LES RESOLUTIONS PARLEMENTAIRES
Table des matières
NOTE DE SYNTHÈSE
Les
actes du Parlement français se subdivisent en actes législatifs
et en actes non législatifs.
Les premiers, après délibération à
l'Assemblée nationale et au Sénat, sont promulgués par le
président de la République. Ils ont, pour la plupart, un
caractère normatif. Cependant, la Constitution prévoit
également que le Parlement utilise la forme législative pour
donner des autorisations (autorisation donnée à l'exécutif
d'accomplir des actes ne relevant pas de sa compétence, autorisation de
ratification de certains traités...). En outre, les lois d'orientation,
qui énoncent des intentions, ne contiennent pas non plus de dispositions
normatives.
Les actes non législatifs, qu'ils soient pris par une seule
assemblée ou par les deux conjointement, ne sont jamais
promulgués. Ils comprennent les résolutions et les motions.
Auparavant largement confondues, ces deux catégories d'actes non
législatifs peuvent, depuis le début de la V
e
République, être distinguées.
Les propositions de résolution font l'objet d'une procédure
semblable à celle qui est appliquée aux propositions de loi,
alors que les motions ne sont pas soumises à l'examen préalable
en commission, mais sont directement présentées à
l'assemblée.
De plus, le domaine des motions et celui des résolutions sont distincts.
La plupart des motions ont trait à la procédure
législative (motions de renvoi en commission, motions tendant à
opposer la question préalable). Les autres se rapportent à la
fonction de contrôle (motions d'approbation d'une déclaration de
politique générale, motions de censure...) ou permettent
d'adresser des propositions au président de la République
(motions tendant à soumettre un projet de loi au
référendum).
Quant aux résolutions, leur domaine est également bien
circonscrit. En effet, saisi par les présidents de l'Assemblée
nationale et du Sénat,
le Conseil Constitutionnel a, dans ses deux
décisions 59-2 et 59-3 du 17 juin 1959, strictement limité
le domaine des résolutions parlementaires
, auparavant
indéterminé. Aux termes de ces décisions, le
règlement des assemblées ne peut "
assigner aux
propositions de résolution un objet différent de celui qui leur
est propre, à savoir la formulation de mesures et décisions
relevant de la compétence exclusive de
[l'assemblée]
,
c'est-à-dire les mesures et décisions d'ordre intérieur
ayant trait au fonctionnement et à la discipline de
[ladite]
assemblée, auxquelles il conviendrait éventuellement d'ajouter
les seuls cas expressément prévus par des textes constitutionnels
et organiques tels que les articles 18 et suivants de l'ordonnance
n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute
Cour de Justice
".
Par conséquent, seules les propositions de résolutions suivantes
sont actuellement recevables dans notre pays :
- les propositions de résolution tendant à modifier le
règlement des assemblées ;
- les propositions de résolution tendant à la création
d'une commission d'enquête ;
- les propositions de résolution tendant à la suspension des
poursuites ou à la suspension de la détention d'un membre d'une
assemblée ;
- les propositions de résolution portant mise en accusation du
président de la République devant la Haute Cour de justice ;
- les propositions de résolution sur des textes de l'Union
européenne soumis au Parlement en application de l'article 88-4 de la
Constitution.
Le caractère très circonscrit du domaine des
résolutions parlementaires explique le dépôt de
propositions de loi dont l'objet n'est pas l'adoption de textes normatifs
,
comme les nombreuses propositions de loi relatives à la reconnaissance
du génocide arménien de 1915 ou les quelques propositions de loi
tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage comme crimes
contre l'humanité.
La présente étude analyse le domaine des résolutions
parlementaires dans plusieurs pays européens,
l'Allemagne, la
Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et le Royaume-Uni.
De cet examen, il ressort que,
dans aucun des pays étudiés, le
domaine des résolutions parlementaires n'est limité
.
Ainsi, au cours des derniers mois, des propositions de résolution sur
les droits de l'homme en Chine, l'autonomie du Kurdistan, la
déforestation en Amazonie et la situation en Sierra Leone ont
été présentées et/ou discutées
respectivement au Bundestag, au Congrès espagnol des
députés, à la Chambre italienne des députés
et à la Chambre des communes.
ALLEMAGNE
1. Les fondements juridiques
La
Loi fondamentale
ne comporte aucune disposition sur les
résolutions, mais elle prévoit que le Bundestag et le Bundesrat
établissent chacun leur règlement intérieur.
Le
règlement du Bundestag
dispose que les membres de
l'assemblée peuvent présenter des propositions de loi et des
motions. Il précise que les premières doivent être
accompagnées d'un bref exposé des motifs, qui n'est que
facultatif pour les secondes.
2. La pratique
Si la
plupart des motions tendent à presser le gouvernement de
présenter un projet de loi ou de prendre des mesures dans certains
domaines, certaines permettent au Bundestag de manifester son opinion sur des
sujets qui ne relèvent pas de sa compétence législative.
Ces motions sont qualifiées de "
motion autonome à
caractère non législatif
".
Au cours de l'année 2000, le Bundestag a par exemple débattu
d'une motion sur l'exécution capitale du journaliste noir
américain Mumia Abu Jamal et d'une autre sur les droits de l'homme au
Tibet.
BELGIQUE
1. Les fondements juridiques
L'article 53 de la Constitution définit le mode
d'adoption des résolutions sans préciser leur domaine
d'application :
"
Toute résolution est prise à
la majorité absolue des suffrages (...). En cas de partage des voix, la
proposition mise en délibération est rejetée. Aucune des
deux chambres ne peut prendre de résolution qu'autant que la
majorité de ses membres se trouve réunie.
"
Le règlement de la Chambre des représentants
ne contient
pas de dispositions sur les résolutions. Toutefois, les travaux
préparatoires relatifs au chapitre V, qui traite de la
procédure en matière de propositions, indiquent que "
le
terme de proposition ne couvre pas exclusivement les propositions de loi, mais
également toutes autres propositions telles les propositions de
résolution
", sans plus de précision.
En revanche,
le règlement du Sénat
, dans son chapitre
relatif à la procédure en matière de projets et de
propositions, comporte un article 62, intitulé propositions de
résolution, qui prévoit que "
(...) tout sénateur
a le droit de déposer des propositions de résolution. La
procédure prévue pour les projets et propositions s'applique
mutatis mutandis (...)
. "
Le domaine des propositions de résolution n'est donc pas
limité
. Les propositions de résolution sont discutées
dans la chambre où elles ont été déposées
selon la procédure suivie pour les propositions de loi.
2. La pratique
A la
chambre des Représentants, depuis le début de la
cinquantième législature, le 12 octobre 1999,
38 propositions de résolution ont été
déposées sur des sujets divers. Les résolutions
adoptées portaient sur les sujets suivants :
- la marche mondiale des femmes de l'an 2000 ;
- la ratification par la Belgique du statut de la Cour pénale
internationale ;
- le désarmement nucléaire et attitude à adopter par la
Belgique au sein de la Conférence d'évaluation du traité
sur la non-prolifération des armes nucléaires ;
- les développements politiques préoccupants en Autriche.
Au Sénat, 12 propositions de résolution ont été
déposées au cours de la session 1999-2000. Les huit
résolutions qui ont été adoptées portaient
sur :
- la condamnation de l'accession de l'extrême droite au gouvernement
fédéral autrichien ;
- le commerce international des armes ;
- les enfants-soldats ;
- la Conférence intergouvernementale sur la réforme des
institutions de l'Union européenne ;
- la position de la Belgique dans les relations entre l'Union européenne
et l'Etat d'Israël ;
- la promotion, à l'échelle mondiale, de conditions de travail
respectueuses des droits de l'homme ;
- la Birmanie ;
- la Tchétchénie.
DANEMARK
1. Les fondements juridiques
L'article 41 de la Constitution
autorise les
députés à présenter des "
propositions de
loi ou de résolution
"
(1(
*
)),
opposant ainsi les premières, qui ont pour objet l'adoption d'un
texte normatif, aux secondes.
Le règlement du Folketing
précise, à
l'article 17, que les propositions autres que législatives prennent
la forme de propositions de résolution et qu'elles sont examinées
selon la même procédure que les propositions de loi, mais que leur
examen se limite à deux lectures (au lieu de trois).
2. La pratique
Chaque
année, environ 150 propositions de résolution sont
déposées par des parlementaires, principalement de l'opposition.
Seules quelques-unes sont adoptées.
La plupart de ces propositions de résolution tendent à presser le
gouvernement de prendre des mesures dans les domaines les plus variés
(élargissement du groupe des ayants droit en matière de
succession, classement d'une certaine substance comme stupéfiant,
introduction de l'enseignement de l'informatique à l'école
primaire, levée des sanctions contre l'Autriche, déplacement
d'une sculpture à Copenhague...).
ESPAGNE
1. Les fondements juridiques
La
Constitution ne comporte aucune disposition sur les résolutions, mais
elle précise à l'article 72 que
" les chambres
établissent leur propre règlement ".
Le règlement du Congrès des députés consacre son
titre X aux propositions autres que législatives
et indique
à l'article 193 que
" les groupes politiques pourront
présenter des propositions non législatives, grâce
auxquelles ils formuleront des propositions de résolution à
l'assemblée ".
Le règlement ne comporte aucune disposition sur la teneur des
propositions de résolution, mais il précise que le bureau du
Congrès des députés décide de leur
recevabilité, en fonction de
" la volonté
manifestée par le groupe qui en est l'auteur et de l'importance du
thème qui constitue l'objet de la proposition ".
Le règlement du Sénat consacre son titre septième aux
motions
et précise leur objet à l'article 174 :
- que le gouvernement formule une déclaration sur un thème
donné ou remette aux Chambres un projet de loi sur une matière
relevant de leur compétence ;
- qu'une certaine suite soit donnée aux questions incidentes
consécutives à un débat ;
- qu'il soit mis fin à un débat et que, le cas
échéant, la question objet du débat soit mise aux
voix ;
- que l'assemblée se prononce sur un texte à caractère
autre que législatif. La motion correspondante doit alors être
accompagnée d'une évaluation de son coût.
2. La pratique
Au
Congrès des députés
, les propositions non
législatives déposées concernent des demandes
adressées au gouvernement et portent sur les sujets les plus divers,
parmi lesquels :
- la participation des communautés autonomes aux travaux du conseil des
ministres de l'Union européenne ;
- l'engagement du gouvernement turc à respecter le droit international
et les droits de l'homme, notamment à l'occasion du procès du
leader turc Abdullah Ocalan, et la reconnaissance de l'autonomie de la
région kurde ;
- la publication gratuite et complète sur Internet du Bulletin officiel
de l'Etat ;
- l'établissement d'un tarif d'accès à Internet ;
- le versement d'une pension de réversion au concubin, y compris pour
les couples homosexuels ;
- la reconnaissance de droits sociaux aux personnes exerçant la
prostitution.
Au
Sénat
, la plupart des motions adoptées ont pour objet
de presser le gouvernement de prendre une mesure. Cependant, le 22 mai
2000, le groupe politique catalan a présenté une motion par
laquelle il demandait au Sénat d'appuyer la candidature du poète
Miguel Martí i Pol au prix Nobel de littérature.
ITALIE
1. Les fondements juridiques
La
Constitution ne comporte aucune disposition sur les résolutions, mais
elle précise, à l'article 64, que "
chaque chambre
adopte son propre règlement
".
Le règlement de la Chambre des députés consacre son
chapitre XXVI aux motions et résolutions
et indique :
- à l'article 110, qu'un président de groupe ou dix
députés peuvent présenter une motion "
afin de
provoquer une délibération de l'assemblée sur un sujet
déterminé
" ;
- à l'article 117, que "
chaque commission peut voter, sur
proposition d'un de ses membres, sur des sujets relevant de sa
compétence et pour lesquels elle ne doit pas en référer
à l'Assemblée plénière, des résolutions
tendant à manifester des orientations ou à définir des
principes directeurs sur des sujets spécifiques
".
L'article 118 précise que chaque député peut,
à l'occasion d'un débat en Assemblée
plénière, sur communication du gouvernement ou sur des motions,
présenter une proposition de résolution sur laquelle un vote a
lieu à la fin de la discussion.
Le règlement du Sénat consacre son chapitre XIX aux questions,
interpellations et motions
. L'article 157 indique qu'une motion
"
vise à provoquer une délibération du
Sénat
", mais sans en préciser l'objet.
2. La pratique
A la
Chambre des députés
, il a été
déposé, entre le 1
er
janvier et le
25 septembre 2000 : 50 motions, 140 résolutions en
commission et 16 résolutions en assemblée
plénière.
Ces textes portaient sur des sujets divers, notamment :
- la suppression de l'embargo en Irak ;
- le résultat des élections en Autriche ;
- les relations économiques avec la Chine et Taiwan ;
- la déforestation en Amazonie et ses conséquences sur les
variations climatiques.
Au
Sénat
, il a été déposé, entre le
1
er
janvier et le 25 septembre 2000 :
96 motions, 2 résolutions en assemblée
plénière et 6 résolutions en commission.
Ces textes portaient sur des sujets divers, notamment :
- la coopération policière internationale contre la
criminalité ;
- la lutte contre la criminalité organisée ;
- la suppression de la peine de mort dans le monde.
PORTUGAL
1. Les fondements juridiques
L'article 159 de la Constitution
autorise les
députés à présenter des propositions de
"
loi ou de résolution
"
(2(
*
))
, opposant ainsi implicitement les premières, qui
ont pour objet l'adoption d'un texte normatif, aux secondes.
L'article 5 du règlement de l'Assemblée de la
République
reprend la même formulation, sans préciser
ni la teneur des résolutions, ni la procédure à respecter
pour leur examen.
Le domaine des propositions de résolution n'est donc pas
limité.
2. La pratique
Depuis le début de la huitième législature
(3(
*
))
plusieurs dizaines de propositions de
résolution ont été déposées sur les sujets
les plus divers, parmi lesquels :
- l'élimination complète des armes nucléaires ;
- la coopération internationale pour la lutte contre la
toxicomanie ;
- la promotion des transports collectifs ;
- la défense du citoyen face à l'augmentation des prix des
carburants ;
- la suppression définitive des milices indonésiennes au Timor
oriental.
ROYAUME-UNI
1. Les fondements juridiques
Le
règlement de la
Chambre des communes
ne contient aucune
disposition explicite sur les motions. Les unes portent sur des points de
procédure et les autres sur des questions de fond.
Dans cette seconde catégorie, on distingue les
substantive motions
(motions autonomes) et les
Early Day Motions
.
Les
substantive motions
Elles permettant à la Chambre des communes d'exprimer une opinion sur un
sujet, législatif ou non.
Celles qui émanent du gouvernement (ou de la majorité
parlementaire) peuvent être déposées et discutées
tout au long de l'année. En revanche, pour être discutées,
celles de l'opposition, doivent en principe être inscrites à
l'ordre du jour de l'une des vingt séances annuelles
réservées à l'opposition. Les quelques jours de
débat
(4(
*
))
consacrés au discours du
Trône et à la présentation du budget fournissent
également l'occasion de discuter de telles motions proposées par
l'opposition.
Les
Early Day Motions
Il s'agit des motions dont la discussion est renvoyée à un jour
prochain. Elles sont généralement déposées par les
députés " de base ", qui n'ont que peu de chances de
voir leurs autres motions discutées. Presque jamais débattues,
elles permettent cependant d'attirer l'attention sur un sujet et de mesurer le
soutien obtenu au nombre de signatures recueillies.
Le règlement de la
Chambre des lords
ne contient que des
dispositions générales sur les propositions. Cependant, le manuel
explicatif qui accompagne le règlement mentionne les résolutions
et dispose qu'un membre de l'assemblée peut déposer une
proposition de résolution ou une proposition " d'approbation "
sur un sujet de son choix lorsqu'il souhaite que l'assemblée prenne une
position : une telle résolution "
peut, dès lors
qu'elle reste mesurée, faire état d'une opinion ou
développer un point de vue
".
2. La pratique
A la
Chambre des communes, au cours des jours de la session 1998-1999
consacrés à l'opposition, 42 résolutions ont
été adoptées. Elles traitaient de sujets aussi
variés que la situation en Sierra Leone, le bétail, l'industrie
laitière, les délais de délivrance des passeports, la
politique du gouvernement en faveur des veuves, le Service national de
santé, le commerce mondial, les fraudes relatives au budget de l'Union
européenne...
Lors de cette même session, 1 009
Early Day Motions
ont
été déposées : 51 visaient à
l'annulation de dispositions réglementaires et les autres portaient sur
les sujets les plus divers. La protection de la faune, le chauffage et
l'isolation thermique des habitations, la réduction de la circulation
routière, le recyclage du papier imprimé et le rejet par le
Sénat américain du traité interdisant les essais
nucléaires font partie des sujets qui ont recueilli le plus grand nombre
de signatures.
Au cours de la session 1999-2000, la Chambre des lords a adopté
plusieurs résolutions, dont l'une contenait un message de
félicitations adressé à la Reine Mère, à
l'occasion de son centième anniversaire.
(1)
Le gouvernement peut également présenter des projets de
résolution. Ils portent surtout sur la ratification d'accords
internationaux.
(2) Le gouvernement peut également présenter des projets de
résolution. La plupart visent à la ratification d'accords
internationaux.
(3) Les élections législatives ont eu lieu le 10 octobre
1999.
(4) En droit parlementaire anglais, un " débat " consiste en
la discussion d'une motion dépourvue de tout contenu législatif.