LOI no 98-564 du 8 juillet 1998 tendant à l'élimination des mines antipersonnel (1)
NOR : DEFX9802964L
L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la
teneur suit :
Article 1er
Pour l'application de la présente loi, les termes « mines
antipersonnel » et « transfert » ont le sens qui leur
est donné par la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage,
de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur
destruction,
signée à Ottawa le 3 décembre 1997, ci-après
dénommée la convention d'Ottawa.
Article 2
La mise au point, la fabrication, la production, l'acquisition, le
stockage, la conservation, l'offre, la cession, l'importation, l'exportation,
le transfert et l'emploi des mines antipersonnel sont interdits.
Article 3
Nonobstant les dispositions de l'article 2, les services de l'Etat
sont autorisés :
- à conserver les stocks existants de mines antipersonnel
jusqu'à
leur destruction au plus tard le 31 décembre 2000 ;
- à transférer des mines antipersonnel en vue de leur
destruction ;
- à conserver ou transférer un certain nombre de mines
antipersonnel pour la mise au point de techniques de détection des
mines, de déminage ou de destruction des mines et pour la formation
à ces techniques, le nombre de mines détenues à ces
fins ne pouvant excéder 5 000 à partir du 31 décembre
2000.
Les services de l'Etat peuvent confier ces opérations à
des personnes agréées.
Article 4
Les infractions aux dispositions de l'article 2, sous réserve
des dispositions de l'article 3, sont punies de dix ans d'emprisonnement
et de 1 000 000 F d'amende.
Les tentatives d'infraction sont punies de la même peine.
Le fait de s'opposer ou de faire obstacle aux procédures
internationales
d'établissement des faits prévues à l'article 12 est
puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende.
Article 5
Les personnes physiques coupables des infractions prévues à
l'article 4, sous réserve des dispositions de l'article 3, encourent
également les peines complémentaires prévues aux articles
221-8 à 221-11 du code pénal.
Article 6
Les personnes morales peuvent être déclarées
responsables
pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2
du code pénal, des infractions prévues à l'article
4, sous réserve des dispositions de l'article 3.
Les peines encourues par les personnes morales sont :
1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article
131-38 du code pénal ;
2o Les peines mentionnées à l'article 131-39 du code
pénal.
L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 du code
pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion
de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
Article 7
Peuvent constater les infractions aux prescriptions de la présente
loi, ainsi qu'aux dispositions réglementaires prises pour son
application,
outre les officiers de police judiciaire agissant conformément aux
dispositions du code de procédure pénale, les agents du
ministère
de la défense habilités dans des conditions fixées
par décret en Conseil d'Etat et les agents des douanes à
l'occasion des contrôles effectués en application du code
des douanes.
Les agents du ministère de la défense et les agents des
douanes mentionnés à l'alinéa ci-dessus adressent
sans délai au procureur de la République le procès-verbal
de leurs constatations.
Article 8
Lorsque les infractions aux dispositions de l'article 2, sous réserve
des dispositions de l'article 3, sont commises hors du territoire de la
République par un Français, la loi pénale française
est applicable, par dérogation aux dispositions du deuxième
alinéa de l'article 113-6 du code pénal, et les dispositions
de la deuxième phrase de l'article 113-8 du même code ne sont
pas applicables.
Article 9
Il est créé une Commission nationale pour l'élimination
des mines antipersonnel. Cette commission est composée de
représentants
du Gouvernement, de deux députés et de deux sénateurs,
de représentants d'associations à vocation humanitaire, de
représentants des organisations syndicales patronales, de
représentants
des organisations syndicales des salariés et de personnalités
qualifiées.
La répartition des membres de cette commission, les modalités
de leur désignation, son organisation et son fonctionnement sont
précisés par décret en Conseil d'Etat.
Article 10
La Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel
assure le suivi de l'application de la présente loi et de l'action
internationale de la France en matière d'assistance aux victimes
de mines antipersonnel et d'aide au déminage.
Elle publie chaque année un rapport sur l'application de la
présente loi ; ce rapport est adressé par le Gouvernement
au Parlement.
Article 11
Sont soumis à déclaration, dans les conditions prévues
à l'article 7 de la convention d'Ottawa :
1o Par leur détenteur :
a) Le total des stocks de mines antipersonnel, incluant une ventilation
par type, quantité et, si cela est possible, par numéro de
lot pour chaque type de mines antipersonnel stockées ;
b) Les types et quantités et, si possible, les numéros
de lots de toutes les mines antipersonnel conservées ou
transférées
pour la mise au point de techniques de détection des mines antipersonnel,
de déminage ou de destruction des mines antipersonnel, et pour la
formation à ces techniques ;
c) Les types et quantités et, si possible, les numéros
de lots de toutes les mines antipersonnel transférées dans
un but de destruction ;
d) L'état des programmes de destruction des stocks de mines
antipersonnel, y compris des précisions sur les méthodes
utilisées pour la destruction et les normes observées en
matière de sécurité et de protection de l'environnement
;
e) Les types et quantités de toutes les mines antipersonnel
détruites après l'entrée en vigueur de la convention,
y compris une ventilation de la quantité de chaque type de mines
antipersonnel détruites de même que, si possible, les
numéros
de lots de chaque type de mines antipersonnel.
2o Par leur exploitant :
a) Les installations autorisées à conserver ou à
transférer des mines antipersonnel à des fins de destruction
ou pour la mise au point de techniques de détection des mines
antipersonnel,
de déminage ou de destruction des mines antipersonnel, et pour la
formation à ces techniques ;
b) L'état des programmes de reconversion ou de mise hors service
des installations de production des mines antipersonnel.
Article 12
Les missions d'établissement des faits prévues à
l'article 8 de la convention d'Ottawa portent sur toutes les zones ou toutes
les installations situées sur le territoire français où
il pourrait être possible de recueillir des faits pertinents relatifs
au cas de non-respect présumé qui motive la mission.
Dans les conditions prévues aux huitième à
dixième
alinéas (8, 9 et 10) de l'article 8 de la convention d'Ottawa, les
missions d'établissement des faits sont effectuées par des
inspecteurs désignés par le secrétaire
général
des Nations unies qui n'ont pas été récusés
par l'autorité administrative d'un Etat. Pour l'exécution
de leur mission, les inspecteurs disposent des pouvoirs et jouissent des
privilèges et immunités prévus par la convention d'Ottawa.
A l'occasion de chaque mission d'établissement des faits,
l'autorité
administrative de l'Etat désigne une équipe d'accompagnement
dont chaque membre a la qualité d'accompagnateur.
Les accompagnateurs accueillent les inspecteurs à leur point
d'entrée sur le territoire, assistent aux opérations
effectuées
par ceux-ci et les accompagnent jusqu'à leur sortie du territoire.
Le chef de l'équipe d'accompagnement veille à la bonne
exécution de la mission. Dans le cadre de ses attributions, il
représente
l'Etat auprès du chef de l'équipe d'inspection et des personnes
soumises à l'inspection. Il peut déléguer certaines
de ses attributions aux autres accompagnateurs.
Le chef de l'équipe d'accompagnement se fait communiquer le
mandat d'inspection. Il vérifie au point d'entrée sur le
territoire de la mission d'établissement des faits que les
équipements
détenus par les inspecteurs sont exclusivement destinés à
être utilisés pour la collecte de renseignements sur le cas
de non-respect présumé. Il s'assure que ces équipements
sont conformes à la liste communiquée par la mission avant
son arrivée.
Article 13
Lorsque le lieu soumis à inspection dépend d'une personne
publique autre que l'Etat, l'autorisation d'accès est donnée
par une autorité administrative de l'Etat.
Si la mission d'établissement des faits porte sur un lieu dont
l'accès, pour tout ou partie de la zone spécifiée,
dépend d'une personne privée, le chef de l'équipe
d'accompagnement avise de cette demande la personne ayant qualité
pour autoriser l'accès à ce lieu. Cet avis est donné
par tous les moyens et dans les délais compatibles avec ceux de
l'exécution de la mission d'établissement des faits. L'avis
indique l'objet et les conditions de l'inspection. La personne qui a
qualité
pour autoriser l'accès assiste aux opérations d'inspection
ou s'y fait représenter.
Si la personne qui a qualité pour autoriser l'accès ne
peut être atteinte par l'avis mentionné à l'alinéa
précédent ou si elle refuse l'accès, l'inspection
ne peut commencer qu'avec l'autorisation du président du tribunal
de grande instance ou du juge délégué par lui. Le
président du tribunal de grande instance est saisi par l'autorité
administrative de l'Etat.
Le président du tribunal de grande instance ou le juge
délégué
par lui s'assure que la demande d'inspection est conforme aux stipulations
de la convention d'Ottawa. Il s'assure également de l'existence
du mandat d'inspection. Il vérifie l'habilitation des membres de
l'équipe d'inspection et des accompagnateurs et de toute autre personne
pour laquelle l'accès est demandé. Le président ou
le juge délégué par lui statue immédiatement
par ordonnance. L'ordonnance comporte le mandat d'inspection, la liste
nominative des membres de l'équipe d'inspection, des accompagnateurs
et de toute autre personne autorisée, la localisation des lieux
soumis à la visite.
La visite s'effectue sous le contrôle du juge qui l'a autorisée
et qui désigne, à cet effet, un officier de police judiciaire
territorialement compétent chargé d'assister aux
opérations.
L'ordonnance est notifiée par l'autorité administrative de
l'Etat, sur place au moment de la visite, aux personnes concernées
qui en reçoivent copie intégrale contre
récépissé.
En leur absence, la notification est faite après la visite par lettre
recommandée avec avis de réception.
Article 14
Lorsque la mission d'établissement des faits demande l'accès
à des zones, locaux, documents, données ou informations ayant
un caractère confidentiel ou privé, le chef de l'équipe
d'accompagnement, le cas échéant à la demande de la
personne concernée, informe par écrit le chef de la mission
d'établissement des faits du caractère confidentiel ou
privé
susmentionné.
Le chef de l'équipe d'accompagnement peut prendre toutes dispositions
qu'il estime nécessaires à la protection de la
confidentialité
et du secret relatif aux zones, locaux, documents, données ou
informations
concernés ainsi que des droits de la personne.
Le chef de l'équipe d'accompagnement s'assure qu'aucun document,
donnée ou autre type d'information sans rapport avec la mission
d'établissement des faits n'est détenu par les inspecteurs.
A l'issue de la mission de vérification des faits, il vérifie
que les documents et informations qu'il désigne comme confidentiels
bénéficient d'une protection appropriée.
Le chef de l'équipe d'accompagnement est tenu, lorsqu'il fait
usage des pouvoirs visés aux deux alinéas
précédents,
de faire tout ce qui est raisonnablement possible pour proposer des mesures
de substitution visant à démontrer le respect de la convention
et à satisfaire aux demandes que l'équipe d'inspection formule
en application du mandat de la mission d'établissement des faits.
Article 15
La présente loi est applicable à compter de la plus prochaine
des deux dates suivantes : celle de l'entrée en vigueur pour la
France de la convention, signée à Ottawa le 3 décembre
1997, sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et
du transfert des mines anti-personnel et sur leur destruction ou celle
du 1er juillet 1999.
Article 16
La présente loi est applicable aux territoires d'outre-mer et
à la collectivité territoriale de Mayotte.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 8 juillet 1998.
Assemblée nationale :
Proposition de loi no 561 ;
Rapport de M. Robert Gaïa, au nom de la commission de la défense, no 853 ;
Discussion et adoption le 24 avril 1998.
Sénat :
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, no 410 (1997-1998) ;
Rapport de M. Daniel Goulet, au nom de la commission des affaires étrangères, no 451 (1997-1998) ;
Discussion et adoption le 4 juin 1998.
Assemblée nationale :
Proposition de loi, modifiée par le Sénat, no 962 ;
Rapport de M. Robert Gaïa, au nom de la commission de la défense, no 994 ;
Discussion et adoption le 25 juin 1998.