NOTE DE SYNTHESE

La proposition de loi adoptée en juillet 1995 par l'Assemblée nationale, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques , attribue à ce dernier une double mission :

- d'une part, une mission d' évaluation rétrospective en le chargeant " d'informer le Parlement sur l'adéquation entre les moyens juridiques, administratifs ou financiers consacrés à toute politique publique (...) " ;

- d'autre part, une mission d' évaluation prospective en lui demandant de " fournir également au Parlement des études sur les moyens juridiques, administratifs ou financiers qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs assignés " aux politiques financées grâce à des ressources publiques.

La comparaison entre cet Office et les organes qui existent dans les Parlements étrangers en vue des mêmes objectifs exige donc que soient pris en compte non seulement les dispositifs d'information et d'aide à la prise de décision permettant une évaluation prospective, mais aussi les instruments de mesure des effets de politiques déjà engagées.

A cet égard, on a exclu du champ de l'étude l'évaluation de l'efficacité de la loi. La question de savoir si la loi répond aux objectifs qu'elle s'est donnés est en effet traitée dans l'étude portant sur l'évaluation de la législation puisqu'il s'agit d'une compétence du futur Office parlementaire d'amélioration de la législation.

Pour situer l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques par rapport à quelques-uns de ses homologues étrangers, on s'est efforcé de présenter les différents instruments dont disposent les Parlements en distinguant évaluation prospective et évaluation rétrospective. Six pays ont été retenus : la Belgique, l'Italie, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et les Etats-Unis.

Cette analyse permet de conclure que, mis à part les Parlements italien, et surtout suisse, qui ont introduit des mécanismes originaux d'évaluation des politiques publiques, les autres Parlements européens utilisent leurs liens privilégiés avec la Cour des Comptes .

Le Congrès des Etats-Unis dispose quant à lui de moyens très importants difficilement comparables à ceux des assemblées européennes.

I - L'ITALIE, ET SURTOUT LA SUISSE, ONT INTRODUIT DES MÉCANISMES ORIGINAUX D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES.

1) Les informations économiques et financières fournies par le gouvernement avant l'examen des projets de loi

En Italie, une loi de 1988 oblige le gouvernement à joindre un rapport technique à ses projets de loi et à ses amendements comportant des dépenses, nouvelles ou en augmentation. Ces rapports techniques doivent permettre au Parlement de vérifier les données et les méthodes utilisées par le gouvernement pour chiffrer les dépenses. L'absence de rapport technique empêche la transmission des projets aux commissions compétentes.

Cette disposition a obligé chacune des deux assemblées à se doter d'un service du budget pour analyser les rapports techniques du gouvernement.

De la même façon, la loi suisse sur les rapports entre les Conseils prévoit que le Conseil fédéral indique à l'Assemblée fédérale quelles sont les conséquences économiques et financières des projets de loi et d'arrêté qu'il lui transmet. Toutefois, le groupe de travail interministériel AGEVAL, constitué en 1987 pour proposer les mesures nécessaires au renforcement de l'évaluation des effets de la législation, a conclu que les exigences posées par la loi étaient respectées plus sur la forme que sur le fond.

2) L'organe parlementaire de contrôle de l'administration en Suisse

Depuis 1990, il existe un Organe parlementaire de contrôle de l'administration (O.P.C.A.) qui " examine, sur mandat particulier des commissions de gestion, les tâches de l'administration, leur accomplissement et les effets découlant de l'activité des autorités et de l'administration. Ce contrôle s'exerce selon les critères de la légalité, de l'opportunité, du rendement et de l'efficacité ".

La création de cet organe fait suite à une initiative des commissions de gestion.

Opérationnel depuis 1991, l'O.P.C.A., qui est rattaché au secrétariat des commissions de gestion, publie des rapports dits scientifiques pour ces commissions qui, ensuite, élaborent des rapports politiques adressés au Conseil fédéral.

Les derniers rapports de l'O.P.C.A. aux commissions de gestion traitaient respectivement de l'amélioration de l'efficacité de l'administration fédérale, de la coordination des politiques ayant des incidences régionales, de la prévoyance professionnelle.

Dans son rapport final rendu à la fin de l'année 1991, l'AGEVAL concluait à la nécessité de coordonner l'ensemble des activités d'évaluation, non seulement au sein de l'administration, mais également entre l'administration et le Parlement. Bien que les deux Conseils composant l'Assemblée fédérale aient voté une motion demandant au gouvernement de prendre les mesures préconisées par l'AGEVAL, aucune mesure n'a été prise depuis lors.

II - LES AUTRES PARLEMENTS EUROPÉENS UTILISENT LEURS RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA COUR DES COMPTES.

La commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes entretient en effet des relations très étroites avec le National Audit Office , institution supérieure de contrôle des comptes publics.

En Belgique et en Suède, la Cour des Comptes peut même être considérée comme une émanation du Parlement.

1) La commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes

Cette commission fait partie des select committees , commissions compétentes pour contrôler l'action du gouvernement, contrairement aux standing committees , chargés de l'examen des textes avant leur passage en séance publique.

La commission de contrôle des comptes publics, dont la création remonte à 1861, a peu à peu modifié la teneur de son contrôle et s'est orientée vers des études d'évaluation. Elle publie chaque année une cinquantaine de rapports sur les sujets les plus variés, ceci malgré le personnel réduit dont elle dispose, mais grâce aux travaux du National Audit Office .

En effet, bien que le National Audit Office soit un organe indépendant qui ne reçoit aucune instruction, en pratique il travaille en symbiose totale avec la commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes. Fort d'un personnel d'un millier de personnes, il apporte sa capacité d'expertise à la commission. Celle-ci, dotée d'une autorité morale incontestée, rehausse le prestige du National Audit Office en reprenant ses critiques dans les rapports qu'elle adresse au gouvernement.

En outre, le contrôleur général qui se trouve à la tête du National Audit Office est nommé sur proposition de la Chambre des communes et la loi le considère comme appartenant au personnel de l'Assemblée.

2) La Cour des comptes belge et les réviseurs du budget suédois

En Belgique et en Suède, les liens entre l'instance de contrôle des comptes publics et le Parlement sont encore plus étroits qu'au Royaume-Uni.

Pour la Suède, il faut cependant préciser que ce contrôle est partagé entre deux organes, administratif et parlementaire, et que le premier, beaucoup plus puissant, est chargé de la vérification technique, tandis que le second se réserve l'appréciation de l'efficacité de la gestion.

Cet organe parlementaire est constitué de 14 réviseurs du budget que le Parlement suédois désigne en son sein. Ils conservent formellement leur statut de députés, mais se consacrent entièrement à leur fonction de contrôle.

La Cour des comptes belge peut elle aussi être considérée comme une émanation du Parlement : ses membres sont nommés par la Chambre des représentants qui peut également les révoquer, et l'une de ses attributions consiste à conseiller le Parlement en matière financière. Parallèlement à son activité de contrôle de la régularité des comptes, elle effectue depuis peu des études d'évaluation. Cette évolution résulte d'une motion votée à l'unanimité en juillet 1991 par la Chambre des représentants.

III - LE CONGRÈS AMÉRICAIN DISPOSE DE DEUX AGENCES TRÈS PUISSANTES.

Parmi les agences du Congrès des Etats-Unis, deux jouent un rôle particulièrement important en matière d'évaluation des politiques publiques :

- le General Accounting Office (G.A.O.), créé en 1921 et dont le rôle a peu à peu évolué du contrôle des comptes aux études d'évaluation ;

- le Congressional Budget Office (C.B.O.), créé en 1974, en même temps que les commissions du budget des deux Chambres, pour rendre plus effectif le pouvoir budgétaire du Congrès.

Le G.A.O. réalise essentiellement des évaluations rétrospectives portant sur l'adéquation des programmes administratifs aux objectifs qui leur ont été donnés, la possibilité de les réaliser à des coûts moindres...

Le C.B.O., créé pour analyser le coût des choix politiques effectués par le Congrès, procède surtout à des évaluations prospectives. Progressivement, il s'est cependant orienté vers un véritable contrôle des dépenses publiques.

La puissance de ces deux agences -le G.A.O. emploie environ 5 000 personnes et le C.B.O. plus de 200- ne permet pas une comparaison avec l'Office dont la création est envisagée en France.

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L'évaluation des politiques publiques par le Parlement constitue une préoccupation assez récente partagée par tous les pays étudiés.

Le seul Parlement qui se soit doté d'un système complet d'évaluation est le Congrès américain. Les moyens importants qu'il met en oeuvre excluent toute transposition dans notre pays.

De la même façon, la solution retenue par le Royaume-Uni, la Belgique et la Suède semble difficilement envisageable car la Cour des comptes française n'assiste pas exclusivement le Parlement.

L'Office français se rapprocherait davantage du service du budget des deux Chambres italiennes et plus encore de l'Office parlementaire de contrôle de l'administration créé en Suisse en 1990.

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