aux contrats d'implantation pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance.
1.1.2. Application dans l'espace
Cette disposition législative sera applicable à l'ensemble du territoire métropolitain mais également aux départements et collectivités d'outre-mer.
1.1.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat sera pris en application des présentes dispositions afin de fixer la proportion minimale de personnes détenues exerçant un travail.
ARTICLE N° 3 : MISE À LA RETRAITE D'OFFICE
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les dispositions régissant le travail pénitentiaire ne prévoient à ce jour aucun encadrement s'agissant de l'âge des personnes détenues exerçant un travail sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire. Les personnes détenues, même les plus âgées, peuvent demander à être classées au travail et candidater aux offres de travail. Leur âge ne peut, seul, justifier un refus de classement ou d'affectation par l'administration, ni une absence de recrutement du donneur d'ordre. Aujourd'hui, 810 personnes sont âgées de plus de 70 ans en détention et ces personnes sont généralement détenues dans des centres de détention où l'offre de travail est importante.
Toutefois, les établissements pénitentiaires font part des constats suivants :
? Le risque accru d'accident ou de blessure sur certains postes. En effet, il est nécessaire de permettre un traitement approprié des situations des personnes dont l'âge est avancé et qui entendent pourtant continuer à travailler sans en avoir toujours les capacités ;
? Le vieillissement accéléré résultant de la vie en détention33(*), rendant le cas de figure peu marginal.
CADRE CONSTITUTIONNEL
Dans une décision de 201534(*), le Conseil constitutionnel indique qu'en « subordonnant à un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements et en renvoyant à cet acte d'engagement le soin d'énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif, les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les droits et libertés énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention ; que par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes les droits et libertés qui découlent des cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté ».
La création d'un bloc de compétence au profit du juge administratif prévue dans le code pénitentiaire (article R. 315-2) ne peut donc que concourir au renforcement de la protection judiciaire des droits garantis aux travailleurs détenus, cette protection étant nécessaire à la compatibilité de ces dispositions avec la Constitution.
Par ailleurs, à travers deux décisions35(*), le Conseil a rappelé « qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ». Il a ainsi laissé la porte ouverte à de futures évolutions législatives. Cette ordonnance s'inscrit dans cette dynamique normative.
CADRE CONVENTIONNEL
ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
L'introduction de dispositions permettant la résiliation du contrat d'emploi pénitentiaire pour mise à la retraite procède ainsi des besoins exprimés par les établissements pénitentiaires et, permettront d'assurer la cohérence de l'ensemble du dispositif créé par la réforme du travail pénitentiaire.
OBJECTIFS POURSUIVIS
Créer deux nouveaux articles dans la section 3 « Contrat d'emploi pénitentiaire » du chapitre II « Travail » du titre Ier du Livre IV du code pénitentiaire afin d'intégrer les dispositions organisant la mise à la retraite d'office de ces personnes comme motif encadré de résiliation du contrat d'emploi pénitentiaire.
OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU
Les articles L. 412-16-1 et L. 412-16-2 ajouteront la mise à la retraite comme motif de résiliation du contrat d'emploi pénitentiaire par les donneurs d'ordre. Ce motif sera encadré suivant les dispositions de droit commun. Les articles reprendront l'âge fixé par le code de la sécurité sociale, et la procédure sera adaptée au contrat d'emploi pénitentiaire et à la procédure de résiliation prévue par le code pénitentiaire.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
La mise à la retraite d'une personne détenue par le donneur d'ordre ouvre un motif supplémentaire de résiliation du contrat d'emploi pénitentiaire dans le code pénitentiaire, dont les modalités seront encadrées.
Ainsi, deux articles sont insérés dans le code pénitentiaire (L. 412-16-1 et L. 412-16-2).
IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Cette procédure entre dans les missions des agents de l'administration pénitentiaire en ce qui concerne le travail au service général. Au regard du faible nombre de personnes détenues entrant dans les conditions de la mise à la retraite d'office (environ 1% de la population détenue a plus de 70 ans et parmi elle 30% travaillent, soit 240 personnes36(*)), cette nouvelle possibilité de résiliation de contrat n'aura qu'un impact quantitatif très limité sur la charge de travail de ces agents. En effet, il faut compter un entretien préalable et la préparation d'une lettre de résiliation soit 1h30 par cas.
IMPACTS SOCIAUX
La mise à la retraite d'office permettra d'assurer une protection de l'état de santé des personnes détenues âgées. En effet, le travail en détention est souvent un travail demandant des efforts physiques liés à des ports de charges, une station debout ou des efforts musculaires intenses (par exemple en cas de travaux sur le métal ou le bois). Dans ce contexte, et alors que les personnes détenues présentent un état de santé généralement plus dégradé que la population non détenue37(*), la possibilité de mise à la retraite d'office permettra de mieux protéger la santé des plus vulnérables.
240 personnes sont potentiellement concernées par cette mesure visant à protéger les personnes les plus vulnérables.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Le projet d'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022, dont le texte intégrait initialement les dispositions prévoyant la mise à la retraite des personnes détenues, avait fait l'objet des consultations suivantes :
? Le comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation en date du 11 juillet 2022 ;
? Le comité technique de l'administration pénitentiaire en date du 12 juillet 2022 ;
? Le comité technique du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion ;
? Le conseil de la caisse nationale d'assurance maladie en date du 23 aout 2022 ;
? Le conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse en date du 7 septembre 2022 ;
? Le conseil d'orientation des conditions de travail en date du 09 septembre 2022 ;
? La commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 20 septembre 2022 ;
? La commission des accidents du travail et des maladies professionnelles en date du 2 septembre 2022 ;
? Le Haut conseil de la vie associative en date du 29 juillet 2022 ;
? L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale en date du 16 septembre 2022 ;
? Le Conseil national consultatif des personnes handicapées en date du 21 octobre 2022 ;
? Le conseil départemental de Mayotte ;
? Le conseil territorial de saint-pierre et Miquelon.
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
Les dispositions encadrant la mise à la retraite entrent en vigueur de lendemain de la publication de la présente loi au Journal Officiel de la République française.
1.1.2. Application dans l'espace
Les dispositions prévues par la présente loi sont applicables sur l'ensemble du territoire métropolitain, ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte. Pour son application à Mayotte, une adaptation est prévue à l'article 4 s'agissant de l'âge de départ à la retraite.
Ces dispositions ne sont pas applicables dans les collectivités d'outre-mer suivantes : Wallis-et-Futuna, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie.
1.1.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat sera pris en application des dispositions de l'article 2 de la présente loi relatives à la mise à la retraite.
ARTICLE N° 4 : CONTRAT D'IMPLANTATION
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a créé une nouvelle relation de travail entre la personne détenue et le donneur d'ordre, qu'il soit l'administration pénitentiaire ou un partenaire économique privé. Cette relation de travail, matérialisée par un contrat d'emploi pénitentiaire38(*), s'applique à l'ensemble des concessionnaires, recevant ou non un public spécifique tels que les entreprises adaptées ou les structures d'insertion par l'activité économique.
Le décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire a ainsi tiré les conséquences de cette nouvelle relation de travail et a étendu la notion de contrat d'implantation, qui préexistait pour les entreprises adaptées, les établissements d'aide ou de service par le travail et les structures d'insertion par l'activité économique à toutes les structures partenaires de l'administration pénitentiaire employant des personnes détenues sous le régime du contrat d'emploi pénitentiaire. Le contrat de concession, ancien support juridique liant les concessionnaires à l'administration pénitentiaire, est ainsi remplacé par le contrat d'implantation, régit par les articles R. 412-78 à R. 412-82 du code pénitentiaire.
CADRE CONSTITUTIONNEL
Dans une décision de 201539(*), le Conseil constitutionnel indique qu'en « subordonnant à un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements et en renvoyant à cet acte d'engagement le soin d'énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif, les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les droits et libertés énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention ; que par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes les droits et libertés qui découlent des cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté ».
La création d'un bloc de compétence au profit du juge administratif prévue dans le code pénitentiaire (article R. 315-2) ne peut donc que concourir au renforcement de la protection judiciaire des droits garantis aux travailleurs détenus, cette protection étant nécessaire à la compatibilité de ces dispositions avec la Constitution.
Par ailleurs, à travers deux décisions40(*), le Conseil a rappelé « qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ». Il a ainsi laissé la porte ouverte à de futures évolutions législatives. Cette ordonnance s'inscrit dans cette dynamique normative.
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE RATIFICATION VISE À AFFIRMER LA VALEUR LÉGISLATIVE DU CONTRAT D'IMPLANTATION, AUJOURD'HUI ENCADRÉ PAR LES ARTICLES R. 412-78 À R. 412-82 DU CODE PÉNITENTIAIRE, EN TANT QUE SUPPORT JURIDIQUE UNIQUE DE LA RELATION ENTRE LES STRUCTURES IMPLANTÉES EN DÉTENTION ET L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE.2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Les présentes dispositions visent à assurer la conformité de l'ensemble des contrats d'implantation aux dispositions prévues par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire et par le décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire ainsi que l'uniformisation de l'ensemble des relations contractuelles l'administration pénitentiaire et des structures précédemment implantées ou nouvelles.
Avant l'entrée en vigueur du Décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire, c'est l'article D.433-2 du code pénitentiaire qui réglementait les modalités d'implantation en détention. Il disposait que « Les concessions de travail à l'intérieur des établissements pénitentiaires font l'objet de clauses et conditions générales arrêtées par le ministre de la justice.
Les concessions envisagées font l'objet d'un contrat qui en fixe les conditions particulières notamment quant à l'effectif des personnes détenues, au montant des rémunérations et à la durée de la concession. Ce contrat est signé par le représentant de l'entreprise concessionnaire et le directeur interrégional.
Les implantations des structures d'insertion par l'activité économique et des entreprises adaptées à l'intérieur des établissements pénitentiaires font l'objet d'un contrat d'implantation signé par le directeur interrégional des services pénitentiaires, le chef d'établissement pénitentiaire et la structure d'insertion par l'activité économique ou l'entreprise adaptée, qui fixe les conditions relatives à la nature des activités proposées, à l'accompagnement socioprofessionnel individualisé, au montant de la rémunération, à la durée de l'activité et à la nature de la structure d'insertion par l'activité économique ou de l'entreprise adaptée.
- Les clauses étaient précisées par deux circulaires: une circulaire du directeur de l'administration pénitentiaire du 14 janvier 1986 et une autre du 20 novembre 1998.
Aujourd'hui, plusieurs typologies de contrats coexistent:
- Des contrats de concession de main d'oeuvre pénale signés par des entreprises antérieurement au 1er mai 2022 dont les clauses divergent en fonction des années de signature. Les plus anciens contrats datent des années 70.
- Des contrats d'implantation signés par les structures d'insertion par l'activité économique et les entreprises adaptées entre 2016 et le 1er mai 2022.
- Des contrat d'implantation signés après le 1er mai 2022 par des SIAE, des EA et des entreprises marchand, comprenant les clauses réglementaires prévues par le décret relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire.
Ainsi, on compte encore aujourd'hui une dizaine de contrats de concession ayant été établis sous le régime de 1986 ou antérieurement et environ 300 sous le régime de 1998. Ces contrats, outre leur non-conformité avec les nouvelles normes encadrant le travail pénitentiaire (rémunération à l'heure, absence de relation contractuelle entre le concessionnaire et la personne détenue, possibilité de faire travailler des personnes détenues sous un régime de travail pénitentiaire pour du travail effectué à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire, notamment), présentent de nombreux manquements : absence de mention de la rémunération, absence d'engagement sur un nombre de personnes détenues qui travaillent, absence d'encadrement de l'activité ou de fourniture de matériel en matière d'hygiène et de sécurité.
Au-delà de ces aspects contra legem au regard de la réglementation actuelle, les clauses des contrats de concessions signés pour la majorité d'entre eux pour une durée indéterminée empêchent la protection des droits des personnes détenues et la mission de réinsertion confiée à l'administration pénitentiaire.
En effet, certains contrats font état d'une rémunération « à la pièce pour les détenus pour la plupart », d'autres ne fixent pas de rémunération minimale
Par ailleurs, plusieurs contrats de concession font mention de surfaces d'atelier concédées excédant largement le besoin de ces entreprises eu égard au nombre de personnes détenues employées. L'occupation de ces surfaces d'atelier concédées gracieusement, souvent à des fins de stockage sans lien avec l'activité conduite en détention, empêche par conséquent l'Etat de faire travailler un nombre plus important de personnes détenues, alors même que l'augmentation du taux de personnes détenues au travail est une politique prioritaire du gouvernement (PPG - objectif de 50% de personnes détenues en activités rémunérées).
Les contrats les plus anciens datant de 1970 contiennent aussi des clauses de nantissement défavorables aux entreprises qui aujourd'hui apparaitraient inenvisageables.
Au regard de ces éléments, il apparait indispensable d'uniformiser le support contractuel permettant l'implantation d'une activité en détention. En outre, il apparait nécessaire de prévoir la transformation de tous les contrats de concession en contrat d'implantation de manière à disposer de supports contractuels en accord avec la réglementation actuelle. En effet, les contrats de concession ayant été signés pour une durée indéterminée, en l'absence d'accord de l'entreprise les clauses contra legem ou permettant une rente de situation pourraient substituer encore plusieurs décennies.
Le motif d'intérêt général poursuivi est donc double. Alors que les données montrent que les personnes détenues qui travaillent récidivent moins, l'objectif est d'augmenter la part des personnes détenues qui travaillent pour mieux lutter contre la récidive. En outre, il est indispensable de mettre en conformité avec la législation actuelle une part significative des dispositions des contrats de concession qui continuent d'exister au détriment des droits des personnes détenues et parfois des concessionnaires.
OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU
L'article 3 du projet de loi affirme la valeur législative du contrat d'implantation, aujourd'hui encadré par les articles R. 412-78 à R. 412-82 du code pénitentiaire, en tant que support juridique unique de la relation entre les structures implantées en détention et l'administration pénitentiaire. Seuls les contrats d'implantation des établissements ou services d'aide par le travail (ESAT) en détention avait aujourd'hui une valeur législative. Il était donc nécessaire de conférer la même valeur à tous les contrats d'implantation quel que soit le statut juridique du contractant (entreprise, structure d'insertion par l'activité économique, entreprise adaptée ou ESAT).
L'article 5 du présent projet de loi prévoit, pour le 1er mai 2023, la fin des contrats de concession et des contrats d'implantation signés avant le 31 décembre 2022, soit avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1729 pour la confiance dans l'institution judiciaire et du décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire.
ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
IMPACTS JURIDIQUES
La nouvelle disposition encadrant le contrat d'implantation ainsi que son application dans le temps entrainent la fin au 31 décembre 2023 des contrats de concession (signés entre les entreprises et l'administration pénitentiaire) et des contrats d'implantation (signés entre les entreprises et l'administration pénitentiaire) avant le 1er mai 2022. Juridiquement, il sera donc nécessaire de conclure de nouveaux contrats d'implantation en conformité avec les dispositions issues de la présente loi.
IMPACTS SUR LES ENTREPRISES
La caducité au 31 décembre 2023 des contrats de concession signés par les entreprises et des contrats d'implantation signés par des SIAE conclus avant le 1er mai 2022 entraine la nécessité de renouveler la relation contractuelle entre l'administration pénitentiaire et les partenaires économiques. Cela concerne environ 300 entreprises ou SIAE.
Les contrats d'implantation, dont les mentions obligatoires ainsi que les procédures de conclusion, de suspension et de résiliation sont prévues aux articles R. 412-79 à R. 412-82 du code pénitentiaire, sont régis par des règles plus contraignantes que les contrats préexistants.
En effet, les clauses des contrats de concession étaient simplement réglementées par voie de circulaire du directeur de l'administration pénitentiaire dont la dernière, qui ne s'appliquait pas aux contrats en cours, est datée de 1998. Ces contrats de concession, très faiblement encadrés juridiquement, étaient de fait peu protecteurs des personnes détenues mais également des entreprises et de l'administration. Désormais, les modalités de résiliation du contrat par l'administration pénitentiaire seront encadrées. Des mentions contraignantes pour les opérateurs économiques devront y figurer : effectif minimum de personnes détenues qui travaillent pour ces entreprises, surface mise à disposition, mention des équipements mis à disposition, règles en matière d'hygiène et de sécurité, modalité de facturation des rémunérations et des fluides. En miroir, les obligations de l'administration seront clairement établies dans le contrat d'implantation.
Ces contrats seront conclus pour une durée déterminée et non plus indéterminée de manière à pouvoir renégocier les surfaces utilisées par les entreprises en fonction du nombre de personnes détenues qui travaillent régulièrement pour ces entreprises. En effet, il existe des entreprises implantées en détention qui n'offrent que de manière très saisonnière du travail aux personnes détenues ou dont l'activité varie très fortement. Aujourd'hui les contrats de concession concluent ne permettent pas de réallouer les surfaces en l'absence de travail. La conclusion de contrat d'implantation à durée déterminée permettra à l'administration pénitentiaire de renégocier régulièrement les surfaces utilisées en fonction de la réalité de l'activité économique exercée.
A défaut de conclusion d'un contrat d'implantation, il sera mis fin à la relation contractuelle au plus tard le 31 décembre 2023. A ce titre, les entreprises implantées de longue date qui refuseraient de signer les contrats d'implantation devront mettre fin à leur activité en détention ce qui aura un impact économique sur leur activité, a fortiori lorsque l'activité économique est uniquement effectuée en détention.
IMPACTS SOCIAUX
Les contrats de concession étaient uniquement encadrés par deux circulaires du directeur de l'administration pénitentiaire en date du 14 janvier 1986 et du 20 novembre 1998. Ces contrats de concession de main d'oeuvre pénale, souvent conclus pour une durée indéterminée et dont certains datent des années 1950 :
? ne comprennent pas d'effectif minimum de personnes détenues travaillant pour le donneur d'ordre ;
? comprennent, pour beaucoup, une mention de rémunération à la pièce ;
? comprennent des mentions de surfaces d'ateliers ne correspondant pas à l'utilisation qui en est faite en pratique, une partie de la surface étant utilisée comme lieu de stockage et ne permettant pas à l'Etat de faire travailler d'autres personnes détenues ;
? comprennent un certain nombre de clauses non conformes aux dispositions relatives au travail pénitentiaire prévues par la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire du 22 décembre 2021 (absence de temps de travail, absence de sélection des candidatures par le donneur d'ordre, absence de répartition des compétences en matière d'hygiène et de sécurité, légèreté des procédures visant à mettre fin à la relation de travail, absence de relation contractuelle entre le donneur d'ordre et la personne détenue, etc.).
Les dispositions de ces contrats de concession sont donc souvent contraire aux dispositions protectrices prévues par la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. La mise en place de contrats d'implantation qui auront une durée limitée dans le temps et qui doivent contenir un engagement en terme de nombre de personnes détenues qui travaillent sera donc une réelle avancée pour les travailleurs détenus.
Au-delà, et d'un point de vue plus symbolique, le changement de vocabulaire employé (passage d'un contrat de concession de main d'oeuvre pénale à un contrat d'implantation) acte un changement de philosophie du travail pénitentiaire. Désormais, l'administration pénitentiaire met à disposition des locaux au sein desquels les entreprises peuvent faire travailler des personnes détenues ; elle ne met plus à disposition des entreprises des personnes détenues.
CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
CONSULTATIONS MENÉES
Aucune consultation n'est requise concernant ces dispositions propres à l'administration pénitentiaires. Elles n'ont aucun impact sur les pratiques professionnelles ou sur la charge de travail des personnels de l'administration pénitentiaire
MODALITÉS D'APPLICATION
1.1.1. Application dans le temps
L'article 5 du projet de loi prévoit que les contrats de concession et les contrats d'implantation signés avant le 1er mai 2022 demeurent en vigueur, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2023 dans leur version antérieure au décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire.
1.1.2. Application dans l'espace
Cette disposition législative sera applicable à l'ensemble du territoire métropolitain mais également aux départements et collectivités d'outre-mer.
* 1 Article L. 381-31 du code de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse.
* 2 Décision N° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (M. JOHNY M.)
* 3 Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (M. Johny M.) ; Décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013 (M. Yacine T. et autre).
* 4 Cotisation patronale plafonnée de 8,55% et déplafonnée de 1,90%, cotisation salariale plafonnée de 6,90% et déplafonnée de 0,40%
* 5 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.
* 6 843 (euros de cotisations par an et par personne détenue) x 11171 (travailleurs détenus au SG)
* 7 589 (euros de cotisations par an et par personne détenue) x 11 171 (travailleurs détenus au SG)
* 8 629 (euros de cotisations par an et par personne détenue) x 11171 (travailleurs détenus au SG)
* 9 439 (euros de cotisations par an et par personne détenue) x 11 171 (travailleurs détenus au SG)
* 10 394 (euros de cotisations par an et par personne détenue) x 9 215 (travailleurs détenus en production)
* 11 629 (euros de cotisations par an et par personne détenue) x 9215 (travailleurs détenus en production)
* 12 Article L. 381-30 et L. 381-30-6 du code de la sécurité sociale pour l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès
* 13 https://www.cglpl.fr/2016/avis-relatif-a-la-situation-des-femmes-privees-de-liberte/
* 14 Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (M. Johny M.)
* 15 Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (M. Johny M.) ; Décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013 (M. Yacine T. et autre).
* 16 https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/GA-RESOLUTION/F-book.pdf
* 17 4,05% x (252 (rémunération moyenne) x 12 mois x 11 1171 personnes détenues)
* 18 4,05% x (303 (rémunération moyenne) x 12 x 9215 personnes détenues)
* 19 1 368 134,7 + 1 356 982,5
* 20 Code du travail : article L.6131-1
* 21 27 heures x 20 386 personnes détenues
* 22 550 422 heures x 15 euros
* 23 Conseil de l'Europe, Assemblée parlementaire, Rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, « Les détenus handicapés en Europe », Doc. 14557, 9 mai 2018, disponible en ligne [https://pace.coe.int/fr/files/24756/html].
* 24 https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/GA-RESOLUTION/F-book.pdf
* 25 1258,98 euros (ce coût moyen d'une cotisation d'un employeur à un SPSTI est une donnée issue de PRESANSE, organisme national représentatif des SPSTI)
* 26 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics
* 27 Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés publics par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux
* 28 Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession
* 29 Hammerschick W., Pilgram A., Riesenfelder A., 1997, Zu den Erwerbsbiographien und Verurteilungskarrieren Strafgefangener und Strafentlassener, rekonstruiert anhand von Sozialversicherungs- und Strafregisterdaten, in Hammerschick W., Pilgram A. (Eds.), Arbeitsmarkt, Strafvollzug und Gefangenenarbeit, Jahrbuch für Rechts- und Kriminalsoziologie, Nomos, Baden-Baden,155-187.
* 30 Kensey A., Tournier P.V., 2005, Sortants de prison : variabilité des risques de retour, Cahiers de démographie pénitentiaire, n°17, ministère de la Justice, Paris.
* 31 Giovanni Mastrobuoni and Daniele, October 2014, Terlizzese, Rehabilitation and Recidivism: Evidence from an Open Prison
* 32 Infostat Justice n°183, juillet 2021 - http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_Infostat_183.pdf
* 33 Caroline Touraut, Vieillir en prison. Punition et compassion, Paris, Champs social éditions, coll. « Questions de société », 2019, 256 p.
* 34 Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (M. Johny M.).
* 35 Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (M. Johny M.) ; Décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013 (M. Yacine T. et autre).
* 36 Statistiques du ministère de la Justice
* 37 Godin-Blandeau E, Verdot C, Develay AE. La santé des personnes détenues en France et à l'étranger : une revue de la littérature.
* 38 Environ 19 000 contrats d'emploi pénitentiaire sont actuellement conclus ;
* 39 Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (M. Johny M.).
* 40 Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (M. Johny M.) ; Décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013 (M. Yacine T. et autre).