TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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Ministère de l'Europe
et des affaires étrangères
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Projet de loi
autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue
d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales
en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, et le protocole y relatif,
faits à Paris, le 20 mars 2018, tels que modifiés par l'avenant,
fait à Luxembourg, le 10 octobre 2019
NOR : EAEJ2327595L/Bleue-1
ÉTUDE D'IMPACT
I . Situation de référence
Le Luxembourg emploie 120 000 travailleurs frontaliers résidant en France1(*), dont le nombre a presque doublé depuis 2000, qui représentent plus de la moitié (près de 53 %) de la main d'oeuvre frontalière du Grand-Duché (211 640 au total), devant les résidents en Allemagne (50 240 - près de 24 %) ou en Belgique (49 400 - un peu plus de 23 %).
La France et le Luxembourg ont signé une nouvelle convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune le 20 mars 2018 à Paris. Cette convention2(*), entrée en vigueur le 19 août 2019, a été modifiée par un premier avenant3(*) signé le 10 octobre 2019 qui, sans revenir sur l'imposition partagée de certains revenus (d'emploi et immobiliers), prévoit désormais que la double imposition afférente à ces derniers est éliminée s'agissant de la France au moyen d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français.
Le paragraphe 3 du protocole de la convention du 20 mars 2018 prévoit que les jours de télétravail effectués pour les revenus d'emploi dans la limite de 29 jours sont considérés et imposés comme s'ils avaient été effectués dans l'Etat de situation de l'employeur.
Dans le contexte de l'épidémie de covid-19, les autorités françaises ont conclu, le 16 juillet 2020, un accord amiable avec le Luxembourg relatif aux règles fiscales s'appliquant en cas de travail à distance, par un résident d'un des deux Etats pour le compte d'une entreprise située dans l'autre Etat. Reconduit jusqu'au 30 juin 2022, cet accord prévoyait que la période de l'épidémie de covid-19, considérée comme un cas de force majeure, n'était pas prise en compte pour le calcul du forfait de télétravail prévu dans la convention fiscale bilatérale entre les deux pays.
La sortie de l'état d'urgence et l'amélioration de la situation sanitaire ne justifiaient plus le maintien de cette mesure dérogatoire exceptionnelle au-delà de cette date. Depuis cette date, les règles en vigueur avant cet accord amiable sont de nouveau applicables, étant toutefois précisé que s'agissant de l'année 2022, le télétravail effectué au cours du premier semestre 2022 n'a pas été pris en compte pour l'appréciation du forfait annuel de 29 jours4(*).
II. Historique des négociations
Durant la pandémie, des accords relatifs au télétravail ont été conclus avec les Etats voisins de la France, dont le Luxembourg, pour neutraliser les effets fiscaux du recours accru au télétravail en raison des restrictions sanitaires. Ces accords prévoyaient en pratique que la période de l'épidémie de covid-19 n'était pas prise en compte pour le calcul du forfait de télétravail prévu dans la convention fiscale bilatérale entre les deux pays. Applicable à compter du 16 juillet 2020, ce dispositif dérogatoire avait été reconduit jusqu'au 30 juin 2022.
Ni les salariés ni les entreprises ne souhaitaient un retour à la situation pré-pandémie, reconnaissant les avantages du télétravail, qui fait désormais partie intégrante du quotidien d'une partie des frontaliers et qui comporte des effets positifs en matière de limitation des déplacements et d'empreinte écologique. Coprésidée par Clément BEAUNE, secrétaire d'État français chargé des affaires européennes et Corinne CAHEN, ministre luxembourgeoise à la Grande Région, la 6ème commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière, réunie à Esch-Belval le 19 octobre 2021, avait validé le principe d'une augmentation du seuil de tolérance en matière fiscale de 29 jours à 34 jours de télétravail et demandé aux administrations compétentes d'en déterminer les modalités.
III. Objectifs de l'avenant à la convention
Les principes internationaux traduits dans le modèle de convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoient l'imposition des revenus d'une activité salariée au lieu d'exercice de cette activité. Les conventions fiscales conclues par la France, dont celle avec le Luxembourg, suivent en général cette règle. En application de ce principe, si un salarié résidant en France travaille au Luxembourg, sa rémunération est imposée au Luxembourg. En cas de télétravail, le droit d'imposer revient à la France, où est exercée l'activité.
Toutefois, la convention franco-luxembourgeoise, qui s'appliquait à compter des revenus perçus en 2020, admettait que les travailleurs frontaliers, résidant en France mais exerçant normalement leur activité au Luxembourg, y demeuraient soumis à l'impôt lorsqu'ils travaillaient au maximum 29 jours par an hors du Luxembourg. En revanche, si le seuil de 29 jours était dépassé, l'imposition revenait à la France pour la totalité des jours télétravaillés.
Par le présent avenant, la France et le Luxembourg se sont accordés pour porter de 29 à 34 jours le forfait prévu par la convention fiscale bilatérale afin de tenir compte du développement du télétravail pour les travailleurs, résidents d'un des deux Etats et employés par une entreprise située dans l'autre Etat. Les jours de travail effectués dans cette limite de 34 jours seront désormais considérés et imposés comme s'ils avaient été effectués dans l'Etat de situation de l'employeur. Au-delà, la totalité des jours télétravaillés sera imposée dans l'Etat de résidence.
Ces dispositions ont vocation à bénéficier essentiellement aux nombreux travailleurs frontaliers résidant en France qui se rendent quotidiennement au Luxembourg pour y travailler.
L'avenant ajoute également un nouvel alinéa au paragraphe 3 du protocole de la convention dans le cadre de l'application de l'article 18 relatif aux fonctions publiques, permettant d'appliquer également le seuil de 34 jours aux personnes visées par cette disposition dans le cadre de services rendu à un Etat contractant ou l'une de ses collectivités locales ou territoriales ou par une de leurs personnes morales de droit public.
Les dispositions de l'avenant pourront s'appliquer pour les revenus perçus à compter de l'année 2023, le temps de définir, avant la fin de l'année 2024, une solution pérenne et soucieuse des intérêts budgétaires respectifs des deux Etats.
En effet, l'avenant comprend une clause de revoyure par laquelle les autorités des deux Etats s'engagent à se rencontrer avant le 31 décembre 2024 afin d'examiner si la situation requiert de faire évoluer les conditions applicables aux bénéficiaires de forfait à compter du 1er janvier 2025 et, le cas échéant, de conclure un nouvel avenant.
IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'avenant à la convention
Cet avenant emporte des conséquences dans les domaines économique et financier, administratif et juridique.
a. Conséquences économiques et financières
Cet avenant modifie la répartition des droits à imposer les revenus tirés dans le cadre d'une activité exercée en télétravail par les résidents d'un des deux Etats pour le compte d'un employeur situé dans l'autre Etat.
b. Conséquences administratives
La direction générale des finances publiques (DGFiP), responsable de l'application des conventions fiscales conclues par la France, sera chargée de l'application du présent avenant.
Les modalités administratives d'application du présent avenant seront identiques à celles de la centaine de conventions fiscales conclues par la France5(*) et ne nécessiteront pas de ressources complémentaires.
a. Conséquences juridiques
· Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes
L'entrée en vigueur du présent avenant n'aura aucune conséquence sur les conventions internationales existantes, hormis celle du 20 mars 2018 avec le Luxembourg qu'elle amende.
· Articulation avec le droit européen
En vertu du principe d'attribution prévu à l'article 5 du Traité sur l'Union européenne, la fiscalité directe est une compétence des Etats membres. Elle est exercée dans le respect du droit de l'Union européenne (UE). Dans son arrêt Schumacker du 14 février 19956(*), la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que les Etats membres sont fondés à répartir entre eux les droits d'imposer par des conventions fiscales visant à prévenir les doubles impositions en suivant les recommandations internationales de OCDE.
A cet égard, les dispositions du présent avenant ont pour objet de modifier la répartition des droits d'imposer entre la France et le Luxembourg et sont donc pleinement conformes au droit de l'UE.
· Articulation avec le droit interne
L'ordonnancement juridique français n'est pas affecté par cet avenant. En effet, il pourra être appliqué dès son entrée en vigueur et ne nécessitera pas de mesure d'application particulière.
V. État des signatures et ratifications
L'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, et le protocole y relatif, faits à Paris, le 20 mars 2018, tels que modifiés par l'avenant, fait à Luxembourg, le 10 octobre 2019, a été signé à Bruxelles le 7 novembre 2022 par Bruno LE MAIRE, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et par Yuriko BACKES, ministre des finances.
L'avenant a été adopté au Luxembourg lors du premier vote constitutionnel le 3 mai 2023 et est actuellement en attente de la dispense du second vote constitutionnel.
* 1 Données de l'ambassade de France au Luxembourg.
* 2 Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, signée à Paris le 20 mars 2018.
* 3 Avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune et le protocole y relatif faits à Paris le 20 mars 2018.
* 4 Communiqué de presse n° 38 du 28/06/2022 sur le régime fiscal applicable au télétravail exercé par les travailleurs frontaliers avec le Luxembourg