Étude d'impact au format PDF (556 Koctets)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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Ministère de l'Europe
et des affaires étrangères
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Projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord portant révision de l'accord général de coopération
entre les Etats membres de la Commission de l'océan Indien
NOR : EAEJ2129716L/Bleue-1
ÉTUDE D'IMPACT
I. Situation de référence
La Commission de l'océan Indien (COI) a été instituée, sous la forme d'une organisation intergouvernementale, par l'accord de Victoria conclu le 10 janvier 1984, par Maurice, Madagascar et les Seychelles en vue de promouvoir la coopération entre les Etats insulaires du sud-ouest de l'océan Indien dans différents domaines (diplomatie, économie, commerce, agriculture...). La COI s'est élargie avec l'adhésion des Comores et, par le protocole signé à Port-Louis le 10 janvier 1986, de la France, au titre de la Réunion. Un protocole additionnel, signé à Victoria le 14 avril 1989, a donné à la COI de la personnalité juridique, lui a reconnu les immunités et exonérations habituelles et l'a doté d'organes de décisions et d'un budget.
La COI est une organisation caractérisée par sa composition exclusivement insulaire et l'appartenance de ses membres à l'espace africain. Elle se veut le porte-parole des intérêts des économies insulaires tout en veillant au développement des solidarités régionales et de ses partenariats internationaux. La COI est aujourd'hui un acteur incontournable dans l'océan Indien occidental, suscitant l'attention de pays dépassant son environnement régional.
L'accord de Victoria de 1984 énonçait la volonté d'une coopération « fructueuse et durable » qui permette d'assurer le développement socio-économique des Etats du sud-ouest de l'océan Indien. Les objectifs des Etats membres se limitaient néanmoins initialement au renforcement des liens d'amitié et à l'établissement d'un cadre de coopération dans quatre domaines : diplomatie, économie et commerce, agriculture, science et éducation. Cela a tout de même permis par exemple à la COI de mener un programme régional de surveillance des pêches, entre 2007 et 2014, réunissant les Etats membres autour de la lutte contre la pêche illicite non déclarée et non réglementée, essentiellement sous la forme d'un partage d'informations.
Les Etats membres ont néanmoins exprimé, depuis quelques années, le souhait de renforcer institutionnellement et financièrement l'organisation afin qu'ils puissent répondre aux différents défis contemporains auxquels ils font face (climatiques, numériques, économiques).
La déclaration de Moroni, signée à l'issue de la réunion ministérielle sur l'avenir de la COI qui s'est tenue du 1 er au 3 août 2019 aux Comores, a donc initié un processus d'évolution des textes fondateurs de la COI, l'accord de Victoria de 1984 et ses protocoles additionnels.
Après deux ans de discussion, le nouvel accord de Victoria, signé le 6 mars 2020, permet à la COI de se moderniser afin d'atteindre ses ambitions, en étendant ses compétences et en adoptant du même coup une architecture institutionnelle renforçant le pilotage politique de l'organisation et son niveau d'ambition par l'institutionnalisation d'un sommet des chefs d'Etat.
Dans le même temps, des négociations ont été conduites pour permettre la révision des neuf textes d'application 1 ( * ) pour les rassembler en un seul (le « règlement intérieur des instances de la COI »). Un premier projet a ainsi été transmis aux Etats membres en février 2021.
II. Historique des négociations
Depuis 2013, des réformes ont été proposées par le secrétariat général de la COI pour permettre à l'organisation :
- de renforcer la gestion des fonds et de bonne gouvernance ;
- de formaliser un statut de membre observateur ;
- d'être éligible à l'Accord de contribution de l'UE (2015).
En 2019-2020, les Seychelles qui présidaient la COI, ont fait de la réforme institutionnelle de l'organisation une priorité. La présidence seychelloise de l'organisation exprimait ainsi l'ambition des Etats membres de rehausser le niveau de coopération dans le sud-ouest de l'océan Indien. Il a ainsi été question lors du Conseil des ministres de décembre 2019 (Mahé, Seychelles) de discuter d'un projet de protocole additionnel à l'accord fondateur de Victoria. Ce protocole avait pour objet d'introduire dans l'accord de Victoria des dispositions nouvelles conformes aux décisions prises dans la déclaration de Moroni du 3 août 2019. Cette réunion avait fixé les orientations générales de la réforme, notamment sur l'extension des domaines de coopération, l'intégration régionale de la COI et le renforcement du secrétariat général.
Au fur et à mesure des négociations, à l'initiative des délégations des Comores et de Madagascar, l'idée d'un quatrième protocole additionnel a été écartée, au profit d'une révision et consolidation des textes existants. Ainsi, en octobre 2019, lors de la réunion des juristes des Etats membres, un projet d'accord portant révision de l'accord de Victoria de 1984 a été élaboré, en repartant du projet de protocole additionnel qui avait été proposé par les Seychelles.
Plusieurs points, qui n'avaient pas été agréées de prime abord, ont dû faire l'objet de discussions techniques plus approfondies :
- le statut de membre observateur : il s'agit d'une entité observatrice, qui assiste aux activités de l'organisation mais ne prend pas part aux décisions de ladite organisation. L'article 11 officialise sa création La demande française d'instaurer un critère géographique (pays riverain de l'océan Indien) pour la sélection n'a pas été retenue. Les autres Etats membres ont fait valoir le fait que des organisations n'ayant pas une connotation régionale particulière comme l'Organisation internationale de la francophonie et l'Ordre de Malte bénéficiaient déjà de ce statut.
- la clé de répartition des contributions des Etats membres : l'accord de Victoria de 1984 n'y faisant pas référence, la répartition des contributions avait été ajoutée par le protocole de 1989. Les taux de contribution figurant dans le protocole de 1989 ne correspondaient néanmoins plus à la réalité reflétée dans la dernière version du règlement financier arrêté en 2020 par le Conseil des ministres 1 ( * ) .
- l'usage de l'anglais au sein de l'organisation, dont la langue officielle était le français : étant donné l'ouverture de la COI à des bailleurs de fonds et partenaires internationaux, la possibilité d'un recours ponctuel à l'anglais s'est posée. Il a donc été décidé que le recours à l'anglais serait possible pour le seul dialogue avec les Etats et partenaires non francophones, le français restant ainsi la langue de travail et d'échanges au sein de la COI 2 ( * ) .
L'accord portant révision de l'Accord général de coopération entre les Etats membres de la COI a été signé à Victoria, le 6 mars 2020.
III. Objectifs de l'accord
La révision de ce texte fondateur redéfinit la mission de la COI, de façon élargie, et vise à lui donner un cadre adapté et modernisé qui lui permet de répondre plus efficacement aux besoins de ses Etats membres. L'accord de Victoria de 1984 n'était pas un accord opérationnel et se limitait à créer et définir les prérogatives de la COI, sans pour autant instaurer un appareil politique structuré qui serait guidé par des priorités données.
La révision de l'accord de Victoria a permis de renforcer le cadre de coopération régional et de moderniser les institutions de la COI. Plus précisément, cet accord donne les moyens aux Etats membres de s'adapter et de renforcer la coopération régionale face à de nouveaux enjeux pour lesquels chacun des Etats peut difficilement intervenir seul.
Ces enjeux ont trait notamment à la sécurité environnementale, la sécurité maritime, la connectivité numérique, la santé et les mobilités, pour lesquels la COI peut être plus efficaces que les Etats membres. A titre d'exemple, pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19, le plan de riposte de lutte contre la Covid-19 de la COI a facilité l'acheminement des équipements médicaux à Maurice, aux Seychelles, aux Comores et à Madagascar, grâce au soutien de l'Agence française de développement (AFD).
La COI intervient par ailleurs dans plusieurs autres domaines pour accompagner les Etats face aux défis auxquels ils sont confrontés, comme l'insécurité alimentaire et le changement climatique. A titre d'exemples, le programme régional de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PRESAN), promeut la production agricole intra-régionale et le projet Hydromet encourage le partage de connaissances sur la surveillance climatique, météorologique, et hydrologique. Ces deux projets ont ainsi été à l'origine d'une augmentation de production de denrées (riz, maïs, oignons) à Madagascar en poussant à l'adoption de nouvelles méthodes de production et d'une coopération entre scientifiques et météorologues à l'instar du partenariat entre Météo-France, Météo-Seychelles et la COI.
Afin de répondre à ces enjeux, les domaines de coopération sont ainsi passés de quatre dans l'accord de Victoria de 1984 3 ( * ) à quatorze dans le présent accord :
- la paix, la stabilité, la gouvernance et l'Etat de droit ;
- la défense des intérêts insulaires ;
- l'économie bleue ;
- la sécurité alimentaire et sanitaire ;
- la sécurité maritime et la lutte contre la criminalité transnationale organisée ;
- la connectivité aérienne, maritime et numérique pour le rapprochement des peuples ;
- le changement climatique ;
- la protection civile ;
- la circulation des personnes et des biens dans l'espace de la COI.
Outre l'extension des domaines de coopération de la COI, l'accord se caractérise par ailleurs par :
- l'inscription de l'insularité, de l'appartenance à l'espace africain et au sud-ouest de l'océan Indien comme critère d'adhésion à la COI ;
- le maintien et rappel de l'unanimité comme mode de décision de l'organisation ;
- l'institutionnalisation d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement tous les cinq ans ;
- le passage à deux réunions du conseil des ministres par an ;
- la réaffirmation du caractère unificateur de la langue française comme langue de travail et d'échange au sein de la COI avec une possibilité de recourir ponctuellement à l'anglais pour les échanges avec les Etats et partenaires non francophones
- .
Afin d'atteindre les objectifs de modernisation et de renforcement des capacités de réponse de la COI, l'accord révisé vise également à :
- promouvoir les domaines de coopération de la COI ;
- établir les modalités de fonctionnement des appareils décisionnels, notamment en précisant le rôle du secrétariat général et en prévoyant l'organisation de réunions ministérielles ;
- instaurer une bonne gestion financière à travers une réglementation commune et des principes communs ;
- faciliter le règlement des différends.
La majorité de ces dispositions est déjà mise en place. L'accord révisé permet ainsi d'institutionnaliser des pratiques relatives au fonctionnement de la COI.
IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord
Cet accord n'emporte pas de conséquences administratives. Il n'emporte pas davantage de conséquences financières, la participation de la France demeurant à son niveau antérieur.
• Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes
Cet accord n'apporte pas de modification aux instruments juridiques internationaux. L'élargissement des missions et domaines de coopération de la COI qu'il prévoit (notamment la paix, la stabilité, la gouvernance et l'Etat de droit et la sécurité maritime et la lutte contre la criminalité transnationale organisée) confortera la COI dans l'accomplissement de ses missions au titre du programme de l'Union européenne de sécurité maritime dans la région Afrique Orientale et Australe et Océan Indien, appelé « MASE » (pour Maritime Security ). La COI est responsable, par le biais de deux centres régionaux de la coordination de certaines actions menées par les Etats désignés de la région en matière d'actions en mer d'une part, et d'échange et de partage de l'information maritime, d'autre part. Dans cette perspective, deux accords multilatéraux signés en 2018 4 ( * ) , dont les cinq États membres de la COI sont parties, et dont la COI est dépositaire, sont actuellement en cours d'approbation parlementaire au niveau national.
• Articulation avec le droit européen
Le présent accord n'affecte pas la répartition des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres. Il ne porte pas sur un domaine relevant de la compétence exclusive ou partagée de l'Union européenne.
• Articulation avec le droit interne
L'accord révisé n'apporte pas de modifications au droit interne. Le protocole d'adhésion de la République française à l'accord de Victoria, signé à Port-Louis le 10 janvier 1986, dispose à son article premier que : « La République française devient membre de la Commission de l'Océan Indien et Partie à l'Accord instituant cette Commission pour permettre à son département et sa région de La Réunion de participer à la coopération régionale réalisée au sein de la Commission de l'Océan Indien ». L'article 17 du présent accord dispose par ailleurs que : « Les dispositions des protocoles d'adhésion de la République fédérale islamique des Comores et de la République française du 10 janvier 1986 demeurent en vigueur entre les Etats Parties à l'exception des dispositions relatives à la désignation du dépositaire de l'accord . »
En conséquence, le champ d'application territorial de l'accord demeure inchangé et limité à l'île de La Réunion dans l'océan Indien.
Pour rappel, les autres territoires ultramarins qui se situent dans le sud-ouest de l'océan Indien, à avoir Mayotte et les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) font l'objet d'un conflit de souveraineté avec les Etats membres de la COI, à l'exception des Seychelles, en particulier :
- la souveraineté française sur Mayotte et les Glorieuses (TAAF) est contestée par l'Union des Comores depuis l'indépendance de ce pays en 1973 ;
- la souveraineté française sur Tromelin, l'une des îles Eparses (TAAF) est contestée par l'île Maurice ;
- la souveraineté française sur les îles Eparses (TAAF) dans leur ensemble est contestée par Madagascar.
En concertation avec les Etats membres, dont l'avis favorable de principe a été obtenu à l'occasion de la réunion ministérielle de Moroni du 1 er au 3 août 2019, la France a néanmoins obtenu d'associer ponctuellement Mayotte au projet de de la COI de renforcement des réseaux régionaux de surveillance épidémiologique en matière de santé humaine et animale (RSIE III - réseau Sega One-Health). Ce programme, qui fonctionne bien, est en cours d'exécution par la COI. Il se base sur une logique de réseau, dans un domaine lié à la surveillance épidémiologique dans la zone, où l'association de Mayotte apparaît comme une évidence, ces problématiques se posant à l'échelle régionale.
V. Etat des signatures et ratifications
La France, les Comores, les Seychelles, Madagascar et Maurice ont signé l'accord de Victoria révisé le 6 mars 2020 à Victoria. A ce jour, les Comores et les Seychelles ont approuvé cet accord, conformément à son article 18.
* 3 Règlement intérieur du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ; règlement intérieur du conseil des ministres ; règlement intérieur du Comité des officiers permanent de liaison (COPL) ; statuts du secrétariat général ; règlement intérieur du Comité d'audit et de risques ; règlement intérieur du Comité budgétaire ; règles et procédures afférentes à l'adhésion au statut d'observateur auprès de la COI ; charte d'audit interne ; règles et procédures afférentes aux plateformes de dialogues.
* 1 Répartition de 1989 : Comores : 5 % ; France : 40 % ; Madagascar : 40 % ; Maurice : 12 % ; Seychelles : 3 % / Répartition de 2020 : Comores : 6% ; France 40% ; Madagascar : 29% ; Maurice : 20% ; Seychelles : 5%.
* 2 Tous les Etats membres de la COI sont membres de la francophonie.
* 3 Il s'agissait de la diplomatie, l'économie et le commerce, l'agriculture, la pêche maritime et la conservation des ressources et des écosystèmes ainsi que la culture, la science, l'éducation et la justice.
* 4 L'accord régional sur la coordination des opérations en mer dans l'océan Indien occidental, signé en avril 2018 à Balaclava et l'accord pour la mise en place d'un mécanisme d'échange et de partage de l'information maritime dans l'océan Indien occidental, signé en novembre 2018 à Nairobi. Les parties à ces deux accords sont les Comores, Djibouti, Madagascar, Maurice, les Seychelles, le Kenya et la France.